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Géographie de l’Afrique intérieure occidentale/02

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CONSIDÉRATIONS CRITIQUES
SUR
LA GÉOGRAPHIE POSITIVE
DE
L’AFRIQUE INTÉRIEURE OCCIDENTALE,
ET ANALYSE COMPARÉE DU VOYAGE DE CAILLIÉ À TEN-BOKTOUE
ET DES AUTRES ITINÉRAIRES CONNUS.
(Deuxième article.)

II. Voyages à Ten-Boktoue par la Nigritie

« La géographie des pays peu connus, dit M. Walckenaer dans ses doctes Recherches sur l’intérieur de l’Afrique septentrionale, ferait plus de progrès réels par la publication d’un seul volume qui réunirait tous les itinéraires, que par des centaines de voyages qui ne renferment que de longues et vagues descriptions. »

Cette observation d’un juge tout-à-fait compétent offre un sage conseil dont je tâcherai de profiter autant que peuvent me le permettre les bornes restreintes de ce travail ; c’est-à-dire que je mettrai successivement sous les yeux de mes lecteurs le squelette au moins, si je puis m’exprimer ainsi, des itinéraires dont j’ai dessein de faire usage.

Prenant, comme je l’ai annoncé, celui de Caillié pour thème fondamental, je ferai remarquer d’abord que la marche du voyageur, de Kakondy à Ten-Boktoue, offre trois étapes principales, auxquelles aboutissent plus ou moins immédiatement de nombreuses lignes de route ; j’en subdiviserai dès lors l’examen en trois sections distinctes, où je prendrai successivement pour but d’arrivée Timbou, Gény et Ten-Boktoue.


I. Routes jusqu’à Timbou.

Parti de Kakondy, factorerie anglaise située sur la rive gauche du Rio de Nunho Tristaô (fautivement appelé par le vulgaire Rio Nuñez), Caillié s’est dirigé vers Timbou ; toutefois il n’est point entré dans cette ville : il l’a même évitée à dessein ; mais il a traversé des lieux voisins, dont il a eu soin d’indiquer les gisemens et les distances à l’égard de cette capitale du Fouta-Ghialon, en sorte que sa position est d’une haute importance, tant pour la fixation de la mesure précise des marches, que le voyageur a évaluées à raison de trois milles anglais à l’heure, que pour la détermination des directions réelles des lignes qu’il a relevées à la boussole.

La position de Kakondy, point de départ de Caillié en 1827, comme de Watt et Winterbottom en 1794, et de Campbell en 1817, a besoin en premier lieu d’être déterminée : malheureusement il ne paraît point qu’il ait été fait d’observations astronomiques en cet endroit, et les relations que je viens d’indiquer ne renferment aucune lumière propre à éclairer la question. J’y suppléerai au moyen de la carte de Wadstrom, où l’itinéraire de Watt et Winterbottom fut tracé, dès 1795, avec beaucoup de soin et de détails. Ainsi que le savant Rennel l’a déjà fait remarquer dans son Mémoire sur le premier voyage de Mungo-Park, cette construction est passible, dans toutes ses parties, de la correction qui résulte de la différence entre le mille anglais de 69 1/2 au degré, et le mille géographique de 60 au degré, attendu que Wadstrom a compté par erreur en milles géographiques ou minutes de degré les mesures itinéraires données par nos deux voyageurs en statute miles d’Angleterre.

Or Wadstrom, qui le premier a fait connaître Kakondy, le place (évidemment d’après le journal de route des deux Anglais) à 68 milles de l’embouchure du Rio de Nunho Tristaô, dans une direction E.N.E.1/2N. ; réduction faite, la distance à compter n’est que de 58’7.

L’embouchure du Rio de Nunho Tristaô, qui n’est indiquée qu’hypothétiquement dans les cartes les plus récentes du Dépôt général de la Marine, est placée, dans celles de l’Amirauté anglaise, par 10° 37′ N., et 17° 9′ O. de Paris, environ ; ce qui donne, pour la position de Kakondy, 11° 5′ N. Et 16° 16′ O. (J’avertis ici, une fois pour toutes, que toutes mes longitudes seront comptées du méridien de Paris.) J’ignore sur quelles données M. Jomard a établi la position de ce lieu par 11° 10′ N. et 16° 17′ O. ; mais je n’ai pas remarqué sans plaisir que, par des moyens différens sans doute, nous sommes arrivés à des résultats aussi rapprochés, tandis que la carte de M. Dufour donne 11° 10′ N. Et 16° 43′ O.

Passons à Timbou. Sa position doit être déduite des divers itinéraires qui y ont abouti ou s’en sont approchés ; celui de Laing, appuyé d’observations astronomiques faites en des lieux médiocrement éloignés, nous offre, à cet égard, le guide le moins suspect. Voici la série des points de son itinéraire dont la position se trouve déterminée.

Voyage du major Laing au Soulima-na.
Free-Town 
8° 31′ N. 15° 32′ O.
Rokon 
8° 38′ 14° 46′
Roketchik 
8° 30′ 14° 31′
Ma-Yosso 
8° 28′ 14° 13′
Kouloufa 
8° 37′ 14° 01′

Siméra 
8° 46′ 13° 54′
Nyniah 
8° 46′ 13° 47′
Kania-Kouta 
8° 54′ 13° 37′
Komia 
9° 22′ 13° 23′
Samba 
9° 30′ 13° 09′
Falaba 
9° 49′ . . . . . .

La table de ces positions, donnée dans la relation de Laing, porte Nyniah par une latitude de 8° 40′ ; mais il y a sans doute erreur de chiffre, attendu que, d’après la remarque du voyageur, ce lieu est directement à l’E. de Siméra ; la latitude corrigée que j’indique ici est celle qu’a employée le géographe anglais Wyld, dans la belle carte spéciale qu’il a donnée de cette patrie.

Les longitudes ont été déduites par le capitaine Sabine, ami de Laing, des observations chronométriques de celui-ci. Le chronomètre employé était de fabrique française ; c’était le No 76 de Louis Berthoud, qui, destiné à l’expédition de M. de Chastellux, en 1816, fut cédé, du consentement de cet officier, après le naufrage de la Méduse, au major Peddie, qui le demandait avec instances ; il servit à Campbell, puis à Gray, enfin à Laing, demeurant ainsi affecté aux expéditions d’Afrique. J’ai pensé que ces détails, tout-à-fait inédits, ne paraîtraient pas sans intérêt à plusieurs de mes lecteurs.

La longitude de Falaba n’a pas été observée ; mais elle peut être facilement conclue du gisement de ce lieu, combiné avec sa latitude. La marche du voyageur, en partant de Samba, ayant été de 10 heures au N.E. et 4 heures au N., la direction résultante est une ligne N.E.1/4N., laquelle doit couper le parallèle de 9° 49′ N. par 12° 56′ de longitude O. ; la belle carte spéciale de Wyld donne à tort une longitude plus orientale d’environ 9’.

Timbou se trouvant, d’après les informations recueillies par Laing, à trois petites journées (que je crois pouvoir évaluer à 45’) au N.N.O. de Falaba, sa position absolue, déduite de ce point, sera par 10° 31′ N. et 13° 13′ O. environ. La carte de Wyld place Timbou directement au N. de Falaba : ce gisement est en contradiction avec celui qu’a indiqué le major Laing ; il semble concorder, il est vrai, avec les relèvemens faits à Koukodougoré, 4 milles S. de Falaba ; en ce lieu, en effet, Laing releva Timbou au N. directement ; mais il est évident que tous les gisemens pris en cet endroit sont indiqués d’après le N. de la boussole, et sont en conséquence passibles d’une correction d’un point et demi à deux points, à raison de la variation N.O. de l’aiguille.

De Falaba, le voyageur fit une excursion vers l’E. inclinant au S., jusqu’aux sources de la Rokelle, où il arriva le matin du troisième jour : de ce point, il put voir, à 25 milles de distance S.E.1/4E., la montagne de Loma, où est la source du Niger, et dont il estima la position par 9° 25′ N. et 12° 5′ O. Il se trouvait donc lui-même alors par 9° 35′ N. et 12° 25′ O., relevant au N.1/4N.E. les hautes montagnes d’où s’échappe le Mongo ou Scarcies, et directement au N. la ville de Beylia, située à deux jours de marche S.E. de Timbou.

Laing fut rejoint à Falaba par le soldat nègre Jacques Lebore, ancien trompette dans les armées françaises, qui arrivait par un autre chemin que celui qu’avait suivi le major ; celui-ci remarque qu’il a eu beaucoup de peine à établir cet itinéraire, et il renvoie à la carte de son voyage pour la manière de le tracer ; or la construction graphique diffère notablement, quant aux longueurs relatives des marches, des indications données à cet égard, en heures, dans le texte de la relation ; ces différences proviennent sans doute de ce que l’évaluation itinéraire a tenu compte des circonstances, telles que le passage des rivières, les mouvemens du terrain, et autres, qui ont dû raccourcir ou allonger la ligne parcourue dans la journée de route : c’est donc, ce me semble, une nécessité d’admettre en général à cet égard les évaluations de distances adoptées dans la construction ; mais je ne vois aucune raison de faire subir aux gisemens consignés dans le texte les altérations, peu importantes d’ailleurs, qu’ils ont éprouvées dans ce tracé ; je recueillerai seulement, à cet égard, comme un renseignement utile, la direction N.E. attribuée aux 12 premières heures de marche dans la carte, et omis dans le texte ; je compléterai donc l’esquisse du voyage de Lebore, insérée dans la relation de Laing, par les données relevées sur la grande carte de Wyld, et marquées ici d’un astérisque*.

Itinéraire de Jacques Lebore.


Heures de
marche.
Milles
anglais.
Départ de Malacouré.
Mola 
4 6 N.E.*
Kafou 
4 6 N.E.*
Tasin 
4 4 N.E.*
Laïah 
4 6 N.1/4N.E.*
Passage du Kolungtang ou Grand-Scarcies.
Senaïa 
6 5 N.E.
Koufouna 
16 18 E.
Gangia 
6 8 E.
Gololia 
12 14 E.
Kissolia 
12 14 E.1/4N.E.
Kotto 
6 8 E.1/4N.E.
Passage du Kabba.
Yamberri 
12 11 E.1/4N.E.
Dubia 
12 8 E.1/4N.E.
Route dans les bois.
Passage du Yanga.
Route dans les bois.
Passage du Mongo 
36 16 E.1/4N.E.
Moussaïah 
12 17 E.1/4N.E.
Passage du Kiffa.
Falaba 
12 24 E.N.E.


Il y a, dans ces dernières distances, une telle dissemblance d’évaluation proportionnelle que peut-être une correction est à faire ; je proposerais volontiers, mais sans y insister beaucoup, de retrancher 8 milles de la dernière pour les reporter à l’antépénultième.

Quoi qu’il en soit, une autre donnée essentielle est encore à rechercher pour être en mesure de faire usage de l’itinéraire de Lebore : je veux parler de la position de Malacouré, point de son départ. La relation de Laing contient à ce sujet quelques indications incomplètes, dans le récit de deux missions que cet officier avait remplies (peu de temps avant son voyage de Falaba), auprès des chefs mandings voisins de Sierra-Léone : les voici.

Indications résultant des deux premières missions du major Laing.
Milles anglais.
De Kambia à Malacouré 
20 N.O
De Malacouré à Boukaria 
30 N.1/4N.E.
De Boukaria à Fodikaria 
12 O.
De l’embouchure de la Kissy à Fodikaria, par eau 
60 . . . . . .

La position de Kambia n’étant pas fixée, non plus que le gisement de Fodikaria à l’égard de l’embouchure de la Kissy, on ne pourrait déduire des indications précédentes aucun résultat positif, si l’on n’avait recours à d’autres lumières. Je suppléerai à leur insuffisance au moyen de la carte de Wyld, à laquelle j’emprunterai le point de Kambia ; le silence gardé par Laing à l’égard de sa situation, semble insinuer que ce lieu, médiocrement éloigné des établissemens anglais de Sierra-Léone, est bien connu dans la colonie ; cette considération peut servir à concilier plus d’autorité à une position que l’on est obligé d’adopter de confiance. D’après la carte de Wyld, Kambia est par 9°4’ N. et 14°54’ O., ce qui portera Malacouré par 9°16’ N. et 15°6’ O., c’est-à-dire à plus de 7’ de la place que lui assigne la même carte.

À Koufouna, la route de Lebore a dû couper celle du chirurgien O’Beirne ; les détails de celle-ci ne sont connus que par la carte de Wyld, sur laquelle je les ai relevés ; en voici le résumé.

Itinéraire du chirurgien O’Beirne
Milles anglais.
Départ de Port-Logo.
Kebrunto 
17 N.E.
Passage d’un affluent du Petit-Scarcies.
Woulak 
3 N.1/2E.
Laïah 
10 N.1/2E.
Passage du Mongo ou Petit-Scarcies.
Sanama 
6 N.
Taneuah 
4 N.
Angle de route 
7 N.
Passage d’un petit ruisseau affluent du Grand-Scarcies.
Koukouna 
4 E.N.N.
*
Berrikari 
10 E.N.E.1/2E.
Koufouna 
10 N.E.1/4E.
Fodiah 
19 E.1/4N.E.
Passage du Calinco.
**
Sahuniah 
18 E.1/4N.E.
Passage du Calinco pour la seconde fois.
Dourouniah 
12 N.E.1/4E.
Passage du Kambelli.
Nenghya 
10 N.E.1/4E.
Passage d’un ruisseau affluent du Grand-Scarcies.
Uss 
11 N.E.1/4E.
Marmodiah 
7 N.E.

Misserah 
10 N.E.
Dyambilia 
12 E.N.E.
Tellico 
10 N.E.1/4N.
Koumi 
4 E.N.E.
Dendia 
10 E.N.E.
Passage du Bafing.
Naufagi 
9 N.E.
Darah 
4 N.E.1/2N.
Timbou 
5 N.E.1/2N.

* Berrikari.
Lindingugha 
4 S.E.1/4E.
Angle de route 
4 N.E.
Kinto 
11 E.1/4N.E.
Killamiah 
5 E,1/4N.E.
Laïah 
8 N.E.
Yana 
9 N.E.1/2E.
Passage du Calinco.
**
Sahuniah 
9 N.E.1/4E.

Il y a lieu de regretter ici, comme en tout cas semblable, de ne connaître l’itinéraire de O’Beirne que de seconde main, et lorsque, combiné avec d’autres routes, il a subi, au gré du constructeur, les altérations de gisemens et de distances que sollicitait le besoin d’un rapprochement mutuel entre des résultats qui semblaient divergens. Un tel document ne saurait inspirer une confiance entière, et loin de plier à ses indications celles des itinéraires originaux, c’est aux résultats de ces derniers qu’il sera naturel d’assujétir les points de rencontre de l’itinéraire bâtard : on court du moins la chance, en agissant ainsi, de ne faire que rétablir l’allure primitive des élémens originaux.

Au surplus, les redressemens de cette nature dont me paraît susceptible la route de O’Beirne relevée sur la carte de Wyld, ne sont pas considérables, et pourraient même, sans beaucoup d’inconvéniens, être appliqués à des données originales.

La route dont il s’agit appuie ses extrémités sur Port-Logo et Timbou ; le premier point, peu éloigné du chef-lieu de la colonie anglaise, est sans doute assez bien connu pour que l’on puisse adopter sans aucune défiance la position que lui assigne le géographe britannique par 8°44’ N. et 14°55’ O. Le lieu du départ demeurant constant, et la position à laquelle j’ai établi Timbou étant d’une quantité notable plus occidentale que celle qu’a employée Wyld, il en résulte, pour la direction générale de la route, la nécessité d’une correction dans le même sens. Or il est remarquable qu’en faisant subir à la portion de cette route, comprise entre Port-Logo et Koufouna, une correction, vers l’Ouest, d’un point seulement, la position de ce dernier lieu viendra coïncider exactement avec celle qui résulte de l’itinéraire de Lebore ; j’établis dont Koufouna par 9°32’ N. et 14°35’ O.

De Koufouna à Timbou la route de O’Beirne offre des points assez nombreux de contact avec celle de Watt et Winterbottom, à leur retour ; il importe donc de construire d’abord celle-ci pour y rattacher l’autre. Je vais donner un résumé de l’itinéraire des deux Anglais, relevé sur la carte de Wadstrom, en ayant soin, d’après l’observation de Rennel, de compter pour milles anglais les milles géographiques employés sur la carte. Il est bon de remarquer que les motifs de défiance que j’ai dû signaler en ce qui concerne l’itinéraire de O’Beirne, relevé sur la carte de Wyld, n’existent point à l’égard de celui de Watt et Winterbottom relevé sur la carte de Wadstrom, attendu que cette dernière route, tracée dans un espace resté absolument vierge jusqu’alors de toute détermination géographique, s’y est colloquée sans gêne, sans collisions, et par suite sans altération aucune ; en un mot, c’est en quelque sorte l’itinéraire original lui-même qui se trouve reproduit ici.

Itinéraire de Watt et Winterbottom.
Premier fragment.
Milles anglais.
Départ de Bareira.
Passage du Bareira et du Kissy.
Fodikaria 
12 E.1/4S.E.
Tambacouria (ou Boukaria
12 E.1/4S.E.
Passage d’une rivière (le Grand-Scarcies).
Mousaïah 
20 E.1/2S.
Sayou 
10 E.1/4S.E.
Boulia 
1 E.1/4S.E.
Santigia 
6 E.1/4S.E.
Sombaria 
4 E.1/2S.
Yatia 
5 E.1/2S.
Tonsania 
3 E.1/2N.
Afayia 
4 E.1/2S.

Passage du Calinco, large de 100 yards, et très profond.
Lieu réputé pour la traite des Foulahs 
8 S.E.
Angle de route 
7 E.N.E.
Ferikia 
10 E.
Passage d’un ruisseau (le Kambelli).
Nyngiah 
5 S.E.
À gauche de la route, la ville mandingue de Tamisso.
Passage du Lillo 
20 N.E.
Dyambilia, première ville des Foulahs 
7 N.E.
Petite ville 
6 N.1/2E.
Télico 
5 E.N.E.1/2N.
Koumia 
7 N.N.E.
Village 
3 N.E.1/2E.
Plantations d’Omar 
2 N.E.1/2E.
Dendeer 
2 N.E.1/2E.
Kalisaw 
3 S.E.
Passage du Bafing, profond de 3 pieds, et courant 2 milles à l’heure.
Plantations d’alimami 
6 E.1/2N.
Résidence de Mahmadou 
4 N.E.1/2E.
Passage d’un ruisseau.
TIMBOU 
6 N.E.1/2E.

Bareira, qui forme l’extrémité occidentale de cette ligne, n’est point autrement connu ; mais l’étape voisine, Fodikaria, peut être déterminée au moyen des informations qui résultent des premières missions du major Laing, en s’appuyant sur Malacouré ; les 30 milles anglais N.1/4N.O. de Malacouré à Boukaria, et les 12 milles O. de Boukaria à Fodikaria, me donnent la position de cette dernière par 9°40’ N. et 15°10’ O. environ ; et l’itinéraire de Watt et Winterbottom se trouve ainsi rattaché de ce côté, par celui de Lebore, à celui de O’Beirne, avec lequel il coïncide à son autre extrémité.

Ces deux routes doivent également coïncider vers leur milieu, au point de Nengyah, que l’itinéraire de Watt et Winterbottom place à 91 milles anglais en ligne droite, ou 79’ de Fodikaria, et à 66 milles anglais ou 57’ de Timbou ; la rencontre de ces deux lignes de distance aura lieu par 9°48’ N. et 13°50’ O. Il est intéressant de remarquer que la distance qui résultera de cette position, entre Koufouna et Nengyah, sera exactement la même que celle donnée par l’itinéraire de O’Beirne, et que le gisement relatif des deux points est aussi presque entièrement identique. Il se présente en outre, dans cette construction, une coïncidence intermédiaire, que Wyld a négligée, bien qu’elle résulte forcément d’un accord parfait des gisemens et distances, c’est celle de Sahuniah de O’Beirne, avec le lieu désigné par Watt et Winterbottom, comme a noted place for seizing Foulahs.

Entre Nengyah et Timbou, les deux routes se réunissent encore à Dyambilia, traversent ensemble Telico, Komia, Dendia, et là se séparent de nouveau pour bientôt se retrouver ; il n’y aura donc guère de difficulté à assujétir, dans cette partie, l’itinéraire de O’Beirne à la construction de celui de Watt et Winterbottom, d’autant plus que, par une circonstance que l’on ne peut attribuer au hasard, la carte de Wyld donne entre Nengyah et Timbou précisément les 66’ employées sur la carte de Wadstrom, et que nous savons devoir être en réalité 66 milles anglais ou seulement 57’. J’en conclus que le géographe royal britannique doit subir ici la même réduction que Wadstrom, sur la distance totale ; seulement le raccourcissement à opérer sur la route de O’Beirne ne me paraît point devoir porter sur les distances partielles, mais bien sur les flexions de la ligne itinéraire : on voit en effet que dans l’espace compris entre Dyambilia qui tombera par 10°7’ N. et 13°34’ O., et Dendia qui se trouvera par 10°23’ N. et 13°34’ O., espace pendant lequel les deux routes marchent ensemble, celle de O’Beirne ne compte réellement que la distance réduite de celle de Watt et Winterbottom ; cette particularité, jointe à l’accord précédemment reconnu entre les distances indiquées par O’Beirne, et celles que présentent les autres documens, me porte à conserver intactes toutes les distances partielles de son itinéraire, sauf à accuser davantage les angles résultans des gisemens relevés. De cette manière, la petite portion comprise entre Dendia et Timbou subira une inflexion au moyen de laquelle Naufagy viendra naturellement tomber sur le lieu où, d’après Watt et Winterbottom, se trouvaient les plantations d’Alimami c’est-à-dire du roi ; et par suite Darah s’appliquera exactement sur la résidence de Mahmadou. De plus, on verra s’identifier les points où les deux itinéraires ont respectivement traversé le Bafing ou Sénégal.

Les quatre routes que je viens d’analyser forment entre elles un réseau qui les retient réciproquement dans une dépendance mutuelle ; et leur résultat commun doit inspirer d’autant plus de confiance que ces routes sont préalablement assujéties à un plus grand nombre de coïncidences partielles.

Les itinéraires vers Timbou, qu’il me reste à examiner, n’ont pas entre eux une connexion aussi intime, et ils n’offrent même, avec les précédens, d’autre nœud que le point d’arrivée.

Quoi qu’il en soit, la position de Timbou que j’ai conclue de l’itinéraire de Laing, et que j’ai déjà vérifiée par les itinéraires de Lebore et de O’Beirne, et par la route de retour de Watt et Winterbottom, se trouve encore merveilleusement justifiée par la route d’aller de ces deux derniers voyageurs. Tout le monde sera frappé, comme je l’ai été moi-même, d’une concordance que je n’avais point calculée d’avance, et que je n’osais espérer aussi parfaite : il est très-remarquable, en effet, que mes calculs offrent entre Kakondy et Timbou une distance de 184’ en ligne droite, et que l’écartement des mêmes points mesuré sur la carte de Wadstrom est de 214 milles, qui, réduction faite, reproduisent précisément mes 184’. Un tel accord me donne, je pense, le droit de regarder ma position de Timbou, sinon comme rigoureusement exacte, du moins comme approchant fort de la vérité.

Je vais passer à l’examen de l’itinéraire qui me fournit cette heureuse coïncidence. Je le partagerai en deux fractions, se séparant au point de Laby, qui marque le sommet d’une brusque flexion dans la direction de la route, et qui se trouvant, d’après Wadstrom, à 192 milles de Kakondy, et à 66 milles de Timbou, c’est-à-dire, réduction faite, à 166’ de la première et à 57’ de la seconde de ces villes, doit tomber par 11°26’ N., et 13°30’ O. Cette séparation rendra plus commode la comparaison successive de chaque partie avec les autres itinéraires qui se rattachent respectivement à l’une ou à l’autre. J’ai déjà averti que je relevais cette route sur la carte de Wadstrom, en ayant la précaution de nommer milles anglais les milles géographiques du docteur.

Itinéraire de Watt et Winterbottom.
Second fragment.
Milles anglais.
Départ de Kakondy.
Passage du Banketey 
3 E.1/4N.E.
Passage du Bandahmder 
2 E.1/4N.E.
Passage du Passage du Barckello 
8 E.1/4S.E.
Passage du Pompo 
3 E.1/4S.E.
Passage du Fatoora (Falgora
4 E.1/4S.E.
Angle de route 
4 E.1/4N.E.
Passage du Tingalinta 
4 E.
Passage du Dindelacary 
4 E.
Passage du Calingcoe 
2 E.
Passage du Boudeporta 
6 E.
Passage du Saporcirisy (lisez avec Rennel Sapacury
5 E.1/4N.E.
Passage du Coggan, large de 50 yards, courant 3 ou 4 milles à l’heure 
9 E.N.E.
Consan, première ville foulah 
8 S.E.1/4E.

Passage d’un ruisseau (Serriwomba ?) 
7 N.E.1/2E.
Petite ville 
14 E.1/4S.E.
Passage d’un ruisseau (Pousa ?) 
7 E.1/4N.E.
Passage d’un ruisseau (Lagoudy ?) 
5 E.1/4N.E.
Passage du Kober 
6 E.1/4N.E.
Passage du Dunso, large de 40 yards, courant 4 à 5 milles à l’heure 
9 E.1/4N.E.
Angle de route 
3 E.1/4N.E.
Aiguade dans les montagnes 
2 E.N.E.
Passage de la Panjetta 
13 E.1/4S..E.
Passage d’un ruisseau (Lamicori) 
6 E.S.E.1/2E.
Passage d’un ruisseau (Gikini) 
8 E.S.E.1/2E.
Moury 
7 E.N.E.
Cabane de bergers 
7 E.1/2N.
Ville mandingue 
4 E.N.E.
Angle de route 
5 E.1/4N.E.
Habitation d’un vieillard hospitalier 
4 E.
Angle de route 
2 E.
Plantations d’Alyou Malfy 
12 E.S.E.1/2E.
Laby 
20 E.1/4N.E.

De Kakondy jusqu’à la rivière Panjetta, l’itinéraire qui précède donne une liste nombreuse de rivières et de ruisseaux qui furent également traversés en 1817 par l’expédition dont le capitaine Campbell se trouvait le chef par suite de la mort du major Peddie. On chercherait toutefois vainement, dans la relation rédigée par le chirurgien Dochard, qui en faisait partie, les élémens complets d’un itinéraire suivi ; je suis obligé d’y suppléer au moyen de la carte qui y est jointe : mais elle est projetée sur une échelle si réduite, et construite d’ailleurs dans son ensemble avec si peu d’exactitude, que je ne donne ici les relèvemens que j’y ai pris que comme un simple renseignement fait pour inspirer une médiocre confiance.

Itinéraire de l’expédition de Campbell.
Milles anglais.
Départ de Kakondy.
Harrimakong 
10 N.E.1/4E.
Passage du Changeballe 
1 E.N.E.
Passage du Pompo 
4 E.N.E.
Passage du Falgory 
7 E.N.E.
Tingalinta, village 
6 E.N.E
Passage de la rivière de Tingalinta 
3 E.
Passage du Dindilicourie 
6 E.
Passage du Callingco 
6 E.1/4N.E.
Passage d’un ruisseau (Boundeporta).
Passage du Sappacourie 
4 E.1/4N.E.
Passage du Cogan, large de 50 yards 
13 E.1/4N.E.
À droite de la route, la première ville depuis Tingalinta.
Passage du Serriwomba 
13 E.1/4N.E.
Ville déserte 
13 E.1/4N.E.
Passage du Kuling et d’un autre ruisseau.
Passage du Bontongco 
12 E.1/4N.E.
Passage du Pousa 
10 E.
Passage du Lagoudy 
5 E.
Passage du Coba 
10 E.
Passage du Yangalli 
4 E.
Passage d’un ruisseau.
Passage du Dunso, large de 30 yards 
7 E.1/2N.
Passage d’un ruisseau.
Passage du Kankinhang 
6 E.1/2N.
Halte à la Panjetta 
6 E.1/2N.

L’expédition ne dépassa point la Panjetta ; il est vrai que le sergent Tuft et le capitaine Campbell lui-même se rendirent successivement auprès du roi de Timbou, ce dernier à Dhountou, dont la situation n’est pas indiquée, l’autre à Pappadarra, dans les environs de Laby, et jusqu’à Beylia, à 2 journées S.E. de Timbou ; mais leurs itinéraires n’ont point été conservés : celui qui est tracé sur la carte à l’E. de la Panjetta n’est autre que celui de Watt et Winterbottom jusqu’à Laby et Timbou, ainsi qu’il est aisé de le reconnaître aux contours généraux de la route, bien que les distances aient été arbitrairement allongées, surtout entre Laby et Timbou. On peut toutefois relever encore sur ce tracé défectueux un renseignement utile : ce sont les noms des deux ruisseaux qui se rencontrent immédiatement au-delà de la Panjetta ; le premier est appelé Lamicori, le second Gykini (Jeekini).

Quant à la route parcourue par l’expédition, je dois faire remarquer, en premier lieu, que les gisemens entre Kakondy et le Tingalinta, tels que je les ai relevés sur la carte, sont en contradiction manifeste avec la direction générale consignée dans le texte de la relation : la carte, en effet, donne entre ces deux points une résultante E.N.E., et la relation (au moins dans la version française, la seule que j’aie pu me procurer) indique le S.E. Dans le premier cas, la route de l’expédition aurait passé au N. de celle de Watt et Winterbottom, tandis que dans le second cas elle l’aurait au contraire longée au S. ; la carte dressée par M.  Dufour, sous la direction de M. Walckenaer, a adopté la première hypothèse : j’avoue que cette option ne me paraît pas suffisamment justifiée, au moins pour toute l’étendue de l’itinéraire. Il faut rechercher l’éclaircissement de ce point dans quelques circonstances particulières de la route.

Deux considérations principales peuvent aider à résoudre la question : d’une part, le volume d’eau des rivières, de l’autre le nombre des affluens traversés ; il n’est point douteux en effet que le voyageur le plus éloigné des sources sera précisément celui dont la route, coupée d’un moindre nombre de courans, aura rencontré dans les grandes rivières, pendant la même saison, le volume d’eau le plus considérable. Le Cogan a d’abord, sous ce dernier point de vue, attiré mon attention ; mais les renseignemens fournis par Watt et Winterbottom, de même que ceux consignés dans la relation de Dochard, s’accordant à lui donner, sur une profondeur de 2 pieds, 50 yards ou 150 pieds de large (M. Walckenaer dit par inadvertance 50 pieds), on n’en peut rien conclure pour la position respective des deux itinéraires : on en doit seulement tirer cette conséquence, que tous deux ont traversé cette rivière en des points entre lesquels le fleuve ne reçoit nul affluent.

Le Dunso me fournira des lumières plus positives : en effet, l’expédition de Campbell l’a traversée à un gué de 90 pieds seulement ou 30 yards, tandis que Watt et Winterbottom ont trouvé à ce fleuve une largeur de 40 yards ; donc ceux-ci l’ont traversé plus bas, c’est-à-dire plus au Nord. Cette conclusion est renforcée par les argumens tirés du plus grand nombre de ruisseaux et de rivières rencontrés en ces mêmes parages par l’expédition de Campbell : entre le Koba ou Kober et la Panjetta, Watt et Winterbottom n’ont eu à passer que le Dunso ; au lieu que Campbell a trouvé, outre le Dunso, d’abord le Yangally et un autre ruisseau, affluens de la rive gauche, puis encore un ruisseau et le Kankinhang, affluens de la rive droite ; et c’est par la réunion de ces divers courans que la masse des eaux du Dunso a pu s’accroître de 10 yards ou 30 pieds, en largeur, avant d’atteindre le point du passage de Watt et Winterbottom. Pareillement entre le Cogan et le Koba, ces derniers n’ont eu à traverser que trois ruisseaux, au lieu que Campbell en a trouvé huit, dont deux à la vérité coulant vers le S., paraissent appartenir à un autre bassin. Entre le Cogan et le Tingalinta, et même à l’O. de ce dernier jusqu’au Pompo inclus, le nombre des ruisseaux traversés est égal de part et d’autre.

À l’ouest du Pompo, la dispartié se reproduit, mais dans un sens inverse, c’est-à-dire que c’est la route de Watt et Winterbottom qui indique le plus grand nombre de ruisseaux ; il semblerait donc qu’en cette partie elle doit être tracée plus haut que celle de Campbell, ou au S. de cette dernière. Je pense toutefois qu’il n’y a point lieu d’appliquer ici le raisonnement que j’ai employé pour les autres portions des deux routes ; car il faut tenir compte d’une particularité remarquable : c’est que si Campbell n’a point traversé le Banketey, le Bandahmder ni le Barkello, de leur côté Watt et Winterbottom n’ont point passé le Changéballé. Or ceci ne me paraît explicable qu’en conservant la route de Campbell au S. de l’autre, et la faisant passer au-dessus des sources des trois petits ruisseaux rencontrés par Watt et Winterbottom, tandis que ceux-ci auront cheminé au-dessous de la jonction du Changéballé au Pompo.

On voit par ce qui précède combien peu de confiance méritent les gisemens que j’ai relevés sur la carte, fort mauvaise d’ailleurs, qui accompagne le journal de Dochard, et combien peu cette relation elle-même est susceptible d’éclairer à cet égard le géographe. Et du reste, dans l’indication unique de direction que j’ai mentionnée plus haut, le traducteur français ou son imprimeur ne peuvent-ils avoir altéré par négligence le gisement ? Un traducteur inhabile a souvent expliqué S. by E. par S.E., au lieu de S.1/4E. ; un imprimeur inattentif a pu mettre S.E. pour N.E., etc.

De cette longue discussion que conclure, en définitive ? Rien de bien précis : en vérité, la mesure de l’écartement variable des deux routes demeurera indéterminée ; mais il n’était pas sans intérêt d’établir, contre la routine commune, leur situation relative en général. Aux considérations que j’ai déjà exposées comme décisives, j’en ajouterai encore une, dont le fondement est, je l’avoue, moins certain, mais toutefois digne d’attention : c’est que la direction générale des rivières inclinant au N.O., les portions des routes comprises entre elles seront d’autant plus longues qu’elles tendront davantage de l’E. vers le S. ; et les distances étant en effet un peu plus longues dans l’itinéraire de Campbell, on aura l’avantage de les employer sans modification.

La route de Caillié a aussi coupé le Tingalinta, qu’il appelle Tankilita ; mais à l’endroit où il l’a vu ce n’était qu’un ruisseau, tandis que Campbell lui a trouvé 110 pieds de large sur 2 ou 3 de profondeur ; Caillié a donc dû le traverser beaucoup plus haut, et par conséquent, d’après l’observation que je viens de faire, à une plus grande distance de Kakondy. Je ne prétends point donner à cette remarque plus d’importance et de valeur qu’elle n’en mérite en réalité ; mais elle offre du moins un préjugé en faveur de l’allongement des distances évaluées par le voyageur d’après une estime trop faible, ainsi que l’a déjà reconnu M. Jomard. J’arriverai tout à l’heure, au surplus, à la mesure exacte de ses marches : cette mesure me sera donnée avec une justesse satisfaisante par la position précise du point où la route de Caillié a coupé celles de Watt et Winterbottom, et de Mollien entre Timbou et Laby. Je vais donc m’occuper d’abord de construire celles-ci. Je commencerai par celle de Watt et Winterbottom, dont voici le résumé.

Itinéraire de l’expédition de Watt et Wintebottom.
Troisième et dernier fragment.
Milles anglais.
Départ de Timbou.
Passage de deux ruisseaux.
Poukou 
9 N.O.
Petit village 
6 N.1/2O.
Kourow 
4 N.
Aiguade 
4 N.
Retichier 
7 N.1/2N.E.
Tenyea, ville et rivière 
1 N.1/2N.E.
Boudyea, village et ruisseau 
6 N.1/2E.
Sefoura, village et rivière 
10 N.1/2E.
Passage d’un ruisseau 
5 N.
Petit village 
7 N.
Passage d’un ruisseau 
9 N.O.
Laby 
5 N.O.

Les points extrêmes, Timbou et Laby, étant déjà déterminés, le tracé de cette ligne est facile. Mais il n’est point aussi aisé d’y raccorder celles que Mollien a parcourues dans le voisinage, soit en allant de Bandéïa à Timbou, soit en revenant de Timbou à Bandéïa. Comme Timbou offre la seule position déjà connue de ce double itinéraire, j’en fais naturellement, dans les deux cas, le point de départ, et de Bandéïa celui d’arrivée.

Itinéraire de Mollien. — Aller.
Premier fragment.
Milles de 75 au degré.
Départ de Timbou.
Passage du Sama, affluent du Bafing.
Poukou 
8 N.N.O.
À droite de la route coule le Gaugoré, se dirigeant à l’E.
Niogo, au pied de la montage de Couro 
13 N.N.E.
Passage de la Falémé à une lieue de sa source.
Source de la Falémé 
12 N.
Courbari 
2 S.S.E.
Boié, village, et ruisseau affluent de la Falémé 
3 N.O.
Un rumbdé 
3 N.N.O
Séfoura 
4 N.
Dongué 
6 N.N.E.
Rumbdé-Gali 
4 N.
Fenolengué 
5 N.N.O.
Passage du Contari, affluent du Dombé.
Kala 
4 N.N.O.
Passage du Dombé, affluent de la Falémé.
Cambaïa 
6 O.
Un village 
7 O.1/4N.O.
Source du Rio-Grande et de la Gambie 
4 N.
Runbdé Toulou 
6 E.
Toulou 
3 S.S.E.
Songui 
12 N.N.E.
Bandéïa 
7 N.N.O.
Itinéraire de Mollien. — Retour.
Premier fragment.
Milles de 75 au degré.
Départ de Timbou.
Cases d’Abdoul (… lahi) 
2 N.
Poukou 
6 N.1/4N.O.
Sumbalako 
8 O. un peu N.
Passage du Bafing.
Dalaba 
8 O.
Sources du Sénégal ou Bafing 
8 N.
Porédaka 
3 N.
Niogo 
12 E.
Passage de la Falémé.
Rumbdé Paravi 
12 N. un peu E.
Lalia 
10 N.N.E.
Rumbdé-Jali 
8 N.N.E.
Thuné 
12 N.N.O.
Niamaïa 
16 N. un peu E
Bandeïa 
24 N.

La résultante de la route d’aller est de 76 milles N. 3° O. de Timbou, tandis que celle de la route de retour est de 98 milles N. Cette notable dissidence provient-elle de deux erreurs en sens inverse, qui doivent se corriger réciproquement et donner une moyenne admissible ; et la correction qui doit affecter les distances totales portera-t-elle proportionnellement sur les distances partielles ? ou bien l’allongement de l’une, le raccourcissement de l’autre s’opèreront-ils au moyen du redressement des angles de route de la première et d’une flexion plus prononcée de ceux de la seconde ? Ou bien la route la plus courte doit-elle être conservée intacte, et faut-il y faire cadrer la plus longue, soit en se bornant à infléchir plus vivement ses sinuosités, soit en modifiant aussi les distances de détail ? Ou bien enfin est-ce la plus longue au patron de laquelle il y a lieu d’ajuster l’autre, en redressant ses courbures ou en dilatant ses lignes élémentaires ? Quelle complication de difficultés !

Si dans l’ensemble on passe aux détails, on pourra relever plus d’une contradiction entre ces deux routes. Outre leurs extrémités, elles ont encore quelques points communs : l’une et l’autre offrent Poukou et Niogo ; une étude attentive des détails contenus dans la relation du voyage, fera de plus reconnaître que le village de Lalia doit être fort rapproché de Séfoura ; peut-être faudra-t-il encore faire coïncider ensemble le Rumbdé-Gali de l’une des routes avec le Rumbdé-Jali de l’autre. Ces divers rapprochemens résulteront-ils sans effort des indications de l’itinéraire ? On en va juger.

Poukou, à 8 milles seulement de Timbou, tombe déjà, au retour, plus E. qu’à l’aller : l’erreur est facile à reconnaître et à corriger. Mollien, en allant directement de Poukou à Timbou, avait relevé la position du premier à 8 milles N.N.O. du second ; ayant, au retour, fait 2 milles N. jusqu’aux cases d’Abdo’llahi, il lui restait à courir 6 milles N.O.1/4N. pour regagner Poukou ; peu familier peut-être avec les subdivisions du compas de route, ou peu attentif à les noter exactement, il a écrit 6 milles N.1/4N.O., prenant ainsi à droite du N.N.O. la quantité qu’il fallait compter à gauche.

À Niogo c’est bien une autre affaire : la route directe d’aller met ce village à 13 milles N.N.E. de Poukou ; la route complexe du retour conduira à 13 milles N.N.O. Ici l’erreur me semble provenir d’une trop faible estime de la longue journée de marche entre Porédaka et Niogo, soit que le voyageur ait réellement fait un calcul inexact, soit qu’il n’y ait en définitive qu’une simple transposition de chiffres faite par inadvertance dans l’écriture ou l’impression ; je pense qu’il faut lire 21 milles au lieu de 12.

Le gisement de Lalia, relativement à Séfoura, n’étant point indiqué, l’on ne peut préciser, à leur égard, l’accord ou la divergence des deux routes ; il est seulement à noter que les gisemens respectifs de ces deux villages, relativement à Niogo, offrent entre eux une concordance raisonnable.

Un accord assez facile des gisemens et distances comptés de Niogo fait tomber le Rumbdé-Gali de l’aller sur le Rumbdé-Jali du retour ; en sorte que malgré la différence, très-légère au surplus, de leurs noms, l’on est en quelque sorte poussé à les reconnaître pour un seul et même lieu, dont la consonne initiale serait le gym mouillé, assez difficile à représenter, et que M. Jomard écrit par dhi, M. le baron Roger, plus heureusement ce me semble, par ghi.

Entre Galiou Jali et Bandéïa la dissidence est notable, car l’une des routes offre seulement 30 milles N.1/4N.O., tandis que l’autre donne 51 milles N.1/2O. ; on peut bien ne tenir aucun compte de la légère différence de gisement, mais comment accorder les distances ? Le texte de la relation n’offre à cet égard qu’un faible amendement en indiquant entre Cambaïa et Kala la direction S.E. (au lieu de l’E. que porte l’itinéraire), ce qui ne fait guère gagner que 6 milles sur les 21 à corriger. Ici, faute de mieux, il faut se résoudre à prendre la moyenne, laquelle sera de 43 milles ; quant à la répartition de détail à faire, soit de l’augmentation sur la route d’aller, soit de la diminution sur celle de retour, on peut remarquer, touchant la première, que la journée de marche de Bandéïa à Songui paraît trop courte à 7 milles : il faudrait peut-être lire 17 milles ; et quant à la seconde, que la journée de marche de Rumbdé-Jali à Niamaïa, ainsi que celle de Niamaïa à Bandéïa, sont trop longues à 28 et 24 milles : il faudrait, je pense, lire de Jali à Thuné 10 milles, de Thuné à Niamaïa 14 milles (ensemble 23 milles en ligne droite), et de Niamaïa à Bandéïa 21 milles.

D’après l’examen qui précède, on ne peut méconnaître l’utilité d’un secours étranger, non-seulement pour introduire l’itinéraire de Mollien dans le système général du tracé de la Sénégambie, mais même pour faire concorder entre elles, ainsi qu’il convient, les deux routes de ce voyageur entre Timbou et Bandéïa. Je n’ai garde de recourir, à cet effet, à la carte spéciale du voyage ; carte inexacte, et cependant suivie, avec une confiance que j’ai peine à m’expliquer, par tous les cartographes et géographes venus depuis, même par M. Jomard et M. Walkenaer ; un seul entre eux tous, M. Brué, a su échapper, au moins en partie, à l’empire de cette vicieuse routine.

C’est dans l’itinéraire de Watt et Winterbottom que j’irai chercher un secours efficace : son parfait accord avec les résultats que j’avais précédemment conclus d’autres données m’est une juste garantie de la confiance qu’il mérite par lui-même. Or on peut remarquer qu’il présente, avec les deux routes de Mollien, divers points de coïncidence ; les connexions sont même plus nombreuses encore qu’il ne semble au premier aspect. On trouve en effet d’abord Timbou, Poukou, Séfoura ; une étude plus intime fait reconnaître en outre, dans la Tenyea, la Téné ou Falémé, et dans Boudyea, le village et le ruisseau de Boyé. Le récit de Mollien fournit de plus quelques renseignemens, bien que peu précis, sur la position de Laby, relativement à certains endroits de sa route : ainsi, dans le trajet de Songui à Toulou, il avertit ses lecteurs qu’il apercevait dans l’Ouest de hautes montagnes, d’où s’échappait le Rio-Grande, et qui avaient Laby au S.E. ; à Toulou, il retrouve des marchands venant de delà Bandéïa au N., et allant au marché de Laby, lesquels lui proposèrent de les attendre pour cheminer ensuite ensemble vers Timbou au S. ; d’où il semble résulter que Laby est dans le voisinage et vers le S. de Toulou. Essayons de mettre à profit ces utiles indications.

En premier lieu, je rétablirai entre Séfoura et la source de la Téné ou Falémé, dans la route d’aller de Mollien, une série de gisemens dans lesquels il y a nécessairement erreur ; en effet, si l’on construit cette fraction d’itinéraire d’après les indications du voyageur, et que l’on veuille y appliquer les détails de son récit, on reconnaîtra l’impossibilité évidente d’y adapter le cours de la rivière dont il s’agit ; car on ne pourrait la conduire, en partant de la source, au S. d’abord, puis à l’O. en traversant, à une lieue de son origine, le chemin de Courbari à Niogo, sans lui faire couper le chemin de Boyé à Courbari, ce qui ne doit pas être : il est d’ailleurs incroyable que Mollien se fût rendu de Boyé à Courbari, pour de là venir à la source de la Falémé, si ces points avaient entre eux en réalité la position relative que leur assigne l’itinéraire : il eût effectivement ainsi fait trois pas pour reculer de deux, fait 3 milles au S.E. pour rétrograder de 2 milles au N.N.O. Il suffirait de ces considérations pour faire sentir la convenance de corriger la direction N.O. de Courbari à Boyé en un gisement N.E. ; mais il ne restera même pas à cet égard le moindre doute lorsque, par l’inspection de l’itinéraire de Watt et Winterbottom, on aura acquis la certitude qu’une méprise semblable existe dans le gisement immédiatement voisin, je veux dire entre le village de Boyé et le rumbdé prochain de Séfoura : ce gisement est marqué N.N.O., tandis que de la position de Boyé à l’égard de Séfoura, d’après Watt et Winterbottom, il résulte clairement que la direction dont il s’agit doit être indiquée N.N.E. Le système des gisemens entre la source de la Falémé et Séfoura sera donc, correction faite, établi ainsi qu’il suit : de la source à Courbari, S.S.E. ; à Boyé N.E. ; au rumbdé, N.N.E. ; à Séfoura, N.

Au moyen de toutes les corrections et modifications que j’ai dû faire subir à chacune des deux routes de Mollien, elles se construiront mutuellement sans difficulté, sur le patron l’une de l’autre, dans une direction générale à-peu-près N. et S. Il s’agit maintenant, pour adapter cette double ligne à celles que j’ai déjà tracées, de déterminer l’angle de variation N.O. dont il y aura lieu de tenir compte ici, et la valeur réelle de la mesure itinéraire de Mollien. La solution de cette dernière partie de la question présente d’autant plus d’intérêt, que le voyageur annonce avoir estimé ses marches en milles de 75 au degré, jusqu’alors inusités en géographie, sinon tout-à-fait inconnus. Une vérification facile et prompte aura bientôt démontré que ces prétendus milles de 75 au degré ont une bien autre valeur effective ; car les 8 milles de Timbou à Poukou, et les 32 milles de Poukou à Séfoura, qui résultent de l’itinéraire de Mollien, se retrouvent précisément en même nombre de milles géographiques dans l’itinéraire de Watt et Winterbottom : c’est donc en milles géographiques que, sans s’en douter, Mollien a réellement compté ses distances. Sa route devant coïncider avec celle de Watt et Winterbottom à Timbou, Poukou, Boyé, Séfoura, se trouvera, à cet effet, passible, dans sa direction générale, d’une correction d’un point et demi environ, pour la variation N.O. de la boussole. Il n’est point oiseux de faire remarquer, en passant, que le rumbdé Jali ou Gali, le rumbdé voisin de Séfoura, et le village de Fénolengué, trouveront aussi leurs places déjà marquées, sous la simple désignation de villages, par l’itinéraire de Watt et Winterbottom.

Relevant les positions absolues des principaux nœuds qu’offrent entre elles les trois routes que je viens de raccorder, je trouve Poukou par 10° 36′ N. et 13° 19′ O. ; Niogo par 10° 49′ N. et 13° 18′ O. ; Boyé par 10° 59′ N. et 13° 20′ O. ; Séfoura par 11° 8′ N, et 13° 20′ O. ; Rumbde-Ghiali par 11° 18′ N. et 13° 21′ O. ; et enfin Bandéïa par 11° 57′ N. et 13° 41′ O. Les renseignemens recueillis par Watt et Winterbottom indiquent, à l’O. de cette ligne, la ville de Tumbie ou Timby à 32 milles anglais de Laby et 63 milles de Timbou, et à l’E. la ville de Kanky-Laby, à 32 milles de Laby et 44 milles de Timbou.

Je me suis fort étendu sur les deux fractions de l’itinéraire de Mollien que je viens de discuter ; j’ai dû le faire par plusieurs raisons : d’une part les grandes difficultés que présentait la construction rationelle de ces deux chemins, d’autre part la nécessité de combattre une routine obstinée, enfin, et par dessus tout, l’importance de l’itinéraire de Mollien dans son ensemble, et la nécessité d’en établir aussi solidement que possible une portion fondamentale ; tels sont les motifs que je crois susceptibles de faire excuser l’espèce de développement que j’ai donné à la discussion qui précède.

Je ne me propose point d’examiner ici, dans ce moment, la route du même voyageur entre Bandéïa et St-Louis du Sénégal : elle se rattache plus intimement à un autre système de triangulation itinéraire ; mais c’est le lieu et l’instant de tracer la ligne qu’il a parcourue en revenant de Bandéïa jusqu’au comptoir portugais de Géba : voici la série des points de celle-ci.

Itinéraire de Mollien. — Retour.
Second et dernier fragment.
Milles.
Départ de Bandéïa.
Un village 
3 O.
Bourré 
3 O.
Pellalle 
12 O.
Ardetenkata 
6 O.
Passage d’une rivière.
Rumbdé Koukouma 
7 O.
À gauche de la route, le village serra-colet de Cambréa.
Passage de la rivière de Bentala, affluent du Rio-Grande.
Bentala, village 
10 O.
Passage de plusieurs torrens.
Rumbdé 
12 O.

Tambamasiri, 1er village du Tenda 
3 O.
Un village 
9 O.
Passage du Rio-Grande 
10 O.
Faran 
2 O.
Diafane 
10 O.
Combade 
8 O.
À l’Ouest, la chaîne des montagnes de Koly, entre Kadé et le Fouta-Ghialon.
Kambabolé 
10 O.
Kankoli 
8 O.
Foulakonda 
6 O.
Kikiore 
5 O.
Passage d’un torrent ; repos à Kikimany.
Kadé 
12 O.1/4S.O.
Passage du Rio-Grande une seconde fois 
5 N.
Pinsory 
9 O.
Diaman 
12 N.N.O.
Kandiae 
9 O.
Passage de quelques rivières profondes.
Sumakonda 
9 O.
Serakonda 
9 O.
Bissa-Amadi 
9 O.
Kansoraly 
9 O.
Géba 
9 O.

Je ne connais point de détermination astronomique de la position de Géba ; elle doit être conclue, par estime, de celle de Bissao, que les reconnaissances nautiques de M. le baron Roussin placent par 11°50’ N. et 17°54’ O. Les mémoires de Brue nous apprennent qu’il faut dix marées de six heures chacune pour remonter jusqu’à Géba ; comme la force du courant lutte vivement contre le flot, il s’ensuit que la marche des embarcations est toujours fort lente : d’Anville a estimé les 60 heures de navigation à 57 milles géographiques en ligne droite, et a adopté le gisement N.E.1/2E. ; une carte de l’Amirauté anglaise (celle du capitaine Hurd), où les relèvemens hydrographiques sont poussés, dans les fleuves de cette région, jusqu’aux établissemens européens, met Géba à 54’ E.N.E. environ, de Bissao : la date et la nature de ce document m’engagent à préférer ses indications, qui du reste ne diffèrent pas considérablement de celles de d’Anville. J’établirai dont Géba par 12°14’ N. et 17°4’ O.

De ce point, à celui où j’ai placé Bandéïa, la distance en ligne droite se trouve être de 200 milles géographiques, direction E.1/2S. environ ; or la résultante des distances et gisemens de l’itinéraire de Mollien est de 207 milles E.1/4S.E. ; une différence si médiocre peut être considérée comme nulle, et la similitude des deux résultats comme une concordance des plus complètes et des plus satisfaisantes ; la position que j’ai assignée à Bandéïa se trouve ainsi confirmée par une vérification non moins heureuse que celle que j’ai déjà obtenue pour Timbou.

Me voilà enfin en mesure d’aborder avec avantage l’itinéraire de Caillié. J’en vais d’abord donner l’esquisse, débarrassée des angles de route multipliés qu’indique l’original ; je me contenterai de marquer le gisement de chaque point, par la résultante des directions partielles intermédiaires. Je le conduis provisoirement jusqu’à Cambaya, bien qu’au delà de Timbou, à cause des rapports de position notés par le voyageur entre ces deux points.

Itinéraire de Caillié.
Premier fragment.
Milles anglais.
Départ de Kakondy.
Passage d’un ruisseau coulant au S 
24,5 E.1/4S.E.
Passage du ruisseau le Tankilita 
6 E.N.E.
Oréous 
1,5 E.N.E.
Passage d’un ruisseau.
Sancoubadialé 
13 E.N.E.
Passage d’un ruisseau.
Daourkiouar 
11 S.E.1/4E.
Daourkiouarat 
3,5 E.S.E.
Passage d’un ruisseau.
Coussotami 
8 E.1/2S.
Passage du Naufomou, coulant au N.E.
Dongué 
13,5 E.1/4S.E.
Mirayé 
1 E.N.E.
Passage du Bangala, coulant au S.
Dongol 
16 E.S.E.1/2S.
Passage du Doulinca, trois fois.
Lantégué 
9,5 E.1/4S.E.
Passage du Kakiriman ou Rio-Pongo.
Pandéya 
12 E.1/4S.E.
Courgin 
9 E.1/4S.E.
Comi-Sourignan 
2 E.1/4N.E.
Téléouel 
4,5 E.S.E.
Route de Laby 
1 E.
Laby est à 2 journées N.E.1/4E. de ce point.

Passage du ruisseau de Bouma, coulant au S.E.
Bouma-Filasso 
4,5 E.1/4S.E.
Passage du Cocoulo, large de 45 pas, et coulant au S.O.
Marca 
3 S.E.1/4E.
Gnéré-Témilé 
1,5 E.S.E.
Bourouel 
3,5 E.S.E.1/2E.
Popoco 
5 S.S.E.
Dité 
8 E.S.E.1/2E.
Timbo est à 2 journées S.E.1/4S. de ce lieu.
Foucouba 
3 S.E.1/4E.
Digui 
1 E.
Courou 
2,5 S.E.1/4E.
Passage du Bafin, coulant au N 
19,5 E.S.E.1/2E.
Cambaya 
32,5 E.S.E.1/2E.
Timbo est à 2 journées O.S.O. de ce lieu.

Mon premier soin doit être de rechercher exactement le point précis où ce voyageur a dû couper les routes transversales de Watt et Winterbottom, et de Mollien : je n’ai pas besoin, à cet égard, de faire remarquer qu’il n’y a analogie que de noms, entre le Pandéya et le Cambaya de Caillié, d’une part, le Bandéïa et le Cambaya de Mollien, d’autre part.

C’est nécessairement dans la portion de la route de Caillié, comprise entre Téléouel à l’O. et Cambaya à l’E. que doit exister le point d’intersection qu’il s’agit de déterminer ; et pareillement ce point ne peut se trouver, sur les routes de Watt et Winterbottom et de Mollien, que dans la portion comprise entre Laby au N. et Timbou au S. ; M. Jomard énonce, dans ses intéressantes Remarques et Recherches géographiques sur le voyage de Caillié, qu’à l’endroit où se fait le croisement des routes, il n’y a pas de village, et que la relation de Mollien ne présente, dans ce cercle étroit, aucun nom qui rappelle quelqu’un de ceux retenus par Caillié ; je ne puis admettre une telle assertion, et je crois devoir affirmer, au contraire, que déjà nous connaissions par son nom et sa position l’un des villages énumérés par Caillié entre Téléouel et Cambaya, et que ce nom se retrouve même, accidentellement, dans la relation de Mollien. Que l’on jette en effet les yeux sur l’esquisse abrégée que j’ai donnée plus haut des itinéraires de Caillié, de Watt et Winterbottom, et de Mollien, on verra dans le premier un village de Courou, situé au pied d’une petite montagne ; on trouvera de même dans le second un village de Koorow (ainsi écrit par l’ortographe anglaise, et dont la prononciation régulière peut s’écrire exactement en français par Kourô) : sa position, appuyée sur celle de Timbou, est par 10° 44′ N. et 13° 21′ O. ; le troisième itinéraire n’offre point, sur la route même, un semblable village, mais on y rencontrera, par 10° 49′ N. et 13° 18′ O., c’est-à-dire dans le voisinage, celui de Niogo, situé au pied de la montagne de Couro.

Voilà, ce me semble une triple concordance digne d’attention, et qui mérite qu’on vérifie si elle peut cadrer à toutes les indications du nouveau voyageur. Admettons donc conditionnellement l’identité du Kourou de Caillié avec celui de Watt et Winterbottom, et examinons-en les conséquences. D’après les positions que j’ai déjà assignées à Kakondy et à Kourou, l’écartement de ces deux points est de 175 milles géographiques, et le gisement du second à l’égard du premier est l’E.1/2S. ; Caillié donne 160 milles anglais E.S.E.1/2E ; sur le gisement la variation ne serait que d’un point seulement, tandis que M. Jomard compte un point et demi ou 17° ; et quant à la distance, bien que le docte académicien ait reconnu la nécessité d’allonger l’estime qu’en a faite le voyageur, il n’a point porté jusqu’à 3’3, comme j’y suis obligé, la valeur de l’heure de marche. D’un autre côté, en construisant la route de Caillié dans l’hypothèse que je propose, on aurait Téléouel à 39′ de Laby, Dité à 21′ de Timbou, et Cambaya à 48′ de la même ville ; et cependant toutes ces distances sont uniformément évaluées, par les renseignements donnés à M. Caillié, chacune à deux journées de marche.

Ces apparentes difficultés ne me semblent point toutefois assez fortes pour combattre avantageusement la coïncidence proposée. Examinons-les successivement.

En étudiant le système orographique général du pays, on pourra reconnaître que de Dité à Timbou le terrain est le plus élevé, le plus anfractueux de toute la contrée, et forme précisément la crête, coupée de nombreux torrens, qui sépare les bassins du Sénégal et de la Falémé : dès lors la marche y est pénible, les sinuosités nombreuses, et l’on avance peu. De Téléouel à Laby, une crête semblable s’étend, il est vrai, mais en travers, entre les sources du Sénégal et celles de la Gambie ; le chemin suit ici, tant en montant qu’en descendant, le sens des vallées, et la route, moins facile que dans les plaines, est du moins plus prompte que dans une direction perpendiculaire aux cours d’eau. Enfin, de Timbou à Cambaya le chemin est aisé et naturellement plus rapide, car il est tracé entre le bassin du Sénégal et la plaine de Kankan-Fodéa. En ajoutant à ces considérations celles que pourrait fournir la diversité des sources d’où proviennent les renseignemens, on s’expliquera sans embarras la différence des trois évaluations ci-dessus pour une mesure uniforme de deux journées de marche.

Pour ce qui est de la déclinaison magnétique, on sait assez combien elle est variable, surtout dans l’intérieur des terres, au voisinage des montagnes : ainsi que l’a fait remarquer M. Jomard lui-même, le capitaine de Beaufort l’a astronomiquement déterminée depuis 12° jusqu’à 22°, et Mungo-Park, de 14° 11′ à 17° 40′ ; sur un petit croquis fragmentaire du cours de la Gambie, inséré dans le journal de ce dernier, la variation employée est même de moins d’un point ; Caillié lui-même, qui a relevé trois fois dans son voyage la direction de l’ombre méridienne, l’a trouvée deux fois au N.1/4N.E., et une fois au N.N.E. de la boussole, ce qui laisse flotter l’angle de variation entre un point et deux points. L’angle moyen entre Kakondy et Kourou peut donc sans étrangeté être limité à 12° environ, d’autant plus que le voyageur n’a noté ses directions qu’à un demi-rumb près, en faisant usage, d’ailleurs, d’un instrument de très-petite dimension, consulté à la dérobée, et qui pouvait, au surplus, n’être pas d’une construction bien précise.

Quant aux distances de l’itinéraire, l’estime de Caillié étant de 3 milles anglais par heure, et la mienne de 3’3, l’excès de cette dernière sur la précédente se trouve d’environ 4 cinquièmes de mille ; M. Jomard admet déjà 3 cinquièmes de mille : nous ne différons donc dans nos évaluations que d’un cinquième de mille anglais, ou environ 160 toises par heure de marche : ce n’est guère la peine de s’y arrêter.

Je ne vois donc, en réalité, aucune raison plausible de rejeter l’identité qui s’est naturellement offerte à ma pensée entre les lieux appelés Courou, Kourò, et Couro, dans les itinéraires de Caillié, de Watt et Winterbottom et de Mollien. Dans l’hypothèse de M. Jomard je crois au contraire reconnaître un motif de rejet de son estime, comme trop faible ; il avoue lui-même que de sa construction il résulterait que le Sénégal ou Bafing, dont la source est au N.O. de Timbou, prend son cours à l’O. et au N. (et non pas à l’E.) : or cela est-il conciliable avec les détails que Mollien rapporte de visu quant au cours de ce fleuve d’abord vers le S., et d’après des informations précises quant à son passage au S. de Timbou et à sa direction ultérieure vers l’E., informations d’autant plus dignes de foi, qu’elles se trouvaient, pour le voyageur, en parfaite harmonie avec la certitude personnelle qu’il avait de n’avoir point traversé le Sénégal en venant à Timbou par le N. ; tandis que O’Beirne ainsi que Watt et Winterbottom l’ont traversé au S.O. et au S. de cette ville. Dans mon hypothèse, Caillié aura rencontré ce fleuve à 18 milles vers l’E.N.E. de Timbou, ce qui cadre merveilleusement avec les données précédentes.

D’après ces considérations, je fixerai définitivement à Kourou, par 10° 44′ N. et 13° 21′ O., le point de rencontre de la route de Caillié avec celles de Watt et Winterbottom et de Mollien, et j’estimerai sa marche à raison de 3’3 par heure, c’es-à-dire que je compterai 1’1 pour chacun des milles anglais de son itinéraire.

Ces bases admises, je vais essayer de déterminer comparativement les rapports de construction qu’il y a lieu d’établir entre les trois lignes, peu distantes les unes des autres, parcourures de l’O. vers l’E. par Caillié, par Campbell et Dochard, et par Watt et Winterbottom. Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai déjà dit de la disposition relative des deux dernières ; quant à celle de Caillié, il n’est pas douteux qu’elle ne soit plus méridionale : elle doit en effet passer au-dessus des sources de tous les ruisseaux que les autres ont rencontrés à l’O. du Tankilita, et elle coupe même, dans cet espace, un ruisseau coulant au S., c’est-à-dire prenant naissance au revers des montagnes d’où descendent, au N., ceux qui vont se jeter dans le Rio de Nunho. À l’E. du Tankilita, le voyageur a traversé trois ruisseaux dont il n’indique pas la direction, puis il arrive au Naufomou, coulant au N. comme le Tankilita, et allant, lui a-t-on dit, rejoindre le Rio de Nunho : cette dernière information paraît inadmissible, et je suppose qu’il y a ici confusion ; d’autant plus que la direction du courant vers le N.E. semble indiquer sa jonction prochaine avec quelqu’un des affluens du Rio-Grande. Au surplus, la route dont il s’agit ne rencontre ni le Cogan, ni le Dunso, ni aucun des ruisseaux que coupent les deux autres itinéraires dans leur seconde moitié ; elle passe donc au-dessus de leurs sources, ou même sur le revers des montagnes où celles-ci sont situées ; et là elle rencontre des courans allant vers le S., notamment le Kakiriman ou Rio-Pongo, dont les ruisseaux voisins paraissent être des affluens.

Pour reproduire, dans une construction graphique, la disposition relative des deux routes, il est indispensable de modifier, pour toutes, les gisemens indiqués, dans la portion à l’O. du Tankilita ; mais quelle règle est à suivre pour cette modification, c’est ce qu’il est impossible d’établir d’une manière précise, faute de données suffisantes. Je proposerai seulement une solution conjecturale fondée sur cette probabilité que j’ai déjà eu occasion d’indiquer, mais que je ne donne, je le répète, que pour ce qu’elle vaut : que les lignes de distance de Kakondy au Tankilita, partant d’un point fixe pour atteindre un courant dirigé du S.E. au N.O., se rapprocheront davantage de la perpendiculaire, c’est-à-dire de la direction N.E., en raison inverse de leur longueur. Or Watt et Winterbottom comptent une distance de 24’, Campbell une de 27’, et Caillié une de 32’ ; et comme la première et la dernière, qui doivent marquer le plus grand écartement, sont cependant, par les corrections de variation magnétique, ramenées à un gisement identique E.1/2N., il y a lieu de supposer que la correction a été trop faible dans le premier cas, trop forte dans le second : l’on devra donc augmenter l’une et diminuer l’autre d’une quantité plus ou moins grande ; mais avec circonspection, et en se renfermant dans des limites raisonnablement admissibles ; ainsi le maximum de la nouvelle correction applicable au gisement de la route de Caillié, entre Kakondy et le Tankilita, sera précisément le retranchement total de la première correction N.O. dont il se trouve affecté ; et le maximum de l’augmentation dont serait susceptible le gisement de la portion correlative de la route de Watt et Winterbottom me paraît ne pouvoir guère atteindre jusqu’à un point. Je proposerais volontiers de donner aux deux gisemens extrêmes, à l’aide d’une correction égale de part et d’autre, un écartement total d’un point et demi, dans lequel s’intercalerait naturellement le gisement à donner à la portion correspondante de la route de Campbell : de cette manière, les points de passage du Tankilita se trouveraient étagés, savoir, celui de Campbell à 5 milles au-dessus de celui de Watt et Winterbottom, et celui de Caillié à 7 milles au-dessus de celui de Campbell.

Il est temps que je termine ce chapitre. J’ai tenté d’y exposer les moyens et les résultats admissibles de la construction simultanée de tous les itinéraires qui ont sillonné la Sénégambie austro-occidentale jusqu’à Timbou ; mais les élémens à employer n’étant pas tous également précis ni concordans, quelques parties n’ont pu être établies avec toute la rigueur désirable : je n’ai donné en réalité, à leur égard, que des probabilités, renfermées dans les limites d’incertitude les plus restreintes qu’il m’a été possible. Pour ces portions douteuses, que, simple critique, j’aurais pu laisser dans le vague, j’ai dû, voulant les placer sur la carte, prendre un parti à leur égard ; j’ai dès lors cherché à justifier chaque fois, par des considérations plausibles, l’option à laquelle je me suis déterminé.

Les diverses routes que j’ai ainsi construites peuvent procurer une connaissance assez vraie de l’aspect général de la contrée. On y voit des fleuves nombreux porter à la mer la masse énorme des eaux qu’ils ont amassées dans un cours médiocrement étendu : le plus considérable de tous, le Rio-Grande, n’offre guère qu’une longueur de cent lieues communes, en ligne droite. Cette remarque peut répondre à l’argument que l’on tire de la masse d’eau versée dans le golfe de Bénin par les nombreuses rivières qui s’y déchargent, pour soutenir l’opinion, fort problématique, que le Niger alimente ces embouchures multipliées.

C’est dans les montagnes formant la limite orientale des pays à travers lesquels les routes précédentes sont dirigées, que prennent à la fois leurs sources le Sénégal, la Gambie, le Rio-Grande, le Rio-Pongo, le Moungo, la Rokelle, la Camaranka, le Niger lui-même, ce géant des fleuves de la Nigritie occidentale ; ces montagnes offrent donc le point le plus élevé de cette immense portion de l’Afrique. De la cime dominante rayonnent vers différens points de l’horizon des chaînes secondaires, encaissant les fleuves dans des bassins d’autant plus larges que des vallées transversales plus fréquentes y conduisent de plus nombreux affluens. C’est dans les ramifications inférieures de ces chaînons principaux que quelques fleuves secondaires, tels que le Rio de Nunho, la Bareira, le Kissi, le Kates et autres prennent leur origine.

Je vais maintenant poursuivre mon exploration au-delà de Timbou.