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Exégèse des Lieux Communs/065

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Mercure de France (p. 126-127).

LXV

On doit le respect aux morts.


Il est inutile de respecter les vivants, à moins qu’ils ne soient les plus forts. Dans ce cas, l’expérience conseille plutôt de lécher leurs bottes, fussent-elles merdeuses. Mais les morts doivent toujours être respectés.

À l’exception des artistes et des poètes, pour qui la mort ne saurait être une excuse, les plus atroces criminels ont droit à des égards et même à une certaine vénération, lorsqu’ils ont cessé de vivre. Pourquoi ? Serait-ce parce qu’ils sont devenus des « bienheureux » ? Réponse trop facile. Cherchons un peu dans la profondeur.

J’ai dit, en commençant cette Exégèse, que le Bourgeois profère sans cesse, et tout à fait à son insu, des paroles absolument excessives, capables d’ébranler le monde. Dieu sait pourtant que telle n’est pas son intention. Mais il en est ainsi et c’est dans l’espérance de le démontrer que j’ai entrepris ce travail.

Pourquoi donc, encore une fois, le Bourgeois affirme-t-il avec tant d’obstination qu’on doit le respect aux morts, sinon, peut-être, parce que, ne démêlant pas très bien la mort de la vie, comme j’ai dit plus haut, un pressentiment obscur l’avertit de le revendiquer, ce respect, pour lui-même et pour ses semblables qui sont, avec leurs grands airs de vivre, les vrais morts et les morts d’entre les morts ?