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Histoire d’une grande dame au XVIIIe siècle, La princesse Hélène de Ligne/22

La bibliothèque libre.
Calmann Lévy (1p. 455-481).


APPENDICE

N° 1.


Nous extrayons dès cahiers de la princesse Hélène les détails suivants sur l’Abbaye-aux-Bois :

DESCRIPTION DE L’ABBAYE ROYALE
DE NOTRE-DAME-AUX-BOIS


RUE DE SÈVE, FAUBOURG SAINT-GERMAIN,


À PARIS


An de grâce 1778,


DEHORS.


Une grande cour extérieure avec une grille. Deux logements d’étrangers, composés de trois grandes chambres remplies de tableaux dont quelques-uns des plus grands maîtres, salle à manger, etc.

Quatre appartements pour les quatre directeurs, une chambre pour le prédicateur.

La cuisine abbatiale et offices.

L’ÉGLISE EXTÉRIEURE.


Très grande, pavée de marbre blanc et noir à carreaux. Au maître-autel, un tableau représentant saint Bernard prêchant la croisade, par Eustache Lesueur.

Six chapelles dans l’église : 1o celle de la Transfguration par Le Moyne ; 2o celle de la Vierge, où il y a une Assomption par M. Pierre ; 3o celle de Saint-Sébastien ; 4o celle de Saint-Benoit ; 5o celle de Saint-Louis ; 6o celle de la Pentecôte. Il y a, dans le milieu de l’église, le tombeau de cuivre de Jean de Nesle et de sa femme Anne d’Entragues, fondateurs du couvent sous Louis VI dit le Gros. Il y a aussi différents tombeaux en marbre de la famille de Mailly.


L’ÉGLISE INTÉRIEURE,


Elle est aussi pavée de marbre, le siège abbatial couvert d’un tapis de velours violet à franges d’or ; des stalles de bois brun pour les religieuses et six rangs de banquettes pour les pensionnaires. Il y a deux chapelles : l’une dédiée à saint Antoine ; l’autre, à sainte Bathilde. Il y a six grands tableaux dans le chœur représentant toute la vie de la reine Blanche et de saint Louis, peints par Eustache Lesueur. Aux côtés, sont les tombeaux d’Adélaïde de Lannoy, de Julienne de Saint-Simon, de Marie de Mailly, de Louise de Mesmes, de Francoise de Mornay, de Cécile de la Rochefoucauld, d’Adélaïde d’Orléans et de Marie de Richelieu, qui ont gouverné ce monastère.

LA SACRISTIE.


Elle est partagée par une grille, dont l’autre côté donne dans le dehors. Il y a de grandes armoires où sont les chapes, chasubles, étoles, aubes et devants d’autel.

Dans la chambre à côté est le trésor, où il y a beaucoup de châsses, reliques, croix, etc., en or, argent et pierres précieuses. À côté est une chambre à cheminée où les sacristines travaillent.


LE CHAPÎTRE.


Il est boisé ; un trône abbatial et des stalles pour les religieuses ; au bout est une porte qui donne dans la chambre des confessionnaux, qui sont au nombre de quatre.


LE RÉFECTOIRE.


Un rang de colonnes au milieu, les tables à droite et à gauche ; à droite, une chaire pour faire la lecture.


LES DORTOIRS DES RELIGIEUSES.


Quatre côtés à perte de vue, il y a plus de quatre-vingts cellules ; au milieu est un dôme, d’où pend une lampe.


DESCRIPTION D’UNE CELLULE.


Un lit, blanc l’été, bleu l’hiver ; un prie-Dieu, une commode, des chaises tapissées de nattes ; un parquet bien ciré, des patins pour marcher, une table, une tablette pour mettre des livres. On peut décorer les cellules, d’images, de reliquaires, etc.


LES CLOITRES.


Îls sont immenses, voûtés, au milieu est le préau qui est le cimetière des religieuses. Au milieu du préau est une croix, d’où pend une cloche qu’on nomme le marteau de saint Benoît et qu’on ne sonne que pour l’agonie ; les fenêtres sont cintrées, et toute la vie de saint Louis est peinte en vitraux de couleur.


LE DÉPOT.


1o Une grande chambre, toute en tiroirs, pour les archives. 2o Une autre chambre où est la bibliothèque du dépôt. 3o La chambre où se tiennent les dépositaires.


LA SALLE DE COMMUNAUTÉ.


Très vaste et toute tapissée de portraits d’abbesses. Deux cheminées.


LA CELLÉRERIE


Où se tient la cellérière, à côté du garde-manger.



Sont immenses et souterraines.


LA BOUCHERIE.


Très vaste et dallée en pierres.


LES INFIRMERIES.


Six chambres à cheminées, quatre lits blancs dans chacune.


L’APOTHICAIRERIE.


Une grande chambre toute garnie de planuches, sur lesquelles sont les remèdes. Une seconde chambre immense avec deux cheminées et quatre alambics.


LE TOUR.


Une chambre.


LA PORTE,


Une seule chambre.


LE NOVICIAT.


Üne grande chambre à cheminée, voûtée, des fenêtres cintrées en vitraux de couleur.


LA BIBLIOTHÈQUE.


Elle occupe trois chambres. Elle est fort complète en livres de théologie et contient quinze à seize mille volumes.


L’OUVROIR.


Une chambre où l’on travaille. Elle est garnie d’armoires.


LES JARDINS.


Un potager avec des serres chaudes, un de promenade. Un grand tapis de gazon avec deux grandes allées de marronniers et des bosquets de lilas, avoc des charmilles, au bout.


LE THÉATRE.


Au fond du jardin, la salle est très jolie et il y a beaucoup de beaux décors.


LES CLASSES.


Trois grandes salles. La chambre de musique à côté.


LES DORTOIRS DES PENSIONNAIRES.


Douze chambres immenses aux mansardes, Dans chacune, il tenait vingt lits ; à un bout, une petite chambre pour la maîtresse des pensionnaires, et, à l’autre, une même chambre où couchaient deux sœurs converses.


LES COMMODITÉS.


Immenses, on pouvait y aller seize personnes.


L’ABBATIALE.


Une grande chambre à coucher, deux salons, une salle à manger très grande, deux antichambres, deux cabinets, deux parloirs, une tribune, des logements pour toutes les personnes de la suite de l’abbesse.

Il y avait à l’Abbaye-aux-Bois, en 1778, soixante-treize dames religieuses.

Cent quatre sœurs converses ;

Cent soixante-dix-sept pensionnaires ;

Huit novices ;

Quatre directeurs ;

Dom Constance, qui confessait l’abbesse et les vieilles religieuses, — trente et un ans ;

Dom Thémines, qui confessait les pensionnaires, — quarante ans ;

Dom Rigoley, qui confessait le noviciat et les jeunes religieuses, — soixante-deux ans ;

Dom Giron, qui confessait les sœurs converses, — vingt-six ans,

Pour le service de l’église, les fêtes solennelles, aux enterrements, aux processions, les Bernardins du collège desservaient l’Abbaye.


Nous avons pensé intéresser le lecteur en donnant ici un tableau de la dépense faite pendant un an dans le couvent de l’Abbaye-aux-Bois. Nous extrayons ces documents des papiers séquestrés des Archives nationales, carton H, 3837. Nous avons choisi les comptes de 1778-1779.


Livres. Sols. Deniers.
Impositions pour une année des décimes 
1,414 12
Gardes-françaises pour leur logement 
300
Procureur au Châtelet, frais de procès 
1,298 6
Au sieur Vatinelli, orfèvre 
899
Journaux, gazettes et ports de lettres 
232
Honoraires du directeur et des trois chapelains 
950
Honoraires de l’organiste 
200
Pour les sermons et musique de la semaine sainte 
246
Au cirier suivant son mémoire 
177 11
Aumônes (remises de loyer) 
313
Aumônes (apprentissages) 
272 19
Médecins et chirurgiens 
500
Frais d’infirmerie 
179
Frais de bureaux, et achats de livres 
686 16
Marchands de bois 
5,339
Blanchissage 
512
Dépenses de bouché, épicier, traiteur, marchand de vins 
45,848 12 6
Étrennes et gages des domestiques 
2,200



61,568 4 6


Il ne s’agit, comme on le voit, que de la dépense de l’intérieur de la maison, — les réparations et l’entretien des bâtiments de tout genre forment un compte à part.


Les comptes mentionnent, comme sources principales de revenu, les suivantes.


Livres. Sols. Deniers.
Pensions alimentaires et loyers intérieurs des dames pensionnaires 
47,277 10 9
Loyers d’hôtels et maisons hors de la clôture 
18,033 13 8
Fermage des biens de Picardie, etc. 
20,316 13 4
Location des appartements des jeunes pensionnaires 
7,350



92,977 18 9


Les papiers qui existent aux Archives ne mentionnent pas le revenu considérable que devaient apporter les pensions payées pour l’éducation des élèves, qui étaient au nombre de cent soixante en 1778. L’abbesse rendaït, chaque année, ses comptes à sa communauté, « capitulairement assemblée au son de la cloche » et à l’abbé de Clairvaux l’un des quatre premiers pères de l’ordre de Citeaux, supérieur immédiat de l’abbaye royale de Notre-Dame-aux-Bois.

On voit figurer, dans les comptes des fermes de Picardie, des sommes assez considérables, employées en réparations d’églises ou chapelles de villages, de presbytères et même de marchés publics,


N° 2.


Mademoiselle de Montmorency arriva à Genève le 7 octobre 1774. Le Magnifique Conseil envoya sur le champ complimenter la princesse sa mère. Le lendemain, la princesse fit demander l’autorisation d’atteler son carrosse pendant la nuit, pour aller chercher le médecin, ou prendre des médicaments chez l’apothicaire, chose défendue par les lois somptuaires. La permission lui fut aussitôt accordée.

L’état de la jeune fille s’aggrava rapidement, et, à la carie des os dont elle était atteinte, vint s’ajouter une tumeur gangreneuse.


24 janvier 1775. Registre du Conseil, p. 63.


Sur le rapport fait, que Mlle de Montmorency est très mal, il a été arrêté d’envoyer le Sautier[1] à M. le Prince et à Mme la Princesse de Montmorency pour leur témoigner l’intérêt que prend le conseil à son état et leur exprimer ses vœux pour elle.

1.

Le Sr Sautier a rapporté que, s’étant acquitté des ordres du conseil, Mme la Princesse de Montmorency l’avait prié de témoigner au Conseil la sensibilité de cette attention, et de l’assurer de sa reconnaissance de tous les égards qu’on a pour elle et pour M. le Prince de Montmorency.


Vendredi 27 janvier à dix heures du soir.


Très haute et très illustre demoiselle Mademoiselle Madeleine-Angélique de Montmorency Luxembourg, de Paris, catholique romaine, fille de feu très haut et très puissant Anne-François de Montmoreney Luxembourg, duc de Montmorency, premier baron de France, premier baron chrétien etc., etc., et de très haute et très illustre dame de Montmorency Luxembourg, de Tingry, etc., âgée de 15 ans et 4 mois, morte d’un dépôt gangreneux dans les viscères du bas ventre, rue des Chanoines, transportée par permission de M. le Syndic de la Garde, au Grand Sacconex.


(Registre des morts de la ville de Genève.)


Sur le rapport fait que la Princesse de Montmorency est morte, il a été arrêté de charger le Sr Sautier d’aller témoigner à M. le Prince et à Mme la Princesse le chagrin qu’en ressent le Conseil, et les prévenir qu’il a nommé les nobles J. Sarasin, Sr ancien syndic, et Thélusson, Seigneur Cer pour aller leur faire un compliment de condoléance. Le Sr Saulier, y étant allé, a rapporté que M. le prince et Mme la Princesse étaient partis le matin. M. le Syndic de la garde a dit qu’on enterrera la Princesse lundi prochain, au grand Sacconex qu’il y aura dix carrosses, et qu’on a demandé un huissier ayant son manteau pour chaque carrosse, ce qui a été accordé, et il a été arrêté de joindre trois carrosses qui fermeront le convoi, et de nommer deux Seigneurs Consers et quatre membres du M. Conseil des 200, pour aller jusqu’à la frontière, les nobles Cramer et Thélusson en ont été chargés.


Reg. du M. G. Samedi 28 J. 1775.


N° 3.


Nous avons retrouvé aux Archives, dans les papiers de Ligne, la note des habits commandés par le prince de Ligne père à l’occasion du mariage de son fils, fourni à M. le prince de Ligne père par Normand et Cie, tailleurs à Paris.


1779. Pour S. A. le prince Charles :


L. S.
Une habit pou de soie bleu, veste blanche, le tout brodé argent et diamants très riche, le plein de l’habit semé en paillettes
Un garniture de boutons à paillons et diamants
7 aunes taffetas d’Angleterre blanc.
1.606 10


Pour Mgr le prince de Ligne père :


Un habit pou de soie carmélite brodé en diamants
6 aunes taffetas d’Italie blanc
Posé garniture de boutons tout diamants
8 aunes taffetas d’Italie noir
1 126
30


On voit que le luxe des habits d’homme atteignait, s’il ne dépassait, celui des habits de femme,


N° 4.


Tous les bibliophiles connaissent les ouvrages sortis des presses de Bel-Œil et de Bruxelles, appartenant au prince de Ligne. Nous avons trouvé dans les papiers de la princesse Charles quelques renseignements nouveaux sur ces livres si rares et si recherchés.

Nous pouvons affirmer que l’imprimerie de Bel-Œil fut installée à l’automne de 1780 par le prince Charles, qui s’en occupa avec beaucoup plus de suite et d’intérêt que son père. Le nombre des ouvrages connus jusqu’à ce jour est de onze, comprenant quinze volumes ; mais nous croyons qu’il doit en exister un plus grand nombre ; car l’imprimerie de Bel-Œil a fonctionné de 1781 à 1787, et les exemplaires cités dans les catalogues portent les millésimes de 1781, 1782, 1783, 1786, et 1787, et pas un n’est daté de 1784 et 1785, or, pendant ces deux années-là, le prince Charles a habité longtemps Bel-Œil, et a travaillé souvent à son imprimerie. C’est en 1784 que la princesse fit à Bel-Œil une lecture de ses mémoires d’enfant, dont son mari s’amusa beaucoup et dont il imprima quelques fragments.

Nous donnons la liste complète des ouvrages sortis des presses de Bel-Œil et de celles de l’hôtel de Ligue à Bruxelles :

1o Colette et Lucas, comédie en un acte mêlée d’ariettes. De l’imprimerie de l’auteur, chez l’auteur, 1781, in-8o de 42 pp., frontispice, vignettes et culs-de-lampe. Un exemplaire de cet opuscule mis en vente en 1782, catalogue Van Trigt, a été acheté par Mgr le duc d’Aumale. Cette pièce a été composée en 1779, en l’honneur de l’arrivée de la princesse Hélène à Bel-Œl.

2o Coup d’œil sur Bel-(Œil, à Bel-Œil, de l’imprimerie du prince Charles de Ligne, MDCCLXXXI, in-8o, papier fort, six pages non cotées, 130 pp. chiffrées.

3o Chansons de l’abbé P. (Payez), aumônier da prince de Ligne. À Bel-Œil, 1781. (Le maréchal parle de l’abbé Payez dans une lettre à son secrétaire Lagra. « Vous souvenez-vous, dit-il, de la malice et de la promptitude des saillies de mon aumônier ; car il fallait qu’il dît la messe encore, pour être plus piquant, ce cher abbé Payez ? »)

4o Recueil de poésies, par le chevalier de B. (Boufflers). Bruxelles, de l’imprimerie du P. Charles de…, 1781, petit in-8o de 24 pp.

5o Recueil de poésies, par le chevalier de*** (l’Isle). Ã Bruxelles de l’imprimerie du P. Charles de…, 1781, in-8o de 24 pp.

6o Poésies du chevalier de l’Isle. De l’imprimerie particulière du prince Charles de Ligne, 1782, petit vol. format Cazin, pp. 96. Ce second recueil ne contient pas une pièce de celui de 1781.

7o Recueil de poésies légères, du prince de Ligne, en trois parties in-18, de 168 pp., 219 pp., et 82 pp. Ces trois minces volumes, tirés à très petit nombre, n’ont pas de titre et ne doivent pas en avoir ; car le premier commence par ces mots : « Point de titre, point de préface. »

8o Mélanges littéraires : A  Philosopolis, 1783, 2 vol. in-18 de 162 pp. et 147 pp.

9o Amusements, gayetés et frivolités poétiques, par un Lon Picard. Loudres, 1783[2].

M. Victor Tilliard dit, dans le Bibliophile belge[3] :

c J’ai sous les yeux un exemplaire qui à appartenu à La Place lui-même et en tête duquel il a écrit : « Imprimé par M. le prince de Ligne et par le prince Charles, son fils, à leur imprimerie du château de Bel-Œil, » sur un petit manuscrit escamoté à l’auteur ; — mais dont quelques exemplaires également escamotés par un valet de chambre, et envoyés à Paris pour y être vendus, ont été saisis à la requête de l’auteur et mis au pilon. » On reconnait facilement l’identité des caractères et des fleurons de ce volume avec ceux qui ont servi à l’impression du Coup d’œil sur Bel-Œil.

10o Coup d’œil sur Bel-Œil et une grande partie des jardins de l’Europe, par le prince Charles de… Nouvelle édition, revue et corrigée, et augmentée par l’auteur. À Bel-Œil et se trouve à Bruxelles, chez Payez, imprimeur-libraire, Haute-Rue, MDCCLXXXVI.

11o Instruction secrette, dérobée à S. M. le roi de Prusse, contenant les ordres secrets expédiés aux officiers de son armée, particulièrement à ceux de la cavalerie, pour se conduire dans la circonstance présente, traduit de l’original allemand par le prince de Ligne. À Bel-Œil, et se trouve à Bruxelles chez Payez, imprimeur-libraire, Haute-Rue, MDCCLXXXVII.

Cette production est la dernière qui soit sorlie des presses de Bel-Œil.


N° 5.


M. de Reiffemberg, dans sa Notice sur le prince de Ligne, avait attribué à celui-ci les gravures signées par son fils. Une réclamation du comte Maurice de Dietrichstein a rétabli la vérité. L’œuvre du prince Charles, qui existe à la bibliothèque de Bruxelles, se compose de quatorze pièces très imparfaites. Il a gravé également, dit M. François Brulliot, six eaux-fortes petit in-folio en travers, qui portent son chiffre formé d’un C et d’un L et ont pour titre : Recueil de six paysages. Premier essai d’un amateur.

Plusieurs des gravures du prince Charles ont été faites d’après les dessins de sa merveilleuse collection. Vorans a une idée de sa valeur en sachant qu’elle contenait quarante-huit dessins authentiques de Raphaël, onze de Michel-Ange, sept de Léonard de Vinci, cinq du Titien, vingt-sept de Rubens, vingt-six de Rembrandt, onze d’Albert Dürer, etc., etc.

D’après Brulliot et Bartsch, le prince Charles était un des plus fins connaisseurs de son temps, il dessinait en amateur distingué et aimait passionnément les arts, Voici le catalogue des pièces gravées par le prince Charles :

1o Un paysage oblong, d’après le Guerchin : simples contours, cinq figures ;

2o Paysage plus petit au trait, une chaumière et trois figures ; à droite dans la marge, on lit : Hélène ; au-dessous : Dédié à ma femme, no 85 ;

3o Esquisse d’un tableau du Guerchin, représentant deux femmes, un enfant et un homme du peuple ; fond sale, quelques ombres en manière noire en bas : « Guercino da Centa » ;

4o Une tête d’apôtre, quelques ombres sales en manière noire ; à gauche dans l’encadrement : « Léonard de Vinci ; » à droite dans la marge : Dédié à M. Hazard. De la collection du prince Charles de Ligne ;

5o Un homme couché qui sonne de la conque marine ; un autre homme debout. Épreuves sans encadrement et sans monogramme ; au bas : € Guercino da Centa » ;

6o Épreuve de la même gravure avec encadrement et monogramme ;

7o Épreuve idem, avec une hachure qui coupe l’encadrement à droite ;

8o Une tête de vieille en médaillon, tournée à gauche du spectateur ; en haut : Dédié à ma femme ;

9o Épreuve retouchée, point de millésime ;

10o Une tête d’homme dirigée vers la droite et coiffée d’un bonnet ; ombres noires et sales ; en haut, dans le coin à droite : « Alolidor. f. » ;

11o Épreuve moins barbouillée sous le no 5 ;

12o Paysage oblong de la grandeur du no 1 ; au fond, un clocher ; à droite, un bouquet d’arbres ; sur le premier plan, trois hommes dont l’un fait tenir un chapeau à un chien ; dans la marge : « Guercino da Centa » ;

13o Deux têtes en rouge, dans deux médaillons en forme de baisoir ; au bas : « Annibal Carrache dèl. De la colleetion du prince Charles de Ligne ; » cette légende est en lettres bien formées, ce qui ne s’observe pas dans les autres ;

14o Une tête de femme tournée vers la droite ; elle respire un lys qu’elle élève jusqu’à la hauteur du nez (d’après le Guerchin). Toutes ces gravures, excepté le no 5, portent le monogramme de l’auteur.

Elles sont à la Bibliothèque royale de Bruxelles[4].

Il faut encore ajouter six gravures d’après les dessins in 8o de Jean-Chrétien Braud, peintre viennois, gravées par le prince Charles et qui ne sont pas les eaux-fortes dont parle Brulliot. Ces dessins sont minutieusement décrits dans le catalogue de la collection du prince, dressé par Bartsch (page 171). Plus un grand dessin du Guerchin qui représente deux jeunes gens, cachés derrière un bocage et épiant deux filles qui vont se baigner. Cela porte à vingt-sept le nombre des gravures du prince Charles connues jusqu’ici, y compris les six eaux-fortes indiquées par Brulliot.


N° 6.


Nous donnons ici le détail complet de la cérémonie dans laquelle le prince Charles représenta l’empereur François II, d’après la brochure rarissime qui nous a été communiquée par M. Deviller, archiviste de Mons. Cette cérémonie, instituée par Charles-Quint, avait été abolie par Joseph II ; cette suppression fut une des principales causes de la révolte du Hainaut à l’époque de l’insurrection des Flandres en 1787. Léopold la rétablit, et roumain fut le dernier empereur d’Autriche qui la célébra. Elle emprunte à ces circonstances un intérêt historique particulier.

DIRECTION POUR LA SOLENNITÉ DE L’INAUGURATION DE SA MAJESTÉ LE ROI DE HONGRIE ET DE BOHÈME, FRANÇOIS Ier, COMME COMTE DE HAINAU, FIXÉE AU 11 JUIN 1792.

Le dit jour 11, à sept heures et demie du matin, la solennité s’annonce au peuple par le son de la grosse cloche et du carillon.

À 8 heures, Messieurs les Magistrats en robe se rendent de l’hôtel de ville à l’église de Ste Waudru, pour recevoir, des Dames du Chapitre, la châsse des Reliqués et le Chef de leur Patrone, qu’ils accompagnent jusques sur le Théâtre placé pour la solennité sur la grand’place. À 8 heures et demie, on sort de l’église, au son de la grosse cloche et du carillon, dans l’ordre suivant :

1. Les Curés et les Vicaires des Paroisses de la ville, tous en chape, précédés des bannières et Bedeau de Ste Waudru.

2, Les Prévôt, Doyen et Chanoines de St Germain et leurs Vicaires, tous en chape, précédés de leur Bedeau.

3. Les cinq Ordres mendiants.

4 Les Dames du Chapitre de Ste Waudru et leurs officiers.

5. La Chasse de Ste Waudru, entourée de six gardes du chœur en habits de livrée, portant des flambeaux, et suivie du dais.

6. Le Chef de cette Sainte, sous un dais, accompagné des Distributeur et grand Clerc de Ste Waudru : le premier en chape, le second cn surplis ; à côté, deux personnes à la même livrée, portant flambeau.

7. La Dame Bâtonnière et les deux premiers officiers du Chapitre.

8. Messieurs les Magistrats.

La marche se dirige vers le rue de la Poterie : lorsque je cortège arrive à l’entrée de la Grand’Place, Messieurs de l’Ordre du Clergé, tous en chape, les Prélats en habits pontificaux et mitres, la crosse à la main, accompagnés da leurs porte-mitres et crosses, précédés des Huissiers et Messagers des États et de quelques-uns du serment de St Michel, sortant de la chapelle de St Georges par la cour de l’hôtel de ville ; où les joignent les deux Députés ordinaires du Conseil de ville, et les quatre autres nommés pour la solennité, ainsi que les 26 Députés des Bonnes-Villes ; ils sont précédés, jusqu’à la rampe du Théâtre, de la compagnie de la maréchaussée, à pied, les Capitaine, Lieutenant et Sous-Lieutenant, l’épée à la main ; cette compagnie se range en haie aux deux côtés de la rampe.

Messieurs du Clergé vont se placer sous la galerie à la droite du trône, laissant an espace entre eux et le trône pour les Pairs de la Province. Les Députés des Bonnes-Villes à la partie du théâtre vers la rue de Nimy, sur une ligne ; les Députés du Conseil de ville sur une seconde ligne faisant face à la rue de la Chaussée. Les Ordres religieux entrent dans le parquet en avant du théâtre.

Les Curés des Paroisses, le Chapitre de St Germain, les bannières et Bedeaux se placent au bout du théâtre, du côté de la rue de Nimy, derrière les Députés des Bonnes-Villes.

Les Dames Chanoinesses et leurs Officiers à la droite de l’autel placé sur le théâtre.

Derrière l’autel, les prêtres tenant les flambeaux, qui, pendant la marche, furent portés par la livrée du Chapitre.

Les dais se placent au bout du théâtre, du côté de l’hôtel de ville.

Messieurs les Magistrats se rangent sur une même ligne en avant de Messieurs les Députés du Conseil de Ville.

Le Conseil souverain de la province en robe, venant de l’hôtel de ville, se place en face du trône, à peu de distance du parquet, M. le Président au milieu de la compagnie sur une ligne, et les Huissiers derrière.


À neuf heures Son Altesse le Prince Charles de Ligne, commissaire de Sa Majesté, sort de son hôtel pour se rendre au théâtre par les rues du Séminaire, de la Guirlande, des Capucins, de la Grand’Rue et de la Chaussée, dans l’ordre suivant :

1. Un détachement de Dragons du régiment de la Tour avec ses Officiers, qui se range sur la Grand’Place, devant l’hôtel de la Couronne.

2. Les Membres de l’Ordre de la Noblesse, chacun, en carosse attelé de deux chevaux, arrivés près de la rampe du théâtre, descendent de leurs voitures, qui défilent le long du parquet par la rue de Nimy.

3. Un Héraut d’Armes, le sieur O’Kelly, vêtu de sa cotte d’armes, le caducée en main, la toque en tête, à cheval.

4. Le Capitaine de chasse et des bois de Son Altesse.

5. Ses gardes de chasse, sa livrée et ses officiers de maison marchent deux à deux, chapeau bas.

6. Ses deux Secrétaires dans un carrosse attelé de deux chevaux.

7. Son Aumônier et son Intendant dans un pareil carrosse.

8. Son Altesse, dans un carrosse attelé de six chevaux.

9. Un second détachement de Dragons ferme la marche et s’aligne avec le premier sur la Grand’Place.


Dès que Son Altesse paraît sur la Grand’Place, les timbales et trompettes placés dans la galerie au-dessus du théâtre sonnent des fanfares auxquelles répond la musique turque. Le bataillon de Murray, rangé le long des cassés, et la grand’garde le drapeau déployé présentent les armes, et les tambours battent aux champs. On sonne le carillon, la grosse cloche du château et toutes celles de la ville.

N. — La musique turque a sa place entro la rampe du théâtre et du parquet.

Son Altesse, arrivée au théâtre précédée du Héraut d’Armes, et suivie des membres de l’Ordre de la Noblesse qui attendent à l’entrée, se place sous le dais, dans un fauteuil, au-dessus duquel est le portrait de Sa Majesté : les Nobles se mettent à sa gauche sous la galerie, sur une ligne.

Tous les différents Ordres étant placés et assis, les Huissiers et Messagers des États, les Huissiers et Sergents de MM. les Magistrats sur la rampe, la Livrée de Son Altesse et du Chapitre de Ste Waudru et d’autres vis-à-vis de l’hôtel de ville ; les timbales et trompettes de dessus le théâtre se font entendre ; une division du régiment de Murray placée près des Boucheries fait une déchargu de mousqueterie ; l’artillerie des remparts y répond par une salve de canons, et toutes les cloches de la ville sonnent.

Peu après, le Héraut d’Armes, qui est debout à quelque distance et à la droite du trône, après avoir reçu l’ordre, s’avance vers le bord du théâtre, le long du parquet, et crie trois fois à haute voix : « Silence ! » puis retourne à sa place.

Alors le Conseiller Pensionnaire de la Ville, Auquier, faisant fonction de Pensionnaire des États, se présente à Son Altesse et fait ensuite lecture, vers le milieu du théâtre de la copie authentique des lettres des pleins pouvoirs et des lettres de substitution.

Cette lecture achevée, Son Altesse va à l’autel. Tous les Ordres des États et autres corps se lèvent et restent debout à leurs places. Madame de Croy, première ainée des Dames Chanoinesses, s’approche aussi de l’autel avec les Baillis et Greffiers du Chapitre, où elle lit l’acte de réception de Sa Majesté à Abbé et plus grand Avoué du Chapitre, et à Seigneur et Prince du pays, et à sa mise en possession des patronages de leur Église, ainsi que des Seigneuries du château, des paieries de la ville, etc. ; après quoi, le Bailli prend la crosse abbatiale des mains du petit-clerc, qui se trouve sur la rampe du théâtre ; la même Dame prend cette crosse des mains du Bailli, et la présente à Son Altesse ; ensuite le Greffier du Chapitre, qui est à la gauche de l’autel, lil le serment accoutumé, que Son Altesse prête, les mains posées sur le St Chef et le livre des Évangiles.

Ce serment prêté, une fanfare de timbales et trompettes qui sont dans la galerie du théâtre, et à laquelle répond la musique turque, le son du carillon, de la grosse cloche et de toutes celles de la ville, une décharge de la mousqueterie ect une salve de l’artillerie des ramparts annoncent au peuple ce premier acte.

Son Altesse retourne à son fauteuil, sous le dais, la crosse à la main, et tous les Ordres rassis, le Conseiller-Pensionnaire des États va lui demander la permission de faire lecture du serment à prêter aux États ; cette permission accordée, elle retourne à l’autel ; le Président du Conseil s’en approche aussi, et les Ordres debout, le Pensionnaire lit à genoux, sur la marche de l’autel, le serment de Sa Majesté aux États.

Ce fait, Son Altesse appose la main sur les saints Évangiles, et prête serment.

Alors le même Conseiller-Pensionnaire, à la semonce du président, fait lecture de celui à prêter au Souverain par les États, et dit après l’avoir prêté en leur nom : Ainsi nous aide Dieu, le benoit corps de Ste Vaudru et tous les autres Saints du Paradis.

Ce second acte s’annonce au peuple comme le précédent.

Immédiatement après, MM. les Magistrats et les six Députés du Conseil de la Ville s’avançent vers l’autel, où le Conseiller-Pensionnaire et Greffier du chef-lieu, à genoux contre la marche, fait lecture du serment à prêter à la ville au nom de Sa Majesté.

Ce fait, Son Altesse met la main sur l’Évangile. Puis le même Conseiller-Pensionnaire et Greffier, à la semonce du Président, lit le serment à prêter de la part de la Ville, et le faisant en son nom, dit : Ainsi nous aide Dieu et tous les Saints ! Aussitôt les timbales et trompettes, la musique turque, l’artillerie, le son du carillon, de la grosse cloche et de toutes celles de la ville l’annoncent au peuple.


Son Altesse va se replacer dans son fauteuil sous le dais, toujours la crosse en main, et tous étant remis à leurs places le Héraut d’Armes va au bord du théâtre en face du trône crier trois fois : Vive François I, Roi de Hongrie et de Bohême et Comte de Hainau ; ce qui se répète quantité de fois par le peuple, et s’annonce également par des fanfares, décharges de mousqueterie, salves d’artillerie, grosses cloches et carillon.


De suite le Conseiller-Pensionnaire des États se fait apporter un sac de velours cramoisi garni en or, rempli de médailles d’or, d’argent et de cuivre, ayant cette légende du côté du buste de Sa Majesté : Franciscus, Hung. Boh. Reæ, Com. Hann. Le revers représentant un autel surmonté de deux imains jointes avec cette devise : Fides publica, et cette inscription : Hæc ara tuebitur omnes, et va les jeter au peuple, aux acclamations redoublées de Vive Sa Majesté ; et au bruit des timbales trompettes et de la musique turque.


Cette solennité achevée, les différents Ordres et Corps se rendent à la Collégiale de Ste Waudru, par la rue de la Chaussée, celle Samson, la Terre du Prince et le cloître du Chapitre, dans l’ordre suivant :

1. Un escadron de la Tour ouvrant la marche.

2. Les Curés des Paroisses, le Chapitre de St Germain, et les Religieux des Couvents mendiants.

3. La musique turque.

4. L’Ordre du Clergé précédé des Huissiers et Messagers des États, suivi de l’huissier du Clergé, et ayant à ses côtés le Capitaine de la Maréchaussée, l’épée à la nain, avec une partie de sa Compagnie.

5. Les Dames Chanoinesses et leurs Officiers.

6. La Châsse de Ste Waudru.

7. Le Chef de cette Sainte.

8. La Maison de Son Altesse.

9. Le Héraut d’Armes.

10. Son Altesse la crosse en main, ayant à ses côtés les deux Dames aînées et les deux premiers officiers du Chapitre.

11. L’Ordre de la Noblesse.

12. Les Magistrats.

13. Les six Députés du Conseil de Ville.

14. Les Deputés des Bonnes-Villes.

15. Les Lieutenant et sous-Lieutenant de la Maréchaussée, l’épée à la main, avec la seconde partie de la compagnie.

16. La division du régiment de Murray.

17. Les carosses ferment la marche. Au moment que Son Altesse entre duns l’Église de Ste Waudru, les timbales et les trompettes sur le jubé exécutent des fanfares. Parvenue au chœur, Son Altesse, la crosse en main, va à l’autel, sur lequel est posée la benoîte Aflique de Ste Waudru, faire les reliefs usités des fiefs de Sa Majesté en mouvants.

Les Dames Chanoinesses se rangent en haie du côté de l’Évangile, et les Officiers du Chapitre, aussi en haie, du côté de l’Épitre.

Le Clergé se place sur des chaises que les Dames Chanoinesses font préparer dans le sanctuaire du côté de l’Évangile.

La Noblesse se met dans les stalles de la gauche en entrant.

Les Magistrats sur leurs bancs ordinaires. Les Députés du Conseil de Ville et des Bonnes-Villes sur des bancs placés en devant et à côté de ceux des Magistrats.

Après les reliefs, Son Altesse va, la crosse en main, embrasser les Dames Chanoinesses, puis se place dans la stalle abbatiale, qui est décorée.

Les-Dames Chanoinesses vont aux stalles de la droite.

Les officiers du Chapitre et les Chanoines de St Germain prennent leurs places ordinaires. Le Héraut d’Armes est placé dans le milieu du chœur sur un tabouret.

Le Prélat de St Denis, comme premier chapelain du comté de Hainau, assisté de deux autres Prélats en qualité de Diacre et de sous-Diacre, avcc un troisième comme Maître de cérémonie, tous avec leurs porte-mitres et crosses, célèbre pontificalement la messe votive du St Esprit, qui est suivie du Te Deum.

Au Gloria, la division du régiment de Murray paradant sur la place de Ste Waudru fait une décharge de mousqueterie, qui est suivie de salves de l’artillerie du rempart, du son de la grosse cloche et du carillon, et de la musique turque.

Ce qui se répète à la consécration, à la communion et au Te Deum.

Après le Te Deum, le cortège, accompagnant Son Altesse jusqu’à son hôtel, passe par les rues Samson, de la Terre-du-Prince, des Cinq Visages, de la Grosse Pomme, au son de la grosse cloche, du carillon et de toutes les cloches de la Ville.



FIN DE L’APPENDICE
  1. Sorte d’huissier chargé des messages du Conseil.
  2. Ce « bon Picard » était Pierre-Antoine de la Place, secrétaire perpétuel de l’Académie d’Arras, né en 1707, mort en 1793.
  3. 1ère série, t. IX, p. 297.
  4. Voir Brulliot, Dictionnaire des monogrammes, 1re partie, p. 173, qui donne les quatre monogrammes du prince Charles de Ligne.