Aller au contenu

Histoire d’une Marie/p2/02

La bibliothèque libre.
F. Rieder et Cie, éditeurs (p. 154-166).
◄  I.
III.  ►


II



Comment… comment ? Vous avez connu des femmes. À celle-ci vous dites : « Marie, je te désire » ; elle ne répond pas : « Hum, j’ai mal à la tête », ou : « Chéri, j’ai vu une bien belle bague. » Simplement, elle avoue : « Moi aussi je te désire. »

Comment… comment ? Elle se mettait à genoux à ses pieds. Il supportait mal qu’une femme se mît à genoux à ses pieds. Quand même, elle y restait : « Laisse donc, chéri, cela me fait plaisir. »

Comment… comment ? Il entrait chez une femme, il pensait : « Quelle face aujourd’hui me montrera-t-elle du mensonge ? » Et non, elle vous met son visage dans les yeux ; elle vous dit : « Écoute, avant tout, il faut que tu saches… »

Oh ! Marie ! Il l’aimait jusque dans son nom. Il y a Jeanne, il y a Rosine, il y a Judith… Mais Marie ! C’est doux : deux bras qui se referment, deux oreillers de chair sur une poitrine de femme où reposer la tête. Il ajoutait : « Et puis, c’est toi. »

Il avait des amis, de jeunes comme lui, qu’il retrouvait parfois dans l’arrière-salle d’une taverne. On discutait littérature. Il leur en fit des surprises ! De tout temps, Henry Boulant traînait des bottines avec des trous : on lui voyait par là la couleur des chaussettes ; on pensait : « Il nous la fait à la pose ! » Un soir, ah bah ! plus de trous, des bouts vernis, des semelles qui craquaient !

Lui qui se vêtait en drap de corbillard, noir avec des taches, il eut un soir une de ces culottes comme on en porte avec les jaquettes — claire avec des lignes. Il avait d’ailleurs cette jaquette, et un col blanc ! et une cravate, où ne manquait même pas l’épingle !

Un jour… Henry Boulant portait des cheveux longs, des cheveux à boucles, des cheveux à scandale à faire dire aux passants : « Hé l’artiste ! voilà dix sous pour ton coiffeur ! » Un jour, on le vit, en culotte claire, les cheveux à la brosse et, par là-dessus, au lieu du feutre, très chic, posé à la mode, un canotier de paille.

On vit plus. Henry Boulant était un triste. Quelqu’un avait dit : « Boulant, un papillon collé des ailes sur un mur de goudron. » Un jour, on le vit rire.

On sut ainsi qu’il était entré dans sa vie une femme, ou tout au moins une autre femme. Il ne disait jamais grand’chose. Il avoua :

— Oui.

Il la montra. Moins jeune que lui, mais plus fraîche. Une gaillarde ! Elle avait, comme ils dirent, de ça et de ça. Elle en avait partout. Et des yeux à vous manger vif leur Henry ! Ils ne le quittaient pas ; ils criaient, ces yeux : « Chéri, je t’aime ; les autres n’existent pas ; pour moi, tu es beau et tantôt… ! » Quand ils partirent, elle ne se pendit pas à son bras, il s’accrocha au sien. Il y a une différence. Veinard !

Pourtant, sans Marie, il retrouvait son mur de goudron.

Cela venait de loin. Vous ne savez pas ? En août, le soir, il y a, le long des chemins, des champs de pommes de terre. C’est laid, c’est un peu bête ; le sol est rêche, les fanes sont presque mortes, mais cela sent, oh ! pas les complications d’une cocotte, un arôme d’œillet et de sucre, quelque chose de doux, quelque chose de subtil, quelque chose comme si une vierge détachait pour vous, par en haut, rien que le premier bouton de son corsage. Il connaissait ce parfum, il humait ce parfum, et un soir, au long d’un chemin, il avait pensé : « Pourtant si quelque jour, je ne pouvais plus respirer ce secret de la Terre ! »

C’est ainsi lorsqu’on a peur de la vie.

Goudron la vie, goudron l’argent quand il vous manque. Il avait son emploi. Les patrons, qui vous paient cent francs par mois vos promenades, ne sont pas des gens sérieux. Les cent francs, ils les prélèvent sur vos dix mille : ils fleurent la banqueroute. Où irait-il alors ? Un jour, il avait vu des bureaux, de vrais, une salle lugubre, une salle enfermée : une boîte à mouches pour hommes. C’est là qu’on se brise à jamais les ailes. Pas tant le travail, pas tant les fenêtres closes, mais les secondes, une à une, où vous êtes ici alors que vous pourriez être ailleurs ; mais la pensée, la pensée surtout, qui, à la face des autres, affirmerait : « Voici mon visage », à laquelle il faut dire : « Chut ! pas maintenant. Cinq plus deux, sept ; et trois de retenu… »

Puis ceci : on veut écrire et vite — avant que n’arrive la banqueroute. On porte en soi des rêves, des mots, des idées, peut-être d’anciennes souffrances, peut-être des espoirs frais. Parce qu’on les porte, on n’est ni Jean, ni Paul : on est Henry Boulant, un oiseleur, si l’on peut dire, à tirer du fond de soi les oiseaux pour ses rêts. On est fier. Souffrances et espoirs, on veut montrer tout cela. Voici votre plume… voici l’encre… Oui, mais la phrase qui hésite ! Les mots sont des oiseaux qui n’éclosent pas comme des poules au bout de trois semaines. Il faut des mois, il faut des ans, il faut pour les couver la poitrine tiède de la douleur… ou peut-être le chaud de la joie… ou peut-être… On a vingt-cinq ans, on ne sait pas, on cherche.

D’autres pourtant ont trouvé. On a dans sa bibliothèque des livres. Celui-ci chante beau. Essayons comme celui-ci. Oui, mais c’est lui qui chante, ce n’est pas moi. Alors comme cet autre ? Maintenant l’autre chante et pas moi… Pas moi !… Pas moi !…

Ainsi l’on pleure, ainsi l’on doute, ainsi l’on rage.

Mais Marie ? Une Marie, avec de ça et de ça, est-elle assez puissante pour cacher à elle seule tous ces murs de goudron ?

Voici :

Un jour, il rencontra Émile, son ami, le peintre. Émile n’était pas un triste. Émile ne cherchait pas ; devant sa toile il peignait : c’est peut-être ce qu’il faut pour être peintre.

Ils avaient ce jour-là de l’argent. Ils burent de l’absinthe, ils laissèrent l’eau qui est dans les carafes. Ils soupèrent. Après, sans beaucoup de logique, ils reburent de l’absinthe. Cela se passait quelque part dans une taverne, entre des brocs à couvercle et des boules à billards. Lorsqu’ils en étaient à l’absinthe, Henry devenait rouge, Émile tout blanc. Henry serrait des lèvres à se taire, Émile soulevait des gestes, Émile riait largement avec sa large bouche. Il avait des dents solides comme on en voit planter dans une pomme. Il mordait dans la vie comme dans une pomme ; il croquait tout : la chair, les pépins et la peau.

Il dit :

— Mon vieux, je suis peintre. J’ai ma couleur, j’ai ma palette, j’ai mon œil. Vlan ! avec mon œil, je regarde, vlan ! ma couleur je la colle… tu vois… comme ça, puis comme ça… c’est une œuvre.

Il réfléchit :

— J’ai vu ce matin un paysage. C’était frais, c’était doux : je l’ai pris dans mes doigts comme le sein d’une jeune fille… Vlan ! mes couleurs, mes pinceaux, mon œil : c’était une œuvre… moi je suis peintre, mon vieux.

Il passait une dame.

— Les femmes ! Tu as devant toi une femme… D’abord tu la baises… puis ton rouge, ton jaune, ton vert… après de nouveau, tu la baises… Vlan : une œuvre… Moi je suis peintre, mon vieux.

Henry, à se taire, avalait des absinthes. Il pensait : « Je suis dans cette salle. Voici Émile : il est peintre ; jusqu’au bout de sa vie, il portera sa vie de peintre. Voici les autres, les mouches à bureaux, les hommes à queue de billard, ceux que j’appelle les bourgeois. Puis voici moi… Ce matin j’ai déchiré des pages… »

Il fit :

— Émile, je pense parfois à la femme comme au suicide.

Il sortit pour vomir.

Pour Marie, il ne s’était produit que ceci :

— Méchant gosse, il ne faut plus boire d’absinthe.

Et vraiment, il ne faudrait jamais avoir bu d’absinthe. D’aucune sorte…

Son rôle était maman, maman très douce, maman très jeune, maman si bonne qu’elle ne refusait rien de sa chair à son coquin de fils.

Maman, elle arrivait chez lui. Il l’installait :

— Écoute, d’abord je vais te lire…

— De toi ?

De lui, c’était toujours fort beau.

— Tu trouves ?

Maman, elle ordonnait sa chambre. Il prenait ses repas au dehors. Alors elle devait savoir :

— As-tu bien mangé aujourd’hui ?

Elle surveillait qu’il changeât à temps son linge :

— Comment, encore cette camisole ?… Oh ! le sale…

Il se laissait faire ! Il comprenait maintenant : une femme tourne autour de son gosse, pour le soigner — même à genoux.

Pour les cheveux seulement, elle avait eu de la peine. Il se défendait :

— Des cheveux longs, cela signifie quelque chose… J’y tiens, tu comprends ?

Mais non, mais non, l’homme porte les cheveux courts. Longs, ils ne sont pas convenables. On doit toujours être convenable :

— Alors, pour te faire plaisir.

Maman, elle vivait de son gosse pendant son travail chez les autres. Parmi les dames à linge, il s’en trouvait d’indulgentes qui comprenaient la vie. Elle allait chez cette bonne Mme Dombrain, une brave femme un peu triste à cause de M. Dombrain, un coureur. Dans les yeux de Marie, à son air, à je ne sais quoi de joyeux dans le tac-tac de sa machine, cette dame avait deviné :

— Mademoiselle Marie, que se passe-t-il ? Vous n’êtes plus la même…

— Oh ! Madame.

Pourquoi s’en cacher ? Elle racontait tout : l’annonce, le jeune homme, un jeune homme très doux, si timide…

— Un artiste, Madame.

— Hum ! artiste ?

— Oui, Madame, écrivain.

Le soir, quand elle rentrait, il ne pouvait venir que le dimanche, mais il était souvent là. Il s’excusait :

— Écoute, maman, je vais te dire…

Hier, il avait dormi si mal : « Tu sais, mon lit est moins doux que le tien. » Ou bien, ce vilain cimetière. Ou bien il passait. Ou bien… Il arrive que votre propriétaire aît un cousin. Mais que ce cousin meure parce qu’il s’est pendu, même qu’en le trouvant, les gens ont dit : « Malheur ! il s’est pendu », pensez donc, c’est effrayant la nuit, ce mort, ce pendu qui est presque votre propriétaire. Pauvre gosse ! Elle le garda les sept nuits de la semaine. Après celles-ci, les autres nuits du mois.

Un peu plus tard elle calcula. Deux loyers pour deux, quand on pourrait n’en payer qu’un. Surtout, lorsqu’on a chez soi au-dessus de sa chambre, une belle mansarde qui ne sert que pour les malles.

Ils y montèrent un dimanche. Une jolie fenêtre se levait en oblique sur le ciel :

— Tu vois, ici, nous mettrions ta table ; là ta belle armoire ; ici tes plâtres, ta bibliothèque.

Elle-même travaillerait moins souvent chez les autres : elle prendrait à domicile de l’ouvrage pour un magasin : on serait ensemble.

Ce fut ainsi. On trouva dans les tiroirs de Marie une place pour les chemises d’Henry, dans la mansarde d’Henry une place pour la Chaise longue de Marie. On pendit dans l’armoire, jambes à jupe, les belles robes de Marie et les culottes à franges de Henry. On eut aussi — confondus — les deux mille francs que possédait Marie et six cents que se trouvait posséder encore Henry. Puisqu’on s’aimait, voyons !

Vers cette époque, pour Henry survint la catastrophe. Son patron fit banqueroute. Perdus les dix mille francs, au diable sa bonne place ! « Si jamais cela saute, je me tue », avait dit Henry. Cela sautait. Bast ! Autrefois, étant gosse, Henry s’effrayait d’avance des leçons qu’il trouvait dans sa grammaire : Cheval fait chevaux et chacal reste chacals. Comment retenir cela ? « Heureusement, pour lors je serai mort. » Les « chevaux-chacals » que l’on redoute ne sont plus rien quand ils arrivent :

— Dommage… dommage, pensa Henry. Tout de même, à la longue, cette promenade chaque matin devenait fastidieuse.

D’ailleurs, maintenant, il avait sa Marie. Et peut-être faudrait-il ne pas le dire, mais vous vous souvenez : le champ de pommes de terre et leur parfum corsage de vierge ? Il avait craint de les perdre. Eh bien ! sa Marie, la Marie d’Hector, la Marie de Vladimir, la Marie de tant d’autres, celle, vous savez, qui pour cent sous, prêtait à tout venant sa chair, cette Marie portait sur son corps, cette Marie gardait dans son âme — oui dans son âme — quelque chose de cette pureté qui fleure à la fois au corsage ignorant des vierges et aux mamelles à jamais bousculées de la Terre.


Quand on vit en ménage, on s’entr’aide. Il avait dit : « Comme c’est toi qui travailles, moi, pour servir à quelque chose, le linge que tu fais, je le porterai au magasin. » Elle nouait le paquet, il allait. La première fois il revint : « Je n’ai pas osé ; il y avait dans le comptoir une grosse dame. » Curieux petit bonhomme.

Curieux petit bonhomme, le bonheur se loge dans un cœur et le remplit de sa vie de curieux petit bonhomme. Petit bonhomme du matin, il tournait autour d’elle, la regardant faire. La cuisine, c’est là qu’au matin on accompagne sa maman. En peignoir elle cachait mal toutes ses bonnes choses de maman qu’on taquine. Il fallait peu de gestes. Puis il riait : « Hum », un petit rire à lui, qui ne montait pas plus haut que le fond de la gorge. Après, à soigner le repas, elle commentait très grave : « Tu vois, c’est ainsi que je brunis mes échalotes. » Elle aurait voulu qu’il comprît : les besognes que l’on fait dans la cuisine, au fond de ses marmites, sont également des besognes sérieuses. Il blaguait : « Mais, Marie, pourquoi laves-tu l’extérieur des assiettes puisqu’on ne mange qu’à l’intérieur ? » Grand sot ! Elle éclatait de rire. Lui aussi : « Hum ».

Petit bonhomme d’après-midi, il plissait le front et s’enfermait dans sa chambre. Il criait, pour les essayer, ses phrases. Cela faisait dans la maison un drôle de bruit. Elle pensait : « Pourquoi a-t-il choisi un métier si dur ? » ; mais aussi, avec ferveur, elle songeait : « Il travaille. »

Le soir, ils sortaient ; plus souvent, il venait des amis… C’est un écrivain… c’est un poète… Ils admiraient qu’elle eût arrangé pour Henry une si belle mansarde : « Henry a de la chance, Madame. » Elle servait le thé. Pendant qu’ils parlaient, elle se tenait en silence dans un coin, où la femme doit être. Elle entendait des mots : « L’art… tout sacrifier à l’art !… » De grandes vérités sans doute, puisque Henry disait oui. Elle surveillait qu’il eût vidé sa tasse pour, à temps, la remplir. Elle écoutait : « Les autres lisent leurs histoires, qu’ils se dépêchent, pour qu’Henry ait son tour… » Alors c’était beau !

Ainsi passent les jours, de soirs en matins, de matins en soirs, sans parler des nuits qui sont bonnes. Il vint un trente du mois : un vilain jour où l’on paie. À cause du loyer, il fallut recourir à la Caisse d’Épargne. N’est-ce pas pour en retirer que l’on a mis ses deux mille francs dans une Caisse d’Épargne ?

Elle était heureuse, maman, avec son gosse, femme aussi avec l’homme. On a vu d’autres bonheurs ; des bonheurs avec des barbes, des bonheurs à l’eau de Cologne ; celui-ci le meilleur, on ne voudrait pas qu’il parte. Alors on rêve. Le mariage serait beau. On appartient à un homme, tous le savent. On porte, pour qu’ils le sachent, à son doigt, l’alliance. En course, en tram, ils la voient. Ils disent : « Fichtre, voilà une dame mariée, on voit son alliance ! » Elle avait toujours aimé les alliances.

— Rien ne t’empêche, suggérait Henry.

Mais, sans le mariage, l’alliance est un bijou faux. Et puis. Mère, qui serait contente, et cette brave Mme Dombrain, toujours à s’informer : « Eh bien ? cela marche-t-il avec l’artiste ? » Et sans parler de ceux-là, savoir en son cœur que l’on est l’un à l’autre, que c’est pour toujours !

Henry riait :

— Hum !… Le mariage, on est Monsieur, on est Madame. Le dimanche on se promène au Bois ; pas dans les sentiers, tu sais ; le long des avenues où vont les autres « Monsieur et Madame ». On a bébé, pipi-caca, dans sa voiture. C’est bête !… c’est idiot : on est comme tout le monde.

— Tu as raison, en somme.

Pendant huit jours elle oubliait de penser au mariage.

Il vint un mois avec un seize pour payer une note et passer par la Caisse d’Épargne. Henry se consolait : « Quand j’aurai ma place… »

Il cherchait. Comme pour les lingères, vous trouvez dans les journaux des annonces pour les bons employés. C’est le comptable qu’on demande pour usine sérieuse ; le commis pour écritures faciles ; c’est l’agent d’assurances ; le Monsieur bien introduit pour articles de bon rapport. Henry affirmait : « Je suis bon à tout. » Il commençait sa lettre : « Monsieur, j’ai l’honneur de vous faire mes offres de service : je suis orphelin, vingt-cinq ans, d’excellente famille, j’ai fait mes études latines… » De belles références, on peut le dire. Aussi glissait-il une restriction : « Je ne dispose que de quelques heures par jour… » Mais pour le reste — ah ! pour le reste ! il vous assurait, Monsieur, de son zèle, en vous envoyant ses salutations les meilleures.

Cela composait en tout une fort belle lettre : on n’avait qu’à répondre ; on ne répondait jamais.

Il vint ainsi un jour, où, au lieu de « vingt-cinq », il fallut mettre : « J’ai vingt-six ans. »

Une fois, on le convoqua. Marie lui brossa sa redingote. Il revint :

— Chez un brasseur ! Cet homme m’a dit : « Quand on est employé, Monsieur, on a une belle écriture ; on n’oublie pas une virgule ; on ne fait pas de tache ; on arrive au bureau à huit heures, pas à huit heures cinq. Le dimanche, on se couche tôt pour être dispos le lundi ; le mardi, on transcrit les factures, le mercredi… » J’ai répondu : « Bien, Monsieur, je repasserai quand vous aurez fait le tour de la semaine. »

Elle eut bien du plaisir. Lui aussi, au fond de sa gorge : Hum !

Il trouva d’ailleurs mieux. Il existe dans les écoles de pauvres écoliers qui ne comprennent pas grand’chose à leur latin d’école. Henry n’avait pas complètement oublié le sien. Il eut un écolier. À un franc, tous les deux jours, cela faisait trois francs par semaine. Le dimanche on allongeait d’un peu de grec. Alors c’en faisait quatre.

Un peu plus tard, il découvrit une demoiselle. Marie était jalouse :

— Sois tranquille, elle n’apprend que les choses qu’elle ne connaît pas.

Pendant deux heures, dans une grammaire, il lui lisait des phrases. Après chaque phrase, elle avait compris, elle disait : « Oui. » La leçon suivante, il relisait les mêmes phrases. Elle disait : « Oui. » Encore deux francs. Plus quatre, il rapportait six francs par semaine.

Il était fier, Marie contente : il gagnait sa vie. Tout de même, un quinze, un seize, ils retournaient à la Caisse d’Épargne.