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Géographie du département de la Savoie/10

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X. — Agriculture.

Sur les 618,700 hect. du départ., on compte en nombres ronds

Terres labourables........... 97,000 hectares
Prés................ 70,000 hectares
Vignes............... 11,700 hectares
Bois................ 122,615 hectares
Terres incultes............. 176,000 hectares
Superficies bâties, voies de transport, etc... 63,900 hectares

Sur les 263,297 habitants du département, 195,000 sont occupés par les travaux agricoles.

En 1896, on comptait dans le départ. : 132,980 animaux de l’espèce bovine (race tarine), 2,990 chevaux, 2,300 ânes, 5,197 mulets (généralement fort beaux) ; 81,410 moutons ou brebis (2,166 quint. de laine, d’une valeur de 387,714 fr.) ; 13,700 porcs et 18,680 chèvres. Les plus beaux moutons sont ceux de Termignon et de la Maurienne, qui vont paître en été dans les pâturages de la Vanoise et surtout dans les Arves, dont la race de métis mérinos est fort estimée. Les vaches, les chèvres et les brebis du département de la Savoie fournissent chaque année environ 85 millions de lit. de lait, servant à fabriquer 2 millions et demi de kilog. de beurre, et 6 millions de kilog. de fromages. La production en lait, beurre et fromage rapporte chaque année aux hab. environ 12 millions et demi de fr. Les diverses espèces de fromages fabriqués dans le pays sont : le gruyère, fait avec du lait de vache, en été dans des chalets, en hiver dans les fruitières ; le tignard, qui prend son nom du Val de Tignes, et qui est fait avec du lait de vache, de chèvre et de brebis ; le vacherin, ou fromage des Beauges, et le brézegaud, qui sont faits avec du lait de vache ; le chevrotin, avec du lait de chèvre ; le mont-cenis, fromage verdâtre, fabriqué avec du lait de vache et de brebis, comme les fromages bleus persillés de Bessans, très renommés dans la Maurienne ; le valloire, analogue aux deux précédents, mais d’une qualité inférieure ; les tommes, fromages blancs confectionnés avec du lait écrémé ; les excellents gratterons de Saint-Colomban-des-Villards. Aigueblanche, le Châtelard, Seyssel et Valloires ont des écoles de fromagerie. — Brison-Saint-Innocent élève de nombreux lapins dont le poil est utilisé pour la fabrication de tissus moelleux. — Le miel de la Tarentaise et de la Maurienne est réputé. En 1894, on comptait dans le département 11,990 ruches, ayant produit 47,960 kilogrammes de miel et 7,194 de cire.

Au point de vue des productions, on peut diviser le pays en trois régions. L’étage supérieur, dominé par les sommités neigeuses du Mont-Iseran, comprend toute la partie orientale du département et se recourbe au sud en forme de demi-cercle pour former les chaînes de la Tarentaise et de la Maurienne. Dans ce massif de montagnes, les villages se cachent au fond des gorges ; on ne voit çà et là, au milieu des pâturages, que de misérables chalets, habités seulement pendant la belle saison.

Le second étage, ou étage central, est formé par le plateau des Beauges, où l’on voit peu de champs cultivés, peu de vergers. Ce plateau est coupé dans toute sa surface par des monts et des coteaux couverts de sapins et de hêtres, et par des vallons qui fournissent d’excellents pâturages. Ces montagnes nourrissent un grand nombre de bestiaux, et l’on y fait de très-bons fromages. La terre y est peu fertile. On y récolte une petite quantité de seigle, d’avoine et d’orge, mais on y cultive avec succès la pomme de terre, qui forme la principale nourriture des habitants. Dans la vallée, la puissance inouïe de la végétation des herbages a donné lieu à ce dicton populaire : « Jetez le soir un bâton dans une prairie, le lendemain vous ne le verrez plus, tant l’herbe aura grandi en une seule nuit. »

L’étage inférieur ou occidental s’étend des Échelles à la limite nord-ouest du département, par Chambéry, Aix et la vallée du Rhône. C’est là que se trouvent les campagnes fertiles, là qu’on cultive le blé, la vigne et les arbres fruitiers.

La principale richesse de la Savoie, après ses pâturages et ses bestiaux, consiste dans ses vignobles. La vigne donne encore de bons produits à 800 mètres d’altitude, sur les pentes de la Maurienne exposées au midi ; dans la Tarentaise, elle est même cultivée jusqu’au-dessus de Bellentre, à 1,200 mètres d’altitude. Les meilleurs vins sont ceux de Saint-Jean-de-la-Porte, Monchaboud, Cruet (bons vins ordinaires), Montmélian, Arbin, Chignin, de Tormery (près des Marches), Apremont, Monterminod ; les excellents vins blancs de Marétel et d’Altesse, près de Lucey (les premiers plants de ces vignes ont été rapportés de Chypre par un duc de Savoie) ; les vins de la Rochette, enfin ceux de Princens, les meilleurs vins de la Savoie, dont les vignobles, situés sur les pentes au nord-ouest de Saint-Jean-de-Maurienne, étaient déjà fameux au moyen âge.

Le tabac est cultivé dans les cantons d’Aiguebelle, de Chamoux, Montmélian, Pont-de-Beauvoisin, la Rochette, Saint-Genix, Saint-Pierre-d’Albigny et Yenne. En 1896, les habitants ont récolté 259,850 hectol. de froment, 46,500 de méteil, 218,700 de seigle, 91,800 d’orge, 17,600 de sarrasin, 80,000 de maïs, 182,400 d’avoine, 520,800 quintaux de pommes de terre, 147,200 de betteraves fourragères, 11,115 de tabac, 1,260 de chanvre (filasse), 3,300 de graines de colza, 1,115,410 de foin, 412,800 de trèfle, 69,570 de luzerne, 171,600 de sainfoin, 13,400 de châtaignes, 9,160 de noix, 11,500 de pommes à cidre, 1,280 de feuilles de mûriers, 154,644 hectol. de vin et 14,258 de cidre.

La Savoie est moins boisée que jadis. Ses forêts n’ont pas été respectées, et maintenant plusieurs vallées, celle de la Maurienne entre autres, offrent beaucoup d’escarpements arides et désolés. Trop de montagnes nues y perdent peu à peu leur couche végétale, et ce qui fut pâturage ou forêt devient champ de pierres et traînées de débris. Le reboisement régénérerait la vallée de l’Arc et amoindrirait les crues des torrents qui ravagent la Maurienne. Les essences qui dominent dans les bois sont le sapin, le mélèze, le hêtre, le noyer, le chêne, le châtaignier, l’orme, le frêne, le pin. Les arbres fruitiers sont le pommier, le poirier, le châtaignier, le noisetier, le cerisier. Les châtaigneraies les plus remarquables sont celles de Mouxy et celles de la colline de Tresserve. Les châtaigniers, les noyers et les noisetiers croissent à 1,100 mèt. d’élévation ; les chênes, à 1,200 ; l’orme et le frêne, à 1,300 ; le sapin, à 1,500 ; le pin, à 2,200. — Enfin la Savoie, notamment le Mont-Cenis, forme une des régions botaniques les plus riches de la France.