François Buloz et ses amis au temps du Second Empire/02

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Marie-Louise Pailleron
François Buloz et ses amis au temps du Second Empire
Revue des Deux Mondes7e période, tome 2 (p. 64-96).
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FRANÇOIS BULOZ ET SES AMIS
AU TEMPS DU SECOND EMPIRE

II[1]
GEORGE SAND DE 1859 A 1863


RONJOUX

En 1858, F. Buloz avait acquis de M. Delapalme une propriété située en Savoie, non loin de Chambéry : il comptait y passer ses vacances, — ses vacances I mots problématiques.

Depuis quelque temps déjà, les fréquents voyages qu’il faisait pour la santé de son fils Louis, dans son pays d’origine, lui avaient donné le goût de la campagne. La Savoie, pays admirable, le reprit tout entier. Il acheta donc cette terre de Ronjoux, qu’il aima bientôt à l’égal de sa Revue. Entre les deux numéros du mois, il s’y rendait, emportant manuscrits à lire ou épreuves à corriger ; ainsi il trouvait quelque repos, et respirait largement l’air enivrant de ces contrées.

Ronjoux domine la large vallée de Chambéry à Aix-les-Bains ; la vue de sa terrasse est incomparable. On la gagne par une montée fort raide et malaisée, mais le voyageur qui s’y risque ne regrette ni son chemin ni sa peine. F. Buloz aima passionnément sa maison savoyarde, ses prés verts arrosés de ruisseaux, et les grands châtaigniers perchés sur les montagnes avoisinantes ; comme il avait veillé naguère jalousement sur sa Revue, sa prospérité, son extension, il désira accroître sa petite terre, acquit laborieusement un bout de champ, quelques journaux[2] de vigne. Le marquis Costa de Beauregard, propriétaire à la Motte Servolex et son voisin, possédait précisément une vigne enclavée dans la propriété de Ronjoux : F. Buloz désira ardemment cette vigne… Le marquis, près de sa fin, la lui céda, et l’on vit F. Buloz, reconnaissant, suivre pieusement la dépouille du défunt aux obsèques, et louer ses vertus dans la Revue des Deux Mondes. Je possède, touchant l’histoire de la vigne, un petit dossier de lettres fort divertissant. « Tout s’arrange, » dirait un de nos modernes philosophes. Il est probable que le marquis Costa vit d’un mauvais œil l’arrivée de son nouveau voisin. Quelle influence celui-ci exercerait-il dans ce pays de Savoie, qui subissait depuis si longtemps celle du marquis ? Allait-il s’attaquer aux vieilles coutumes ? chercher à améliorer le sort des paysans ? parler de progrès ? Lorsque, près de mourir, le marquis Costa revint sur ses préventions, les rancunes anciennes s’évanouirent. Voici la lettre du fils, écrite au lendemain de la mort de son père, et exprimant les dernières volontés du noble voisin de F. Buloz :

« Je viens franchement et loyalement, monsieur, vous tendre la main. Votre cœur comprendra le sentiment qui me fait agir. Mon père semble avoir désiré la démarche que je fais aujourd’hui. À tort ou à raison, monsieur, je croyais avoir à me plaindre de vous, oublions un passé qui n’existe plus. Je suis prêt à faire ce que vous désirez, veuillez dès aujourd’hui considérer la vigne de Ronjoux comme vous appartenant. C’est une consolation pour moi au milieu de mon chagrin, de faire ce que mon pauvre père a désiré voir faire[3]. »

Après cela, dans le numéro du 1er octobre 1864, Forcade consacre une page de sa chronique à la mort de M. Costa de Beauregard, « serviteur et ami du roi Charles-Albert, unissant à un esprit de tradition conservatrice une intelligence libérale, … le plus notable représentant de Savoie dans le parlement de Turin, etc. » Dans les premiers jours d’octobre, nouvelle lettre du fils du marquis à F. Buloz, fort reconnaissante et animée des meilleures intentions :

« … L’article de la Revue, si bien pensé, si bienveillant pour la mémoire de mon pauvre père, m’a vivement touché et impressionné. Il y a peu d’hommes qui, comme lui, aient réuni les sympathies de tous les partis et de toutes les nuances d’opinion. Ses adversaires politiques étaient ses meilleurs amis, car mon pauvre père a toujours respecté les convictions sincères et loyales. Il était indulgent pour tout le monde, et sans transiger jamais avec ses principes, il ne froissait pas… Pardon, monsieur, de vous parler de tout cela ; j’y suis presque autorisé par nos rapports présents, et surtout par les rapports qu’à l’avenir nous aurons ensemble[4]. »

Lorsqu’il touchait de son bâton le sol de son jardin, le directeur de la Revue oubliait les fatigues et les tracasseries de la dernière quinzaine, les inexactitudes des rédacteurs, les déceptions, les jalousies auxquelles il était en butte, les anxiétés politiques, les faux amis, la concurrence redoutée, la fâcheuse contrefaçon elle-même ! À perte de vue devant lui s’étendaient la belle vallée majestueuse et ses montagnes violettes, découpées sur le ciel pur. Il respirait alors avec délices l’air frais des glaciers. Le parfum de ses foins montait de la grande prairie, ses foins, sa prairie ! Bientôt, coiffé d’un large paillasson, on le voyait parmi les fermiers, une fourche à la main, chargeant le regain sur les chars attelés de bœufs accouplés. Le lendemain, dès l’aurore, il se trouvait au fond des torrents examinant les terrassements qu’il avait entrepris, les coupes à faire dans le bois, puis c’étaient des discussions sans fin avec l’agronome, les tâches distribuées aux ouvriers pour l’entretien des routes, la réfection du toit, le curage d’un bassin. Comme certains bibliophiles connaissent la physionomie de chacun de leurs livres aimés, le directeur de la Revue connaissait à merveille chaque coin de sa terre, chaque arbre, chaque accident de terrain. Il se plut à embellir son Ronjoux, à l’arrondir ; il déplorait de le quitter, y installait sa famille tout l’été, et l’y laissait parfois jusqu’en décembre ; elle ne s’y plaisait pas toujours autant que lui.

Quand ma mère eut seize ans, elle préféra le mouvement de Paris à la solitude de Ronjoux : elle voyait arriver le printemps alors « et le départ pour la Savoie) avec inquiétude. Elle m’a avoué même que, dans la crainte du départ, elle pinçait subrepticement les bourgeons du petit jardin rue Saint-Benoît, dans l’espoir d’en retarder l’éclosion, car aux premières feuilles, F. Buloz envoyait « ces dames » à la campagne, et s’étonnait qu’elles ne fussent pas, comme lui, passionnément intéressées par la coupe des foins, ou la plantation des arbres résineux qu’il avait entreprise avec M. de Quatrefages[5] sur la terrasse qui entourait sa maison.

Lorsque George Sand vint plus tard visiter Ronjoux, elle écrivit à Sainte-Beuve : « Ce Buloz s’est payé un Eden. Il a des cascades, des précipices, des arbres monstrueux, des prairies splendides, des rochers, et une villa très vaste, une très belle fille, et une femme que j’ai toujours beaucoup aimée[6]. »

Une villa ? F. Buloz n’aimait pas que l’on appelât ainsi sa maison ; il trouvait, — fort justement, — que ce nom ne lui convenait pas. Le mot « château » le mettait aussi fort en colère ; il disait : « C’est une maison alpestre. » Notez qu’il l’acheta en 1858 avant la guerre d’Italie, donc avant l’annexion de la Savoie à la France, et de cette acquisition il se félicitait à tous points de vue, surtout à celui de l’éloignement : « Dans un pays comme le nôtre, disait-il, sujet aux bouleversements politiques, quand on a femme et enfants, il est bon de leur trouver un refuge en cas de crise : Ronjoux, c’est un pied hors de France… » La Savoie fut annexée l’année suivante.

Beaucoup parmi les lettres de George Sand, pendant cette période, sont adressées à F. Buloz en Savoie, ou parlent de la Savoie « cet Eden, » et George, qui a toujours la passion des herbiers, s’informe souvent de la flore du pays :

« Avez-vous de belles fleurs en Savoie ? Probablement oui. — J’ai pensé à vous l’autre jour en découvrant ici une gentiane dépaysée dans nos landes, et dont la vraie patrie est la Savoie alpine[7]. »

Cette année 1859 est celle de la guerre d’Italie. F. Buloz, on le verra, désira l’unité italienne, la liberté et la grandeur de l’Italie ; il s’y employa même, obscurément, pourtant avec une activité passionnée. Il parle peu de tout ceci à George, d’abord parce qu’il parle peu, et ensuite parce que tous deux ne sont pas toujours du même avis. Au début, l’idée d’une telle croisade enthousiasma l’écrivain ; dans une petite brochure publiée en 1859, elle s’écria : « Ceci est un grand moment dans l’histoire. Plaignons ceux qui ne le comprennent pas, et bénissons cette milice ardente qui, au péril de sa vie, va résoudre le plus grand événement du siècle. Noble Allemagne de Luther, de Leibnitz, de Gœthe et de Lessing, peux-tu en douter[8] ! » Mais quelques mois plus tard, lorsque F. Buloz se hasarde à lui parler de la paix, George rudement lui répond : « Oui, elle est propre la paix ! j’avais le cœur tout chaud et tout vivant pendant mon voyage. En apprenant de ville en ville une victoire, je reprenais foi à l’avenir. Mais… si j’écrivais maintenant ce que je pense et ce que je sens, je me ferais envoyer à Cayenne. Comment donc garder son âme dans le travail quand un pouvoir absolu et fanatique condamne au silence et à l’hébétement toutes gens et toutes choses[9] ! »

Pendant que sa mère belliqueuse rêvait de victoires et de combats, Maurice s’est livré aux douceurs des lettres. Il a écrit son livre : Masques et Bouffons en quatre mois, il l’a illustré aussi, et c’est Manceau qui a gravé les dessins. George est satisfaite de cette œuvre ; elle affirme que c’est un tour de force, et demande à son ami F. Buloz, pour Maurice, un « coup d’épaule. » Et bientôt dans la Revue, voici un article de M. Lataye sur le livre de Maurice… George est-elle satisfaite ? Oui.

« Je vous remercie, mon cher Buloz, du bel article que vous avez publié sur le livre de Maurice, et j’en remercie l’auteur à qui je vous prie de faire tenir cette lettre ; pourtant, je réclame pour Ruzzante, à qui M. Lataye ne rend pas entièrement justice. Ce n’est pas beau par endroits seulement, c’est beau ou joli presque d’un bout à l’autre. » Et elle désire écrire un article de fond sur ce poète ; elle l’écrira, elle ou Maurice ; F. Buloz désire-t-il cet article pour la Revue ? Sa lettre est tout amicale ; pourtant elle sait y glisser aussi une pointe. Elle travaille actuellement pour la Presse, et se prépare à subir le supplice du feuilletonnage ; et voici la pointe : « Pourquoi n’avez-vous pas plus souvent besoin de ma prose, ou pourquoi n’ai-je pas su me faire de rentes[10] ? »

À cela, F. Buloz répond le 4 novembre :

« Mais, mon cher George, il y aura donc toujours des malentendus entre nous ?

« Vous me dites : « Pourquoi n’avez-vous pas plus souvent besoin de ma prose ? » J’ai dit et redit à M. Aucante, et je vous l’ai écrit il y a quelque temps aussi, que je pourrais prendre plus de prose de vous que vous n’en feriez. M. Aucante le sait si bien… qu’en m’annonçant, à mon grand regret, qu’il donnait votre nouveau roman à la Presse[11], il m’a assuré que ce serait le dernier, etc. Qui ne sait d’ailleurs, qu’un roman d’analyse et de bon style, morcelé à l’infini et distribué en six ou sept pages dans un feuilleton, ne produit plus le même effet que lorsqu’on en donne quarante pages, ou une partie à peu près complète dans la Revue ?… »

Ce morcellement, qu’il estimait nuisible aux œuvres de George, n’était pas le seul reproche que le directeur faisait à la publication des périodiques : il trouvait aussi que les épreuves étaient insuffisamment corrigées dans un journal, et déjà en janvier, la même année, à propos de Narcisse[12] il écrivait à l’auteur : « Il n’y a qu’ici, si vous me permettez cette petite gloriole, qu’on sache lire des épreuves, et ce n’est pas moi qui vous laisserais des : rentrer des sentiments ou des soupirs ; malgré qu’elle soit modeste, etc., bien que cette dernière expression fût encore employée au XVIIe siècle. Si ces expressions vous échappent dans la chaleur de la composition, on vous doit au moins de les corriger aux épreuves. Rappelez-vous les remarques si judicieuses de ce pauvre Planche, et jamais l’a-t-on égalé dans la science de la langue comme goût ? Pour moi, je n’oublie pas ses bonnes traditions, et je crois bien faire de les appliquer, sans cependant pousser le rigorisme aussi loin que lui. D’abord, je ne le pourrais pas, car je n’ai ni toutes ses susceptibilités sous ce rapport, ni tout son savoir[13]… » Mais George connaissait à merveille ces objections, et si elle ne s’y arrêtait pas, et publiait encore, malgré son retour à la Revue, quelques œuvres au Siècle ou à la Presse, c’était pour en tirer de plus gros profits.

« Vous ferez ce qui vous conviendra le mieux, poursuit F. Buloz dans la première lettre citée plus haut, — celle du 4 novembre. — Je suis arrivé à un âge et à une situation, qui éloignent toute idée de bénéfice personnel pour moi. La seule chose que je désire, c’est qu’il n’y ait jamais de désaccord entre nous. Vous êtes rentrée à la Revue, j’en suis très heureux, et si vous saviez que dans nos conversations d’il y a quelques années sur vous, — nos récriminations, si vous voulez, — et les hommes sur lesquels est tombée d’aplomb votre belle préface de Jean, il y avait tant d’amicales réminiscences qu’on finissait toujours par me dire : « Buloz, Buloz, vous l’aimez toujours, malgré tout, vous vous embrasserez un jour, et vous l’aimerez plus que jamais.

« Cela est arrivé, et vous savez si le sentiment est réel… Pour l’article sur Ruzzante, tant que vous voudrez, mais ce poète comique, me disait Lataye, n’est pas si inconnu que vous croyez en France[14]. »

Devant cette profession de foi d’amitié fidèle, George ne désarme guère, et qu’a-t-elle imaginé ? Elle a cru comprendre que F. Buloz ne désirait d’elle qu’un roman par an ! — et puis il y a autre chose. Mme F. Buloz lui a semblé animée de sentiments hostiles à son endroit. Le petit ange de paix ? En vérité ? La dernière fois que George est allée voir Mme F. Buloz, celle-ci lui aurait dit : « Vous avez donc remis la griffe sur lui ? » et George : « Comme elle a toujours été très bonne et très aimable avec moi personnellement, je me suis demandé si elle ne regardait pas mon retour à la Revue comme une chose fâcheuse et onéreuse, et, pour rien au monde, je ne voudrais mériter le reproche d’encombrer le recueil, et de dégarnir la caisse… ». George, en écrivant ainsi, est-elle sincère ? Ne se souvient-elle pas des démarches de Mme F. Buloz pour la réconcilier avec la Revue ? Son amie ne lui a-t-elle pas maintes fois servi d’intermédiaire ? George est-elle si oublieuse ? Car, perfide, certes, elle ne l’est pas…


À GARGILESSE « LE MARQUIS DE VILLEMER »

L’année suivante, au printemps, la voici installée à Gargilesse, charmant petit hameau de la Creuse, dont elle s’est entichée.

C’est un joli coin que ce Gargilesse. L’enthousiasme de George me donna naguère l’envie de l’aller visiter. En venant de Nohant, la route qui mène à cette retraite est mouvementée, plonge et grimpe à travers collines et vallons ; on perd rarement de vue la rivière qui bouillonne sur de gros rochers moussus, Gargilesse est bâti au fond d’un entonnoir, les chemins qui y descendent sont rapides ; elle possède un château dont une des façades domine curieusement l’abime, tandis que l’autre prend jour sur une petite place au centre du pays. La maison de George Sand, à Gargilesse, est une pauvre maison de paysan. Rien ne la distingue de ses voisines. Elle n’a qu’un étage ; quelques marches la surélèvent ; un grand toit rabattu la coiffe. Sur l’escalier humide, l’herbe et le lichen ont poussé. La place du rez-de-chaussée où George corrigea le Marquis de Villemer, est une mauvaise chambre basse et sombre ; de confort, certes, il n’y en a point, mais George aima cette retraite, le bruit de l’eau tumultueuse qui chante aux pieds des murailles du village ; elle aima aussi les longues marches à l’aube, dans les vallons frais où serpente la rivière. Maurice collectionnait les insectes, elle étudiait les pierres du pays. Ne prend-elle pas goût alors à la géologie ? Ce goût devient une passion quand elle écrit Villemer. On a remarqué que la vue de ces pierres lui suggérait des rêveries sans fin. Son imagination féconde lui faisait apercevoir, à l’aspect d’un galet roulé par les flots, l’époque où les hommes habillés de la peau des bêtes parcouraient les forêts de la Gaule, portant des haches de silex et maniant de pesantes massues[15].

Donc, en mai, George Sand, après avoir achevé le Marquis de Villemer, va se reposer à Gargilesse. De retour à Nohant, elle écrit a F. Buloz : « J’arrive ce soir de ce beau pays de Gargilesse, un vrai paradis où l’on oublie toutes choses, même les romans ! Mais rassurez-vous, je n’ai été me livrer à la paresse qu’après avoir bien travaillé. J’ai fini un gros volume, c’est-à-dire un roman entier de 400 000 lettres, je crois, car je n’apprendrai jamais à calculer juste la mesure qu’il faudrait pour la librairie. Il me faut maintenant oublier les rochers et les flots de la Creuse, et passer une quinzaine à relire et à épurer ce griffonnage ; on me dit que ce sera joli. Moi, j’ai tant fait de romans, que je ne m’y connais plus. Nous avons cherché là-bas beaucoup d’insectes, desideratum Maurice, beaucoup de cailloux, desideratum G. Sand ; à présent voici un roman, desideratum Buloz. » Mais George demande à son directeur de lui laisser publier dans les Débats, pendant que paraîtra ce roman dans la Revue une nouvelle. Ce n’est pas pour son plaisir ! Elle sait aussi bien que lui que le feuilleton n’est pas son meilleur cadre « mais pour des considérations particulières, que vous comprendriez si ce n’était trop long à dire dans l’état de sommeil où je suis. J’ai tant marché depuis huit jours que je dors debout. N’importe, vous me déchiffrerez[16]. »

L’annonce d’un roman de George a, comme d’habitude, enchanté F. Buloz : « Vous êtes une vraie fée, mon cher George, lui écrit-il, le 10 mai, et comment ne pas faire tout ce qui vous plaît ? »

Bien entendu, il cède pour les Débats, et puis : « Je ne connais pas votre pays de Gargilesse qui vous a si bien inspirée et ravie, mais vous devriez venir nous demander l’hospitalité en Savoie, dans le mois d’août ou de septembre, nous vous traiterons le mieux possible. Nous ferons des courses autant que vous le voudrez, vous verrez le pays à votre aise, et peut-être vous fournirait-il un sujet ; on n’a jamais rien fait sur ces pauvres montagnes, et pourtant les mœurs et le paysage peuvent donner lieu à de curieuses observations. Pour moi, je travaille nuit et jour afin de partir le 15 mai pour aller pendant six ou huit jours préparer la maison, et y mettre les ouvriers[17]. » Mais George ne peut aller en Savoie cette année. Nohant est plein de monde, d’enfants, on y joue la comédie. Comment quitter tant d’amis ? Cela n’est d’ailleurs que partie remise, et F. Buloz lui promet, de sa chambre, quand elle viendra, « la plus belle vue qu’on puisse avoir par là : vous plongerez sur le lac du Bourget[18]. »

Quelques jours après, revenant de Ronjoux, il est tout enchanté de son voyage et dit avec admiration. « On va là maintenant en quinze heures I et le pays est bien beau ; mais on est médiocrement satisfait de l’annexion au régime impérial, je ne dis pas à la France, notez bien. Depuis quinze jours, il y pleut par malheur et les paysans disent que c’est M. Laity et l’Empereur qui leur valent ce vilain cadeau, dont ils n’avaient que faire, tandis que leur roi Victor-Emmanuel ne leur amenait que le beau temps[19]. »

Dans le roman de Villemer, George Sand se livre à son goût récent pour la géologie. F. Buloz lui écrit, le 27 juillet : « Je n’ai rien coupé de cette géologie ni ailleurs, parce que cela me paraissait très bien marcher, mais je vous ai refait quelques phrases qui m’ont paru défectueuses. Ainsi, permettez-moi de vous le dire, un écrivain de votre ordre ne doit pas écrire : « sa vue (de l’enfant) éveille bien des blessures. » J’ai aussi corrigé des « bêtises superbes, » laquelle expression n’a pas le sens que vous croyez pouvoir lui donner. Rappelez-vous levers de Voltaire dans Œdipe : « J’étais jeune et superbe, etc. » J’ai encore modifié : « J’ai été impressionnée de ce couplet. » Ce mot « impressionner » ne vaut rien ; il faisait jeter les hauts cris à ce pauvre Planche, et on pourrait lui appliquer le joli dialogue de la Marquise qui vient après, sur la signification du mot caractère. J’espère que vous ne me blâmerez pas de vous signaler ces petites inadvertances : vous êtes maintenant dans une voie si haute et si sereine, que je tiens à m’associer quelque peu à vos efforts, en revoyant le plus sérieusement possible vos épreuves. » F. Buloz ajoute ces mots, énigmatiques pour George : « J’espère prochainement vous donner un témoignage qui vous fera plaisir, que ces humbles efforts ne sont pas tout à fait vains. » Ces mots l’intriguent, et l’occupent plus que les corrections ; — d’ailleurs, Villemer ne l’intéresse plus, car elle a commencé un autre roman ; — et comme elle a étudié, pour Villemer, les pierres et les fossiles des époques antédiluviennes, la voici avec Valvèdre plongée dans l’étude si aimée de la botanique. « Mais il faut que j’apprenne beaucoup de choses dont je veux parler sans dire de bêtises, et je ne sais pas comme Balzac prendra juste ce qu’il me faut dans une notion générale. Je me passionne pour les choses où je mets le nez. Aussi j’ai peut-être trois mots de botanique à dire dans mon roman, et me voilà entraînée par l’attrait de la science à m’y remettre d’un bout à l’autre. Autrefois, mon pauvre Malgache me donnait des analyses toutes faites et des connaissances toutes mâchées, voilà pourquoi j’ai oublié. On ne retient que ce qui vous donne beaucoup de peine. Aussi, je retiendrai cette fois-ci, car mon ami n’est plus là. Il herborise dans une autre planète et il pense à moi, qui pensais à lui et qui recueillais des plantes pour lui, au bord de la mer, quand une lettre m’a apporté là la nouvelle de sa mort. Je n’oublierai jamais les lavandes de la Spezia.

« Mais, pour en revenir au roman, plus je vais, plus je pense qu’il faut faire face à la prétendue doctrine du réalisme en montrant qu’on peut être très exact et très consciencieux sans fouler aux pieds la poésie et l’art. Comment ! il y en a qui prétendent que le beau, c’est la fantaisie, tandis que la nature, la vraie nature étudiée sur le fait, disséquée même à la loupe et à la pince, est toute beauté, et toute perfection ![20] Laissons-les dire et allons ! Ils ne savent rien, ils n’ont rien vu, rien regardé, rien compris, ces prétendus amants du fait matériel… »

Certes, George ne vante pas le « matérialisme naissant » de la jeune littérature, mais elle aime les jeunes, quand ils ont le talent de Cherbuliez. Celui-ci vient d’écrire son premier livre, A propos d’un cheval : « Mauvais titre, s’écrie-t-elle, admirable ouvrage[21]… Il y a aussi Fromentin, talent digne de vos meilleurs jours. »

Dans la lettre suivante, George Sand revient sur les phrases énigmatiques que F. Buloz, récemment, lui a écrites. « Je ne peux deviner ce que vous me faites pressentir d’agréable, » et elle prétend que, sous l’empire des études géologiques et botaniques, elle achève de « s’abrutir au sens pratique du mot. »

Le 11 août, elle revient encore sur le même thème ; elle a cru comprendre, quoique son correspondant n’ait pas dit grand’chose, qu’il avait le projet d’améliorer sa situation pécuniaire. Comment ? elle n’en sait rien. Mais : « Merci mille fois si vous pouvez faire que je travaille moins, littérairement parlant. Songez donc ! je cours à la soixantaine, et j’ai mon éducation à faire ! Il n’y a vraiment pas de temps à perdre, si je veux connaître pendant quelques années le bonheur de n’être plus un crétin.

« Il y a un monde à découvrir dans les études de la nature. Un monde fermé aux savants, entre nous soit dit. Ils ne voient pas, ils ne savent pas décrire, ils se refroidissent dans les classifications… ; à leur manière de désigner une plante, on voit qu’ils ne l’ont jamais regardée. Disséquer n’est pas comprendre, analyser n’est pas voir. La nature n’a pas pour caractère unique les organes nécessaires à la reproduction, elle en a mille autres que personne n’a su ou n’a voulu dire. Quand ces Messieurs ont inventé la technologie, ils n’ont fait qu’un catéchisme qui définit la plante à peu près comme le catéchisme catholique définit Dieu, un être qui n’a ni forme, ni couleur, et qui ne peut tomber sous les sens. Les malheureux ! ils diraient volontiers qu’il n’y a pas de différence entre Vénus et leur cuisinière, parce que l’une et l’autre est genus homo ! Ils ne se doutent pas de l’âme individuelle, résultat de l’âme universelle. Par malheur, les artistes croient de leur côté que l’on peut voir sans savoir. Erreur aussi ! Il faudrait l’un et l’autre… »[22]

Voici la réponse de F. Buloz. En dévoilant à George une partie des projets qu’il forme pour l’avenir et le bien-être de son collaborateur préféré, il me semble lui témoigner son inaltérable fidélité. Les petites méchancetés de George et les autres, le mal qu’elle a dit de lui, ses caprices, ses rudes boutades, rien n’a pu amoindrir l’affection « inébranlable » de ce « bourru. »


Paris, le 27 août 1860.

« Vous dites, mon cher George, que vous allez à la soixantaine ; pas encore, que diable ! Mais moi donc ! qui suis plus vieux que vous, puisque je suis de la fin de 1803 ! Comme vous aussi, heureusement, j’ai une bonne santé, ce qui ne m’empêche pas de penser à travailler moins (et il m’est bien permis d’y penser après avoir tant travaillé) sans aspirer cependant au repos des gens riches, car, sans le travail, que deviendrais-je ? Je me porterais probablement moins bien. Seulement, je voudrais aller de temps en temps en Savoie l’été, comme je viens de le faire pour six jours, et attendre quatre ou cinq ans que l’un de mes fils puisse prendre la place.

« Sans plus de phrases, en lisant vos épreuves de la quatrième partie que j’avais emportées à Ronjoux (c’est le nom de notre propriété près de Chambéry), je me disais que nous devions finir ensemble, si vous me permettez ce rapprochement et ce langage, notre carrière de grande activité, comme nous l’avons commencée… Je songeais à ce qui pourrait réaliser ce désir ; je pensais enfin, en relisant vos belles descriptions du Velay, à ce que vous pourriez écrire sur la Savoie, à mon projet favori de vous avoir un jour pour cela à Ronjoux. De tout cela, il résultait une sorte de combinaison en germe, mais que je ne possède pas encore assez pour vous la détailler.

« J’aime mieux vous dire ceci très simplement : j’ai une modeste aisance, acquise par plus de trente ans de travail ; la Revue est en pleine prospérité et j’en ai refusé 1 400 000 francs ; mais un recueil est toujours une chose aléatoire, je n’en ai pas d’ailleurs tout à fait la moitié ; et si j’ai refusé ces 1 400000 francs, c’est qu’ils me paraissaient venir d’une source qui ne me convenait pas. C’est que la Revue pouvait entrer dans une voie que j’aurais vivement regrettée. Je n’ai pas heureusement une grande âpreté de biens, ma position me suffit, et je puis abandonner quelque chose au hasard ; je laisserai toujours à mes enfants plus que je n’ai reçu de mon père ; ils travailleront d’ailleurs, comme le doit tout honnête homme.

« Ainsi la Revue peut bien faire quelque chose de plus pour vous et pour moi, en m’adoucissant un peu mon dur métier depuis trente ans.

« J’en viens à vous dire en toute cordialité : si je réussissais à vous faire assurer par la Revue pendant quatre ou cinq ans 12 ou 15 000 francs par an (payés mensuellement ou autrement à votre choix) en vous permettant de travailler moins peut-être, de travailler du moins à votre aise, cela vous irait-il ? La somme serait-elle suffisante pour vos besoins, en ajoutant à cela votre revenu et le produit de vos œuvres anciennes ?..

« Si la somme vous convient, que pourriez-vous offrir en échange à la Revue par an ? ou si ceci ne vous convenait pas, que me demanderiez-vous si, de mon côté, je vous demandais par an deux ou trois volumes pendant quatre ans ? Ne serait-ce pas vous demander trop de travail ?.. Je vous envoie, à peine en germe, le résultat de mes réflexions en Savoie. »

Je ne sais si cette proposition émeut George, si elle en éprouve de la reconnaissance pour F. Buloz. Sa réponse est une réponse d’affaires. Le chiffre proposé ne lui semble pas suffisant., On lui a fait d’autres offres qui seraient plus avantageuses ; d’ailleurs elle ne peut se passer de l’assentiment d’Aucante… Mais il lui faut 25 000 francs par an. « Voyez si c’est possible. Je n’y gagnerais rien, j’y perdrais plutôt, mais la tranquillité des relations et le plaisir de s’adresser à un certain public, vaut bien cela… »

Est-il besoin de dire qu’après cela, F. Buloz se conforma aux désirs de George Sand ? Moyennant trois ouvrages annuels, la Revue d’une part, et l’édition des œuvres anciennes de l’autre, fourniront à George une rente de 22 500 francs annuellement. Si elle écrit en outre des ouvrages nouveaux, ils lui seront payés en dehors de ce contrat 5 500 francs ; mais ni M. Aucante, ni F. Buloz ne souhaitent que leur amie se charge actuellement de cet excès de travail[23].

George Sand, à la fin de cette année 1860, fut assez gravement malade pour donner de sérieuses inquiétudes aux siens. « Vous m’avez… tous ramenée à la vie, écrit-elle en novembre à Pauline Viardot. J’ai senti sur mon lit d’agonie que vous ne vouliez pas que je mourusse, et j’ai secoué la torpeur finale… » Cette maladie, d’ailleurs, l’indigne ; elle avait, jusqu’ici, une santé solide et s’y habituait ; et puis, « cinq jours d’agonie » lui ont coûté mille francs : elle trouve cela trop cher. Elle avait pourtant deux médecins dévoués à son chevet « l’un d’eux était le docteur Vergue qu’elle appelle « mon adorable petit vieux docteur » et qui certes ne lui prenaient pas d’honoraires… Mais ses amis de Paris se sont émus de la savoir malade, et sont arrivés à Nohant, amenant avec eux un « grand médecin » en consultation. Celui-ci arrive le matin, lui tâte le pouls, déjeune, la trouve en bonne voie, et pour ainsi dire hors d’affaire, approuve les soins qu’on a donnés jusqu’ici à la malade, fait un somme, et s’en va en demandant 2 000 francs d’honoraires, son voyage payé. Étonnement général des amis de Nohant, et de « l’adorable petit docteur » Vergne qui tente de discuter, et de marchander cet Esculape ; — finalement Esculape se contentera de 1 000 francs, « rougissant de prendre si peu. » — George, racontant cette histoire à F. Buloz, lui déclare : « J’ai joué de malheur, sur trente médecins excellents, j’en connais au moins vingt-cinq qui ne m’auraient rien fait payer ! »


« VALVÈDRE »

Au début de janvier 1861, avant de partir pour le Midi de la France, George Sand terminait Valvèdre.

« Valvèdre sera fini demain. O bonheur ! j’aurai l’esprit libre en voyage, je pourrai regarder le nez plus ou moins absurde de tous les voyageurs, et, en arrivant au bord de la mer, contempler les madrépores, les méduses et les huîtres de toute espèce que Michelet nous apprend à aimer comme nos sœurs !

« À propos de Michelet, M. Montégut a fait sur son livre un article aussi beau que le livre, ce qui n’est pas peu dire[24]. Et, à propos de Valvèdre, l’huître qui a fait ce coquillage, va le polir et le nettoyer aussitôt qu’elle aura pu trouver un rocher pour y établir son travail. »

Cependant, avant de terminer, une chose inquiète George : la législation protestante concernant le divorce en Pologne, Angleterre, États-Unis, duché de Posen… Le divorce est-il admis dans ces pays-là ? Elle voudrait lire, non pas une dissertation sur ce sujet, mais un résumé des lois sur le divorce. Les renseignements que F. Buloz lui envoie ne la satisfont pas : « Il faut absolument que je sache dans quel pays le divorce par consentement mutuel est permis. » Elle croyait jusqu’ici qu’il l’était par l’Église luthérienne en Pologne. Les renseignements reçus ne concordent pas avec ceux-ci. « Mon roman n’a pas de thèse à soutenir pour ou contre le divorce ; mais l’action a besoin du fait, » et vite ! il lui faut sa réponse ; que F. Buloz la lui envoie par Charles Poney à Toulon. Elle la trouvera chez lui ; et puis : « Valvèdre est fini, emballé ; c’est plus long que Villemer. Quel gribouillage ! C’est l’effet des paquets[25]. »

En février George s’installe à Tamaris ; elle habite une maisonnette charmante, dans un site admirable, à une lieue de Toulon, au bord de la mer. Elle se met au travail dès son arrivée, et, tout en révisant les épreuves de Valvèdre, elle fait, dans le pays qu’elle trouve « magnifique partout, » des courses pédestres, « qui ne sont pas minces. » Elle découvrira pendant ce temps la flore du Midi ; elle ne connaît que celle du Centre. et George, qui géologisait avec Villemer, botanise avec Valvèdre. Son herbier, conservé à Nohant, témoigne d’un goût et d’une recherche délicate.

Le 31 mars, F. Buloz, qui a lu Valvèdre, le nouveau roman de George, avec attention, lui adresse quelques observations prudentes. Et d’abord « il y a beaucoup de talent » dans la partie qu’il vient de lire., .. ; » puis : « Pour faire bien accepter la donnée principale, celle de l’adultère, il faudrait, à mon avis, faire mieux ressortir encore une intention que je crois entrevoir… opposer l’amour chaste à l’amour coupable : il suffirait pour cela de faire intervenir aussi le repentir, au milieu des entraînements de la passion. La générosité de Mosenwald aussi n’est-elle pas un peu exagérée ? (Mosenwald est l’Israélite sublime qui échoue auprès de Mme Valvèdre qu’il adore, et qui soutient après cela de tout son pouvoir les entreprises de son rival.) Je crois que vous feriez bien de modérer la générosité du Juif ; mais ce que je crains le plus, ce sont les rapprochements que l’on ne manquera pas de faire entre Valvèdre et Jacques…, Ne négligez pas, si vous le pouvez, d’éloigner la ressemblance… On me dit que les petits journaux l’ont déjà fait remarquer. On m’assure que c’est le Figaro qui s’est chargé de ce soin, et il serait bon de montrer à ce monde qu’il s’égare[26]. »

Voici la réponse de George :


« 8 avril 1861. Tamaris.

« Mon cher Buloz, j’ai pris en considération vos craintes, et j’ai relu attentivement les épreuves que l’on m’a renvoyées. Je ne crois pas qu’on puisse de bonne foi, — car la mauvaise foi peut toujours dire tout ce qu’elle veut dire, — trouver une caresse à l’adultère, dans le roman de Valvèdre. Comment aurais-je fait fausse route, quand je suis partie de cette idée, non de combattre ni d’excuser l’adultère, mais de peindre la situation d’un homme d’imagination qui trompe un homme supérieur à lui, et qui en est horriblement puni, et par ses remords, et par son propre cœur, qui n’est pas mauvais, et par les circonstances, et par l’amitié, et par la fatalité même.

« J’ai accumulé tous les genres de chagrin sur le coupable, et je l’ai pourtant fait aussi peu coupable que possible, pour rendre la leçon plus saisissante, et on pourrait conclure bourgeoisement que tout n’est pas couleur de rose dans les bons tours qu’on croit jouer aux maris, et plus sérieusement, qu’on se donne quelquefois beaucoup de mal pour tromper un homme dont l’amitié serait un bienfait et pour avoir l’amour d’une femme qui est un fléau. C’est banal, mais ça n’a pas encore été fait. Surtout dans Jacques qui est une victime égorgée par deux égoïstes, dans Valvèdre, c’est le vrai coupable qui est puni, c’est donc la contre-partie de Jacques. » George supplie F. Buloz de relire l’ensemble de son roman… « S’il y a danger de mauvaise interprétation, je n’hésiterai pas. J’ai toute confiance en votre coup d’œil… Je n’ai pas osé enlaidir mes deux amants pour les besoins de ma thèse ; s’ils déplaisaient, on fermerait le livre. Il faut, il me semble, qu’on les plaigne : ils sont bien assez condamnés d’avance[27]… »

F. Buloz, qui recommandait encore le 1er avril à son auteur de ne « laisser aucun doute sur l’adultère qu’on l’accuse toujours (à tort ou à raison) de défendre et d’excuser, » F. Buloz déclarait, le 9 avril : « Maintenant que j’ai tout lu, Valvèdre me paraît un roman très remarquable et d’une moralité irréprochable. » Cette impression, exprimée par le directeur de la Revue en 1861, sera celle des lecteurs de notre temps : Valvèdre est d’une moralité irréprochable.


GEORGE SAND EN SAVOIE

Depuis que F. Buloz avait retrouvé sa Savoie, il désirait y attirer George et lui faire admirer les montagnes ; il ne me semble pas cependant qu’elle se soit prêtée bien volontiers à ce désir. Pourquoi ? On sent chez elle des résistances, des prétextes… Son amitié pour F. Buloz à cette heure est extrême ; nul nuage à l’horizon. Alors, qu’y a-t-il ? L’excursion ne la tente-t-elle pas ?

Le Berry de George, ses « coteaux modérés, » comme dit Sainte-Beuve, ses prairies vertes coupées de ruisseaux, ses champs ordonnés, voilà ce qu’elle aime par-dessus tout ; n’est-elle pas, elle-même, le beau fruit lourd de cette contrée paisible ? La Savoie est bien différente : elle a des montagnes hautes, des vallées profondes, des torrents qui culbutent entre des rochers noirs ; sa lumière est éclatante, et l’air pur qu’on y respire coupe comme une lame. George s’y plairait-elle ?

En avril, lorsqu’elle quitte Toulon, elle prévient pourtant Mme Buloz : « Il est possible qu’à Lyon je prenne le chemin de fer et que j’aille faire un tour de votre côté… » Mme Buloz doit arriver en Savoie le 2 mai, qu’elle renseigne George : « À quelle distance ses amis sont-ils de Chambéry ? Où trouve-t-on des voilures ? Je tâcherai donc d’aller vous voir dans votre résidence, mais il ne faut rien changer pourtant à vos projets… Vous savez que je suis une bonne femme, qu’il n’y a pas de cérémonie à faire avec moi, et que si vous n’êtes pas installée encore, vous pouvez m’envoyer coucher, moi et mes deux acolytes, à l’auberge du village voisin. Le but, c’est de vous serrer les mains, tout en admirant votre belle Savoie ; quant au gite, la vie que je mène depuis trois mois ne me fait pas regarder une nuit d’auberge de plus ou de moins comme une considération quelconque dans le voyage…[28]. » Quelques jours après, elle affirme encore : « Je dors partout, je mange de tout, et fussiez-vous au bivouac, je ne ferais pas la grimace. Je vois que votre bivouac est déjà sybaritique, mais il faudrait qu’il ne le fût guère pour n’être pas meilleur que les lits provençaux où pourtant je ne fais qu’un somme.. Mes compagnons de voyage sont Manceau, mon ami et celui de Maurice, depuis tantôt douze ans d’intimité, et Marie une grande Berrichonne que j’ai élevée, qui est la gouvernante de mon intérieur et une sorte de fille pour moi. Je l’ai soignée malade, elle me l’a bien rendu ! Ce n’est qu’une paysanne, mais d’une nature si distinguée et si réservée qu’elle vous intéressera comme un type… Maurice est en Afrique…[29] »

Et George vient en Savoie, visite les Charmettes, qu’elle n’oubliera plus, pousse même jusqu’au lac du Bourget ; elle est si enthousiaste du château de Bourdeau, posé à pic au-dessus de ses eaux, qu’elle y fera naitre quelques mois plus tard Mlle La Quintinie[30]. Malheureusement, le temps n’a pas souri à la voyageuse, les montagnes se sont encapuchonnées de nuages, elle n’a pas vu le ciel pur de mai ; pourtant elle a gardé de ce rapide passage des visions de beauté qui hantent son souvenir : de retour à Nohant, elle écrit à Mme F. Buloz, le 12 mai :

« Chère Christine, nous voici revenus dans notre Berry, si plat, si pauvret, si pauvre homme en comparaison de votre admirable pays, et dans notre Nohant qui fait bien de se cacher dans des arbres, n’ayant rien de beau à voir au delà… Mais ce paradis terrestre de la vallée de Chambéry me reste dans la tête comme un rêve, et j’y retournerai bien sûr pour aller voir ce qu’il y a derrière toutes ces montagnes, que les nuages m’ont tant disputées.

« Ça m’a fait grand bien et grand plaisir de vous revoir, chère amie, au milieu de vos grands enfants, après vous avoir laissée au milieu de leurs berceaux ; vous voilà à l’âge de la récompense, et votre charmante fille, ainsi que votre Louisot[31], qui a l’air si bon, vous dédommagent du grand souci de l’élevage. Je vous ai retrouvée du reste aussi jeune que je vous ai quittée, aussi douce, aussi vivante et aussi bonne. J’ai reçu des nouvelles fraîches de mon voyageur en Afrique[32], Il est très content, sauf qu’il pleut et qu’il fait froid par là-bas. Ici on crie après la sécheresse. Il paraît que tout est à l’envers dans ce monde. Et voilà M. de Cavour qui le quitte au plus beau et au plus nécessaire moment de sa vie ! C’est un vrai malheur, cela, et nous en sommes tous consternés…

« Manceau me charge d’abord de vous présenter tous les profonds respects d’un parfait gentilhomme, ensuite d’entretenir la mémoire de la signorina[33] dans l’art des gaufres. Me voilà bien embarrassée, car je n’y entends goutte. J’aime mieux embrasser cette jeune princesse, qui n’aura jamais les allures d’une parfaite cuisinière, et que je dispense bien de les avoir. J’embrasse aussi son frère, à condition qu’il mette ses chiens à la raison, et je n’embrasse pas Buloz, c’est sa faute, il mange avec des bêtes, et il doit être plein de puces[34]… »

Cette visite de George à Ronjoux, ayant été signalée dans les journaux du pays, valut à Mme F. Buloz les visites destinées à la Reine de France, comme l’appelait F. Buloz. Mme Buloz l’écrit à son mari : « J’ai reçu ce matin, avant sept heures, la visite d’une gentille jeune fille accompagnée de son grand-père. Elle venait sous le patronage de celui-ci, vieux Berrichon, faire une visite à Mme Sand. La jeune personne est la fille d’un recteur de l’Académie (y a-t-il une Académie ?) ou plus simplement recteur du Collège. Le fait est qu’elle me semble gentille et bien élevée. Le grand-père est un vieux bonhomme très convenable…[35] »


UN AVERTISSEMENT À LA « REVUE »

À la fin de l’année 1861, la Revue reçut du gouvernement impérial un « avertissement. » La chronique de Forcade du 15 octobre le lui valut, « attendu (disait M. de Persigny) que l’article sus-visé s’efforce, par les assertions les plus mensongères, de propager l’alarme dans le pays, et d’exciter à la haine et au mépris du gouvernement. »

Dans cette chronique, Forcade se permettait, non pas de propager l’alarme, mais de signaler trois points « inquiétants, » concernant la politique financière et économique du gouvernement… : « l’exagération des dépenses, l’impulsion imprévoyante donnée aux travaux publics, aux démolitions et aux constructions dans les grandes villes, et l’absence de vues coordonnées dans la direction de notre politique économique… » « Si c’est le gouvernement, écrivait encore Forcade, qui n’a pas su modérer ses dépenses improductives, si c’est le gouvernement qui a lui-même excité la spéculation au lieu de la contenir, la crise accuse l’imprévoyance du gouvernement, et vient l’avertir sévèrement de la nécessité d’un changement de politique… » Il ajoutait : « Il n’y a point de bon gouvernement financier sans liberté politique, en dehors de l’entier et rigoureux contrôle des assemblées représentatives, et des vigilantes polémiques d’une presse libre[36]. »

F. Buloz, prévenu par Sainte-Beuve de l’émotion causée par la chronique de Forcade, était demeuré à Ronjoux ; il n’en revint que le 29 octobre, sur le conseil de Sainte-Beuve, se soustrayant ainsi aux « obsessions qui l’attendaient à Paris. »

Le 1er octobre, Sainte-Beuve, parfaitement au courant de l’inquiétude que Forcade donnait à M. de Persigny, Sainte-Beuve, diplomate et serviable d’ailleurs, réunit, dans un « très beau déjeuner, » F. Buloz à un personnage officiel qui désirait être mis en rapport avec le directeur de la Revue, au nom du gouvernement. « Je vis bien ce qu’on voulait obtenir de moi, » dit F. Buloz à G. Sand, lorsqu’il lui narra cette aventure, et il répondit à la courtoisie par une courtoisie semblable : « Nous serions heureux de louer et d’approuver les mesures libérales du gouvernement, mais jamais la Revue ne pourrait aliéner son indépendance, il lui en coûterait trop, sans parler de la considération, etc. » Après cela, on se quitta le mieux du monde.

Ce personnage plénipotentiaire, c’est M. Immhauss, successeur de M. de la Guéronnière à la direction de la presse. « Il est avéré que c’est M. de Persigny qui est à la base de cette tentative. » Quelques jours après ce déjeuner, la Revue reçoit un « avertissement » « précédé de durs petits faits. » F. Buloz s’en émeut moins que Sainte-Beuve, qui prend personnellement la chose à cœur. N’est-il pas intervenu lui-même ? George, mise au courant par F. Buloz des tentatives qui ont précédé l’avertissement, lui offre généreusement de s’entremettre auprès du prince Jérôme-Napoléon. « Il a des idées et des sentiments très élevés et très généreux… ; si on ne l’écoute pas toujours, on l’écoute quelquefois, et puis il est très persévérant, il sait revenir à la charge, son opinion peut avoir du poids à un moment donné. » Il a aussi une qualité précieuse aux yeux de George, il est sensible à la question d’art, à l’importance littéraire de la Revue. « Si vous croyez utile d’avoir une entrevue avec lui, je vous enverrai une lettre. » Justement, il a passé quelques jours à Nohant ; on a joué devant lui le Drac, que la Revue va publier.

Le 6 décembre, F. Buloz, de Ronjoux, répond aux offres de George et l’en remercie : « Vous m’obligeriez fort d’écrire au Prince ce qui s’est passé, ce que je vous ai raconté et qui a eu l’air d’un piège. » Le 1er novembre, à la vue de cet avertissement, Sainte-Beuve avait dit : « Ce n’est pas vous qui êtes allé à eux ; on est venu à vous, on vous a demandé de bons rapports, et quelquefois des services, vous avez répondu que vous feriez tout ce qui vous serait possible, et on vous frappe ! C’est au moins assez mortifiant pour les personnes qui se sont mêlées de cette affaire. » (Les personnes qui s’en sont mêlées, — lui, Sainte-Beuve.)

« Voilà ce que je voudrais que l’Empereur sût, ainsi que le Prince, continue F. Buloz. Le fait est propre à donner l’opinion que l’on doit avoir de pareils procédés de gouvernement. Si le Prince veut bien en faire part à l’Empereur, j’irai l’en remercier, avec le mot d’introduction que vous m’offrez…[37] »

Après cela, George écrit au prince Jérôme qui, dit-elle à F. Buloz, est tout disposé en faveur du directeur de la Revue, et pense comme lui sur l’incident en question. Qu’il lui fasse écrire, à son retour à Paris, le Prince donnera un rendez-vous à F. Buloz : « Causez à cœur ouvert avec lui, il n’en abusera pas, lui. Pourtant, ménagez votre opinion sur M. de Persigny avec lequel il est très lié. Votre rôle est de présenter les faits sans personnalité trop directe, mais en disant tout ce qui est… » Cependant, George lui rappelle qu’il ne peut rien contre les faits accomplis. Mais, « sachant le degré d’indépendance que vous voulez garder et comprenant vos droits à cet égard, il vous soutiendra à l’occasion[38]. » Le degré d’indépendance de la Revue, Forcade, dans chacune de ses chroniques, l’indiquait.


LA COLLABORATION DE MAURICE SAND

F. Buloz voit le Prince à la fin de décembre, et écrit son impression à George : « Le Prince a été fort aimable et fort obligeant, très libéral et comprenant à merveille les nécessités de la situation. Il serait à désirer que le gouvernement le comprît à sa façon ; nous ferions un grand pas[39]. »

Après Valvèdre et le Drac, George Sand s’est mise à écrire un nouveau roman : « il s’appellera Tamaris. De son côté, Maurice, » qui est revenu, « est occupé à mettre en ordre et en bonne langue les notes qu’il a prises jour par jour avec assez de détails, de son voyage avec le Prince en Afrique, en Espagne, Portugal, Açores, Terre-Neuve, New-York, Washington, l’Armée du Sud, les grands lacs, la prairie, le Niagara, Québec…

« Six mille lieues à fond de train, mais en situation de bien voir. C’est très vif, rapide, gai sans aucune prétention, et très artiste… » Bref, George propose l’œuvre de son fils en entier ou par chapitres à F. Buloz… « Tout cela sera relu et corrigé par moi en épreuves…, j’y joindrai une petite préface, et peut-être quelques lettres de moi. Vous lirez auparavant et vous jugerez vous-même.

« Voilà tout ce que je vous demande. »

Car George Sand est toujours hantée par l’idée d’un tribunal anonyme siégeant à la Revue (?), corrigeant les auteurs et les récrivant à sa guise, ce qui, à bon droit, l’exaspère.

En proposant le livre de son fils Six mille lieues à toute vapeur, George désire paraître à la Revue (avec son nouveau roman Tamaris) en même temps que son fils : l’idée est touchante, elle insiste auprès du directeur. « Je serai prête, moi, pour le 30 ; je ne vois pas d’inconvénient… à la publication simultanée de deux choses si différentes de forme et de sujet… Je crois et j’espère qu’il ne vous déplaira pas (l’ouvrage de Maurice) ; appréciez-le vous-même avec votre sens pratique, et ne le livrez pas au jugement, trop académicien, de ceux avec qui j’ai eu maille à partir. »

Cependant, F. Buloz, comme il l’a promis, a lu le livre de Maurice, il le publiera ; il fait pourtant ses observations : « J’ai remarqué l’expression « une forêt navrée, » c’est bien risqué. Je vous en fais l’observation[40]. » Et quelques jours après : « Dans la fin manuscrite du voyage, je crains que le président Lincoln ne soit un peu tourné en caricature. Voyez. On est bien court aussi sur Mac Clellan, qu’on compare cependant au premier Consul, avec une tendance un peu marquée… Dieu préserve l’Amérique d’un Empereur ! Je vous avoue que je deviens fort républicain, en voyant comment tournent les princes royaux et impériaux. Je me faisais parfaitement à la République que je n’avais pas appelée pourtant, et je regrette que la tentative n’ait pas mieux réussi ; vous voyez les revirements qu’amènent le révolutions[41]. »

Voici comment George Sand répond aux observations de F. Buloz : « Je vous demande la permission de laisser… le mot navré pour la forêt. C’est une de ces expressions qui sentent l’individualité et, d’ailleurs, celle-ci est bonne. Vous invoquiez l’autre jour l’étymologie, celle-ci est parfaitement synonyme de blessée — et terrassée. — Mais pourquoi la Revue s’obstine-t-elle à imprimer gaieté quand tout ce qui est jeune écrit gaîté. Je demande qu’on me laisse cette orthographe, une fois pour toutes, je veux être jeune en dépit de la Revue. »

Et F. Buloz : « Vous avez bien raison de vouloir toujours rester jeune. C’est que vous l’êtes en effet, ma chère fée ! vous vous renouvelez sans cesse. »

Répondant à une critique de F. Buloz sur l’Empire, George écrivait au début de janvier : « Je ne comprends pas vos libéraux. C’est donc pour eux la question de personnes et de noms propres, car Nap… est tout aussi, si non plus avancé qu’eux tous. » Il y a longtemps qu’elle a mis les noms propres de côté, car elle a reconnu qu’il n’y avait plus qu’à se brûler la cervelle, si on « cherchait noise aux hommes qui ont de bonnes idées ou de bons sentiments, sous quelque bannière qu’ils soient ou paraissent placés. La Revue ne s’est pas gênée pour exprimer ses vives sympathies à l’égard des fils de Louis-Philippe. Pourquoi ? Mais aussi pourquoi pas des égards et de l’équité pour le neveu de Napoléon, surtout s’il est beaucoup plus ami de la liberté que tous les autres ?

« Moi, je vous dis que c’est un homme d’élite, et que sa place sera belle un jour, si nous cherchons la logique du progrès[42]. »

George, qui, actuellement, est gouvernementale, s’attire cette réponse : « Soyons libéraux, démocrates, si vous voulez… Me croyez-vous insensible à la situation des pauvres gens qui souffrent ? Si vous saviez combien j’ai fait de remontrances autrefois, et combien j’ai dit de vérités à ces prétendus libéraux que nous avons vus ! — Mais l’empire d’un seul, c’est bien pesant ; votre ami, le Prince, ne me l’a pas caché… Cependant les Princes sont toujours très libéraux, très démocratiques même, avant d’arriver au pouvoir, voilà pourquoi je demande… des institutions sans trop me soucier des dynasties royales ou impériales. Qu’est-ce que cela nous fait, à nous autres plébéiens, si nous sommes libres et sans privilèges ? Tel n’est pas le cas actuel, et si le Prince veut, ou peut appliquer ses idées, je dirai bravo ! et ne regretterai rien. »

Au milieu de tout cela, les épreuves vont et viennent de Nohant à la Revue, celles de Maurice, et celles de George ; je dois dire qu’elle accepte avec plus de résignation les critiques du directeur lorsqu’elles la concernent, — celles qu’il adresse à Maurice la piquent. Cependant elle convient parfois elle-même : « Le style de Maurice a toujours besoin d’être revu par moi pour la correction complète. Mais je trouve qu’il a l’expression heureuse, et une forme tout à lui. Qu’est-ce que vous en pensez, entre nous ? Dois-je l’encourager à écrire ? » Parfois, dans cet échange d’épreuves, F. Buloz se perd ; alors George s’impatiente et le houspille ; il ne lui renvoie pas son manuscrit avec l’épreuve : « C’est la faute de votre cervelle éventée ! — Que se passe-t-il dans votre tête ? Etes-vous amoureux ? Je commence à le croire… » Le 7 février : « Dans l’épreuve de la troisième partie (il s’agit du livre de Maurice, toujours), il y a une lacune qui est peut-être volontaire, et que je n’accepte pas. C’est l’histoire d’un cochon gras trouvé à moitié cuit en pleine forêt vierge. L’histoire était drôle, et drôlement racontée, par quelle pruderie la supprime-t-on ? Un cochon est un cochon, et je ne vois pas pourquoi on ferait la petite bouche. Est-ce que vous avez un prote juif ?… »

En mai 1862, Maurice Sand se mariait : gros événement à Nohant ; George enchantée en fait part à son amie Mme F. Buloz. ; « Partagez le bonheur de votre vieille amie, » lui écrit-elle, Maurice épouse la fille de « son vieux Calamatta, » Lina, « qui a 20 ans, et qui est charmante. » George l’a vue naître et la considère déjà comme sa fille : « Lina n’est pas une nouvelle connaissance, il y a beau jour qu’elle est choyée et gâtée à Nohant. Maurice l’aime de tout son cœur… » Et comme d’habitude à ces annonces d’hyménée, « tout le monde est dans la joie. »

George oublia-t-elle d’expédier cette lettre, datée du 2 mai, à son amie ? (le mariage devait avoir lieu pendant le courant du mois), Mme F. Buloz, le 20 mai, ne l’avait pas encore reçue. Ne l’avait-elle pas reçue ? Ce mariage civil… (George écrivait au prince Jérôme : « Pas de prêtre ! Nous sommes excommuniés, comme tous ceux qui, de fait ou d’intention, ont souhaité l’unité de l’Italie et le triomphe de Victor-Emmanuel ; nous nous tenons pour chassés de l’Église »)[43], ce mariage civil, dis-je, devait déplaire à la pieuse Mme F. Buloz, si traditionaliste, et quoique George ne lui soufflât mot de ces scrupules de libre pensée, Mme F. Buloz apprit que ce mariage n’avait pas été célébré à l’église. Aussi, le 20 mai, dans une lettre qu’elle écrit à George, elle s’étonne :

« On m’a dit que Maurice était marié ; êtes-vous à Nohant, êtes-vous venus à Paris pour la cérémonie, et vous tenez-vous sous un triple voile pour éviter les manifestations ? Voilà ce que je ne sais pas, et ce que je voudrais savoir…

« Je suis bien aise que cette grosse affaire soit faite et que vous restiez dans votre calme habituel ; je vois autour de moi des gens qui se marient et qui ont l’air si assommés de leurs préliminaires, que je me figure que pour vous le tracas n’est pas moindre, et que vous avez le visage et l’esprit à l’envers, comme M. Saint-Marc Girardin, chez qui nous allâmes hier signer au contrat de sa fille. Louise se marie jeudi, une autre amie le 30 ; une fois ces deux couples emballés, nous partons pour Ronjoux, où Buloz nous pousse par les épaules[44]. »

Mme F. Buloz n’insiste pas davantage sur la question du mariage de Maurice ; elle est d’ailleurs sur le point de quitter Paris avec sa fille ; elle s’en plaint : « Plus que jamais la solitude exaspère Marie, qui cependant n’aime ni le monde, ni les cohues ; » mais « elle a besoin de cette distraction journalière, que lui amène la visite de quelques amis, la présence de ses frères, toutes choses qu’elle ne trouve pas au milieu de notre chartreuse. »

Louis Buloz se plaint à George des répugnances de sa sœur pour la campagne : « Marie ne prend de goût à rien, elle va jusqu’à trouver que les jasmins sentent la pommade. C’est une étrange fillette[45] Sibylle parut dans la Revue des 15 août, 1er et 15 septembre, 15 octobre 1883. </ref>. »


« MADEMOISELLE LA QUINTINIE »

Vers cette époque, Octave Feuillet écrivait son roman de Sibylle[46] et confiait à F. Buloz : « Je m’étais posé un problème qui était un vrai casse-tête. Toucher aux questions religieuses les plus hautes et les plus délicates sans offenser les susceptibilités légitimes, faire naître dans un cerveau d’enfant, sans invraisemblance, tous les doutes, toutes les répulsions, toutes les irritations que la religion mal entendue, mal pratiquée peut susciter, et faire de cette enfant la réformatrice de sa paroisse et de son curé, ce n’est pas, je vous assure, une tâche aisée : il faut peser chaque mot deux fois, et couper des cheveux en quatre et jongler avec des œufs sans les casser ; voilà ma vie. C’est un odieux travail qui néanmoins me passionne, et que j’aime, parce qu’il produit peu à peu des résultats singuliers, dont j’espère un peu d’honneur pour la Revue et pour moi[47]. »

Les scrupules d’Octave Feuillet nous paraissent à cette heure exagérés. Il lui semble avoir entrepris une tâche écrasante ; pourtant Sibylle est un charmant roman romanesque, qui ne peut scandaliser personne.

George Sand le lut, y trouva un « grand talent, » mais déclara à F. Buloz que « ce catholicisme lui tapait sur les nerfs. » Elle trouve aussi que le temps est venu de « dire son mot contre le mensonge du siècle ; » pour son compte, elle écrit un roman qui sera « tout le contraire de canonique, » F. Buloz le voudra-t-il recevoir ? « Aurez-vous toujours la porte ouverte aux orthodoxes, et par hasard, la fermerez-vous aux libres esprits dans le roman ? — Non, n’est-ce pas ? » Et F. Buloz, par retour du courrier, la rassure ; au fond, il est enchanté de l’initiative de George : fermer la porte aux libres esprits, lui ? « Je vous sais gré de faire ce roman, et je serai très heureux de l’insérer dans la Revue. Cette fausse orthodoxie ne me plaît guère non plus. Ce n’est pas moi qui manquerai à l’attaque contre l’hypocrisie[48]. »

George Sand écrivit, après cela, Mlle la Quintinie, et, sans nul doute, ce roman naquit des communes antipathies et des goûts partagés de George et de son directeur.

Depuis que celui-ci avait retrouvé son pays natal, il désirait que George consacrât un de ses ouvrages à la Savoie. « Il faut parler de nos montagnes… personne jusqu’ici ne l’a fait ; » il revient souvent sur ce projet, c’est une de ses ‘idées les plus chères. En outre, le directeur de la Revue, qui avait pris contact depuis quelques années avec la vie de province, demeurait stupéfait de certains usages quasi féodaux, de superstitions même, qui choquaient son bon sens, et révoltaient souvent son goût de justice et d’équité. L’homme d’action, qui suivait si passionnément le mouvement des idées, était frappé de l’inertie qui l’entourait. Enfin et par-dessus tout, il désirait entendre dénoncer l’ultramontanisme. Il y voyait un danger pour son pays, une menace même : il y a là matière à roman. Qui l’entreprendra, ce roman vengeur ? Parbleu ! ce sera George. Aussi a-t-il minutieusement décrit à l’auteur de Lelia qui ne demande pas mieux que de l’entendre, l’influence occulte du clergé dans les familles piémontaises, dominant une société arriérée, fermée, une société de « hobereaux. » C’est le nom dont F. Buloz gratifie la petite noblesse du pays ; ses préjugés, ses intrigues, ses prétentions, sa morgue, il les juge détestables.

Ainsi naquit La Quintinie. En outre, l’esprit indépendant de George la poussa à faire de son nouveau roman la contre-partie de Sibylle. En effet, au lieu du bon curé de campagne, simple, pur, mais ignorant, dont l’esprit est si fort au-dessous de celui de son élève, jeune héroïne attardée du romantisme, qui meurt de son amour mystique, voici un sombre prêtre, dominant de toute sa noirceur et de sa passion impure une pupille, plus indépendante que l’autre cependant, et possédant une dialectique intarissable. Comme celui de Sibylle, le fiancé de Mlle La Quintinie est libre penseur, mais tandis que la première convertit un peu rapidement son pécheur, qu’elle fait rentrer dans le giron de l’Église, l’héroïne de George Sand se libère de l’empire du prêtre maléfique, éclaire sa propre foi, et épouse l’athée, brave garçon dont le plus grand tort est d’ignorer le mystère du confessionnal ; il laissera cependant sa femme libre de s’y plonger à son gré. Gageons qu’elle y fera de moins longues stations qu’au temps où le sombre abbé Moreali dirigeait son âme. Le roman de George est assez violent, et prend très souvent l’allure de la thèse. Les hardiesses de Sibylle, que craignait O. Feuillet, sont bien peu de chose à côté de celles de George, surtout quand on songe qu’elle les écrivit en 1861, alors que l’Impératrice était pieuse, et l’orthodoxie à la mode. Le fiancé de Lucie La Quintinie ne s’écrie-t-il pas : « La destinée de Lucie, l’influence qu’elle subit, se rattachent probablement par des fils innombrables à cette conspiration de l’esprit rétrograde, qui enlace la société pour longtemps encore de la base jusqu’au faîte. Conquérir celle que j’aime, la disputer à une mortelle influence, la sauver, l’emmener avec moi dans la sphère de l’amour vrai… » Et encore : « Maudite, trois fois maudite soit l’intervention du prêtre dans les familles ! Le prêtre qui, jeune ou vieux, honnête ou dépravé, nous enlève la confiance et le respect de nos femmes… »

Pendant que George écrit La Quintinie, le directeur de la Revue l’encourage, et George, en octobre 1862, promet son roman pour le 1er janvier de l’année suivante : « Il est déjà fort avancé, mais quelles dangereuses étrennes je vais vous donner là ! Songez-y bien. Avec un gouvernement de bon plaisir et de caprice imprévu, vous risquerez un avertissement, même quand nous ferions beaucoup d’atténuations à mon premier jet. » Que Buloz réfléchisse bien quand il aura le manuscrit dans les mains, et s’il est convaincu alors de l’interdiction, eh bien ! on ira faire éditer, le roman à Bruxelles. « De grosses vérités, dures et blessantes pour la majorité des dévotes, sont venues se répandre sur mon papier. Ne pas aller au fond du mal m’est impossible, je le sens bien, je ne saurais pas effleurer le sujet, et l’effleurer ne servirait à rien. » Elle revient à Sibylle. « Mon livre en sera la contre-partie avec le même sujet. Le P. Feuillet sera ministre des Cultes, et nous serons tancés, honnis, maudits, attendez-vous à cela[49]. » Et quelques jours plus tard : .« On dira que je démolis la confession. Oui, je la démolis tant que je peux, et avec elle la dangereuse ambition d’influence du clergé, l’hypocrisie du siècle. Je ne touche pas à l’Evangile, mais je nie que les canons de l’Église soient articles de foi, cela se peut-il aujourd’hui[50] ? » Et George raconte son sujet à F. Buloz. Qu’en dit-il ? Se scandalise-t-il ? Mais non : « Je ne vois rien dans l’idée de votre roman qui puisse tomber sous le coup de la loi, si l’on peut parler de loi dans le régime de la presse actuel. L’arbitraire seul, par les avertissements, peut vous frapper Mais c’est ce que vous saurez éviter dans la forme.

« Il n’y a que votre ancienne amie, l’Impératrice, qui peut, avec les tendances nouvelles qui prédominent de plus en plus, vous trouver un écrivain bien osé dans le roman. Mais là encore il faut vous donner le plaisir de tout dire dans le fond, sans donner de prise à nos seigneurs les cardinaux, qui ont grande voix par là : vous voyez qu’on a beau faire des révolutions, ces Messieurs reviennent toujours sur l’eau[51]. »

Enfin, en janvier, F. Buloz reçoit le manuscrit du nouveau roman de George Sand ; elle veut appeler ce livre : Le roman d’un prêtre ; mais ce titre, F. Buloz ne l’approuve pas… « Je crois que l’autre était préférable : Mlle La Quintinie ne dit rien, n’éveille rien, et dans des choses très parlantes, un titre qui n’est pas trop significatif est ce qu’il y a de mieux. Celui-ci paraît dangereux, il éveillera tout de suite les ombrages et la susceptibilité du pouvoir et du parti clérical, qui sera trop heureux de mettre ses gens en campagne, et vous pensez bien qu’on nous sacrifiera sans hésiter à la haine des Papistes, on sera trop heureux de leur donner un os à ronger… » Le directeur de la Revue a encore deux observations à faire sur cette première partie :

« Ce ne sont pas les Capucins qui exploitent Haute-Combe[52], ce sont les Bénédictins de Cîteaux. Gardez-vous de laisser cela : le clergé et les hobereaux de Savoie s’en serviraient contre nous. Il n’est pas exact non plus de dire qu’il n’y a pas à Haute-Combe des tombeaux réels, il y en a quatre ou cinq… le roi Charles-Félix y a été enterré en 1831… L’autre passage qui me paraît demander des modifications est celui-ci : … pourvu qu’elle préfère mon lit au confessionnal. »

George se soumet à tous ces changements, et en premier, à celui du titre de son roman. Elle écrit à F. Buloz le 17 février 1863 :

« Mon cher Buloz, intitulez Mlle La Quintinie (pas de la Quintinie) et marchons. La première partie est pour ainsi dire sans inconvénient. Si la deuxième est dangereuse, à cause de la lettre du père d’Émile, on peut voir à reporter vers la fin une partie de ce qu’il dit là… on pourrait ainsi avancer beaucoup dans le roman, en laissant croire que l’on recommence Sibylle, et ce serait drôle ; allez donc de l’avant, puisque vous avez bon courage… Pour moi, je ne me dissimule pas les injures et les insultes qui tomberont sur moi. J’y suis fort habituée, Dieu merci, et le plus ou moins ne m’ôte pas l’appétit. J’ai un grand bonheur, c’est d’être arrivée avec l’âge à des convictions aussi fortes, que mes doutes d’autrefois étaient profonds et douloureux. J’ai donc acheté mes croyances après des souffrances intérieures qui me donnent le droit de tenir à ce que je tiens. Vous êtes arrivé aussi, avec l’âge, à sentir qu’une Revue est une mission bien plus qu’une affaire, et bien qu’en politique, et en critique d’art, je ne sois pas toujours de l’avis de vos écrivains, je sais à présent qu’il y a un terrain commun où peuvent marcher tous ceux qui croient au progrès. L’Empire, en nous faisant reculer sous beaucoup de rapports, nous a fait avancer de beaucoup sur ce terrain-là. Il a grandement simplifié les questions pendantes, sachons en profiter. J’ai lu hier soir avec Manceau l’article de M. Laveleye[53]. Il est très vrai et très habilement fait. Malheureusement, quand on fait du roman, on ne peut pas être si prudent et si fort de décision calme. Le roman veut de la chaleur et de la passion… Quant au critique de Salambô[54], il est savant et ingénieux, mais il se trompe. Nul ne peut imposer arbitrairement son goût, et rien ne me persuadera que le silence qui remplit Mégare, ne soit pas une chose belle et grande. Il y a des appréciations personnelles qui ne se démontrent pas, ou qui tournent contre le démonstrateur… »

George reproche en général aussi à la critique de la Revue d’être « éreinteuse ; » la critique a hérité cela de Planche : que n’a-t-elle hérité encore de ses côtés enthousiastes ? George reconnaît de l’honnêteté à cette critique, de la science, du talent. C’est beaucoup, à coup sûr, ce n’est pas assez, il lui faudrait de la vie : « sa véritable mission, c’est de donner la vie, et non de l’ôter. »

Quant à Flaubert, il n’est pas son ami ; elle le connaît à peine, mais elle déclare que c’est un homme « original et fort, » pourtant rien n’est plus différent de sa manière que la sienne, et elle ne sait rien de ces questions d’école, si école il y a… « Ce qu’il y a de certain, depuis qu’il existe une littérature au monde, c’est qu’il y a un aspect réaliste, et un aspect idéaliste dans toutes choses. L’un vaut absolument autant que l’autre dans les mains de qui sait s’en servir, et tout le monde est

libre de choisir. Il est vrai que pour relier cette antinomie, il y a un troisième terme, dont aucun critique ne se préoccupe, et ne paraît se douter. C’est pour cela, que la critique n’existe pas encore et fait généralement plus de bruit que de besogne. Si vous pouviez mettre la main sur la vraie, vous feriez une fière trouvaille, et une révolution en littérature. Mais où la pécher ? Je ne saurais vous dire. Avec la réflexion pourtant, vous verriez bien pourquoi, avec tant de talent et de savoir, les critiques ne font que donner des coups d’épée dans l’eau[55] ? »

F. Buloz, qui n’aimait guère le régime impérial, devait relever les remarques de son correspondant, touchant le progrès que l’Empire imprimait à certaines questions. « Voyez comme ce régime nous abêtit, » s’écrie-t-il, à son tour. « En relisant l’épreuve de cette première partie[56], je me surprenais à chaque instant dans des craintes vagues, et poignantes cependant… À propos de cette première partie, l’idée et les tendances se posent, de façon à ne laisser aucune méprise. Jamais autrefois de pareilles inquiétudes ne m’auraient même traversé l’esprit. Où l’Empire nous fait-il donc reculer ? Au delà de la Restauration et des Congréganistes… Ce qu’il y a de plus décourageant dans le régime impérial, c’est qu’il enlève tout ressort à l’esprit, et prend sous sa protection les plus vilains côtés de l’homme, la peur et l’hypocrisie… N’est-ce pas à faire désespérer du pays ? Je trouve que la Revue n’ose pas assez, et cependant on la trouve, et on me trouve téméraire… Vous me dites de très bonnes choses aussi à propos de la critique. Je sens comme vous ce qui nous manque… Mais où trouver ce qui manque, comment l’édifier avec ce jeune monde si faible, qui vient, qui n’a ni courage ni enthousiasme[57] ? »

Et Mlle la Quintinie ? Fut-elle réellement une cause de scandale ?

Le 5 avril, F. Buloz écrit de Savoie : « Le monde antique et suranné de Chambéry n’est pas content, mais je n’y fais pas attention[58]. » « À Paris jusqu’ici on s’aperçoit seulement que c’est la seconde partie de Sibylle, et une réponse à M. Feuillet… »

Il est vrai que le directeur de la Revue surveillait les épreuves de George et, prudemment, faisait en son nom des suppressions. Il lui écrit le 15 mars, par exemple : « La prudence… m’a fait un devoir de vous enlever deux ou trois mots et quatre lignes qui n’auraient pas passé certainement (car il craint de ne pouvoir échapper, lui, la Revue et La Quintinie, à « l’ennemi »). Il s’agit de l’endroit où vous dites : « Vous arriverez si vous êtes de bonne foi à embrasser la totalité du clergé dans un réseau de douleurs, de rages, de hontes ou de désespoirs. » « Après avoir parlé des vices immondes, on ne manquera pas, me disait notre avocat, de vous poursuivre sous l’accusation d’outrage public à la religion et au clergé. J’ai donc dû ôter ces lignes. »

Pourtant, dira-t-on, George, par le prince Jérôme, pouvait compter sur l’appui du Gouvernement ; l’Impératrice elle-même n’avait-elle pas donné à l’écrivain des marques de bonté ? Ecoutez George : « Nous sommes aux mains de la fantaisie gouvernementale du moment. » Elle conte qu’au temps de Daniella[59] elle reçut un avertissement dans la Presse, ce qui n’empêcha pas About de publier son livre, et le prince Napoléon de « dire quarante fois plus » qu’elle après coup.

Genève commença de s’émouvoir avant Paris, et Victor Cherbuliez, qui est en Suisse, écrit au Directeur de la Revue : « Mlle La Quintinie a fait une grande sensation à Genève… On dispute pour et contre avec acharnement, l’œuvre est puissante et remue bien des idées. Qu’en pense M. Octave Feuillet ? » — F. Buloz affirme qu’actuellement à Paris l’impression est la même, « on admire et on maudit. Il y a des catholiques qui foulent les numéros de la Revue aux pieds ; les autres la recherchent avec avidité…[60]. »


MARIE-LOUISE PAILLERON.

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  1. Voyez la Revue du 1er février.
  2. Mesure de superficie employée souvent en Savoie.
  3. La Motte, 23 septembre 1864, inédite.
  4. La Motte, mercredi, sans autre date ; -, l’article de Forcade est du 1er octobre 1864, et F. Buloz a daté de sa main la lettre ci-dessus : premiers jours d’octobre 1864.
  5. Ami de F. Buloz, membre de l’Académie des Sciences.
  6. G. Sand. Lettres à Alfred de Musset à Sainte-Beuve, Calmann-Lévy.
  7. Nohant, 8 septembre 1860.
  8. La Guerre, plaquette, 15 mai 1859.
  9. Nohant, 4 août 1859. Inédite.
  10. 4 décembre 1859. Inédite.
  11. Constance Verrier. La Presse, 21 décembre 1859 et numéros suivants en 1860.
  12. Narcisse. La Presse, 14 décembre 1858 et numéros suivants en 1859.
  13. 1859. Inédite.
  14. 1859. Inédite.
  15. Voir à ce sujet une étude d’A. Marx : G. Sand.
  16. Collection S. de Lovenjoul, F, 20, inédite.
  17. 10 mai 1860, inédite.
  18. 10 juin 1860, id.
  19. Collection S. de Lovenjoul, 25 juin 1860, inédite.
  20. George Sand a développé ce sujet précisément dans Valvèdre… « Nos pères ne l’entendaient pas ainsi, ils cultivaient simultanément toutes les facultés de l’esprit, toutes les manifestations du beau et du vrai, etc. »
  21. Collection S. de Lovenjoul, F. 48, inédite.
  22. Collection S. de Lovenjoul, 11 août 1860, F. 58, inédite.
  23. Un des reproches que l’on a fait au premier volume de François Buloz et ses amis, c’est qu’il y était constamment question d’argent. Hélas ! alors les littérateurs n’étaient guère fortunés : ils réclamaient souvent, et F. Buloz payait le plus qu’il pouvait. Peut-être, néanmoins, ai-je abusé des chiffres et des précisions, je m’en excuse, c’est le défaut du chercheur qui veut reconstituer l’histoire du passé avec tous les moyens dont il dispose.
  24. Les Fantaisies d’histoire naturelle de M. Michelet, 1er février 1861 (Revue des Deux Mondes).
  25. Collection S, de Lovenjoul, 1er février 1861. F. 84, inédite.
  26. Collection S. de Lovenjoul, inédite.
  27. Inédite.
  28. Inédite.
  29. Inédite.
  30. En 1864, Maurice Sand ayant perdu un enfant, Marc, voyagea en Savoie avec sa femme, et alla visiter F. Buloz à Ronjoux. George écrivit alors à son fils :
    « Je suis contente de vous savoir arrêtés quelque part dans ce beau pays… Vous aimez la Savoie, n’est-ce pas ? Buloz vous fera voir ses petits ravins mystérieux et ses énormes arbres… C’est un endroit superbe que sa propriété, et tout alentour, il y a des promenades charmantes à faire. Il faut voir mon château de Mademoiselle La Quintinie : il s’appelle en réalité Bourdeau, et de là vous pouvez monter à la Dent du Chat. » « Correspondance à Maurice Sand. Palaiseau, 6 août 1864).
  31. Louis Buloz, fils aîné de F. Buloz, devait mourir à Ronjoux huit ans plus tard en 1869.
  32. Maurice Sand.
  33. Mme Buloz.
  34. Inédite.
  35. Collections, de Lovenjoul, sans date. Inédite.
  36. Eugène Forcade. Voir dans la Revue sa chronique du 15 octobre 1861.
  37. Collection S. de Lovenjoul, 6 novembre 1861. Inédite.
  38. Collection S. de Lovenjoul. Inédite.
  39. Id.
  40. Collection S. de Lovenjoul, 18 janvier 1862, F. 10, inédite.
  41. Id. 21 janvier 1862, F. 12.
  42. 10 janvier 1862, inédite.
  43. G. Sand, Correspondance, 11 mai 1862.
  44. Inédite.
  45. Collection S. de Lovenjoul, 20 juin 1862, f. 38, inédite.
  46. Sibylle parut dans la Revue des 15 août, 1er et 15 septembre, 15 octobre 1863.
  47. Inédite, O. Feuillet à F. Buloz, 15 août 1862.
  48. Collection S. de Lovenjoul, f. 48, inédite.
  49. 20 octobre 1862. Inédite.
  50. 2 novembre 1862. Inédite.
  51. 12 novembre 1862. Collection S. de Lovenjoul, f. 59, inédite.
  52. Abbaye de Hautecombe, sur le lac du Bourget. Cette abbaye contient les sépultures des rois de Sardaigne, elle est demeurée la propriété de la couronne d’Italie après l’annexion.
  53. La crise religieuse au XIXe siècle, par E. de Laveleye, Revue du 15 février 1863.
  54. Saint-René Taillandier.
  55. Collection S. deLoveajoul, 17 février 1863, f. 159. Inédite.
  56. Mlle La Quintinie.
  57. Collection S. de Lovenjoul, F. 80. Inédite.
  58. Collection S. de Lovenjoul, F. 90, Inédite.
  59. La Daniella, 1857. La plus grande partie du dernier feuilleton, qui valut un avertissement au journal La Presse, n’a jamais été réimprimée. « Étude bibliographique sur les œuvres de George Sand par le vicomte S. de Lovenjoul, 1914.
  60. « Michelet a été très loin dans son livre du Prêtre, mais il faisait le plus souvent l’histoire des événements réels, se bornant à énoncer les inconvénients du confessionnal ; puis son livre a paru en 1845, sous un régime de presse libre… Il l’a fait reparaître en 1861, avec une préface nouvelle assez vive, et on n’a rien fait contre lui, il est vrai, mais c’était une réimpression, et la coalition clérico-gouvernementale n’était pas née. » (F. Buloz. Correspondance avec G. Sand, inédite. Collection S. de Lovenjoul. F. 63.)