Grammaire de l ornement/Chap VIII
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Lorsque la religion de Mahomet commença à se répandre à l’Orient avec une rapidité étonnante, les besoins toujours croissants de la nouvelle civilisation, donnèrent lieu à la formation d’un nouveau style d’art ; et quoique les premiers édifices des Mahométans ne fussent que des bâtiments romains Tympan d’un arc de Ste. Sophie, Salzenberg.
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ou byzantins adaptés à leur usage, ou des édifices construits sur les ruines de ces bâtiments avec les mêmes, matériaux qui avaient été employés, dans l’origine, à leur construction, il n’en est pas moins certain, que les nouveaux besoins auxquels nécessaire d’exprimer, ont dû imprimer, dès la première époque, un cachet tout particulier à leur architecture.
Ils construisaient leurs édifices, en partie, de vieux matériaux, et ils cherchaient à imiter dans les nouvelles parties de la construction, les détails empruntés aux anciens bâtiments. Le résultat fut le même, qui avait eu lieu auparavant déja, dans la transformation du style romain en style byzantin : les imitations étaient mal ébauchées et imparfaites. Mais cette imperfection même donna naissance à un nouvel ordre d’idées ; loin de s’en tenir au modèle original, ils s’affranchirent par degrés, des entraves qu’imposait ce modèle. Les Mahométans, dès la première époque de leur histoire, formèrent et perfectionnèrent un style d’art — un style particulier et tout à eux. Les ornements de la planche XXXI. sont pris de la mosquée de Tooloon au Caire, qui a été élevée en 876, c’est-à-dire, 250 années seulement après l’établissement du Mahométanisme ; et dans cette mosquée, nous trouvons déjà un style d’architecture complet en lui-même, retenant, il est vrai, des traces de son origine, mais libre de, tout vestige d’imitation directe du style précédent. Ce résultat est remarquable, surtout, lorsqu’on le compare avec les résultats de la religion chrétienne dans une autre direction. On ne saurait guère dire du christianisme, qu’il ait produit un style particulier, un style à lui et tout-à-fait libre des traces du paganisme, avant le douzième ou le treizième siècle.
Les mosquées du Caire comptent parmi les plus beaux édifices du monde. Elles se font remarquer, en même temps, par la grandeur et la simplicité de leurs formes générales, et par l’élégance et le raffinement déployés dans la décoration de ces formes.
Cette élégance de l’ornementation était apparemment d’origine perse, source à laquelle les Arabes, à ce que l’on croit, ont puisé bien des arts qu’ils exerçaient. Il est plus que probable que cette influence leur arrivait par un double procédé. L’art byzantin lui-même décèle déjà, l’influence asiatique. Les restes de Bi Sutoun, publiés par Flandin et Coste, doivent appartenir à l’art perse, modifié par l’influence byzantine, ou s’ils remontent à une date plus ancienne, il faut conclure qu’une grande partie de l’art byzantin est dérivée de sources perses, car la ressemblance des deux styles, dans le caractère général des contours, est très-grande. Nous avons déja parlé au chapitre III. d’un ornement sur un chapiteau sassanien, reproduit au No. 16, planche XIV., qui est, à ce qu’il paraît, le type des diaprés arabes ; et sur le tympan de l’arc que nous reproduisons ici, d’après l’ouvrage que Salzenberg a publié sur Ste. Sophie, on verra un système de décoration totalement différent, et en désaccord avec une grande partie des traits gréco-romains de l’édifice, traits qui sont peut-être le résultat de quelque influence asiatique. Mais quoi qu’il en soit, ce tympan est lui-même la fondation de la décoration de surface des Arabes et des Maures. On remarquera que le feuillage qui entoure le centre, tout en représentant une réminiscence de la feuille d’acanthe, est la première tentative faite pour écarter le principe de faire naître les feuilles l’une de l’autre ; l’enroulement est continu et sans interruption. Le dessin est répandu sur tout le tympan de manière à produire une teinte unie et égale, but auquel les Arabes et les Maures ont toujours tendu. Un autre trait qui s’y fait remarquer, c’est, que les moulures de la bordure de l’arc sont décorées à la surface, et que l’intrados de l’arc est décoré de la même manière que les intrados des arcs arabes et mauresques.
La collection d’ornements prise de la mosquée de Tooloon, planche XXXI., est remarquable en ce qu’on y voit étalés déjà, dans l’état primitif de l’art arabe, les types de tous ces arrangements de formes, qui ont atteint le point culminant à l’Alhambra. S’il existe une différence, elle ne résulte que de ce qu’il y a moins de perfection dans la distribution des formes, mais les premiers principes moteurs sont les mêmes. Ces ornements représentent le premier degré de la décoration de surface. Ils étaient exécutés en plâtre, et après avoir nivelé et rendu parfaitement unie la surface de la partie qu’on en voulait décorer, on estampillait le dessin sur le plâtre pendant qu’il était encore à l’état plastique, ou on l’y traçait à l’aide d’un instrument émoussé, lequel, en faisant les incisions, arrondissait légèrement les contours. Nous reconnaissons, à première vue, que le principe du rayonnement des lignes d’une tige-mère, et celui des courbes tangentes de ces lignes, y étaient, ou retenus par la tradition gréco-romaine, ou suivis par sentiment, d’après l’observation de la nature.
Plusieurs des dessins, tels que 2, 3, 4, 5, 12, 13, 32, 38, retiennent encore les traces de cette origine grecque : deux fleurs, ou une fleur tournée en haut et une autre tournée en bas, aux deux bouts de la tige ; il y avait cependant cette différence que chez les Grecs les fleurs ou feuilles ne formaient pas partie
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![]() Mauresque.
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de l’enroulement, mais elles en naissaient, tandis que chez les Arabes l’enroulement même était changé en feuille intermédiaire. Le No. 37 montre l’enroulement continu dérivé de l’art romain, mais la division à chaque tour de l’enroulement, qui caractérise si fortement l’ornement romain, y est omis. L’ornement dont nous donnons la gravure ci-dessous est tiré de Ste. Sophie, et représente, à ce qu’il paraît, un des premiers exemples de ce changement.
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Les dessins droits de cette planche, pris principalement des intrados des fenêtres, et qui à cause de cela, ont tous une tendance verticale, peuvent être considérés comme les germes de tous les modèles de cette classe d’un dessin si exquis, où la répétition du même dessin, côte-à-côte, en produit un autre ou plusieurs autres. Plusieurs, parmi les dessins de cette planche, devraient être doubles dans la direction latérale ; mais le désir que nous avions d’en reproduire autant de variétés que possible, nous a empêchés de graver la répétition.
À l’exception de l’ornement du centre de la planche XXXII., qui est pris de la même mosquée que l’ornement de la planche précédente, tous les ornements des planches XXXIII. et XXXIV., datent du treizième siècle, c’est-à-dire qu’ils sont plus récents de quatre cents ans que ceux de la mosquée de Tooloon. Les progrès faits dans le style, pendant cette période, se voient au premier regard. Ces ornements sont bien inférieurs, cependant, à ceux de l’Alhambra, qui datent de la même époque. Les Arabes ne sont jamais arrivés à l’état de perfection dans la distribution des masses, ou dans l’ornementation des surfaces, que les Maures avaient atteint à un si haut degré. L’instinct moteur est le même, mais l’exécution est bien inférieure. Dans l’ornement mauresque, le rapport entre les aires de l’ornement et le fond, est toujours parfait ; il n’y a jamais ni lacunes, ni trous ; dans la décoration des surfaces, se manifeste aussi un talent supérieur, — car il y a moins de monotonie. Afin de montrer clairement la différence, nous répétons l’ornement arabe, No. 12, planche XXXIII., pour le comparer avec deux variétés de diaprés en losanges de l’Alhambra.
![]() Arabe.
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![]() Mauresque.
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![]() Mauresque.
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Les Maures ont introduit, en outre, un autre trait dans leur ornementation de la surface, c’est qu’il y a quelquefois deux et même trois plans sur lesquels les dessins sont tracés, les ornements du plan de dessus étant distribués hardiment sur la masse, pendant que ceux du second plan s’entrelacent avec les premiers, et enrichissent la surface sur un niveau plus bas ; grace à cet arrangement si admirablement ménagé, une pièce d’ornementation retient toute sa largeur d’effet, lorsqu’elle est vue à distance, tout en décelant, à l’inspection minutieuse, des décorations fort exquises et quelquefois excessivement ingénieuses. En général, leur traitement de la surface présentait plus de variété. Les ornements en forme de plumes, qui forment un trait si proéminent dans les ornements des planches XXXII., XXXIII., étaient entremêlés avec des surfaces planes, comme on peut le voir aux numéros 17, 18, 32, planche XXXII. L’ornement numéro 13, planche XXXIII., est en métal découpé, et approche de très près de la perfection déployée dans la distribution des formes mauresques ; il montre admirablement la diminution proportionnée des formes vers le centre du dessin, et décèle cette loi fixe, loi que les Maures n’ont jamais enfreinte, que l’ornement, quelqu’éloigné qu’il soit ou quelque compliqué qu’en soit le dessin, peut-être tracé jusqu’à sa branche et sa racine.
En général, les principales différences qui existent entre les styles arabes et mauresques, peuvent se résumer ainsi, savoir, que la construction des arabes est caractérisée par plus de grandeur, et celle des Maures, par plus de raffinement et d’élégance.
Les ornements exquis de la planche XXXIV., pris d’un exemplaire du Coran, donneront une idée parfaite de l’art décoratif des Arabes. Sans l’introduction des fleurs, qui détruisent tant soit peu l’unité, et qui trahissent une influence perse, ils présenteraient le plus beau spécimen d’ornementation arabe qu’on pût trouver. Mais même, tels qu’ils sont, ils peuvent nous servir de leçon, tant pour la forme que pour la couleur.
La masse énorme de fragments de marbre tirés des ruines romaines, n’a pas tardé à induire les Arabes à chercher à imiter l’usage, qui était universel parmi les Romains, de couvrir les planchers des maisons et des monuments, de dessins en mosaïque, arrangés d’après un système géométrique ; et, à la planche XXXV., il y a un grand nombre des variétés que cette mode a produites chez les Arabes. Pour former une idée correcte de ce qui constitue le style dans l’ornementation, on ne pourrait faire rien de mieux, que de comparer les mosaïques de la planche XXXV., avec les mosaïques romaines, planche XXV., avec les mosaïques byzantines, planche XXX., et les mosaïques mauresques, planche XLIII. Il y a à peine une forme, qu’on trouve dans l’une, qui n’existe également dans toutes les autres. Et cependant, quelle vaste différence dans l’aspect de ces planches ! C’est comme une idée exprimée en quatre langues différentes, dont chacune réveille dans l’âme la même conception modifiée à l’aide de sons entièrement différents.
La corde tordue, l’entrelacement des lignes, les croisements de deux carrés, le triangle équilateral arrangé au dedans d’un hexagone, tels sont les points de départ dans chacun de ces styles ;
tandis que les principales différences résultent des divers systèmes de coloris, suggérés principalement
par les matériaux qu’on employait, et par l’usage auquel on les appliquait. Les ornements arabes et
romains sont des pavés d’un ton sombre ; les ornements mauresques sont des lambris ; tandis que ceux
de la planche XXX., en teintes plus éclatantes, représentent les décorations de membres faisant partie
de la construction des bâtiments.
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