Aller au contenu

Fortunio/8

La bibliothèque libre.


CHAPITRE VIII


Le lendemain, on apporta une lettre à Musidora. ― Le cachet était une espèce de talisman arabe. ― Musidora ne connaissait pas l’écriture, qui était fine, singulière, avec des attitudes et des jambages compliqués comme une écriture étrangère ; elle fit sauter la cire et lut ce qui suit :


« Mon gracieux petit démon,

« Vous avez effarouché mon portefeuille avec une adresse admirable et qui fait le plus grand honneur à vos talents de société. ― Je suis fâché, mon cher ange, qu’il ne s’y soit pas trouvé quelques billets de mille francs pour vous dédommager de la peine que vous devez avoir prise pour l’ouvrir. ― Votre curiosité n’a pas dû être très satisfaite ; mais, que diable ! je ne pouvais pas prévoir que vous m’escamoteriez mon portefeuille cette nuit-là ; on ne peut pas songer à tout. ― Sans cela je l’aurais abondamment garni de billets doux, de lettres confidentielles, d’actes civils, de cartes de visite et autres renseignements. ― Je vous recommande seulement de prendre bien garde à l’aiguille d’or. ― La pointe en a été trempée dans le lait vénéneux de l’euphorbe : la moindre piqûre donne la mort sur-le-champ avec la rapidité de la foudre ; cette aiguille est une arme plus terrible que le pistolet et le poignard, elle ne manque jamais son coup.

« P.-S. Faites détacher les pierres dont la couverture est ornée ; elles ont quelque prix : ce sont des topazes qui m’ont été données autrefois par le rajah de Serendib : il y a de quoi vous faire un bracelet qui ne déparera pas trop votre charmant petit bras. ― Mon joaillier ordinaire est le fameux B*** ; vous aurez soin de ne pas payer la monture.

« Je vous baise les pieds et les mains.

« Fortunio ».