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Histoire d’une grande dame au XVIIIe siècle, La princesse Hélène de Ligne/17

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Calmann Lévy (1p. 327-356).

fait qu’irriter l’ardente soif de conquêtes de l’impératrice ; son ambition se trahissait dans les moindres détails : déjà l’un de ses petits-fils s’appelait Alexandre et l’autre Constantin, la Crimée était redevenue la Tauride ; mais ses vues ambitieuses ne devaient pas se borner là. Le prince de Ligne fut reçu par Catherine comme s’il l’eût quittée la veille ; elle le mit au courant de ses projets et l’envoya à la fin de décembre porter à Joseph II l’itinéraire du voyage et le résultat de sa secrète mission.

Sous prétexte de voir de plus près ses nouveaux domaines, la czarine entreprenait, le 18 janvier 1787, un voyage dans les provinces méridionales de l’empire. Elle était accompagnée de son favori, le comte Momonoff, des ambassadeurs de France, d’Autriche et d’Angleterre et du prince de Ligne qui la rejoignit à Kiew : « Je suivais, dit-il, en qualité de jockey diplomatique. » Elle avait, en outre, une suite considérable de princes et de grands seigneurs russes. Sa flotte se composait de quatre-vingts bâtiments avec trois mille hommes d’équipage.

Le roi Stanislas-Auguste attendait la czarine à Kanew. Elle descendait lentement le Borysthène sur une galère aussi belle que celle de Cléopâtre. Le prince de Ligne se détacha de la flotte dans une petite pirogue zaporavienne pour prévenir le roi de l’arrivée de Catherine. Une heure après, les grands seigneurs de l’empire venaient le chercher dans une brillante chaloupe. En y mettant le pied, il leur dit avec le charme inexprimable de sa belle figure et de son joli son de voix : « Messieurs, le roi de Pologne m’a chargé de vous recommander le comte Poniatowski. » Le dîner fut très gai ; on but à la santé du roi au bruit d’une triple décharge de toute l’artillerie de la flotte. Puis le roi offrit à souper à tous les seigneurs de sa suite. La flotte avait jeté l’ancre devant son palais improvisé ; à peine la nuit venue, un embrasement général des rives du Borysthène simula une éruption du Vésuve qui éclairait les monts, les plaines et le fleuve comme le plus beau soleil. À la lueur des feux, on voyait se déployer les brillants escadrons de la cavalerie polonaise. Stanislas avait dépensé trois mois de temps et trois millions pour voir la czarine pendant trois heures.

Elle l’avait aimé ; mais, depuis longtemps, cet amour avait fait place à d’autres, et maintenant elle lui arrachait froidement et lentement les lambeaux du royaume qu’elle lui avait donné jadis. Ils se séparèrent de fort bon accord en apparence ; mais le roi s’était bien vite aperçu, pendant cette courte réunion, qu’il ne fallait plus songer à faire revivre le passé.

Ce fut la dernière entrevue de Catherine et de Stanislas. Huit ans plus tard, elle le détrônait de ses propres mains.

L’empereur Joseph rejoignit la ezarine à Kherson, et ils continuèrent ensemble ce voyage, qui ressemblait à un conte de fées. « Je crois encore rêver, dit le prince de Ligne, quand, dans le fond d’une voiture à six places, qui est un vrai char de triomphe, orné de chiffres en pierreries brillantes, et attelé de seize petits chevaux tartares, je me trouve assis entre deux personnes sur les épaules desquelles la chaleur m’assoupit souvent et que j’entends dire en me réveillant, à l’un de mes compagnons de voyage :

» — J’ai trente millions de sujets, à ce qu’on dit, en ne comptant que les mâles.

» — Et moi vingt-deux, dit l’autre en comptant tout.

» On prenait, en causant, des villes et des provinces, sans l’aire semblant de rien, et je disais : « Vos Majestés ne prendront que des misères et la misère. » L’empereur répondit en s’adressant à l’impératrice : « Madame, nous le traitons trop bien, il n’a pas assez de respect pour nous. Savez-vous, Madame, qu’il a été amoureux d’une maîtresse de mon père et qu’il m’a empêché de réussir en entrant dans le monde, auprès d’une marquise, jolie comme un ange, et qui a été notre première passion à tous deux. »

Pendant le voyage, l’impératrice avait fait don au prince de Ligne de l’emplacement sur lequel était situé le rocher d’Iphigénie ; tous ceux qui avaient des terres en Crimée, comme les Mourzas, prêtèrent serment de fidélité à Catherine ; le prince de Ligne fit comme eux. L’empereur vint à lui, et, le prenant par le ruban de sa Toison d’or, il lui dit :

— Vous êtes le premier de l’ordre qui ait prêté serment avec des seigneurs à barbe longue.

— Sire, dit de Ligne, avec son fin sourire, il vaut mieux, pour Votre Majesté et pour moi, que je sois avec les gentilshommes tartares qu’avec les gentilshommes flamands.

L’empereur venait d’apprendre, à l’instant même, la révolte des Flandres, dont nous aurons à nous occuper plus tard.

Au retour de ce féerique voyage, la guerre contre les Turcs élait décidée, et l’alliance austrorusse conclue.

Les préparalifs se faisaient en silence, quand tout à coup la Turquie prit l’offensive en faisant emprisonner l’ambassadeur russe, M. de Bulgakoff, au château des Sept-Tours, et, le 18 août 1787, Catherine déclara la guerre à la Porte.

L’impératrice comptait fermement sur l’alliance qu’elle venait de conclure avec Joseph II ; cependant elle questionnait le prince de Ligne :

— Que croyez-vous que fera l’empereur ?

— En doutez-vous, Madame ? il va vous envoyer ses vœux, peut-être ses souhaits ; mais, comme les uns sont plus portatifs que les autres, je suis sûr que sa première lettre en sera remplie. Le prince se trompait, l’empereur allait entrer prochainement en campagne, avec cent mille hommes[1], et venait de le nommer général en chef (feldzeugmeister) commandant toute l’infanterie. Malheureusement la lettre qui lui apportait ces nouvelles se croisait avec une qu’il écrivait à l’empereur pour lui demander la permission de servir dans l’armée russe en qualité de général ; il offrait, en même temps, de tenir Sa Majesté au courant des plans de campagne et des opérations militaires russes. L’empereur accorda la permission demandée.

Le prince commença ses préparatifs de départ en octobre 1787. « L’empereur, dit-il, m’avait écrit une lettre, pleine de bonté et de génie, sur ce qu’il demandait à son alliée ; j’en fis un extrait qui servit de plan de campagne ; car personne, à Pétersbourg, n’avait l’idée d’un plan. On ne savait par où commencer. » Avant de partir pour rejoindre Potemkin[2], le prince voulait absolument donner un bal aux plus jolies femmes de la cour qui l’en avaient prié ; mais on croyait les opérations de guerre fort engagées, et on ne lui en donna pas le temps :

« L’armée est peut-être déjà sous les murs d’Ocsakoff, lui disait-on, cinq mille Turcs ont été tués à Kinburn par Suwaroff. La flotte turque va se retirer, partez bien vite ! »

Il partit le 1er novembre 1757. « Mon Dieu, écrit-il, quel temps ! quels chemins ! quel hiver ! quel quartier général ! Je suis confiant, moi, je crois toujours qu’on m’aime. Je crus que le prince, qui m’en avait assuré, serait charmé de me voir. Je ne me suis aperçu de l’air embarrassé qu’il eut le jour de mon arrivée que six mois après. Je lui saute au cou, je lui demande :

» — À quand Ocsakoff ?

» — Eh ! mon Dieu, disait-il, il y a dix-huit mille hommes de garnison, je n’en ai pas tant dans mon armée, je manque de tout, je suis le plus malheureux des hommes, si Dieu ne m’aide.

» — Comment, lui dis-je, l’histoire de Kinburn, le départ de la flotte, tout cela ne servirait à rien ? Mais j’ai couru jour et nuit, on me disait que vous commenciez déjà le siège !

» — Hélas ! dit-il, plaise à Dieu que les Tartares ne viennent pas ici mettre tout à feu et à sang. Dieu m’a sauvé (je ne l’oublierai point), il a permis que je ramasse ce qu’il y a de troupes derrière le Bog. C’est un miracle que j’aie conservé jusqu’ici autant de pays.

» — Où sont donc les Tartares ? lui dis-je.

» — Mais partout, me répondit-il, et parmi eux il y a un séraskier[3] avec beaucoup de Turcs du côté d’Ackermann, douze mille dans Bender, le Dniester gardé, et six mille dans Choczim. »

Il n’y avait pas un mot de vrai dans tout cela. Cinq mois s’écoulèrent dans cette inaction inexplicable, si elle n’eût été voulue. Le prince de Ligne ne tarda pas à s’en apercevoir, et en avertit exactement l’empereur d’Autriche.

Pendant ces longues journées de far niente, le prince s’amusait à griffonner ses pensées sur de petits carrés de papier et, tout en ayant l’air de n’y attacher nulle importance, il avait soin pourtant de les conserver. Ils en valaient la peine à en juger par celui-ci :

— « L’Europe est si bien barbouillée dans ce moment-ci, que c’est, je crois, le temps de réfléchir sur son compte. La France écrit ; malheureusement l’Empire lit. Les soldats de l’évèque de Liège sont en pleine marche contre les banquiers de Spa. Les Pays-Bas se révoltent sans savoir pourquoi contre leur souverain. Bientôt, sans doute, on se tuera pour devenir plus libre et plus heureux. L’Autriche, menacée dans son sein même, menace faiblement ses amis et ses ennemis qu’elle a peine à distinguer. L’Angleterre, qui n’est jamais d’accord avec l’Angleterre ! a sa majorité en faveur de la Prusse, qui vient déjà de tirer des coups de fusil en Hollande. La fière Espagne, qui jadis armait l’invincible flotte, est inquiète du premier vaisseau anglais qui sort du port. L’Italie craint les lazzaroni et les esprits forts. Le Danemark est aux écoutes de la Suède, la Suède de la Russie. Les Tarlares, les Géorgiens, les Imarettes, les Abyssins, les Circassiens tuent des Russes. Le voyage de Crimée alarme et agace le Croissant, les Bachas d’Égypte et de Scutari sont en guerre avec les Turcs, qui de deux autres côtés, à mille lieues de distance, attaquent à la fois les deux plus vastes et puissants empires. On crie aux armes, j’y cours moi-même… Je ne cesse pas d’être observateur, et, quoique acteur de la scène qui se joue, je prends tout ce qui se passe et ce qui se fait autour de moi pour un coup de pied dans une fourmilière. Sommes-nous autre chosc que cela, pauvres humains ! »

Pendant ce temps, le corps d’armée du maréchal Lascy[4] était entré en campagne, l’empereur commandait lui-même, et le prince Charles, qui n’avait point suivi son père en Russie, servait en qualité de major du génie.

Il ne tarda pas à se faire distinguer au siège de Sabacz, où il fut chargé du soin d’ouvrir les tranchées et diriger les batteries qui attaquaient le fort.

Le jour de l’assaut, il traversa, à l’aide d’une planche, les fossés larges et profonds qui protégeaient les abords de la forteresse, il s’élança le premier, grimpa sur la muraille, et, arrivé sur le faîte des remparts, malgré les efforts des Turcs, il donna la main aux soldats qui l’avaient suivi pour les aider à monter et entra le premier dans la ville.

L’empereur, témoin de ce beau fait d’armes, conféra au prince le grade de colonel et le décora de l’ordre de Marie-Thérèse, sans avoir rassemblé le chapitre de l’ordre, ce qui était sans exemple. La garnison de Belgrade fit, par hasard, une si forte canonnade pendant la cérémonie que l’empereur Joseph dit, en s’adressant au récipiendaire : « Les Turcs même prennent part à votre réception, en célébrant votre valeur et ma justice. »

L’empereur annonça lui-même au prince de Ligne la brillante conduite de son fils ; la joie et l’émotion du père ne peuvent se peindre que par ses propres lettres. Il écrit au comte de Ségur :


« 8 mai 1788,


» Ah ! mon ami, laisse-moi pleurer un instant et lis ! »


L’EMPEREUR JOSEPH AU PRINCE DE LIGNE


« Kilenack, ce 25 avril 1788.


» Nous venons de prendre Sabacz[5] ; notre perte a été peu considérable. Le feldzeugmeister Rouvroy[6], dont vous connaissez la valeur, a eu à la poitrine une blessure légère qui ne l’empêche pas de s’habiller ni de sortir. Le prince Poniatowski a reçu un coup de feu à la cuisse qui, sans toucher l’os, est pourtant de conséquence. Mais il faut, mon cher prince, que je vous fasse part d’autre chose qui vous causera d’autant plus de plaisir que voue y reconnaîtrez votre sang ; c’est que votre fils Charles a, en grande partie, contribué à la réussite de cette entreprise, par les peines infinies qu’il s’est données en traçant les travaux de tranchée pour l’établissement des batteries-et qu’il a été le premier à grimper sur le parapet pour y faire arriver le monde. Aussi l’ai-je nommé lieutenant-colonel, et lui ai-je conféré l’ordre de Marie-Thérèse. Je sens un vrai plaisir à vous donner cette nouvelle, par la certitude où je suis de la satisfaction qu’elle vous donnera, connaissant votre tendresse pour votre fils et votre patriotisme.

» Je pars demain pour Semlin.


» JOSEPH. »

» Quelle modestie ! l’empereur ne parle pas de lui, il a été au milieu du feu. Et quelle grâce et quelle bonté dans le compte qu’il me rend ! Ce morceau en le relisant m’a fait fondre en larmes. »


« 8 mai (Suite de la précédente).


» Le courrier a vu l’empereur envoyer des coups de fusil de bien bonne grâce dans les faubourgs de Sabacz, et le maréchal de Lascy arrachait lui-même quelques palissades pour placer un canon qui, tirant sur une tourelle d’où il partait un feu continuel sur mon Charles, protégea son assaut. Le maréchal l’aurait fait pour tout autre, à ce que je crois, mais cela avait l’air d’une bonté personnelle et paternelle.

» Le maréchal était un peu fatigué, l’empereur lui chercha un baril, le fit asseoir et se tint debout avec les généraux qui l’entouraient pour lui rendre une espèce d’hommage.

» Voici une lettre de Charles lui-même :

« Nous avons Sabacz. J’ai la croix. Vous sentez bien, papa, que j’ai pensé à vous en montant le premier à l’assaut.

» Votre-fils soumis et respectueux


» CHARLES. »

» Qu’y a-t-il de plus touchant au monde ! Que n’ai-je été à portée pour lui donner la main ! Je vois bien que j’ai son estime par ces mots : J’ai pensé à vous, mais je l’aurais encore mieux méritée. Je suis trop ému pour continuer, je vous embrasse, mon cher comte. »

Mais c’est avec son fils que le prince se livre à l’effusion la plus vive :

« De notre quartier général de Potemkin, d’Elisabethgorod.
» Ce 12 mai 1788.

» Que te dirai-je, mon cher Charles, que tu ne saches, sur ce que j’ai éprouvé en recevant une lettre de Sa Majesté pleine de bonté et de grâce. Cette lettre te vaut mieux que tous les parchemins, vraie nourriture de rats, les titres, les diplômes et les patentes. Il y a des expressions si touchantes pour nous deux, que, quoique je commence à être un peu grand pour pleurer, il m’a été impossible de m’en empêcher toutes les fois que j’ai voulu lire cet article. Tous les généraux et officiers circassiens, zaporogues, lartares, cabardiens[7], allemands, russes, cosaques, etc., 4. sont venus en foule chez moi, me dire des choses charmantes que je n’oublierai jamais.

» Le père et l’ami le plus tendre de mon Charles ont été assurément bien touchés de l’honneur que tu t’es fait, et qui surpasse tout ce que j’ai fait de ma vie. Mais le général de Ligne a diablement souffert.

» Pouvez-vous imaginer, mon garçon, le beau moment que c’eût été pour nous deux, si j’avais été le premier à qui tu eusses aidé à grimper sur ce parapet où tu es arrivé avant tout le monde !

» Mon Dieu, qu’on est bête de loin ! Moi qui l’aurais vu de sang-froid à Hühnerwasser recevoir un bon coup de feu dans le bras, je suis inquiet comme une femme. De cet état à celui de ministre[8], il n’y a pas loin à la vérité. Cependant je me suis arrangé avec quelques régiments de chevau-légers pour une bonne charge bien vigoureuse, Je n’en ai jamais fait qu’à la tête de dix hulans contre cinq ou six hussards prussiens ivres. Vous m’avouerez que ce n’est pas là l’action la plus mémorable de ce siècle. Je ne veux pas m’enfermer dans ces carrés où l’on se met comme dans une boîte, et où l’on ouvre une porte pour entrer et pour sortir.

» On commande toujours quand on en a envie, un jour de bataille, de façon que je suis bien sûr que, sans avoir un corps, il n’arrivera ce que je voudrai que là où je serai ; j’ai déjà appris tout ce qu’il me fallait pour cela, et je commence à entendre assez bien le russe. Crois-tu maintenant, mon Charles, que j’aie eu raison de te vouloir toujours dans le génie ? Le génie a enfin voulu être en toi, je le savais. Mais ne seriez-vous pas aussi un peu blessé, par hasard, quoique vous ne me l’écriviez pas ?

« Ne laissez jamais un courrier de Sa Majesté partir pour moi sans une lettre. Mille choses à mon camarade Rouvroy, dont j’envie le sort et la blessure. Ce pauvre Poniatowski[9] ! je tremble qu’il ne prenne le chemin de son père. Il y est déjà bien pour la valeur, l’esprit militaire, l’attachement personnel à Sa Majesté, la générosité, etc., mais qu’il n’y soit pas pour le malheur ! embrassez-le pour moi. »

La nouvelle de la prise de Sabacz avait fait une heureuse diversion à l’ennui mortel qui accablait le prince père ; mais il retomba bientôt dans des accès d’humeur et d’impatience causés par l’apathie de Potemkin ; il cherchait à le piquer au vif en faisant d’incessantes allusions à l’assaut de Sabacz, mais il avait bien deviné, « que, soit politique, mauvaise volonté ou incapacité, messieurs les maréchaux étaient intentionnés de ne rien faire, même avant de commencer la campagne ».

Enfin, las de cette inaction voulue, il écrivit au prince Potemkin qu’il partait le lendemain pour se rendre au camp du maréchal Romanzoff[10], en Ukraine.

« Enfin, écrit le prince, me voici parti de ce retranchement d’immondices, qui, par hasard, forment quelque angle saillant qui fait croire que c’est une forteresse ; huit jours de plus et j’y mourrais. Potemkin me faisait donner au diable. Tantôt bien, tantôt mal, brouillés à couteaux tirés ou favori décidé, causant ou ne causant pas, mais veillant jusqu’à six heures du matin, pour l’engager à me dire au moins un mot de raisonnable à mander ; je ne pouvais plus tenir aux bizarreries de cet enfant gâté. »

N’en pouvant plus, excédé de cette horrible inaction, le prince alla voir pourquoi le maréchal Romanzoff ne faisaît pas plus que Potemkin.

Romanzoff, aussi aimable que Potemkin était bourru, combla le prince de promesses et de caresses aussi fausses les unes que les autres. Au bout de quelques jours, Ligne fut pleinement convaincu que les deux généraux en chef de l’armée russe étaient d’accord sur un seul point : « attraper l’empereur Joseph et ne se mettre en campagne qu’au mois de juillet, pour que toutes les forces ottomanes se jetassent sur les Autrichiens ».

Le prince de Ligne redoublait d’efforts pour ébranler Potemkin, il écrivait à l’ambassadeur autrichien à Pétersbourg, au comte de Ségur, pour les engager à faire connaître la situation à l’impératrice ; mais lui, si bien en cour, n’écrivit pas une seule fois à Catherine. Elle savait le motif de ce silence qui l’irritait, mais dont elle ne voulait pas se plaindre, de crainte que, dans un accès de franchise, le prince n’en dit trop haut le motif. « Si j’avais voulu, dit-il, lui écrire une seule fois du bien du prince Potemkin et de ses opérations[11], j’aurais reçu des averses de paysans et de diamants. Catherine II eût été bien aise que je la trompasse, c’eût été bien plus commode pour elle de croire que tout allait bien. »

Malgré sa colère contre les maréchaux russes, le prince de Ligne, qui s’y connaissait, admirait sincèrement la nation et le soldat moscovites.

« Je vois des Russes, écrivait-il au comte de Ségur, qui apprennent les arts libéraux comme le médecin mailgré lui a fait ses licences ; qui sont fantassins, matelots, chasseurs, prètres, dragons, musiciens, ingénieurs, comédiens, cuirassiers, peintres et chirurgiens. Je vois des Russes qui chantent et dansent dans la tranchée où ils ne sont jamais relevés, et, au milieu des coups de fusil et de canon, de la neige ou de la boue, adroits, propres, attentifs, respectueux, obéissants, et cherchant à lire dans les yeux de leurs officiers ce qu’ils veulent ordonner pour les prévenir. »

Le plus grand plaisir du général de Ligne était d’écrire et de recevoir des nouvelles des absents. Ses lettres sont des peintures si vives, il sait donner un tel attrait aux moindres détails, qu’on ne se lasse pas de les lire. Celles qu’il écrit à son fils Charles sont un véritable journal de sa vie.


« De notre quartier général du maréchal de Romanzow en Pologne


» Ce 8 juin 1788.


» Si vous me demandez, mon cher Charles, comment je me porte, je vous dirai : Toujours de même. Je cours les armées, les maréchaux, pour leur faire faire quelque chose. Le diable s’en mêle malgré tous leurs signes de croix à la russe.

» Voici ce que j’ai fait de mieux, c’est de partir de chez ce persifleur, complimenteur, mon admirateur, dit-il, pour Kaminiecz. Ah ! si j’avais encore un cœur, comme je serais amoureux ! La gouvernante[12], cette superbe Grecque, connue et admirée de toute la terre, m’a mené en berline jusqu’à demi-portée de canon de Choczim d’où l’on a tiré quelques coups par-dessus nos têtes.

« Je vous avoue que j’avais plus envie de reconnaître et de trouver son faible pour l’attaque que celui de la forteresse.

» Je loge chez elle, mais quel sabbat d’enfer ! Un bruit de chaînes toute la nuit ; j’ai cru que c’était des revenants. Le fait est que le mari, commandant de Kaminiecz, n’est servi que par des gens condamnés aux travaux forcés. Quel contraste entre ces mines de scélérats et la beauté qu’ils servent par la contrainte du bâton ! Il n’y a pas jusqu’au cuisinier qui ne soit galérien. C’est économique, mais c’est affreux.

» Je souhaite, mon cher Charles, qu’Oczakoff (car je retourne auprès de Potemkin, pouvant encore moins faire de cet homme-ci) me procure quelque chose de glorieux de ton genre. Tu me feras tuer, car je veux que tu aies un père digne de toi. Tu as pensé à moi, dis-tu ! tu es sublime et touchant. Tu as travaillé pour moi, je vais travailler pour toi. Je t’envoie un tendre bonjour de cinq ou six cents lieues. »

Le prince retrouva Potemkin et son armée tels qu’ils les avait laissés, et il écrit à son fils qui lui avait recommandé un officier prussien :


« Du camp des déserts de la Tartarie, ce 30 juillet, devant Ochakoff.


» Je placerai ton officier prussien. Je ne puis faire avancer le prince Potemkin jusqu’au Liman, mais je puis avancer des officiers. J’ai fait des généraux, des majors, etc., tu as fait ta moisson de lauriers, toi, tu te moques de cela : » Toujours la même inaction, par un tiers de peur, un de malice et un d’ignorance. Je voudrais avoir, au bout de cette guerre, le quart de ta gloire de cette campagne. Tes lettres sont gaies et braves comme toi ; elles ont ta physionomie.

» Un orage affreux me force à me coucher. Un nuage a crevé en l’air au-dessus du camp et inonde les deux jolies petites maisonnettes que j’ai sous une tente turque immense, de manière que je ne sais où mettre les pieds. Oh ! oh ! on vient me dire qu’il y a un major tué dans sa tente par la foudre ; elle tombe presque tous les jours au milieu de nous ; attrape qui peut.

» L’autre jour, on a coupé les bras à un officier de chevau-légers pour une morsure de tarentule ; quant aux lézards, personne ne peut mieux assurer que moi qu’ils sont amis de l’homme ; car je vis avec eux, et m’y fie plus qu’à mes amis de ce pays-là.

» Quelquefois, j’entends un peu de vent, je fais ouvrir ma tente et la referme bien vite ; c’est comme si ce vent passait par-dessus un brasier.

» Oh ! nous jouissons ici de tous les agréments possibles. Veux-tu savoir une marque de bon goût du prince Repnin ? Tu connais l’usage de ce service-ci, la bassesse des inférieurs et la pertinence des supérieurs. Quand le prince Potemkin fait un signe, ou laisse tomber quelque chose, vingt généraux sont à terre. L’autre jour, sept ou huit voulurent débarrasser le prince Repnin de son surtout : « Non, Messieurs, leur dit-il, le prince de Ligne s’en chargera. » Bonne leçon ! Ils ont plus de délicatesse dans l’esprit que dans le cœur, ils l’ont senti.

» Du reste, je fais le malheureux ; mais Sarti[13] est ici avec un orchestre excellent, et cette musique que vous connaissez, où il y a trente ut, trente , etc. Nous n’avons quelquefois point de pain, mais des biscuits et des macarons ; point de pommes ni de poires, mais des pots de confiture ; point de beurre, mais des glaces ; pas d’eau, mais toute sorte de vins ; point de bois pour la cuisine quelquefois, mais des bûches d’aloès à brûler et à sentir. Nous avons ici madame Michel Potemkin, extrêmement belle ; madame Skawrowski, autre nièce du vizir ou du patriarche Potemkin (car il arrange sa religion), charmante aussi ; madame Samoiloff, autre nièce encore plus jolie. J’ai joué pour elle un proverbe dans ces déserts ; et elle y prend goût, car elle m’a dit : « Arrangez encor une énigme pour moi. »

» J’ai présenté au prince un animal que m’a envoyé un sot. L’un s’appelle Marolles, l’autre est M. de X***, qui me le recommande comme chef du génie, destiné à prendre Ozcakoff.

» — Bonjour, général, dit-il au prince en entrant ; je vous aurai cela dans quinze jours, Avez-vous ici quelques livres ? Connaissez-vous en Russie ceux d’un M. Vauban, et d’un certain Coëhorn[14] ? Je veux m’y remettre un peu avant de commencer.

» Jugez de l’étonnement de Polemkin. « Quel homme ! me dit-il ; je ne sais pas s’il est ingénieur, mais je sais qu’il est Français. Questionnez-le un peu. » C’est ce que je fis, et il m’avoua qu’il était ingénieur des ponts et chaussées.

» Le baron de Stad fait ici mon bonheur. Il est bien Français, celui-là aussi, contrariant le prince, déplaisant à tout le monde, faisant des vers charmants, détestant la pétulance de Roger[15], avec qui il est toujours en querelle, et allant bien au coup de canon, tout en m’assurant qu’il meurt de peur. « Voyez, me dit-il, comme nature pâtit, mon cheval en tremble lui-même, et n’aime pas plus la gloire que moi. » Nous avons vu un autre personnage ridicule comme son nom, qui est Gigandé, lieutenant des gardes de l’abbé de Porentruy. Hier, on l’a volé. Furieux, avec son accent suisse :

» — Che me lèfe, che m’égorge les pieds pour aller tout te suite faire mes blaintes à un chéneral et il me tit : « Si c’est un soltat, che vous ferai rentre, » mais, si c’est un officier, cela sera tifficile. »

» Un Français encore qui s’appelle M. Second vient me consulter sur une affaire qu’il avait : « Car, me dit-il, Monsieur, je vois bien qu’il faudra se battre ! » Je l’assurai que, s’il en parlait comme cela à tout le monde, il n’aurait pas besoin d’un homme de son nom ; c’est bon et bête, n’est-ce pas ?

» Voulez-vous savoir un de mes plaisirs innocents ? Je mets mes dromadaires sur le chemin de la troupe dorée, quand par hasard Malborough s’en va-t-en guerre. L’autre jour, il y a eu deux ou trois généraux à bas, et l’escadron d’escorte a été à moitié culbuté, à moitié au diable.

» Ah ! Charles, quand nous reverrons-nous à Stamboul ou à Bel-Œil ? Si l’empereur et mon général russe ne voulaient pas faire de compliments pour passer la Save et le Bog, comme pour passer une porte, nous culbuterions la Sublime, et nous nous trouverions où j’ai dit. Alors, mon cher Cinéas, etc., etc. En attendant, aimons-nous toujours, n’importe partout où nous serons. »

La situation demeura la même jusqu’en octobre du côté des Russes, et, pendant ce temps, les choses allaient au plus mal pour l’Autriche. Cette campagne désasireuse lui coûtait trente mille hommes tués en détail, quarante mille dévorés par la peste, l’invasion du Banat, des défaites en Bosnie. Joseph, malade de fatigue, désespéré de son insuccès, alarmé de la révolte complète des Flandres, rentrait à Vienne l’âme navrée. Il résolut de demander près de lui le prince de Ligne pour commander la campagne prochaine, de concert avec le maréchal Laudon. Il choisit le prince Charles pour porter cet ordre à son père. On juge si le vainqueur de Sabacz fut le bienvenu, et avec quel transport de joie il fut accueilli. Son père fit aussitôt ses préparatifs de départ, et ils arrivèrent à Vienne à la fin de novembre. Potemkin s’empara d’Oczakoff quinze jours après. On eût dit qu’il attendait le départ de de Ligne pour se décider à l’assaut ; son caractère jaloux peut permettre cette supposition. L’hiver s’écoula paisiblement à Vienne, et le prince Charles, tout entier au sentiment qui l’occupait, ne parut point affligé de l’absence de sa femme.

Au printemps de 1789, les deux princes rejoignirent l’armée du maréchal Laudon. Le général de Ligne commandait l’aile droite, et joua un rôle important au siège de Belgrade, pendant lequel il déploya une activité infatigable. « J’étais lout en fen moi-même, écrit-il, pressé par cet être[16] qui tient plus du Dieu de la guerre que de l’homme. Pressé par lui, j’étais pressant pour les autres. Dolza veillait, courait. Funk tirait, Maillard[17] avançait. Je remerciais, je priais, je tonnais, je mcnaçais, j’ordonnais, tout allait et tout cela dans un clin d’œil. »

Le prince Charles commandait en qualité de colonel et secondait énergiquement son père, qui fut atteint d’une fièvre violente pendant le siège et retenu pendant quelques jours dans son lit, ce dont il enrageait. Il écrit au maréchal Lascy : « Les Tschaïques des Tures vinrent se promener trop près de Krieg-Insel (mon quartier général). Oh ! il faut les en corriger, dis-je à mon fils, qui travaillait tantôt à l’attaque dirigée par le maréchal Laudon, tantôt à celle dont j’étais charge. Aussitôt Charles, avec sa gaieté ordinaire, se jeta dans une de mes barques avec mes aides de camp, et s’en alla, suivi de quarante autres petits bâtiments, attaquer les Tschaïques des Turcs.

» Je dirigeai la bataille de ma fenêtre, malgré un de mes accès de fièvre diabolique, et, après m’être tué de crier à un Italien qui commandait. ma frégate, la Marie-Thérèse : Alla larga ! et des mots que je n’ose écrire, j’allai d’impatience achever et gagner ma drôle de bataille navale. » Belgrade fut prise le 8 octobre 1789 ; le prince Charles eut encore l’honneur d’arriver le premier sur la brèche. Le maréchal Laudon, qui n’était prodigue de compliments ni de phrases, écrivit au prince de Ligne la lettre la plus flatteuse : « Plus de la moitié de la gloire de la prise de Belgrade revient de droit à Votre Altesse, » lui disait-il.

L’empereur envoya au prince la croix de commandeur de l’ordre de Marie-Thérèse, accompagnée d’une lettre froide et sèche, à laquelle Ligne ne comprit rien ; mais il était encore si malade de la fièvre, que la croix et la lettre le laissèrent également indifférent. Il eut plus tard le mot de l’énigme. II le soupçonnait à tort d’avoir favorisé la révolte des Flandres.

  1. Ce fut le 9 février 1788 que l’Autriche, en qualité d’alliée de la Russie, déclara la guerre à la Porte.
  2. Potemkin (Grégoire-Alexandrowitch), feld-maréchal russe et le plus célèbre de tous les favoris de l’impératrice Catherine II. Il naquit en septembre 1736 aux environs de Smolensk et mourut le 16 octobre 1791. On prétend que, pendant ce fameux voyage de la Tauride, il faisait élever, de distance en distance, le long de la route que parcourait l’impératrice, des décorations théâtrales représentant dans le lointain des villages, des bourgs et des villes et organisait des bandes de figurants chargés de jouer le rôle de populations agricoles se livrant paisiblement à leurs travaux. Quoique revêtu de fonctions et de dignités plus profitables les unes que les autres, il puisait à pleine main dans le trésor de l’État et se faisait soudoyer par les puissances étrangères. Joseph II et Frédéric le Grand l’accablèrent de cadeaux et de pensions, et, par suite de la rivalité qui s’établit entre eux pour obtenir l’alliance russe, le premier le créa prince du Saint-Empire romain, et le second lui offrit ses bons offices pour lui faire obtenir le duché de Courlande. Il n’avait aucun talent comme général en chef, mais de bons officiers sous ses ordres dirigèrent les opérations de la guerre contre les Turcs.
  3. Séraskier, général en chef de l’armée turque.
  4. Joseph-François-Maurice, comte de Lascy, né à Pétersbourg 16 21 octobre 1725 et élevé à Vienne. Il était colonel lorsque éclata la guerre de Sept ans. Lesservices qu’il rendit le firent arriver rapidement aux plus hautes positions ; il se distingua pendant la campagne de 1778, et fit en 1788, avec le grade de feld-maréchal, la guerre contre les Turcs. Il mourut à Vienne, le 24 novembre 1801.
  5. Ville forte de Serbie, située sur la Save, 4000 habitants.
  6. Théodore, baron de Rouvroy, né à Luxembourg en 1727. Il entra en 1753 au service de l’Autriche, reçut en 1765 la croix de commandeur de l’ordre de Marie-Thérèse. Il mourut le 30 septembre 1789. Il était un des meilleurs généraux d’artillerie de l’armée autrichienne.
  7. Habitants de la Cabardic, pays situé au versant nord du Caucase, qui n’était pas encore soumis à la Russie à cette époque.
  8. Le prince était à la fois général en chef saus corps d’armée et ministre plénipotentiaire in partibus.
  9. Le prince Jaseph Poniatowski était alors lieutenant-colonel et aide de camp de l’empereur d’Autriche. Il entra comme général dans l’armée polonaise, en 1789. Il commanda l’armée à Varsovie en 1809. l’empereur Napoléon le nomma maréchal de France. À Sabacz, les Turcs le prirent pour l’empereur Joseph parce qu’il portait le même uniforme, habit vert à revers rouge et une brillante décoration. Il mourut frappé d’une balle en traversant l’Elster, le 19 octobre 1813,
  10. Romanzoff (Pierre-Alexandrowitsch), né en 1725, l’un des plus célèbres généraux russes. À la bataille de Kunersdorf, il battit Frédéric II. Nommé commandant en chef de l’armée russe en 1770, dans la guerre contre les Tures, il obtint des succès éclatants et fut nommé feld-maréchal. En 1787, il fut si mécontent de partager le commandement avec Potemkin, qu’il n’acheva pas la campagne et donna sa démission. Ce motif peut aussi expliquer son inaction. Il mourut le 17 décembre 1796.
  11. Le prince de Ligne raconte que le prince Potemkin avait eu une idée unique, celle de former un régiment de Juifs qu’il appelait Israelowsky. « Nous en avions déjà un escadron qui faisait mon bonheur, car les barbes, qui leur tombaient jusqu’aux genoux, tant leurs étriers étaient courts, et la peur qu’ils avaient à cheval leur donnaient l’air de singes. On lisait leur inquiétude dans leurs yeux, et les grandes piques qu’ils tenaient de la manière la plus comique faisaient croire qu’ils avaient voulu contrefaire les Cosaques. Je ne sais quel maudit pope a persuadé à notre maréchal qu’un rassemblement de Juifs était contraire à la Sainte Écriture. »
  12. La célèbre Sophie de Witt, était une esclave grecque volée à l’île de Chio. Elle fut remarquée dans une rue de Constantinople par l’ambassadeur de France qui la fit recueillir et la fit élever. L’ambassadeur, se rendant à Pelersbourg, s’arrêta à Kaminiecz, il emmenait Sophie avec lui. Le général de Witt, gouverneur de Bessarabie, reçut l’ambassadeur, et, frappé de la beauté de l’esclave grecque en devint éperdument amoureux. Pour tromper la surveillance de son hôte, il arrangea une partie de chasse forL éloignée de la forteresse et il prétexta, au moment du départ, des ordres imprévus qui l’obligeaient à rester. À peine l’ambassadeur se fut-il éloigné que Wilt fit fermer les portes de la ville et célébrer son mariage avec Sophie. Le soir au retour, l’ambassadeur fui fort étonné de trouver les portes closes, on lui envoya un parlementaire qui lui apprit ce qui venait de se passer ; il jugea inutile de réclamer contre un fait accompli et prit philosophiquement son parti du mariage de sa pupille.
  13. Sarti (Joseph), célèbre compositeur italien, naquit à Faënza en 1730. En 1785, il fut appelé à Pélersbourg par Catherine II. Protégé par Potemkin, il fut nommé, en 1793, directeur du Conservatoire de Catharinoslaff, avec un traitement de 35 000 roubles, logement gratuit et 15,000 roubles d’indemnité de voyage. Admis dans les rangs de la noblesse russe, il mourut à Berlin en 1802.
  14. Coëhorn (Menno, baron de), célèbre ingénieur, contemporain et rival de Vauban. Il défendit Namur contre Vauban et repoussa pendant deux jours entiers l’assaut contre le fort Wilhelm, mais il dut céder à des forces supérieures. Il dirigea, sous les ordres du prince de Nassau-Saarbruck, les sièges de Venloo et de Ruremonde, qui, par suite de ses habiles opérations, durent se rendre. Il jouissait d’une grande renommée en Allemagne. Né en 1641 dans la Frise, il mourut le 17 mars 1704.
  15. Le comte Roger de Damas (né en 1765, mort en 1823). À quinze ans, il était déjà officier dans l’armée française ; sa bravoure, son caractère chevaleresque, la vivacité de son esprit le firent remarquer partout : « François Ier, le grand Condé et le maréchal de Saxe auraient voulu avoir un fils comme lui, dit le prince de Ligne. Il est étourdi comme un hanneton au milieu des canonnades les plus vives et les plus fréquentes, bruyant, chanteur impitoyable, me glapissant les plus beaux airs d’opéra, fertile en citations les plus folles au milieu des coups de fusil, st jugeant néanmoins de tout à merveille. La guerre ne l’enivre pas, mais il est ardent d’une jolie ardeur, comme on l’est à la fin d’uu souper,… aimable, aimé de tout le monde, ce qui s’appelle un joli Français, un joli garçon, un brave garçon, un seigneur de bon goût de la cour de France : voilà ce que c’est que Roger de Damas. »
  16. Le maréchal Laudon.
  17. MM. Bolza, Funk et Maillard étaient les trois aides camp du princes.