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Histoire de France (Jules Michelet)/édition 1893/Tome 3 - Appendice

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Œuvres complètes de J. Michelet
(Histoire de Francep. 413-516).

APPENDICE



L’ère nationale de la France est le quatorzième siècle. Les États généraux, le Parlement, toutes nos grandes institutions, commencent ou se régularisent. La bourgeoisie apparaît dans la révolution de Marcel, le paysan dans la Jacquerie, la France elle-même dans la guerre des Anglais.

Cette locution : Un bon Français, date du quatorzième siècle.

Jusqu’ici la France était moins France que chrétienté. Dominée, ainsi que tous les autres États, par la féodalité et par l’Église, elle restait obscure et comme perdue dans ces grandes ombres… Le jour venant peu à peu, elle commence à s’entrevoir elle-même.

Sortie à peine de cette nuit poétique du moyen âge, elle est déjà ce que vous la voyez : peuple, prose, esprit critique, anti-symbolique.

Aux prêtres, aux chevaliers, succèdent les légistes ; après la foi, la loi.

Le petit-fils de saint Louis met la main sur le pape et détruit le Temple. La chevalerie, cette autre religion, meurt à Courtrai, à Créci, à Poitiers.

À l’épopée succède la chronique. Une littérature se forme, déjà moderne et prosaïque, mais vraiment française : point de symboles, peu d’images ; ce n’est que grâce et mouvement.

Notre vieux droit avait quelques symboles, quelques formules poétiques. Cette poésie ne comparaît pas impunément au tribunal des légistes. Le parlement, ce grand prosateur, la traduit, l’interprète et la tue.

Au reste, le droit français avait été de tout temps moins asservi au symbolisme que celui d’aucun autre peuple. Cette vérité, pour être négative dans la forme, n’en est pas moins féconde. Nous n’avons point regret au long chemin par lequel nous y sommes arrivés. Pour apprécier le génie austère et la maturité précoce de notre droit, il nous a fallu mettre en face le droit poétique des nations diverses, opposer la France et le monde.

Cette fois donc, la symbolique du droit[1]. — Nous en chercherons le mouvement, la dialectique, lorsque notre drame national sera mieux noué.




1 — page 7Alphonse X s’enfermait avec ses juifs pour altérer d’un mélange romain le droit gothique…

Je ne prétends pas déprécier ici le code des Siete Partidas ; j’espère que mon ami M. Rossew Saint-Hilaire nous le fera bientôt connaître dans le second volume de son Histoire d’Espagne, que nous attendons impatiemment. Je n’ai prétendu exprimer sur les lois d’Alphonse que le jugement plus patriotique qu’éclairé de l’Espagne d’alors. Il est juste de reconnaître d’ailleurs que ce prince, tout clerc et savant qu’il était, aima la langue espagnole. « Il fut le premier des rois d’Espagne qui ordonna que les contrats et tous les autres actes publics se fissent désormais en espagnol. Il fit faire une traduction des Livres sacrés en castillan… Il ouvrit la porte à une ignorance profonde des lettres humaines et des autres sciences, que les ecclésiastiques aussi bien que les séculiers ne cultivèrent plus, par l’oubli de la langue latine. » (Mariana, III, p. 188 de la traduction. Note de 1837.)


2 — page 8Lisez le portrait des rois d’Aragon dans Muntaner…

« Si les sujets de nos rois savaient combien les autres rois sont durs et cruels envers leurs peuples, ils baiseraient la terre foulée par leurs seigneurs. Si l’on me demande : « Muntaner, quelles faveurs font les rois d’Aragon à leurs sujets, plus que les autres rois ? » je répondrai, premièrement, qu’ils font observer aux nobles, prélats, chevaliers, citoyens, bourgeois et gens des campagnes, la justice et la bonne foi, mieux qu’aucun autre seigneur de la terre ; chacun peut devenir riche sans qu’il ait à craindre qu’il lui soit rien demandé au delà de la raison et de la justice, ce qui n’est pas ainsi chez les autres seigneurs ; aussi les Catalans et les Aragonais ont des sentiments plus élevés, parce qu’ils ne sont point contraints dans leurs actions, et nul ne peut être bon homme de guerre, s’il n’a des sentiments élevés. Leurs sujets ont de plus cet avantage, que chacun d’eux peut parler à son seigneur autant qu’il le désire, étant bien sûr d’être toujours écouté avec bienveillance, et d’en recevoir des réponses satisfaisantes. D’un autre côté, si un homme riche, un chevalier, un citoyen honnête, veut marier sa fille, et les prie d’honorer la cérémonie de leur présence, ces seigneurs se rendront, soit à l’église, soit ailleurs ; ils se rendraient de même au convoi ou à l’anniversaire de tout homme, comme s’il était de leurs parents, ce que ne font pas assurément les autres seigneurs, quels qu’ils soient. De plus, dans les grandes fêtes, ils invitent nombre de braves gens, et ne font pas difficulté de prendre leur repas en public ; et tous les invités y mangent, ce qui n’arrive nulle part ailleurs. Ensuite, si des hommes riches, des chevaliers, prélats, citoyens, bourgeois, laboureurs ou autres, leur offrent en présent des fruits, du vin ou autres objets, ils ne feront pas difficulté d’en manger ; et dans les châteaux, villes, hameaux et métairies, ils acceptent les invitations qui leur sont faites, mangent ce qu’on leur présente, et couchent dans les chambres qu’on leur a destinées ; ils vont aussi à cheval dans les villes, lieux et cités, et se montrent à leurs peuples ; et si de pauvres gens, hommes ou femmes, les invoquent, ils s’arrêtent, ils les écoutent, et les aident dans leurs besoins. Que vous dirai-je enfin ? ils sont si bons et si affectueux envers leurs sujets qu’on ne saurait le raconter, tant il y aurait à faire ; aussi leurs sujets sont pleins d’amour pour eux, et ne craignent point de mourir pour élever leur honneur et leur puissance, et rien ne peut les arrêter quand il faut supporter le froid et le chaud, et courir tous les dangers. » (Ramon Muntaner, I, ch. xx, p. 60, trad. de M. Buchon.)


3 — page 12« Nous avions reçu l’Anti-Christ… »

« Regni Siculi Antichristum. » (Bart. a Neocastro, ap. Muratori, XIII, 1026.) Bartolomeo et Ramon Muntaner ne font nulle mention de Procida. L’un veut donner toute la gloire aux Siciliens, l’autre au roi d’Aragon, D. Pedro.


4 — page 13La lamentation par laquelle Falcando commence son histoire…

Hugo Falcandus, ap. Muratori, VII, 252. La latinité de ce grand historien du douzième siècle est singulièrement pure, si on la compare à celle de Bartolomeo, qui écrit pourtant cent ans plus tard.


5 — page 16Les maisons françaises étaient marquées d’avance…

« Ceulx de Palerne et de Meschines, et des autres bonnes villes, signèrent les huys de Françoys de nuyt ; et quant ce vint au point du jour qu’ils purent voir entour eux, si occirent tous ceulx qu’ils peurent trouver, et ne furent épargnés ne vieulx ne jeunes que tous ne fussent occis. » (Chroniques de Saint-Denis, anno 1282.)


6 — page 17Charles d’Anjou répondit aux envoyés de Messine, etc.

Villani ajoute avec une prudence toute machiavélique : « Onde fue, et sera sempre grande asempio a quelli, che sono et che saranno, di prendere i patti, che si possono havere de’ nimici, potendo havere la terra assediata. » Vill., l. VII, c. xlv, p. 281-282. — Le légat engageait Charles à accepter les conditions des habitants : « Però che, poi che fossino indurati, ognidi peggiorerebbono i patti ; ma raviendo egli la terra, con volontà decittadini medesimi ogni di li potrebbe alargare ; il quale era sano et buono consiglio. » (Id., l. VII, c. lxv, p. 281.)


7 — page 17Ce ne fut qu’au bout de plusieurs mois, etc.

Rien de plus romanesque et toutefois de plus vraisemblable que le tableau du chroniqueur sicilien, lorsque le froid Aragonais se hasarda à descendre sur cette terre ardente, où tout était passion et péril. Il allait entrer sur le territoire de Messine, et déjà il était parvenu à une église de Notre-Dame, ancien temple situé sur un promontoire d’où l’on voit la mer et la fumée lointaine des îles de Lipari. Il ne put s’empêcher d’admirer cette vue, et alla camper dans la vallée voisine. C’était le soir, et déjà tout le monde reposait. Un vieux mendiant s’approche et demande humblement à parler au roi de choses qui touchent l’honneur du royaume : « Excellent prince, dit-il, ne dédaignez pas d’écouter cet homme couvert de la cape des chevriers de l’Etna. J’aimais votre beau-frère, le roi Manfred, d’éternelle mémoire. Proscrit et dépouillé pour lui, j’ai visité les royaumes chrétiens et barbares. Mais je voulais revoir la Sicile, je me suis hasardé à y revenir ; j’y ai vécu avec les bergers, changeant de retraite dans les gorges et les bois. Vous ne connaissez pas les Siciliens sur lesquels vous allez régner, vous ignorez leur duplicité. Comment vous fier, par exemple, au léontin Alayne, et à sa femme Machalda, qui le gouverne ? Ne savez-vous pas qu’il a été proscrit par Manfred ? ramené, enrichi par Charles d’Anjou ? Sa femme saura bien encore le tourner contre vous-même. — Qui es-tu, mon ami, toi qui veux nous mettre en défiance de nos nouveaux sujets ? — Je suis Vitalis de Vitali. Je suis de Messine… » — À l’instant même arrive Machalda, vêtue en amazone ; elle venait hardiment prendre possession du jeune roi : « Seigneur, dit-elle, avec la vivacité sicilienne, j’arrive la dernière. Tous les logis sont pris, je viens vous demander l’hospitalité d’une nuit. » Le roi lui céda le logis où il devait reposer. Mais ce n’était pas son affaire, elle ne partait pas. Vainement dit-il à son majordome : « Il est temps de prendre du repos. » Elle reste immobile. Alors le roi prend son parti : « Eh bien, dit-il, causons jusqu’au jour. Madame, que craignez-vous le plus ? — La mort de mon mari. — Qu’aimez-vous le plus ? — Ce que j’aime n’est point à moi. » — Le roi, prenant alors un ton plus grave, raconte les phénomènes étranges qui ont, dit-il, accompagné sa naissance : il est venu au monde pendant un tremblement de terre ; désigné ainsi par la Providence, il n’a pris les armes que pour accomplir le saint devoir de venger Manfred. Machalda, ainsi éconduite, devint l’ennemie implacable du roi. « Plût au ciel, dit naïvement l’historien patriote, qu’elle eût séduit le roi ! Elle n’eût pas troublé le royaume. » (Barthol. a Neoc., apud Muratori, III, 1060-63.)


8 — page 21Le roi d’Aragon accepta le combat singulier proposé par Charles d’Anjou…

« Cio fece per grande sagacita di guerra et per suo gran senno, conciosiacosa ch’egli era molto povero di moneta et da no potere respondere al soccorso et riparo de’ Ciciliani… Onde timea che… non si arrendessono… per che non li sentiva constanti ne fermi… el cosi et savio suo provedimento venne bene adoperato. » (Villani, c. lxxxv, p. 296.)


9 — page 29Philippe-le-Bel défend d’emprisonner qui que ce soit sur la seule demande des inquisiteurs…

« Dictum fuit (in parliamento) quod prælati aut eorum officiales non possunt pœnas pecuniarias Judæis infligere nec exigere per ecclesiasticam censuram, sed solum modo pœnam a canone statutam, scilicet communionem fidelium sibi subtrahere. » (Libertés de l’Église gallicane, II, 148). — On serait tenté de voir ici une ironie amère de l’excommunication.


10 — page 38Édouard Ier écrivit humblement à ses sujets de Guyenne, etc.

« Nous avions un traité avec le roi de France, d’après lequel nous avons fait de vous et de notre duché certaines obéissances à ce roi, que nous avons cru être pour le bien de la paix et l’avantage de la chrétienté. Mais, par là, nous nous sommes rendus coupables envers vous, puisque nous l’avons fait sans votre consentement ; d’autant plus que vous étiez bien préparés à garder et à défendre votre terre. Toutefois, nous vous demandons de vouloir bien nous tenir pour excusés ; car nous avons été circonvenus et séduits dans cette conjoncture. Nous en souffrons plus que personne, comme pourront vous l’assurer Hugues de Vères, Raymond de Ferrers, qui conduisaient en notre nom ce traité à la cour de France. Mais, avec l’aide de Dieu, nous ne ferons plus rien d’important désormais relativement à ce duché sans votre conseil et votre assentiment. (Ap. Rymer, t. II, p. 644. — Sismondi, VIII, 480.)


11 — page 39L’indulgence de la Coutume de Flandre pour la femme et pour le bâtard…

« In Flandria jam inde ab initio observatum constat, neminem ibi nothum esse ex matre. » (Meyer, folio 75.) Le privilège fut étendu aux hommes de Bruges par Louis de Nevers : « Il les affranchit de bastardise, sy avant que le bastard soit bourgeois ou fils de bourgeois, sans fraude (1331). » (Oudegherst. Chron. de Flandres. — Origines du droit, l. Ier, ch. iii.) Les bâtards héritaient des biens de leurs mères. « Car on n’est pas l’enfant illégitime de sa mère. » (Miroir de Saxe.) — Diverses lois anciennes donnent même aux enfants naturels des droits sur les biens de leur père. (Grimm, 476.) — J’ai parlé ailleurs du droit des bâtards en France. Selon Olivier de la Marche, « il n’y avait en Europe que les Allemands chez qui les bâtards fussent généralement méprisés. » Guillaume-le-Conquérant s’intitule dans une lettre : « Moi, Guillaume, surnommé le Bâtard. »


12 — page 50Boniface VIII, vieil avocat, etc.

« Hic longo tempore experientiam habuit curiæ, quia primo advocatus ibidem, inde factus postea notarius papæ, postea cardinalis, et inde in cardinalatu expeditor ad casus Collegii declarandos, seu ad exteros respondendos. » (Muratori, XI, 1103.)


13 — page 51L’homme est double ; il y a en lui le Pape et l’Empereur…

« Cum omnis natura ad ultimum quemdam finem ordinetur, consequitur ut hominis duplex finis existat : ut sicut inter omnia enlia solus incorruptibilitatem et corruptibilitatem participat, sic… Propter quod opus fuit homini duplici directivo, secundum duplicem finem : scilicet summo pontifice, qui secundum revelata humanum genus produceret ad vitam æternam ; et imperatore, qui secundum philosophica documenta genus humanum ad temporalem felicitatem dirigeret. (Dante, De Monarchia, p. 78, édit. Zatta.)


14 — page 51De Monarchia, « De l’unité du monde social »…

Dante (De Monarchia, t. IV, p. 2 a). L’éditeur a mis au frontispice l’aigle de l’Empire avec cette épigraphe :

E sotto l’ombra delle sacre penne,
Governo l’mondo li di mano in mano.

Paradis, c. vi, v. 7.

15 — page 52Ce monarque, possédant tout, ne peut rien désirer, etc.

« Notandum quod justitiæ maxime contrariatur cupiditas… Ubi non est quod possit optari, impossibile est ibi cupiditatem esse… Sed monarchia non habet quod possit optare. Sua namque juridictio terminatur Oceano solum. » (P. 17). — Il prouve ensuite que la charité, la liberté universelle, sont à la condition de cette monarchie. — « O genus humanum, quantis procellis et jacturis quantisque naufragiis agitari te necesse est, dum bellua multorum capitum factum, in diversa conaris, intellectu ægrotas utroque similiter et affectu… cum per tubam Sancti Spiritus tibi effletur : Ecce quam bonum et quam jucundum habitare fratres in unum ! » (Dante, De Monarchia, p. 27.)


16 — page 54Saisset appartenait à la famille des anciens vicomtes de Toulouse…

« Quod antiquitus erat Comes et Vicecomes Tholosæ, et quia ipse erat de genere Vicecomitis, qui dictus Vicecomes dominabatur in certa parte civitatis Tholosæ. » (Dupuy, Différ., 640.)

Il était l’ami de toute la noblesse municipale…

« Quia omnes meliores homines de Tholosa sunt de parentela nostra, et facient quidquid nos voluerimus. » (Ibid., p. 643.)

Il rêvait la fondation d’un royaume du Languedoc…

« Audivit dictum episcopum Appam comiti Fuxi dicentem : Faciatis pacem mecum, et vos habebitis civitatem Appam, et eritis rex, quia antiquitus solebat ibi esse regnum adeo nobile sicut regnum Franciæ, et postea ego faciam quod vos eritis comes Tholosæ, quia in civitate Tholosæ et in terra habeo multos amicos, valde nobiles et valde polentes… » (Ibid., 645.) Voy. encore le premier témoin, p. 633, et le quatorzième témoin, p. 640.

… au profit du comte de Comminges…

« Ipse episcopus semper dilexerat comitem Convenarum et totum genus suum, et specialiter quia erat ex parte una de recta linea comitis Tholosani, et quod gentes totius terræ diligebant dictum comitem ex causa prædicta. » (Ibid., dix-septième témoin, p. 642.)


17 — page 59La petite bulle fut brûlée, etc.

Dupuy, Preuves du diff., p. 59. — « Fuerunt litteræ ejus (papæ) in regno Franciæ coram pluribus concrematæ, et sine honore remissi nuntii. » (Chron. Rothomagense, ann. 1302 ; et Appendix Annalium H. Steronis Altahensis.) — Le ms. cité par Dupuy, Preuves du diff., 59, et que lui seul a vu, n’est donc pas, comme le dit M. de Sismondi, la seule autorité pour ce fait. (Voy. Sism., IX, 88.)


18 — page 61Lettre des nobles aux cardinaux…

La lettre ajoutait au nom des nobles : « Et se ainsi estoit que nous, ou aucuns de nous le voulsissions souffrir, ne les souferroit mie lidicts nostre sire li roys, ne li commun peuples dudit royaume : et à grand’douleur, et à grand meschief, nous vous faisons à sçavoir par la teneur de ces lettres, que ce ne sont choses qui plaisent à Dieu, ne ne doivent plaire à nul homme de bonne voulenté, ne oncques mes telles choses ne descendirent en cuer d’homme, ne ores ne furent, ne attendües advenir, fors avecques Antechrist… Pourquoi nous vous prions et requerons tant affectueusement comme nous pouvons… que li malices qui est esmeus, soit arrière mis et anientis, et que de ces excès qu’il a accoustumé à faire, il soit chastiez en telle manière, que li estat de la Chrestienté soit et demeure en son bon point et en son bon estat, et de ces choses nous faites à sçavoir par le porteur de ces lettres vostre volenté et vostre entention : car pour ce nous l’envoyons espéciaument à vous, et bien voulons que vous soyez certain que ne pour vie, ne pour mort, nous ne départirons, ne ne veons à départir de ce procez, et feust ores, ainsi que li Roys nostre Sire le voulust bien… Et pource que trop longue chose, et chargeans seroit, se chacun de nous metteroit seel en ces présentes lettres, faites de nostre commun assentement, nos Loys fils le roi de France, cuens de Évreux ; Robert cuens d’Artois ; Robert Dux de Bourgoigne ; Jean Dux de Bretaine ; Ferry Dux de Lorraine ; Jean cuens de Hainaut et de Hollande ; Henry cuens de Luxembourg ; Guis cuens de S. Pol ; Jean cuens de Dreux ; Hugues cuens de la Marche ; Robert cuens de Bouloigne ; Loys cuens de Nivers et de Retel ; Jean cuens d’Eu ; Bernard cuens de Comminges ; Jean cuens d’Aubmarle ; Jean cuens de Fores ; Valeran cuens de Périgors ; Jean cuens de Joigny ; Jean cuens d’Auxerre ; Aymars de Poitiers, cuens de Valentinois ; Estennes cuens de Sancerre ; Renault cuens de Montbeliart ; Enjorrant sire de Coucy ; Godefroi de Breban ; Raoul de Clermont connestable de France ; Jean sire de Chastiauvilain ; Jourdain sire de Lille ; Jean de Chalon sire Darlay ; Guillaume de Chaveigny sire de Chastiau-Raoul ; Richars sire de Beaujeu, et Amaurry vicuens de Narbonne, avons mis à la requeste, et en nom de nous, et pour tous les autres, nos seaus en ces présentes lettres. Donné à Paris, le 10e jour d’avril, l’an de grâce 1302. »


19 — page 62Lettre des membres du clergé…

« … Prout quidam nostrum qui ducatus, comitatus, baronias, feoda et alia membra dicti regni tenemus… adessemus eidem debitis consiliis et auxiliis opportunis… Cognoscentes quod excrescunt angustiæ cum jam abhorreant laïci et prorsus effugiant consortia clericorum. » (Dupuy, Preuves, p. 70.) — La lettre est datée de mars, c’est-à-dire probablement antidatée : « Datum Parisiis die Martis prædicta : le susdit jour de mars. » Et ils n’ont indiqué auparavant aucun jour. Mais ils ne voulaient point dater de l’assemblée du roi, ne s’étant pas rendus à celle du pape.

Cette lettre contient également le grand grief de la noblesse…

« Et prælati dum non habent quid pro meritis tribuant, imo retribuant, nobilibus, quorum progenitores ecclesias fundaverunt, et aliis litteratis personis, non inveniunt servitores. » (Dup., Preuves, p. 69.)


20 — page 64Le lion couronné de Gand, qui dort aux genoux de la Vierge…

« Hodie quoque pro symbolo urbis Virgo sepimento ligneo clausa, cujus in sinu Leo cum Flandriæ labaro cubat… » (Sanderus, Gandav. Rer., l. I, p. 51.)


21 — page 64« Roland, Roland », etc.

C’était l’inscription de la cloche :

Roelandt, Roelandt, als ick kleppe, dan ist brandt,
Als ick luve, dan ist storm in Vlaenderlandt.

(Sanderus, l. II, p. 115.)

22 — page 65Peter Kœnig…

« Primus ausus est Gallorum obsistere tyrannidi Petrus cognomento Rex, homo plebeius, unoculus, ætate sexagenarius, opificio textor pannorum, brevi vir statura nec facie admodum liberali, animo tamen magno et feroci, consilio bonus, manu promptus, flandrica quidem lingua cumprimis facundus, gallicæ ignarus. » (Meyer, p. 91.)

Les gens du peuple se mettent à battre leurs chaudrons…

« Cumque ad campanam civitatis non auderent accedere, pelves suas puisantes… omnem multitudimen concitarunt. » (Ibid., p. 90.)


23 — page 65Les Gantais furent retenus par leurs gros fabricants.

« Primores civitatis, quique dignitate aliqua aut opibus valebant, Liliatorum sequebantur partes, formidantes Regis potentiam, suisque timentes facultatibus. » (Ibid., p. 91.)


24 — page 66Ils voulurent communier ensemble, etc.

« À la bataille de Courtrai, les Flamands firent venir un prêtre sur le champ de bataille avec le corps de Christ, de sorte qu’ils pouvaient tous le voir. En guise de communion, chacun d’eux prit de la terre à ses pieds et se la mit dans la bouche. » (G. Villani, t. VIII, c. lv, p. 335.) — Voy. d’autres exemples de cette communion par la terre dans mes Origines du droit, livre III, ch. iv.


25 — page 66On répétait que Châtillon, etc.

« Vasa vinaria portasse restibus plena, ut plebeios strangularet. » (Meyer.)

La reine avait, disait-on, recommandé aux Français que, etc.

« Ut apros quidem, hoc est viros, hastis, sed sues verutis confoderent, infesta admodum mulieribus, quas sues vocabat, ob fastum illum femineum visum a se Brugis. » (Ibid., p. 93.) — La reine avait dit en voyant les Flamandes : « Ego rata sum me esse reginam ; at hic sexcentas conspicio. » (Ibid., p. 89.)


26 — page 67Les Flamands tuaient à leur aise, etc.

« Incredibile narratu est quanto robore, quantaque ferocia, colluctantem secum in fossis hostem nostri exceperint, malleis ferreis plumbeisque mactaverint. » (Meyer, 94.) — « Guillelmus cognomento ab Saltinga… tantis viribus dimicavit, ut equites 40 prostravisse, hostesque alios 1400 se jugulasse gloriatus sit. » (Ibid., 95.)


27 — page 68Après la défaite de Philippe à Courtrai, la cour pontificale changea de langage…

Quinze jours avant la bataille de Courtrai, le pape tint dans l’assemblée des cardinaux un discours dont la conciliation semblait le but. Il y dit, entre autres choses, que sous Philippe-Auguste le roi de France avait dix-huit mille livres de revenus, et que maintenant, grâce à la munificence de l’Église, il en avait plus de quarante mille. Pierre Flotte, dit-il encore, est aveugle de corps et d’esprit, Dieu l’a ainsi puni en son corps ; cet homme de fiel, cet homme du diable, cet Achitophel, a pour appui les comtes d’Artois et de Saint-Pol ; il a falsifié ou supposé une lettre du pape ; il lui fait dire au roi qu’il ait à reconnaître qu’il tient son royaume de lui. Le pape ajoute : « Voilà quarante ans que nous sommes docteur en droit, et que nous savons que les deux puissances sont ordonnées de Dieu. Qui peut donc croire qu’une telle folie nous soit tombée dans l’esprit ?… Mais on ne peut nier que le roi ou tout autre fidèle ne nous soit soumis sous le rapport du péché… Ce que le roi a fait illicitement, nous voulons désormais qu’il le fasse licitement. Nous ne lui refuserons aucune grâce. Qu’il nous envoie des gens de bien, comme le duc de Bourgogne et le comte de Bretagne ; qu’ils disent en quoi nous avons manqué, nous nous amenderons. Tant que j’ai été cardinal, j’ai été Français ; depuis, nous avons beaucoup aimé le roi. Sans nous, il ne tiendrait pas d’un pied dans son siège royal ; les Anglais et les Allemands s’élèveraient contre lui. Nous connaissons tous les secrets du royaume ; nous savons comme les Allemands, les Bourguignons et ceux du Languedoc aiment les Français. Amantes neminem amat vos nemo, comme dit Bernard. Nos prédécesseurs ont déposé trois rois de France ; après tout ce que celui-ci a fait, nous le déposerions comme un pauvre gars (sicut unum garcionem), avec douleur toutefois, avec grande tristesse, s’il fallait en venir à cette nécessité. » (Dupuy, Preuves, p. 77-8.) — Malgré l’insolence de la finale, ce discours était une concession du pape, un pas en arrière.


28 — page 69, note 1Consultation de Pierre Dubois contre le pape…

Voici en substance ce pamphlet du quatorzième siècle. — Après avoir établi l’impossibilité d’une suprématie universelle et réfuté les prétendus exemples des Indiens, des Assyriens, des Grecs et des Romains, il cite la loi de Moïse qui défend la convoitise et le vol. « Or le pape convoite et ravit la suprême liberté du roi, qui est et a toujours été de n’être soumis à personne, et de commander par tout son royaume sans crainte de contrôle humain. De plus, on ne peut nier que depuis la distinction des domaines, l’usurpation des choses possédées, de celles surtout qui sont prescrites par une possession immémoriale, ne soit péché mortel. Or le roi de France possède la suprême juridiction et la franchise de son temporel, depuis plus de mille ans. Item, le même roi, depuis le temps de Charlemagne dont il descend, comme on le voit dans le canon Antecessores possède, et a prescrit la collation des prébendes et les fruits de la garde des églises, non sans titre et par occupation, mais par donation du pape Adrien, qui, du consentement du concile général, a conféré à Charlemagne ces droits et bien d’autres presque incomparablement plus grands, savoir que lui et ses successeurs pourraient choisir et nommer qui ils voudraient papes, cardinaux, patriarches, prélats, etc. D’ailleurs, le pape ne peut réclamer la suprématie du royaume de France que comme souverain Pontife : mais si c’était réellement un droit de la papauté, il eût appartenu à saint Pierre et à ses successeurs qui ne l’ont point réclamé. Le roi de France a pour lui une prescription de douze cent soixante-dix ans. Or, la possession centenaire même sans titre suffit, d’après une nouvelle constitution dudit pape, pour prescrire contre lui et contre l’Église romaine, et même contre l’Empire, selon les lois impériales. Donc, si le pape ou l’empereur avaient eu quelque servitude sur le royaume, ce qui n’est pas vrai, leur droit serait éteint… En outre, si le pape statuait que la prescription ne court pas contre lui, elle ne courra donc pas non plus contre les autres, et surtout contre les princes, qui ne reconnaissent pas de supérieurs. Donc, l’empereur de Constantinople qui lui a donné tout son patrimoine (la donation étant excessive, comme faite par un simple administrateur des biens de l’Empire), peut, comme donateur (ou l’empereur d’Allemagne, comme subrogé en sa place), révoquer cette donation… Et ainsi la papauté serait réduite à sa pauvreté primitive des temps antérieurs à Constantin, puisque cette donation, nulle en droit dès le principe, pourrait être révoquée sans la prescription longissimi temporis. » (Dupuy, p. 15-7.)


29 — page 70« Dans la chaire du bienheureux Pierre, siège ce maître des mensonges… »

« Sedet in cathedra beati Petri mendaciorum magister, faciens se, cum sit omnifario maleficus, Bonifacium nominari. » (Ibid.) « Nec ad ejus excusationem… quod ab aliquibus dicitur post mortem dicti Cœlestini… cardinales in eum denuo consensisse : cum ejus esse conjux non potuerit quam, primo viro vivente, fide digno conjugii, constat per adulterium polluisse. » (Ibid., 57.) « Ut sicut angelus Domini prophetæ Balaam… occurrit gladio evaginato in via, sic dicto pestifero vos evaginato gladio occurrere velitis, ne possit malum perficere populo quod intendit. » (Ibid.)


30 — page 71Réquisitoire de Plasian contre Boniface…

« Moi Guillaume de Plasian, chevalier, je dis, j’avance et j’affirme que Boniface qui occupe maintenant le siège apostolique sera trouvé parfait hérétique, en hérésies, faits énormes et dogmes pervers ci-dessous mentionnés : 1o il ne croit pas à l’immortalité de l’âme ; 2o il ne croit pas à la vie éternelle, car il dit qu’il aimerait mieux être chien, âne ou quelque autre brute que Français, ce qu’il ne dirait pas s’il croyait qu’un Français a une âme éternelle. — Il ne croit point à la présence réelle, car il orne plus magnifiquement son trône que l’autel. — Il a dit que pour abaisser le roi et les Français, il bouleverserait tout le monde. — Il a approuvé le livre d’Arnaud de Villeneuve, condamné par l’évêque et l’Université de Paris. — Il s’est fait élever des statues d’argent dans les églises. — Il a un démon familier : car il a dit que si tous les hommes étaient d’un côté et lui seul de l’autre, il ne pourrait se tromper ni en fait ni en droit : cela suppose un art diabolique. — Il a prêché publiquement que le pontife romain ne pouvait commettre de simonie : ce qui est hérétique à dire. — En parfait hérétique qui veut avoir la vraie foi à lui seul, il a appelé Patérins les Français, nation notoirement très chrétienne. — Il est sodomite. — Il a fait tuer plusieurs clercs devant lui, disant à ses gardes s’ils ne les tuaient pas du premier coup : Frappe, frappe ; Dali, Dali. — Il a forcé des prêtres à violer le secret de la confession… — Il n’observe ni vigiles ni carême. — Il déprécie le collège des cardinaux, les ordres des moines noirs et blancs, des frères prêcheurs et mineurs, répétant souvent que le monde se perdait par eux, que c’étaient de faux hypocrites, et que rien de bon n’arriverait à qui se confesserait à eux. — Voulant détruire la foi, il a conçu une vieille aversion contre le roi de France, en haine de la foi, parce qu’en la France est et fut toujours la splendeur de la foi, le grand appui et l’exemple de la chrétienté. — Il a tout soulevé contre la maison de France, l’Angleterre, l’Allemagne, confirmant au roi d’Allemagne le titre d’empereur, et publiant qu’il le faisait pour détruire la superbe des Français, qui disaient n’être soumis à personne temporellement : ajoutant qu’ils en avaient menti par la gorge (per gulam), et déclarant que si un ange descendait du ciel et disait qu’ils ne sont soumis ni à lui ni à l’empereur, il serait anathème. — Il a laissé perdre la terre sainte… détournant l’argent destiné à la défendre. — Il est publiquement reconnu simoniaque, bien plus, la source et la base de la simonie, vendant au plus offrant les bénéfices, imposant à l’Église et aux prélats le servage et la taille pour enrichir les siens du patrimoine du Crucifié, en faire marquis, comtes, barons. — Il rompt les mariages. — Il rompt les vœux des religieuses — Il a dit que dans un peu il ferait de tous les Français des martyrs ou des apostats, etc. » (Dupuy, Diff., Preuves, p. 102-7 ; cf. 326-346, 350-362.)


31 — page 72L’Université de Paris, les dominicains de la même ville, les mineurs de Touraine, se déclarèrent pour le roi…

En 1295, Boniface les avait affranchis de toute juridiction ecclésiastique, sans craindre le mécontentement du clergé de France. (Bulæus, III, p. 511.) Il n’avait point cessé d’ajouter à leurs privilèges. (Ibid., p. 516, 545.) — Quant à l’Université, Philippe-le-Bel l’avait gagnée par mille prévenances. (Bulæus, III, p. 542, 544.) Aussi elle le soutint dans toutes ses mesures fiscales contre le clergé. Dès le commencement de la lutte, elle se trouvait associée à sa cause par le pape lui-même : « Universitates quæ in his culpabiles fuerint, ecclesiastico supponimus interdicto. » (Bulle Clericis laïcos.) Aussi l’Université se déclare hautement pour le roi : « Appellationi Regis adhæremus supponentes nos… et Universitatem nostram protectioni divinæ et prædicti concilii generalis ac futuri veri et legitimi summi pontificis. » (Dupuy, Preuves, p. 117-118).


32 — page 74Nogaret s’était fait donner des pouvoirs illimités du roi…

« Philippus, Dei gratia… Guillelmo de Nogareto… plenam et liberam tenore præsentium committimus potestatem, ratum habituri et gratum, quidquid factum fuerit in præmissis et ea tangentibus, seu dependentibus ex eisdem » (Dupuy, Preuves, 175.)


33 — page 75… à Anagni, au milieu d’un peuple qui venait de traîner dans la boue les lis et le drapeau de France…

« Ut proditionem fecerint eidem domino Guillelmo et sequacibus suis, ac trascinare fecissent per Anagniam vexillum ac insignia dicti domini Regis, favore et adjutorio illius Bonifacii. » (Dupuy, Preuves, p. 175.)


34 — page 75Supino s’engagea pour la vie ou la mort de Boniface…

« Guillelmus prædictus asseruit dictum dominum Raynaldum (de Supino), esse benevolum, sollicitum et fidelem… tam in vita ipsius Bonifacii quam in morte… et ipsum dominum receptasse tam in vita quam in morte Bonifacii prædicti. » (Dup., Preuves, p. 175.)


35 — page 76On menace, on outrage le vieillard, etc.

« Ruptis ostiis et fenestris palatii papæ, et pluribus locis igne supposito, per vim ad papam exercitus est ingressus ; quem tunc permulti verbis contumeliosis sunt agressi : minæ etiam ei a pluribus sunt illatæ. Sed papa nulli respondit. Enimvero cum ad rationem positus esset, an vellet renunciare papatui, constanter respondit non, imo citius vellet perdere caput suum, dicens in suo vulgari : « Ecco il collo, ecco il capo. » (Walsingham, apud Dupuy, Preuves.) — « Da che per tradimento come Jesu Christo voglio essere preso, convienmi morire, almeno voglio morire come papa. » Et di presente si fece parare dell’ amanto di san Piero, et con la corona di Constantino in capo, et con la chiavi et croce in mano, et posesi a sidere suso la sedia papale. » (Villani, VIII, 63.) — « Et eust été feru deux fois d’un des chevaliers de la Colonne, n’eust été un chevalier de France qui le contesta… » (Chron. de Saint-Denis. Dup., Preuves, p. 191.) Nicolas Gilles (1492) y ajoute : « Par deux fois cuida le pape estre tué par un chevalier de ceulx de la Coulonne, si ne fust qu’on le détourna : toutefois il le frappa de la main armée d’un gantelet sur le visage jusques à grande effusion de sang. » (Ap. Dupuy, Preuves, p. 199.)


36 — page 77On l’apporta sur la place, etc.

« Tunc populus fecit papam deportari in magnam plateam, ubi papa lacrymando populo prædicavit, inter omnia gratia agens Deo et populo Anagniæ de vita sua. Tandem in fine sermonis dixit : Boni homines et mulieres, constat vobis qualiter inimici mei venerunt et abstulerunt omnia bona mea, et non tantum mea, sed et omnia bona Ecclesiæ, et me ita pauperem sicut Job fuerat dimiserunt. Propter quod dico vobis veraciter, quod nihil habeo ad comedendum vel bibendum, et jejunus remansi usque ad præsens. Et si sit aliqua bona mulier quæ me velit de sua juvare eleemosyna, in pane vel vino : et si vinum non habuerit, de aqua permodica, dabo ei benedictionem Dei et meam… Tunc omnes hæc ex ore papæ clamabant : « Vivas, Pater sancte. » Et nunc cerneres mulieres currere certatim ad palatium, ad offerendum sibi panem, vinum vel aquam… Et cum non invenirentur vasa ad capiendum allata, fundebant vinum et aquam in arca cameræ papæ, in magna quantitate. Et tunc potuit quisque ingredi et cum papa loqui, sicut cum alio paupere. » (Walsingh. apud Dupuy, Preuves, 196.)


37 — page 81Philippe envoya au pape un mémoire contre Boniface, etc.

« La forme de cet acte est bizarre ; à chaque titre d’accusation il y a un éloge pour la cour de Rome. Ainsi : « Les saints Pères avaient coutume de ne point thésauriser ; ils distribuaient aux pauvres les biens des églises. Boniface, tout au contraire, etc. » C’est la forme invariable de chaque article. On pouvait douter si c’était bien sérieusement que le roi attribuait ainsi à un seul pape tous les abus de la papauté. » (Dupuy, Preuves, p. 209-210.)

Cet acte, rédigé en langue vulgaire, était plutôt un appel du roi au peuple, etc.

« À vous, très noble prince, nostre Sire, par la grace de Dieu Roy de France, supplie et requière le pueuble de vostre royaume, pour ce que il appartient que ce soit faict, que vous gardiez la souveraine franchise de vostre royaume, qui est telle que vous ne recognissiez de vostre temporel souverain en terre fors que Dieu, et que vous faciez déclarer que le pape Boniface erra manifestement et fit péché mortel, notoirement en vous mandant par lettres bullées que il estoit vostre souverain de vostre temporel… Item… que l’on doit tenir ledit Pape pour herège… L’on peut prouver par vive force sans ce que nul n’y pusse par raison répondre que le pape n’eut oncques seigneurie de vostre temporel… Quand Dieu le Père eut créé le ciel et les quatre éléments, eut formé Adam et Ève, il dit à eux et à leur succession : Quod calcaverit pes tuus, tuum erit… C’est-à-dire qu’il vouloit que chascun homme fut le seigneur de cen qu’il occuperoit de terre. Ainsi départirent les fils d’Adam la terre et en furent seigneurs trois mil ans et plus, avant le temps Melchisedech qui fut le premier Prêtre qui fut Roy, si comme dit l’histoire : mais il ne fut pas Roy de tout le monde : et obéissant la gent à li comme a Roy du temporel et non pas a Prestre si fut autant Roy que Prestre. Emprès sa mort fut grands temps, 600 ans ou plus, avant que nul autre fust Prestre. Et Dieu le Père qui donna la Loy à Moïse, l’establit Prince de son peuple d’Israël et li commanda que il fist Aaron son frère souverain Prestre et son fils après li. Et Moïse bailla et commist quand il deust mourir, du commandement de Dieu, la seigneurie du temporel non pas au souverain Prestre son frère mais à Josué sans débat que Aaron et son fils après li y missent : mais gardoient le tabernacle… et se aidoient au temporel défendre… Celuy Dieu qui toutes les choses présentes et avenir sçavoit, commanda à Josué leur Prince qu’il partist la terre entre ces onze lignies ; et que la lignie des Prestres eussent en lieu de leur partie les diesmes et les premisses de tout, et en resquissent sans terre, si que eux peussent plus profitablement Dieu servir et prier pour ce pueuble. Et puis quand ce peuple d’Israël demanda Roy à nostre Seigneur, ou fit demander par le prophète Samuel, il ne leur eslit pas ce souverain Prestre, mais Saül qui surmontoit de grandeur tout le pueuble de tout le col et de la teste… (Allusion à Philippe-le-Bel ?) Si que il not nul Roy en Hierusalem sus le pueuble de Dieu qui fust Prestre, mais avoient Roy et souverain Prestres en diverses personnes et avoit l’un assez a faire de gouverner le temporel et le autre l’espirituel du petit pueuble et si obéissoient tous les Prestres, du temporel as Rois. Emprès Notre-Seigneur Jésus-Christ fut souverain Prestre, et ne trouve l’en point écrit qu’il eust oncques nulle possession de temporel… Après ce, sainct Père (Pierre)… Ce fust grande abomination à ouïr que c’est Boniface, pour ce que Dieu dit à sainct Père : « Ce que tu lieras en terre sera lié au ciel », cette parole d’espiritualité entendit mallement comme bougre, quant au temporel. Il estoit greigneur besoin qu’il sceust arabic, caldei, grieux, ebrieux et tous autres langages desqueulx il est moult de chrétiens qui ne croient pas, comme l’église de Rome… Vous nobles Roy… herège defendeour de la foy, destruieur de bougres povès et devès et estes tenus requerre et procurer que ledit Boniface soit tenus et jugez pour herège et punis en la manière que l’on le pourra et devra et doit faire emprès sa mort. » (Dupuy, Différ., p. 214-218.)


38 — page 82La guerre de Flandre avait mis à bout Philippe…

Cette terrible année 1303 est caractérisée par le silence des registres du parlement. On y lit en 1304 : « Anno præcedente propter guerram Flandriæ non fuit parliamentum. » (Olim, III, folio CVII. Archives du royaume, section judiciaire.)


39 — page 84L’affaire du pape, etc.

Baillet établit un rapprochement entre les démêlés de Philippe-le-Bel et ceux de Louis XIV avec le Saint-Siège : « L’un et l’autre différend s’est passé sous trois papes, dont le premier ayant vu naître le différend est mort au fort de la querelle (Boniface VIII, Innocent XI). Le second (Benoît XI, successeur de Boniface, et Alexandre VIII, successeur d’Innocent), ayant été prévenu de soumissions par la France, s’est raccommodé en usant néanmoins de dissimulation pour sauver les prétentions de la cour de Rome. Le troisième (Clément V, et Innocent XII), a terminé toute l’affaire. De la part de la France, il n’y a eu dans chaque démêlé qu’un roi (Philippe-le-Bel, Louis XIV). Un évêque de Pamiers semble avoir donné occasion à la querelle dans l’un comme dans l’autre différend. Le droit de régale est entré dans tous les deux. Il y a eu dans l’un et dans l’autre appel au futur concile… L’attachement des membres de l’Église gallicane pour leur roi y a été presque égal. Le clergé, les universités, les moines et les mendiants se sont jetés partout dans les intérêts du roi et ont adhéré à l’appel. Il y a eu excommunication d’ambassadeurs, et menaces pour leurs maîtres. Les juifs chassés du royaume par Philippe-le-Bel, et les Templiers détruits, semblent fournir aussi quelque rapport avec l’extirpation des huguenots et la destruction des religieuses de l’Enfance. » (Baillet, Hist. des démêlés, etc.)


40 — page 84, note 1C’est la comète de Halley, etc.

On présume qu’elle parut la première fois à la naissance de Mithridate, 130 ans avant l’ère chrétienne. Justin (lib. XXXII) dit que pendant 80 jours elle éclipsait presque le soleil. Elle reparut en 339 et en 550, époque de la prise de Rome par Totila. En 1305, elle avait un éclat extraordinaire. En 1456, elle traînait une queue qui embrassait les deux tiers de l’intervalle compris entre l’horizon et le zénith ; en 1682, la queue avait encore 30 degrés ; en 1750, elle semblait ne devoir attirer l’attention que des astronomes. Ces faits sembleraient établir que les comètes vont s’affaiblissant. Celle de Halley a reparu en octobre 1835. (Annuaire du Bureau des longitudes pour 1835. Voy. aussi une notice sur cette comète par M. de Pontécoulant.)


41 — page 87Jupiter avoue qu’il meurt de faim sans Plutus…

Αφ᾿ οὐ γάρ ὁ Πλοῦτος οὖτοσ ἢρξατο βλέπειν,
Απολωλ᾽ ὑπὸ λιμοῦ…

Aristoph., Plut., v. 1174.

Voyez aussi les vers 129, 133, 1152 et 1168-9.


42 — page 88, note 2Raymond Lulle, etc.

Il est dit dans l’Ultimatum Testamentum mis sous son nom, qu’en une fois il convertit en or cinquante milliers pesant de mercure, de plomb et d’étain. — Le pape Jean XXII, à qui Pagi attribue un traité sur l’Art transmutatoire, y disait qu’il avait transmuté à Avignon deux cents lingots pesant chacun un quintal, c’est-à-dire vingt mille livres d’or. Était-ce une manière de rendre compte des énormes richesses entassées dans ses caves ? Au reste, ils étaient forcés de convenir entre eux que cet or qu’ils obtenaient par quintaux n’avaient de l’or que la couleur.


43 — page 90… de soufflets en soufflets, les voilà au trône du monde…

Je lisais le … octobre 1834, dans un journal anglais : « Aujourd’hui, peu d’affaires à la Bourse ; c’est jour férié pour les juifs. » — Mais ils n’ont pas seulement la supériorité de richesses. — On serait tenté de leur en accorder une autre lorsqu’on voit que la plupart des hommes qui font aujourd’hui le plus d’honneur à l’Allemagne sont des juifs (1837). — J’ai parlé dans les notes de la Renaissance de tant de juifs illustres, nos contemporains (1860).


44 — page 91« Une livre de votre chair !… »

Sir Thomas Mungo acquit à Calcutta, il y a trente ans, un ms. où se trouve l’histoire original de la livre de chair, etc. Seulement, au lieu d’un chrétien, c’est un musulman que le juif veut dépecer. (Voy. Asiatic Journal.) — Orig. du droit, l. IV, c. xiii : L’atrocité de la loi des Douze Tables, déjà repoussée par les Romains eux-mêmes, ne pouvait, à plus forte raison, prévaloir chez les nations chrétiennes. Voy. cependant le droit norvégien. (Grimm, 617.) — Dans les traditions populaires, le juif stipule une livre de chair à couper sur le corps de son débiteur, mais le juge le prévient que s’il coupe plus ou moins, il sera lui-même mis à mort. — Voy. le Pecorone (écrit vers 1378), les Gesta Romanorum dans la forme allemande. — Voy. aussi mon Histoire romaine.


45 — page 94Entrevue de Philippe et de Bertrand de Gott…

G. Villani, l. VIII, c. lxxx, p. 417. — L’opinion du temps est bien représentée dans les vers burlesques cités par Walsingham :

Ecclesiæ navis titubat, regni quia clavis
Errat, Rex, Papa, facti sunt una cappa.
Hoc faciunt do, des, Pilatus hic, alter Herodes.

Walsingh., p. 456, ann. 1306.

46 — page 99Le malheureux pape donne, pour ne pas recevoir les commissaires du roi, la plus ridicule excuse…

Baluze, Acta vet. ad Pap. Av., p. 75-6… « Quædam præparatoria sumere, et postmodum purgationem accipere, quæ secundum prædictorum physicorum judicium, auctore Domino, valde utilis nobis erit. »


47 — page 103Le reniement s’exprimait par un acte, cracher sur la croix…

Voy. plus loin les motifs qui nous ont décidé à regarder ce point comme hors de doute. — Le quatorzième siècle ne voyait probablement qu’une singularité suspecte dans la fidélité des Templiers aux anciennes traditions symboliques de l’Église, par exemple dans leur prédilection pour le nombre trois. On interrogeait trois fois le récipiendaire avant de l’introduire dans le chapitre. Il demandait par trois fois le pain et l’eau, et la société de l’ordre. Il faisait trois vœux. Les chevaliers observaient trois grands jeûnes. Ils communiaient trois fois l’an. L’aumône se faisait dans toutes les maisons de l’ordre trois fois la semaine. Chacun des chevaliers devait avoir trois chevaux. On leur disait la messe trois fois la semaine. Ils mangeaient de la viande trois jours de la semaine seulement. Dans les jours d’abstinence, on pouvait leur servir trois mets différents. Ils adoraient la croix solennellement à trois époques de l’année. Ils juraient de ne pas fuir en présence de trois ennemis. On flagellait par trois fois en plein chapitre ceux qui avaient mérité cette correction, etc., etc., etc. Même remarque pour les accusations dont ils furent l’objet. On leur reprocha de renier trois fois, de cracher trois fois sur la croix. « Ter abnegabant, et horribili crudelitate ter in faciem spumebant ejus. » (Circul. de Philippe-le-Bel, du 14 septembre 1307.) « Et li fait renier par trois fois le prophète et par trois fois crachier sur la croix. » Instruct. de l’inquisiteur Guillaume de Paris. — (Rayn., p. 4.)


48 — page 104Ce nom de Temple rappelait le temple de Salomon…

Dans quelques monuments anglais, l’ordre du Temple est appelé Militia Templi Salomonis (ms. Biblioth. Cottonianæ et Bodleianæ.) Ils sont aussi nommés Fratres militia Salomonis, dans une charte de 1197. Ducange. — (Rayn., p. 2.)


49 — page 104Le Temple subsiste dans les enseignements d’une foule de sociétés secrètes…

Il est possible que les Templiers qui échappèrent se soient fondus dans des sociétés secrètes. En Écosse, ils disparaissent tous, excepté deux. Or on a remarqué que les plus secrets mystères de la franc-maçonnerie sont réputés émanés d’Écosse, et que les hauts grades y sont nommés Écossais. Voy. Grouvelle et les écrivains qu’il a suivis, Munter, Moldenhawer, Nicolaï, etc.


50 — page 104Les Templiers furent-ils affiliés aux gnostiques ?…

Voy. Hammer, Mémoire sur deux coffrets gnostiques, p. 7. Voy. aussi le mémoire du même dans les Mines d’Orient, et la réponse de M. Raynouard. (Michaud, Hist. des croisades, éd. 1828, t. V, p. 572.)


51 — page 107Tout ce qu’il y avait eu de saint en l’ordre devint péché et souillure…

La règle austère que l’ordre reçut à son origine semble à sa chute un acte d’accusation terrible : « Domus hospitis non careat lumine, ne tenebrosus hostis… Vestiti autem camisiis dormiant, et cum femoralibus dormiant. Dormientibus itaque fratribus usque mane nunquam deerit lucerna… » (Actes du concile de Troyes, 1128. Ap. Dup. Templ., 92-102.)


52 — page 107… Son mépris pour la femme…

Voy. cependant Processus contra Templarios, ms. de la Biblioth. royale. Ce qu’on y lit dans les articles de l’interrogatoire sur leurs relations avec les femmes (Item les maîtres fesoient frères et suers du Temple… Proc. ms., folio 10-11) doit s’entendre des affiliés de l’ordre ; il y en avait des deux sexes (Voyez Dup., Templ., 99, 162), mais il ne me souvient pas d’avoir lu aucun aveu sur ce point, même dans les dépositions les plus contraires à l’ordre. Ils avouent plutôt une autre infamie bien plus honteuse (1837). — Depuis j’ai publié les deux premiers volumes des pièces du procès des Templiers, avec une introduction, 1841-1851. J’y renvoie le lecteur (1860).


53 — page 107Ils se passaient aussi de prêtres, se confessant entre eux…

« La manere de tenir chapitre et d’assoudre. Après chapitre dira le mestre ou cely que tendra le chapitre : Beaux seigneurs frères, le pardon de nostre chapitre est tiels, que cil qui ostast les almones de la meson à toute maie resoun, ou tenist aucune chose en noun de propre, ne prendreit u tens ou pardon de nostre chapitre. Mes toutes les choses qe vous lessez à dire pour hounte de la char, ou poour de la justice de la mesoun, qe lein ne la prenge requer Dieu pour la requeste de la sue douce Mere le vous pardoint. » (Conciles d’Angleterre, édit. 1737, tome II, p. 383.)


54 — page 108, note 1Les dépositions les plus sales, etc.

« Post redditas gratias capellanus ordinis Templi increpavit fratres, dicens : « Diabolus comburet vos » vel similia verba… Et vidit braccias unius fratrum Templi et ipsum tenentem faciem versus occidentem et posteriora versus altare… » (359.) « Ostendebatur imago Crucifixi et dicebatur ei, quod sicut antea honoraverat ipsum sic modo vituperaret, et conspueret in eum : quod et fecit. Item dictum fuit ei quod, depositis bracciis, verteret dorsum ad crucifixum : quod lacrymando fecit… » (Ibid., 569, col. 1.)


55 — page 109Ils possédaient, etc.

« Habent Templarii in christianitate novem millia maneriorum… » (Math. Paris, p. 417.) Plus tard la Chronique de Flandre leur attribue 10,500 manoirs. Dans la sénéchaussée de Beaucaire, l’ordre avait acheté en quarante ans pour 10,000 livres de rentes. — Le seul prieuré de Saint-Gilles avait 54 commanderies. (Grouvelle, p. 196.)


56 — page 110Ils avaient refusé d’aider à la rançon de saint Louis…

Joinville, p. 81, ap. Dup., Pr., p. 163-164. — Lorsqu’on effectuait le paiement de la rançon, il manquait 30,000 livres. Joinville pria les Templiers de les prêter au roi. Ils refusèrent et dirent : « Vous savez que nous recevons les commandes en tel manière que par nos serements nous ne les poons délivrer, mès que à ceulz qui les nous baillent. » Cependant ils dirent qu’on pouvait leur prendre cet argent par force, que l’Ordre avait dans la ville d’Acre de quoi se dédommager. Joinville se rendit alors sur leur « mestre galie », et, descendu dans la cale, demanda les clefs d’un coffre qu’il voyait devant lui. On les lui refusa. Il prit une cognée, la leva et menaça de faire la clef le roy. Alors le maréchal du Temple le prit à témoin qu’il lui faisait violence, et lui donna la clef. (Joinville, p. 81, éd. 1761.)


57 — page 112Philippe-le-Bel leur devait de l’argent…

« Is magistrum ordinis exosum habuit, propter importunam pecuniæ exactionem, quam, in nuptiis filiæ suæ Isabellæ, ei mutua dederat. » (Thomas de la Moor, in Vita Eduardi, apud Baluze, Pap. Aven., notæ, p. 189). — Le Temple avait, à diverses époques, servi de dépôt aux trésors du roi. Philippe-Auguste (1190) ordonne que tous ses revenus, pendant son voyage d’outre-mer, soient portés au Temple et enfermés dans des coffres, dont ses agents auront une clef et les Templiers une autre. Philippe-le-Hardi ordonne qu’on y dépose les épargnes publiques. — Le trésorier des Templiers s’intitulait trésorier du Temple, et du roi, et même trésorier du roi au Temple. (Sauval, II, 37.)


58 — page 112La tentation était forte pour le roi…

Voy. dans Dupuy un pamphlet que Philippe-le-Bel se fit probablement adresser : « Opinio cujusdam prudentis regi Philippo, ut regnum Hieros, et Cypri acquireret pro altero filiorum suorum, ac de invasione regni Ægypti et de dispositione bonorum ordinis Templariorum. » — Voy. aussi Walsingham. — L’idée d’appliquer leurs biens au service de la terre sainte aurait été de Raymond Lulle. (Baluz. Pap. Aven.)


59 — page 114Les Templiers étaient plus exclusivement fondés pour la guerre

« Si unio fieret, multum oporteret quod Templarii lararentur, vel Hospitalarii restringerentur in pluribus. Et ex hoc possent animarum pericula provenire… Religio Hospitalariorum super hospitalitate fundata est. Templarii vero super militia proprie sunt fundati. » (Dupuy, Preuves, p. 180.)


60 — page 115Que dans le chapitre général de l’Ordre, il y avait une chose si secrète, etc.

Un autre disait : « Esto quod esses pater meus et posses fieri summus magister totius ordinis, nollem quod intrares, quia habemus tres articulos inter nos in ordine nostro quos nunquam aliquis sciet nisi Deus et diabolus et nos, fratres illius ordinis » (51 test., p. 361). — Voy. les histoires qui couraient sur des gens qui auraient été tués pour avoir vu les cérémonies secrètes du Temple. (Concil. Brit., II, 361.)


61 — page 116, note 3En Écosse on leur reprochait, etc.

« Item dixerunt quod pauperes ad hospitalitatem libenter non recipiebant, sed, timoris causa, divites et potentes solos ; et quod multum erant cupidi aliena bona per fas et nefas pro suo ordine adquirere. » (Concil. Brit., 40e témoin d’Écosse, p. 382.)


62 — page 116Philippe venait d’augmenter leurs privilèges…

Il est curieux de voir par quelle prodigalité d’éloges et de faveurs il les attirait dans son royaume dès 1304 : « Philippus, Dei gratia Francorum Rex, opera misericordiæ, magnifica plenitudo quæ in sancta domo militiæ Templi, divinitus instituta, longe lateque per orbem terrarum exercentur… merito nos inducunt ut dictæ domui Ternpli et fratribus ejusdem in regno nostro ubilibet constitutis, quos sincere diligimus et prosequi favore cupimus speciali, regiam liberalitatis dextram extendimus. » (Rayn., p. 44.)


63 — page 116On s’assura de l’assentiment de l’Université…

Le roi s’étudia toujours à lui faire partager l’examen et aussi la responsabilité de cette affaire. Nogaret lut l’acte d’accusation devant la première assemblée de l’Université, tenue dès le lendemain de l’arrestation. Une autre assemblée de tous les maîtres et de tous les écoliers de chaque faculté fut tenue au Temple : on y interrogea le grand maître et quelques autres. Ils le furent encore dans une seconde assemblée.


64 — page 117Suivait l’indication sommaire des accusations…

Voy. les nombreux articles de l’acte d’accusation (Dup.). Il est curieux de le comparer à une autre pièce du même genre, à la bulle du pape Grégoire IX aux électeurs d’Hildesheim, Lubeck, etc., contre les Stadhinghiens (Rayn., ann. 1234, XIII, p. 446-7). C’est avec plus d’ensemble l’accusation contre les Templiers. Cette conformité prouverait-elle, comme le veut M. de Hammer, l’affiliation des Templiers à ces sectaires ?


65 — page 117Ce qui frappait le plus les imaginations, c’étaient les bruits étranges qui couraient sur une idole, etc.

Selon les plus nombreux témoignages, c’était une tête effrayante à la longue barbe blanche, aux yeux étincelants (Rayn., p. 261) qu’on les accusait d’adorer. Dans les instructions que Guillaume de Paris envoyait aux provinces il ordonnait de les interroger sur « une ydole qui est en forme d’une teste d’homme à une grant barbe ». Et l’acte d’accusation que publia la cour de Rome portait, art. 16 : « Que dans toutes les provinces ils avaient des idoles, c’est-à-dire des têtes dont quelques-unes avaient trois faces et d’autres une seule, et qu’il s’en trouvait qui avaient un crâne d’homme. » Art. 47 et suivants : « Que dans les assemblées et surtout dans les grands chapitres, ils adoraient l’idole comme un Dieu, comme leur Sauveur, disant que cette tête pouvait les sauver, qu’elle accordait à l’Ordre toutes les richesses et qu’elle faisait fleurir les arbres et germer les plantes de la terre. » (Rayn., p. 287.) Les nombreuses dépositions des Templiers en France, en Italie, plusieurs témoignages indirects en Angleterre répondirent à ce chef d’accusation et ajoutèrent quelques circonstances. On adorait cette tête comme celle d’un Sauveur, « quoddam caput cum barba, quod adorant et vocant Salvatorem suum » (Rayn., 288). Deodat Jaffet, reçu à Pedenat, dépose que celui qui le recevait lui montra une tête ou idole qui lui parut avoir trois faces, en lui disant : Tu dois l’adorer comme ton Sauveur et le Sauveur de l’ordre du Temple, et que lui témoin adora l’idole disant : « Béni soit celui qui sauvera mon âme » (p. 247 et 293). Cettus Ragonis, reçu à Rome dans une chambre du palais de Latran, dépose qu’on lui dit en lui montrant l’idole : Recommande-toi à elle et prie-la qu’elle te donne la santé (p. 295). Selon le premier témoin de Florence, les frères lui disaient les paroles chrétiennes : « Deus, adjuva me. » Et il ajoutait que cette adoration était un rit observé dans tout l’Ordre (p. 294). Et en effet, en Angleterre, un frère mineur dépose avoir appris d’un Templier anglais qu’il y existait quatre principales idoles, une dans la sacristie du Temple de Londres, une à Bristelham, la troisième apud Brueriam et la quatrième au delà de l’Humber (p. 297). Le second témoin de Florence ajoute une circonstance nouvelle ; il déclare que dans un chapitre un frère dit aux autres : « Adorez cette tête… Istud caput vester Deus est, et vester Mahumet » (p. 295). Gauserand de Montpesant dit qu’elle était faite in figuram Baffometi, et Raymond Rubei, déposant qu’on lui avait montré une tête de bois où était peinte figura Baphometi, ajoute : « Et illam adoravit obsculando sibi pedes, dicens yalla, verbum Sarace norum. »

M. Raynouard (p. 301) regarde le mot Baphomet, dans ces deux dépositions, comme une altération du mot Mahomet donné par le premier témoin : il y voit une tendance des inquisiteurs à confirmer ces accusations de bonne intelligence avec les Sarrasins, si répandues contre les Templiers. Alors il faudrait admettre que toutes ces dépositions sont complètement fausses et arrachées par les tortures, car rien de plus absurde sans doute que de faire les Templiers plus mahométans que les mahométans, qui n’adorent point Mahomet. Mais ces témoignages sont trop nombreux, trop unanimes et trop divers à la fois (Rayn., p. 222, 337 et 286-302). D’ailleurs ils sont loin d’être accablants pour l’Ordre. Tout ce que les Templiers disent de plus grave, c’est qu’ils ont eu peur, c’est qu’ils ont cru y voir une tête de diable, de mauffe (p. 290), c’est qu’ils ont vu le diable lui-même dans ces cérémonies, sous la figure d’un chat ou d’une femme (p. 293-294). Sans vouloir faire des Templiers en tout point une secte de gnostiques, j’aimerais mieux voir ici, avec M. de Hammer, une influence de ces doctrines orientales. Baphomet, en grec (selon une étymologie, il est vrai, assez douteuse), c’est le dieu qui baptise selon l’esprit, celui dont il est écrit : « Ipse vos baptizavit in Spiritu Sancto et igni » (Math., 3, 11), etc. C’était pour les gnostiques le Paraclet descendu sur les apôtres en forme de langues de feu. Le baptême gnostique était en effet un baptême de feu. Peut-être faut-il voir une allusion à quelque cérémonie de ce genre dans ces bruits qui couraient dans le peuple contre les Templiers « qu’un enfant nouveau engendré d’un Templier et d’une pucelle estoit cuit et rosty au feu, et toute la graisse ostée et de celle estoit sacrée et ointe leur idole » (Chron. de Saint-Denis, p. 58). Cette prétendue idole ne serait-elle pas une représentation du Paraclet dont la fête (la Pentecôte) était la plus grande solennité du Temple ? Ces têtes, dont une devait se trouver dans chaque chapitre, ne furent point retrouvées, il est vrai, sauf une seule, mais elle portait l’inscription LIII. La publicité et l’importance qu’on donnait à ce chef d’accusation décidèrent sans doute les Templiers à en faire au plus tôt disparaître la preuve. Quant à la tête saisie au chapitre de Paris, ils la firent passer pour un reliquaire, la tête de l’une des onze mille vierges. (Rayn., p. 299.) — Elle avait une grande barbe d’argent.


66 — page 120La réponse du roi au pape, etc.

Dupuy ne donne point cette lettre en entier ; probablement elle ne fut point envoyée, mais plutôt répandue dans le peuple. Nous en avons une, au contraire, du pape (1er décembre 1307), selon laquelle le roi aurait écrit à Clément V que des gens de la cour pontificale avaient fait croire aux gens du roi que le pape le chargeait de poursuivre ; le roi se serait empressé de décharger sa conscience d’un tel fardeau et de remettre toute l’affaire au pape, qui l’en remercie beaucoup. Cette lettre de Clément me paraît, comme l’autre, moins adressée au roi qu’au public ; il est probable qu’elle répond à une lettre qui ne fut jamais écrite.


67 — page 120On obtint sur-le-champ cent quarante aveux par les tortures…

Archives du royaume, I, 413. Ces dépositions existent dans un gros rouleau de parchemin, elles ont été fort négligemment extraites par Dupuy, p. 207-212.


68 — page 121Le pape envoya deux cardinaux demander au grand maître si tout cela était vrai…

« Confessus est abnegationem prædictam, nobis supplicans quatenus quemdam fratrem servientem et familiarem suum, quem secum habebat, volentem confiteri, audiremus. » (Lettre des cardinaux. Dupuy, 241).


69 — page 123Les biens des prisonniers devaient être réunis à ceux que le pape désignerait…

Il avait même écrit déjà au roi d’Angleterre pour lui assurer que Philippe les remettait aux agents pontificaux, et pour l’engager à imiter ce bon exemple. (Dupuy, p. 204. Lettre du 4 octobre 1307.)

Toutefois l’ordonnance de mainlevée par laquelle Philippe faisait remettre les biens des Templiers aux délégués du pape n’est que du 15 janvier 1309. Encore, à ces délégués du pape, il avait adjoint quelques siens agents qui veillaient à ses intérêts en France, et qui, à l’ombre de la commission pontificale, empiétaient sur le domaine voisin. C’est ce que nous apprenons par une réclamation du sénéchal de Gascogne, qui se plaint, au nom d’Édouard II, de ces envahissements du roi de France. (Dupuy, p. 312.)

Clément était fort inquiet de ce que ces biens allaient devenir…

Ailleurs il loue magnifiquement le désintéressement de son cher fils, qui n’agit point par avarice et ne veut rien garder sur ces biens : « Deinde vero, tu, cui eadem fuerant facinora nuntiata, non typo avaritiæ, cum de bonis Templariorum nihil tibi appropriare… immo ea nobis administranda, gubernanda, conservanda et custodienda liberaliter et devote dimisisti… » (12 août 1308. Dupuy, p. 240.)


70 — page 124La commission, composée principalement d'évêques…

Dupuy, p. 240-242. La commission se composait de l’archevêque de Narbonne, des évêques de Bayeux, de Mende, de Limoges, des trois archidiacres de Rouen, de Trente et de Maguelone, et du prévôt de l’église d’Aix. Les méridionaux, plus dévoués au pape, étaient, comme on voit, en majorité.


71 — page 126Le pape répond, etc.

Passant ensuite à une autre affaire, le pape déclare avoir supprimé comme inutile un article de la convention avec les Flamands, qu’il avait, par préoccupation ou négligence, signée à Poitiers, savoir, que si les Flamands encouraient la sentence pontificale en violant cette convention, ils ne pourraient être absous qu’à la requête du roi. Ladite clause pourrait faire taxer le pape de simplicité. Tout excommunié qui satisfait peut se faire absoudre, même sans le consentement de la partie adverse. Le pape ne peut abdiquer le pouvoir d’absoudre.


72 — page 126Les évêques n’obéissaient point à la commission pontificale, etc.

Processus contra Templarios, ms. Les commissaires écrivirent une nouvelle lettre où ils disaient qu’apparemment les prélats avaient cru que la commission devait procéder contre l’Ordre en général, et non contre les membres ; qu’il n’en était pas ainsi : que le pape lui avait remis le jugement des Templiers.


73 — page 129Jacques Molay crut qu’il valait mieux se confier à un chevalier…

« Quem idem Magister rogasset nobilem virum dominum Guillelmum de Plasiano… qui ibidem venerat, sed non de mandato dictorum dominorum commissariorum, secundum quod dixerunt… et dictus dominus Guillelmus fuisset ad partem locutus cum eodem Magistro, quem, sicut asserebat, diligebat et dilexerat, quia uterque miles erat. » (Dupuy, 319.)

Les évêques lui donnèrent un délai…

« Quam dilationem concesserunt eidem, majorem etiam se daturos asserentes, si sibi placeret et volebat. » (Ibid., 520.)


74 — page 132Boniface était incrédule, impie et cynique en ses paroles…

« Vade, vade, ego plus possum quam Christus unquam potuerit, quia ego possum humiliare et depauperare reges, et imperatores et principes, et possum de uno parvo milite facere unum magnum regem, et possum donare civitates et regna. » (Ibid., p. 566.) — « Tace, miser, non credimus in asinam nec in pullum ejus. » (Ibid., p. 6.)


75 — page 135On leur lut en latin les articles de l’accusation, etc. Ils s’écrièrent…

« Quod contenti erant de lectura facta in latino, et quod non curabant quod tantæ turpitudines, quas asserebant omnino esse falsas et non nominandas, vulgariter exponerentur. » (Proc. contra Templ., ms.) — « Dicentes quod non petebatur ab eis quando ponebantur in janiis, si procuratores constituere volebant. » (Ibid.)


76 — page 136Quelques-uns remettent pour toute déposition une prière à la sainte Vierge, etc.

Le frère Élie, auteur de cette pièce touchante, finit par prier les notaires de corriger les locutions vicieuses qui peuvent s’être glissées dans son latin. (Process. ms., folio 31-32.) — D’autres écrivent une apologie en langue romane, altérée et fort mêlée de français du Nord. (Folio 36-8.)


77 — page 136Une protestation en langue vulgaire, etc.

Je donne cette pièce, telle qu’elle a été transcrite par les notaires, dans son orthographe barbare. « A homes honerables et sages, ordenés de per notre père l’Apostelle (le pape) pour le fet des Templiers li freres, liquies sunt en prisson à Paris en la masson de Tiron… Honeur et reverencie. Comes votre comandemans feut à nos ce jeudi prochainement passé et nos feut demandé se nos volens defendre la Religion deu Temple desusdite, tuit disrent oil, et disons que ele est bone et leal, et en tout sans mauvesté et traison tout ce que nos l’en met sus, et somes prest de nous defendre chacun pour soy ou tous ensemble, an telle manière que droit et sante Églies et vos an regardarons, come cil qui sunt en prisson an nois frès à cople II. Et somes en neire fosse oscure toutes les nuits. — Item nos vos fessons à savir que les gages de XII deniers que nos avons ne nos soufficent mie. Car nos convient paier nos lis. III deniers par jour chascun lis. Loage du cuisine, napes, touales pour tenelles et autres choses. II sols VI deniers la semaigne. Item pour nos fergier et desferger (ôter les fers), puisque nos somes devant les auditors, II sol. Item pour laver dras et robes, linges, chacun XV jours XVIII deniers. Item pour buche et candole chascun jor IIII deniers. Item passer et repasser les dis frères, XVI deniers de asiles de Notre Dame de l’altre part de l’iau. » (Proc. ms., folio 39.)


78 — page 136Les défenseurs soutiennent « que la religion du Temple est pure… »

« … Apud Deum et Patrem… Et hoc est omnium fratrum Templi communiter una professio, quæ per universum orbem servatur et servata fuit per omnes fratres ejusdem ordinis, a fundamento religionis usque ad diem præsentem. Et quicumque aliud dicit vel aliter credit, errat totaliter, peccat mortaliter… » (Dup. 333.)


79 — page 140La commission alléguait la bulle qui lui attribuait le jugement…

Selon Dupuy, p. 45, les commissaires du pape auraient répondu à l’appel des défenseurs « que les conciles jugeaient les particuliers, et eux informaient du général ». — La commission dit tout le contraire.


80 — page 143Le jeune Marigni, créé archevêque de Sens tout exprès, etc.

« … Aquodam fuisse dictum coram domino archiepiscopo Senonensi, ejus suffraganeis et concilio…, quod dicti præpositus… et archidiaconus… (qui in dicta die martis… præmissa intimasse dicebantur, et ipsi iidem hoc attestabantur, suffraganeis domini archiepiscopi Senonensis… tunc absente dicto domino archiepiscopo Senonensi) prædicta non significaverunt de mandato eorumdem dominorum commissariorum. » (Process. ms., folio 71, verso.)


81 — page 144Par-devant les commissaires fut amené frère Aimeri de Villars-le-Duc…

« Pallidus et multum exterritus… impetrando sibi ipsi, si mentiebatur in hoc, mortem subitaneam et quod statim in anima et corpore in præsentia dominorum commissariorum absorberetur in infernum, tondendo sibi pectus cum pugnis, et elevando manus suas versus altare ad majorem assertionem, flectendo genua… cum ipse testis vidisset… duci in quadrigis LIIII fratres dicti ordinis ad comburendum… et audivisse eos fuisse combustos ; quod ipse qui dubitabat quod non posset habere bonam patientiam si combureretur, timore mortis confiteretur… omnes errores… et quidem etiam interfecisse Dominum, si peteretur ab eo… » (Process. ms., folio 70, verso.)


82 — page 146L’archevêque de Sens répondait, etc.

« Non erat intentionis… in aliquo impedire officium… » (Ibid.) « Comme on disait que le prévôt de l’église de Poitiers et l’archidiacre d’Orléans n’avaient pas parlé de la part des commissaires, ceux-ci chargèrent les envoyés de l’archevêque de Sens de lui dire que le prévôt et l’archidiacre avaient effectivement parlé en leur nom. De plus, ils leur dirent d’annoncer à l’archevêque de Sens que Pierre de Boulogne, Chambonnet et Sartiges avaient appelé de l’archevêque et de son concile, le dimanche 10 mai, et que cet appel avait dû être annoncé le mardi, au concile, par le prévôt et l’archidiacre. » (Process. ms., ibid.)


83 — page 148Le résultat des travaux de la commission est consigné dans un registre…

Ce registre, que j’ai souvent cité, est à la Bibliothèque royale (fonds Harlay, no 329). Il contient l’instruction faite à Paris par les commissaires du pape : Processus contra Templarios. Ce manuscrit avait été déposé dans le trésor de Notre-Dame. Il passa, on ne sait comment, dans la bibliothèque du président Brisson, puis dans celle de M. Servin, avocat général, enfin dans celle des Harlay, dont il porte encore les armes. Au milieu du dix-huitième siècle, M. de Harlay, ayant probablement scrupule de rester détenteur d’un manuscrit de cette importance, le légua à la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés. Ayant heureusement échappé à l’incendie de cette bibliothèque en 1793, il a passé à la Bibliothèque royale. Il en existe un double aux archives du Vatican. Voyez l’appendice de M. Rayn., p. 309. — La plupart des pièces du procès des Templiers sont aux Archives du royaume. Les plus curieuses sont : 1o le premier interrogatoire de cent quarante Templiers arrêtés à Paris (en un gros rouleau de parchemin) ; Dupuy en a donné quelques extraits fort négligés ; 2o plusieurs interrogatoires, faits en d’autres villes ; 3o la minute des articles sur lesquels ils furent interrogés ; ces articles sont précédés d’une minute de lettre, sans date, du roi au pape, espèce de factum destiné évidemment à être répandu dans le peuple. Ces minutes sont sur papier de coton. Ce frêle et précieux chiffon, d’une écriture fort difficile, a été déchiffré et transcrit par un de mes prédécesseurs, le savant M. Pavillet. Il est chargé de corrections que M. Raynouard a relevées avec soin (p. 50) et qui ne peuvent être que de la main d’un des ministres de Philippe-le-Bel, de Marigni, de Plasian ou de Nogaret ; le pape a copié docilement les articles sur le vélin qui est au Vatican. La lettre, malgré ses divisions pédantesques, est écrite avec une chaleur et une force remarquables : « In Dei nomine, Amen. Christus vincit. Christus regnat. Christus imperat. Post illam universalem victoriam quam ipse Dominus fecit in ligno crucis contra hostem antiquum… ita miram et magnam et strenuam, ita utilem et necessariam… fecit novissimis his diebus per inquisitores… in perfidorum Templariorum negotio… Horrenda fuit domino regi… propter conditionem personarum denunciantium, quia parvi status erant homines ad tam grande promovendum negotium », etc. (Archives, section hist., J, 413.)


84 — page 149, note 2Les Templiers d’Allemagne se justifièrent à la manière des francs-juges westphaliens…

Origines du droit, liv. IV, chap. vi : « Si le franc-juge westphalien est accusé, il prendra une épée, la placera devant lui, mettra dessus deux doigts de la main droite, et parlera ainsi : « Seigneurs francs-comtes, pour le point principal, pour tout ce dont vous m’avez parlé et dont l’accusateur me charge, j’en suis innocent : ainsi me soient en aide Dieu et tous ses saints ! » Puis il prendra un pfenning marqué d’une croix (kreutz-pfenning) et le jettera en preuves au franc-comte ; ensuite il tournera le dos et ira son chemin. » (Grimm, 860).


85 — page 149En Castille on jugea les Templiers innocents, etc.

Collectio conciliorum Hispaniæ, epistolarum, decretalium, etc., cura Jos. Saenz. de Aguirre, bened. hisp. mag. generalis et cardinalis, Romæ, 1694, c. iii, p. 546. Concilium Tarraconense omnes et singuli a cunctis delictis, erroribus absoluti, 1312. — Voy. aussi Monarchia Lusitana, pars 6, I, 19.


86 — page 150Philippe permit à Clément de déclarer que Boniface n’était point hérétique…

Cette timide et incomplète réparation ne semble pas suffisante à Villani. Il ajoute, sans doute pour rendre la chose plus dramatique et plus honteuse aux Français, que deux chevaliers catalans jetèrent le gant, et s’offrirent pour défendre l’innocence de Boniface. (Villani, l. IX, c. xxii, p. 454).


87 — page 151Tout concile parlait de la croisade, etc.

La pièce suivante, trouvée à l’abbaye des dames de Longchamp, est un échantillon des merveilleux récits par lesquels on tâchait de réchauffer le zèle du peuple pour la croisade : « A trez sainte dame de la réal lingniée des Françoiz, Jehenne, Royne de Jerusalem et de Cécile, notre trez honorable cousine, Hue roy de Cypre, tous ses boz désirs emprospérité venir. Esjouissez vous et elessiez avecquez nous et avecques lez autrez crestienz portans le singne de la croix, qui pour la reverance de Dieu et la venjance du trez doulz Jhesucrist qui pour nous sauver voult estre en l’autel de la crois sacrefiez, se combatent contre la trez mescréant gents des Turz. Eslevez au ciel le cri de vous voiz au plus haut que vous pourrez et criez ensemble et faitez crier en rendant gracez et loangez sans jamez cesser à la benoite Trinité et à la très glorieuse Vierge Marie de si sollempnel si grant et singullier bénéfice qui onquez maiz tel dusquez à hore ne fu ouis, lequel je faiz savoir. Quar le xxiiii jours de juing, nous avecquez lez autrez crestienz signés du singne de la croiz, estions assemblez en un plain entre Smirme et haut lieu, là ou estoit l’ost et l’assemblée trez fort et trez puissant des Turz prez de xiic. mille, et nous crestiens environ cc. mille, meuz et animez de la vertu divine, comansamez à si vigreusement combattre et si grant multitudez Turz mettre à mort, que environ de heure de vesprez nous feusmez tant lassez et tant afoibloiez que nous n’en poyons pluz. Mais tous cheuz à terre atandions la mort et le loier de notre martire, pour ce que des Turzs avait encore moult deschiellez qui encore point ne sestoient combatu ne nestoient de rienz travaillez et venoient contre nous, aussi désiraux de boire notre sanc comme chienz sont désiraux de boire le sanc des lievrez. Et beu l’eussent, si la très haute doulceur du ciel ne eust aultrement pourveu. Mais quant lez chevaliers de Jhesucrit se regarderent que il estoient venuz à tel point de la bataille, si commencierent de cuer ensemble à crier à voiz enroueez de leur grant labeur et de leur grant feblesce : O très doulz fils de la trèz doulce Vierge Marie, qui pour nous racheter voulsiz estre crucifiez, donne nous ferme espérance et veillez noz cuers si en vous confermer que nous pussions par l’amour de ton glorieux non le loier de martire recevoir, que pluz ne nous poonz deffandre de cez chienz mescreanz. Et ainsi comme nous estienz en oraison en pleurs et en larmez, en criant alassez vois enroueez, et la mort trez amere atendanz, soudainement devant noz tentez aparut suz un trez blanc cheval si trez haut que nulle beste de si grant hauteur nest unz homs en sa main portant baniere en champ plus blanche que nulle rienz à une croiz vermeille plus rouge que sanc, et estoit vestu de peuz de chamel, et avoit trez grant et trez longue barbe et de maigre face clere et reluisant comme le soleil, qui cria a clere et haute voiz : « O les genz de Jhesucrit, ne vous doubtez. Veci la majesté divine qui vous a ouver lez cielx et vouz envoie aide invisible. Levez suz et vous reconfortez et prenez de la viande et venez vigreusement avecquez moi combattre, ne ne vous doubtez de rienz. Quar des Turz vous aurez victoire et peu mourronz de vouz et ceulz qui de vouz mourront auront la vie perdurable. » Et adonc nous nouz levamez touz, si reconfortez et aussi comme se nous ne nous feussienz onquez combatuz et soudainement nous assilemez (assaillîmes) les Turz de très grand cuer et nous combatimez toutez nuit, et si ne poons paz bien vraiement dire nuit, car la lune non pas comme lune, maiz comme le soleil resplendissant. Et le jour venu, les Turz qui demourez estoient senfouirent si que pluz ne lez veismez et aussi par l’aide de Dieu nous eumez victoire de la bataille, et de matin nous nous sentienz plus fors que nous ne faisienz au commencement de la première bataille. Si feimez chanter une messe en lonneur de la benoite Trinité et de la benoite Vierge Marie, et dévotement priamez Dieu que il nous voulsit octroier grace que les corps des sainz martirs nous puissienz reconnoistre des corps aux mescreanz. Et adonc celui qui devant nous avoit aparut nous dit : « Vous aurez ce que vous avez demandé et plus grant chose fera Dieu pour vous, se fermement en vraie foy perseverez. » Adonc de notre propre bouche li demandamez : « Sire, di nous qui es tu, qui si granz choses as fait pour nous, pourquoy nous puissionz au pueple crestien ton non manifester. » Et il respondi : « Je suis celui qui dist : Ecce agnus Dei, ecce qui tollit peccata mundi, Celui de cui aujourduy vous celebrez la feste. » Et ce dit, pluz ne le veismez, mais de lui nous demoura si très grant et si très soueve oudeur que ce jour et la nuit ensuivant nous en feumez parfaitement soustenus, recreez et repuez sans autre soutenance de viande corporelle. Et en ceste si parfaite recreation nous ordenemez de querre et denombrer lez corps dez sainz martirs et quant nous veinmez au lieu nous trouvasmes au chief de chacun corps dez crestienz un lonc fut sanz wranchez (branches) qui avoit au coupel une trez blanche fleur ronde comme une oiste (hostie) que l’on consacre, et en celle fleur avoit escript de lettrez dor : Je suis crestien. Et adonc nous lez separamez dez corps dez mescreanz, en merciant le souverain Seingneur. Et ainsi comme nous voulienz suz lez corps faire dire l’office dez mors, cy comme lez crestienz ont acoustume à faire, lez voix du ciel sanz nombre entonnerent et leverent un chans de si très doulce melodie que il sembloit a chaccun de nous que nous feussienz en possession de la vie perdurable, et par III foiz chanterent ce verset : « Venite, benedicti Patris mei », etc. Venez lez benoiz filz de mon Pere, et vous metez en possession du royaume qui vouz est aplie dez le commencement du monde. Et adonc nous ensevelismez les corps, cest a savoir III mille et cinquante et II, jouste la cite de Tesbayde qui fu jadiz une cite singuliere, laquelle, avuecquez le pays dileuc environ, nous tenonz pour nous et pour loiaux crestienz. Et est ce pays tant plaisant et delitable et plantureux que nul bon crestien qui soit la, ne se puet doubter que il ne puist bien vivre et trouver sa soustenance. Et les charoingnez des corps des mescreanz cy, comme nous les poimez nombrer, furent pluz de lxxiiim. Si avonz esperance que le temps est present venu que la parole de lEuvangele sera verefiece qui dit qu’il sera une bergerie et un pasteur, c’est-à-dire que toutez manières de gent seront d’une foy emsemblez en la maison et lobediance de Se église dont Jhesucrist sera pasteur : Qui est benedictus in secula seculorum. Amen. Et avint cedit miracle en lan de grâce mil ccc et xlvii. » (Archives, section hist., M, 105.)


88 — page 151Ubertino, le premier auteur connu d’une Imitation de Jésus-Christ…

« Nihil in hoc libro intendit nisi Jesu Christi notitia et dilectio viscerosa et imitatoria vita. » (Arbor Vitæ crucifixi Jesu, Prolog., l. I.) — Plusieurs passages respirent un amour exalté : « O mon âme, fonds et résous-toi tout en larmes, en songeant à la vie dure du cher petit Jésus et de la tendre Vierge sa mère. Vois comme ils se crucifient, et de leur compassion mutuelle et de celle qu’ils ont pour nous. Ah ! si tu pouvais faire de toi un lit pour Jésus fatigué qui couche sur la terre… Si tu pouvais de tes larmes abondantes leur faire un breuvage rafraîchissant ; pèlerins altérés, ils ne trouvent rien à boire… — Il y a deux saveurs dans l’amour ; l’une si douce dans la présence de l’objet aimé : comme Jésus le fit goûter à sa mère tandis qu’elle était avec lui, le serrait et le baisait. L’autre saveur est amère, dans l’absence et le regret. L’âme défaille en soi, passe en Lui ; elle erre autour, cherchant ce qu’elle aime et demandant secours à toute créature. (Ainsi la Vierge cherchait le petit Jésus, lorsqu’il enseignait dans le Temple.) (Ubert. de Casali, Arbor Vitæ crucifixi Jesu, lib. V, c. vi-viii, in-4o).


89 — page 152L’Imitation, pour ces mystiques, c’était la charité…

Selon quelques-uns, la Passion était mieux représentée dans l’aumône que dans le sacrifice : « Quod opus misericordiæ plus placet Deo, quam sacrificium altaris. Quod in eleemosyna magis repræsentatur Passio Christi quam in sacrificio Christi. » (Erreurs condamnées à Tarragone, ap. d’Argentré, I, 271.)


90 — page 152Les Franciscains aspiraient à ne rien posséder…

Voyez Ubertino de Casali, dans son chapitre : Jesus pro nobis indigens. « Habentes dicit (apostolus) non quantum ad proprietatem dominii sed quantum ad facultatem utendi, per quem modum dicimur esse quod utimur, etiam si non sit nobis proprium, sed gratis aliunde collatum. » (Ubert. de Casali, Arbor Vitæ, l. II, c. xi.)


91 — page 153, note 1Les Beghards…

« Non sunt humanæ subjecti obedientiæ, nec ad aliqua præcepta Ecclesiæ obligantur, quia, ut asserunt, ubi spiritus Domini, ibi libertas. » (Clementin., l. V, tit. III, c. iii. D’Argentré, I, 276.)


92 — page 154Une Anglaise était venue en France, etc.

« Venit de Anglia virgo decora valde pariterque facunda, dicens Spiritum sanctum incarnatum in redemptionem mulierum, et baptizavit mulieres, in nomine Patris, Filii ac sui. » (Annal. Dominican. Colmar. app. Urstitium. P. 2, fo 33.)


93 — page 155Clément V, dans ce consistoire, abolit l’ordre…

« Multis vocatis prælatis cum cardinalibus in privato consistorio, ordinem Templariorum cassavit. Tertia autem die aprilis 1312, fuit secunda sessio concilii, et prædicta cassatio coram omnibus publicata est (Quint. Vita Clem. V)… præsente rege Franciæ Philippo cum tribus filiis suis, cui negotium erat cordi. » (Tert. Vita Clem. V.)


94 — page 156Le pape déclare dans sa bulle explicative…

« Quod ipsæ confessiones ordinem valde suspectum reddebant… non per modum definitivæ sententiæ, cum tam super hoc, secundum inquisitiones et processus prædictos, non possemus ferre de jure, sed per viam provisionis et ordinationis apostolicæ… » (Reg. anni VII Dom. Clem. V, Rayn. 195). On ne peut nier toutefois qu’il n’y eût aussi beaucoup de complaisance et de servilité à l’égard du roi de France. C’était l’opinion du temps… « Et sicut audivi ab uno qui fuit examinator causæ et testium, destructus fuit (ordo) contra justitiam. Et mihi dixit quod ipse Clemens protulit hoc : Et si non per viam justitiæ potest destrui, destruatur tamen per viam expedientiæ, ne scandalizetur charus filius noster rex Franciæ. » (Albericus à Rosate).


95 — page 157Jean XXII se plaignait de ce que le roi saisissait même les biens des Hospitaliers…

« Per captionem bonorum quondam ordinis Templi jam miserunt per omnes domos ipsius Hospitalis certos executores qui vendunt et distrahunt pro libito bona Hospitalis… » (Lettre de Jean XXII. XV kal. jun. 1316, Rayn, 25.)


96 — page 158Le roi les fit brûler tous deux…

Cont. G. de Nangis, p. 67. Il nous reste encore un acte authentique où cette exécution se trouve indirectement constatée, dans un registre du parlement de l’année 1313 : « Cum nuper Parisius in insula existente in fluvio Sequanæ juxta pointam jardinii nostri, inter dictum jardinium nostrum ex una parte dicti fluvii, et domum religiosorum virorum ordinis S. Augustini Parisius ex altera parte dicti fluvii, executio facta fuerit de duobus hominibus qui quondam templarii extiterunt, in insula prædicta combustis ; et abbas et conventus S. Germani de Pratis Parisius, dicentes se esse in saisina habendi omnimodam altam et bassam justitiam in insula prædicta… Nos nolumus… quod juri prædictorum… præjudicium aliquod generetur. » (Olim Parliam., III, folio cxlvi, 13 mars 1313 (1314).


97 — page 159Cette exécution fut un assassinat, etc.

Comment qualifier les étranges paroles de Dupuy : « Les grands princes ont je ne scay quel malheur qui accompagne leurs plus belles et généreuses actions, qu’elles sont le plus souvent tirées à contre sens, et prises en mauvaise part, par ceux qui ignorent l’origine des choses, et qui se sont trouvez intéressez dans les partis, puissans ennemis de la vérité, en leur donnant des motifs et des fins vitieuses, au lieu que le zèle à la vertu y prend d’ordinaire la meilleure part ? » (Dupuy, p. 1.)


98 — page 159Le reniement des Templiers était symbolique

Voy. plus haut, t. II, livre III et livre IV, Éclaircissements, les cérémonies grotesques et la fête des idiots, fatuorum : « Le peuple élevait la voix… il entrait, innombrable, tumultueux, par tous les vomitoires de la cathédrale, avec sa grande voix confuse, géant enfant, comme le saint Christophe de la légende, brut, ignorant, passionné, mais docile, implorant l’initiation, demandant à porter le Christ sur ses épaules colossales. Il entrait, amenant dans l’église le hideux dragon du péché, il le traînait, soûlé de victuailles, aux pieds du Sauveur, sous le coup de la prière qui doit l’immoler. Quelquefois aussi, reconnaissant que la bestialité était en lui-même, il exposait dans des extravagances symboliques sa misère, son infirmité. C’est ce qu’on appelait la fête des idiots, fatuorum. Cette imitation de l’orgie païenne, tolérée par le christianisme, comme l’adieu de l’homme à la sensualité qu’il abjurait, se reproduisait aux fêtes de l’enfance du Christ, à la Circoncision, aux Rois, aux Saints-Innocents. »


99 — page 160, note 1Déposition du précepteur d’Aquitaine…

Celui qui le recevait, l’ayant revêtu du manteau de l’Ordre, lui montra sur un missel un crucifix et lui dit d’abjurer le Christ, attaché en croix. Et lui tout effrayé le refusa s’écriant : Hélas ! mon Dieu, pourquoi le ferais-je ? Je ne le ferai aucunement. — Fais-le sans crainte, lui répondit l’autre. Je jure sur mon âme que tu n’en éprouveras aucun dommage en ton âme et ta conscience ; car c’est une cérémonie de l’Ordre, introduite par un mauvais grand maître, qui se trouvait captif d’un soudan, et ne put obtenir sa liberté qu’en jurant de faire ainsi abjurer le Christ à tous ceux qui seraient reçus à l’avenir : et cela fut toujours observé, c’est pourquoi tu peux bien le faire. Et alors le déposant ne le voulut faire, mais plutôt y contredit, et il demanda où était son oncle et les autres bonnes gens qui l’avaient conduit là. Mais l’autre lui répondit : Ils sont partis et il faut que tu fasses ce que je te prescris. Et il ne le voulut encore faire. Voyant sa résistance, le chevalier lui dit encore : Si tu voulais me jurer sur les saints Évangiles de Dieu que tu diras à tous les frères de l’Ordre que tu as fait ce que je t’ai prescrit, je t’en ferais grâce. Et le déposant le promit et jura. Et alors il lui en fit grâce, sauf toutefois que couvrant de sa main le crucifix, il le fit cracher sur sa main… Interrogé s’il a ordonné quelques frères, il dit qu’il en fit peu de sa main, à cause de cette irrévérence qu’il fallait commettre en leur réception… Il dit toutefois qu’il avait fait cinq chevaliers. Et interrogé s’il leur avait fait abjurer le Christ, il affirma sous serment qu’il les avait ménagés de la même manière qu’on l’avait ménagé… Et un jour qu’il était dans la chapelle pour entendre la messe… le frère Bernard lui dit : Seigneur, certaine trame s’ourdit contre vous : on a déjà rédigé un écrit dans lequel on mande au grand maître et aux autres que dans la réception des frères de l’Ordre vous n’observez pas les formes que vous devez observer… Et le déposant pensa que c’était pour avoir usé de ménagements envers ces chevaliers. — Adjuré de dire d’où venait cet aveuglement étrange de renier le Christ et de cracher sur la croix, il répondit sous serment : « Certains de l’Ordre disent que ce fut un ordre de ce grand maître captif du soudan, comme on l’a dit. D’autres, que c’est une des mauvaises introductions et statuts de frère Procelin, autrefois grand maître ; d’autres, de détestables statuts et doctrines de frère Thomas Bernard, jadis grand maître ; d’autres, que c’est à l’imitation et en mémoire de saint Pierre, qui renia trois fois le Christ. » (Dupuy, p. 314-316.) Si l’absence de torture et les efforts de l’accusé pour atténuer le fait mettent ce fait hors de doute, ses scrupules, ses ménagements, les traditions diverses qu’il accumule avant d’arriver à l’origine symbolique, prouvent non moins sûrement qu’on avait perdu la signification du symbole.


100 — page 161L’Ordre du Temple mourut en France d’un symbole non compris…

Origines du droit :

« Le symbolisme féodal n’eut point en France la riche efflorescence poétique qui le caractérise en Allemagne. La France est une province romaine, une terre d’Église. Dans ses âges barbares, elle conserve toujours des habitudes logiques. La poésie féodale naquit au sein de la prose.

« Cette poésie trouvait dans l’élément primitif, dans la race même, quelque chose de plus hostile encore. Nos Gaulois, dans leurs invasions d’Italie et de Grèce, apparaissent déjà comme un peuple railleur. On sait qu’au majestueux aspect du vieux Romain siégeant sur sa chaise curule, le soldat de Brennus trouva plaisant de lui toucher la barbe. La France a touché ainsi familièrement toute poésie.

« Malgré l’abattement des misères, malgré la grande tristesse que le christianisme répandait sur le moyen âge, l’ironie perce de bonne heure. Dès le douzième siècle, Guibert de Nogent nous montre les gens d’Amiens, les cabaretiers et les bouchers, se mettant sur leur porte, quand leur comte, sur son gros cheval, caracolait dans les rues, et tous effarouchant de leurs risées la bête féodale.

« Le symbolisme armorial, ses riches couleurs, ses belles devises, n’imposaient probablement pas beaucoup à de telles gens. La pantomime juridique des actes féodaux faisait rire le bourgeois sous cape. Ne croyez pas trop à la simplesse du peuple de ces temps-là, à la naïveté de cette bonne vieille langue. Les renards royaux, qui s’affublèrent de si blanche et si douce hermine pour surprendre les lions, les aigles féodaux, tuaient, comme tuait le sphynx, par l’énigme et par l’équivoque. »


101 — page 161Ni la colombe, ni l’arche, ni la tunique sans couture, etc… Le glaive spirituel était émoussé…

« Una est columba mea, perfecta mea, una est matri suæ… Una nempe fuit diluvii tempore arca Noë… Hæc est tunica illa Domini inconsutilis… Dicentibus Apostolis : Ecce gladii duo hic… » (Preuves du différend, p. 55.) — « Qu’elle est forte cette Église, et que redoutable est le glaive… » (Bossuet, Oraison funèbre de Le Tellier.)


102 — page 162Nul doute que le pouvoir d’absoudre ne leur ait fait des ecclésiastiques d’irréconciliables ennemis…

C’est un des faits qui, par l’accord de tous les témoignages, avait été placé en Angleterre dans la catégorie des points irrécusables : « Articuli qui videbantur probati. » Tantôt les chefs renvoyaient à absoudre au frère chapelain, sans confession : « Præcipit fratri capellano eum absolvere a peccatis suis, quamvis frater capellanus eam confessionem non audierat. » (P. 377, col. 2, 367.) Tantôt ils les absolvaient eux-mêmes, quoique laïques : « Quod et credebant et dicebatur eis quod magnus magister ordinis poterat eos absolvere a peccatis suis. Item quod visitator. Item quod præceptores quorum multi erant laïci. » (358, 22 test.) « Quod… templarii laïci suos homines absolvebant. » (Concil. Brit., II, 360.) — « Quod facit generalem absolutionem de peccatis quæ nolunt confiteri propter erubescentiam carnis… quod credebant quod de peccatis capitulo recognitis, de quibus ibidem fuerat absolutio non oportebat confiteri sacerdoti… quod de mortalibus non debebant confiteri nisi in capitulo, et de venialibus tantum sacerdoti. » (5 testes) 358, col. 1.) — Même accord dans les dépositions des Templiers d’Écosse : « Inferiores clerici vel laïci possunt absolvere fratres sibi subditos. » (P. 381, col. 1, Ier témoin. De même le XLe témoin, Concil. Brit., 14, p. 382.)


103 — page 164, note 2Procès simulé, où le diable, etc.

On connaît la fameuse légende de Dagobert. César d’Heisterbach cite une pareille histoire d’un usurier converti. Que le débat fût visible ou non, c’était toujours la formule : « Si quis decedat contritus et confessus, licet non satisfecerit de peccatis confessis, tamen boni angeli confortant ipsum contra incursum dæmonum, dicentes… Quibus maligni spiritus… Mox advenit Virgo Maria alloqueus dæmones…, etc. » (Herm. Corn., Chr. ap. Eccard. m. ævi, t. II, p. 11.)


104 — page 168, note 4Jean de Meung Clopinel, etc.

« Prudes femmes par saint Denis, Autant en est que de Phénix », etc. — Lui-même au reste avait pris soin de les justifier par les doctrines qu’il prêche dans son livre. Ce n’est pas moins que la communauté des femmes :

Car nature n’est pas si sotte…
Ains vous a fait, beau fils, n’en doubtes,
Toutes pour tous, et tous pour toutes,
Chascune pour chascun commune
Et chascun commun pour chascune.

Roman de la Rose, v. 14, 653. Éd. 1725-7.

Cet insipide ouvrage, qui n’a pour lui que le jargon de la galanterie du temps, et l’obscénité de la fin, semble la profession de foi du sensualisme grossier qui règne au quatorzième siècle. Jean Molinet l’a moralisé et mis en prose.


105 — page 168, noteBlanche fut, dit brutalement le moine historien, etc.

« Blancha vero carcere remanens, a serviente quodam ejus custodiæ deputato dicebatur imprægnata fuisse quam a proprio comite diceretur, vel ab aliis imprægnata. » (Cont. G. de N., p. 70.) Il passe outre avec une cruelle insouciance ; peut-être aussi n’ose-t-il en dire davantage. — Cette horrible aventure des belles-filles de Philippe-le-Bel a peut-être donné lieu, par un malentendu, à la tradition relative à la femme de ce prince, Jeanne de Navarre, et à l’hôtel de Nesle. Aucun témoignage ancien n’appuie cette tradition. Voy. Bayle, article Buridan. La tradition serait toutefois moins vraisemblable encore, si l’on voulait, comme Bayle, l’appliquer à l’une des belles-filles du roi. Jeunes comme elles l’étaient, elles n’avaient pas besoin de tels moyens pour trouver des amants. Quoi qu’il en soit, Jeanne de Navarre paraît avoir été d’un caractère dur et sanguinaire. Elle était reine de son chef, et pouvait moins ménager son époux.


106 — page 169Une fois dans cette voie de crimes, toute mort passe pour empoisonnement ou maléfice, etc.

Contin. G. de Nangis, ann. 1304, 1308, 1313, 1315, 1320, p. 58, 61, 67, 68, 70, 77, 78.


107 — page 169, note 2À la mort de Clément V, etc.

« Gascones qui cum eo steterant, intenti circa sarcinas, videbantur de sepultura corporis non curare, quia diu remansit insepultum. » (Baluz., Vit. Pap. Aven., I, p. 22.)


108 — page 170Dante ne trouve pas, pour la mort de Philippe-le-Bel, de mot assez bas…

Dante, Paradiso, c. XIX :

Li si vedra il duol, che sopra Senna
Induce, falseggiando la moneta,
Quel che morra di colpo di cotenna.

Suivant plusieurs auteurs, il aurait été en effet tué à la chasse au cerf. « Il voit venir le cerf vers luy, si sacqua son espée, et ferit son cheval des esperons, et cuida ferir le cerf, et son cheval le porta encore contre un arbre, de si grand’roideur, que le bon roy cheut à terre, et fut moult durement blecé au cueur, et fut porté à Corbeil. Là, luy agreva sa maladie moult fort… » (Chronique, trad. par Sauvage, p. 110, Lyon, 1572, in-folio.)

L’historien français contemporain ne parle point de cet accident…

« Diuturna detentus infirmitate, cujus causa medicis erat incognita, non solum ipsis, sed et aliis multis multi stuporis materiam et admirationis induxit ; præsertim cum infirmitatis aut mortis periculum nec pulsus ostenderet nec urina. » (Contin. G. de Nangis, fol. 69.)


109 — page 171Egidio avait écrit pour son élève un livre : De regimine principum…

Voy. S. Ægidii Romani, archiep. Bituricensis questio De utraque potestate ; edidit Goldastus, Monarchia, II, 95. Un Colonna ne pouvait qu’inspirer à son élève la haine des papes.


110 — page 171, note 2Jean de Meung lui avait traduit la Consolation de Boèce…

Il rappelle tous ses titres littéraires dans l’Épitre liminaire qu’il a mise en tête du livre de la Consolation. « A ta royale Majesté, très noble Prince, par la Grâce de Dieu Roy des François, Philippe-le-Quart ; je Jehan de Meung qui jadis au Romans de la Rose, puisque Jalousie et mis en prison Bel-acueil, ay enseigné la manière du Chastel prendre, et de la Rose cueillir ; et translaté de latin en françois le livre de Vegèce de chevalerie, et le livre des merveilles de Hirlande : et le livre des Épistres de Pierre Abeillard et Héloïse sa femme : et le livre d’Aelred, de spirituelle amitié : envoye ores Boëce de Consolation, que j’ai translaté en françois, jaçoit ce qu’entendes bien latin. »


111 — page 172L’Université persécutait les Mendiants par son docteur Jean Pique-Ane…

Bulæus, IV, 70. Voy. dans Goldast, II, 108, Johannis de Parisiis, Tractatus de potestate regia et papali.


112 — page 173Les pauvres écoliers, les pauvres maîtres…

Le maître sera élu entre les pauvres écoliers et par eux… L’élu sera appelé le ministre des pauvres. Il est fait mention dans ce règlement de 84 pauvres écoliers fondés en l’honneur des 12 apôtres et des 72 disciples.


113 — page 173Cappets…

L’habit de cette société était une cape fermée par devant, comme en portaient les maîtres ès arts de la rue du Fouarre, et un camail aussi fermé par devant et par derrière, d’où leur nom de Capètes. Les parents ne pouvaient menacer leurs enfants d’un plus grand châtiment que de les faire Capètes. (Félibien, I, 526 sq.)


114 — page 174Le roi veut exclure les prêtres de la justice et des charges municipales…

« Omnes in regno Franciæ temperatam juridictionem habentes, baillivum, præpositum et servientes laïcos et nullatenus clericos instituant, ut, si ibi delinquant, superiores sui possint animadvertere in eosdem. Et si aliqui clerici sint in prædictis officiis, amoveantur. » (Ord., I, p. 316. Années 1287-1288.)


115 — page 174Il protège les juifs…

« Non capiantur aut incarcerentur ad mandatum aliquorum patrum, fratrum alicujus ordinis vel aliorum, quocunque fungantur officio. » (Ord., I, 317.)


116 — page 174Il augmente la taxe royale sur les acquisitions d’immeubles par les églises…

Ord., I, 322. On y distingue les fiefs du roi, les arrière-fiefs, les alleux. Dans tous les cas, la taxe royale pour les acquisitions à titre onéreux est le double de la taxe des acquisitions à titre gratuit. On craignait plus les achats que les donations.


117 — page 174Il défend les guerres privées, les tournois…

« Ad instar santi Ludovici, eximii confessoris… guerras…, bella…, provocationes etiam ad duellum… durantibus guerris nostris, expresse inhibemus. » (Ord., I, 390.) Conf. p. 328. Ann. 1296, p. 344. Ann. 1302, p. 549. Ann. 1314, juillet. — « Quatenus omnes et singulos nobiles… capias et arrestes, capique et arrestari facias, et tamdiu in arresto teneri, donec a nobis mandatum. » (Ord., I, 424, ann. 1304).

À chaque campagne, il lui fallait faire la presse…

En 1302, ordre au bailly d’Amiens d’envoyer à la guerre de Flandre tous ceux qui auront plus de 100 livres en meubles et 200 en immeubles : les autres devaient être épargnés. (Ord., I, 345.) Mais l’année suivante (29 mai) il fut ordonné que tout roturier qui aurait 50 livres en meubles ou 20 en immeubles, contribuerait de sa personne ou de son argent. (Ord., I, 373.)


118 — page 174Ordonnance pour empêcher la désertion des campagnes.

C’étaient des formalités analogues à celles qu’on impose aujourd’hui à l’étranger qui veut devenir Français ; autorisation du prévost ou maire, domicile établi par l’achat « pour raison de la bourgeoisie d’une maison dedenz an et jour, de la value de soixante sols parisis au moins ; signification au seigneur dessoubs cui il iert partis » ; résidence obligatoire de la Toussaint à la Saint-Jean, etc. (Ord., I, 314.)


119 — page 175En 1290, le clergé arracha au roi une charte exorbitante.

Ord., I, p. 318 « … Quod bona mobilia clericorum capi vel justiciari non possint… per justiciam secularem… Causæ ordinariæ prælatorum in parliamentis tantummodo agitentur… nec ad senescallos aut baillivos… liceat appellare… Non impediantur a taillis », etc.

En 1298, le roi seconde l’intolérance des évêques…

« Baillivis… injungimus… diocesanis episcopis, et inquisitoribus… pareant, et intendant in hæreticorum investigatione, captione… condemnatos sibi relictos statim recipiant, indilate animadversione debita puniendos… non obstantibus appellationibus. » (Ord., I, p. 330, ann. 1298.)

L’année suivante, il promet que les baillis, etc.

Mandement adressé aux baillis de la Touraine et du Maine, pour leur commander le respect des ecclésiastiques. Lettres accordées aux évêques de Normandie contre les oppressions des baillis, vicomtes, etc. (Ord., I, 331, 334.) Ordonnance semblable en faveur des églises de Languedoc, 8 mai 1302. (Ibid., p. 340.)


120 — page 176Il accorde aux nobles une ordonnance contre les usuriers juifs…

« Contra usurarum voraginem… volumus ut debita quantum ad sortem primariam plenarie persolvantur, quod vero ultra sortem fuerit legaliter penitus remittendo. » (Ord., I, 334.)

Les collecteurs royaux n’exploiteront plus les successions des bâtards et des aubains, etc.

« Nisi prius per aliquem idoneum virum, quem ad hoc specialiter deputaverimus… constiterit, quod nos sumus in bona saisina percipiendi… » (Ord., I, 338-339.)


121 — page 176Il saisit le temporel des prélats partis pour Rome…

« Nonnulli prælati, abbates, priores…, inhibitione nostra spreta… ab regno egredi… Nolentes igitur ob ipsarum absentiam personarum bona earum dissipari et potius ea cupientes conservari… mandamus, etc. » (Ord., I, 349.)


122 — page 176Dans son ordonnance de réforme, etc.

« Nisi in casu pertinente ad jus nostrum regium… » — Il ajoutait pourtant que le fief acquis ainsi par forfaiture serait dans l’an et jour remis hors sa main à une personne convenable qui desservît le fief. Mais il se réservait encore cette alternative : Ou nous donnerons au maître du fief récompense suffisante et raisonnable. » (Ord., I, 358.)

La plus grande partie de cette ordonnance de réforme concerne les baillis et autres officiers royaux, et tend à prévenir les abus de pouvoir. Nommés par le grand conseil (14), ils ne pourront faire partie de cette assemblée (16). Ils ne pourront avoir pour prévôts ou lieutenants leurs parents ou alliés, ni remplir cette charge dans le lieu de leur naissance (27), ni s’attacher par mariage ou achat d’immeubles au pays de leur juridiction, mesure de garantie imitée des Romains, mais étendue aux enfants, sœurs, nièces et neveux des officiers royaux (50-51). L’ordonnance réglait le temps de leurs assises (26), dont chacune, en finissant, devait préciser le commencement de la suivante ; elle posait les limites de leur ressort entre eux (60), de leur compétence entre les justices des prélats et des barons (25), et les limites de leurs pouvoirs sur leurs justiciables. Ils ne pouvaient tenir aucun en prison pour dettes, à moins qu’il n’y eût sur lui contrainte par corps, par lettres passées sous le scel royal (52). La même ordonnance leur défendait de recevoir à titre de don ou de prêt (40-43) ni pour eux ni pour leurs enfants (41) (ils ne pourront recevoir de vin, « nisi in barillis, seu boutellis vel potis »), et ils ne pourront vendre le surplus ; ni donner rien aux membres du grand conseil, leurs juges (44), ni prendre des baillis inférieurs leurs comptables (48). La nomination à ces charges devait se faire par eux avec les plus grandes précautions (56) ; le roi continue à en exclure les clercs ; il met ceux-ci en assez mauvaise compagnie : « Non clerici, non usurarii, non infames, nec suspecti circa oppressiones subjectorum » (19). (Ord. I, 357-367.)


123 — page 177, note 3Règlement relatif au Parlement…

Voyez l’important mémoire de M. Klimrath Sur les Olim et sur le Parlement. Voy. aussi une dissertation ms. sur l’origine du parlement (Archives du royaume). L’auteur anonyme, qui peut-être écrivait sous le chancelier Maupeou, partage l’opinion de M. Klimrath.


124 — page 177Philippe-le-Bel rend aux nobles le gage de bataille, la preuve par duel…

Ann. 1304, Ord. I, 547. Cette ordonnance paraît être la mise à exécution de l’article 62 de l’édit que nous venons d’analyser. C’est le règlement d’administration qui complète la loi.

Origines du droit, livre IV, chap. vii : « Pendant tout le moyen âge, la jurisprudence flotte entre le duel et l’épreuve, selon que l’esprit militaire ou sacerdotal l’emporte alternativement.

« Le serment et les ordalies étant trop souvent suspectes, les guerriers préféraient le duel. Saint Louis et Frédéric II le défendirent dès le treizième siècle.

« Une trop mauvese coustume souloit courre enchiennement, si comme nous avons entendu des seigneurs de lois, car il aucuns si louoient campions, en tele manière que il se devoient combattre pour toutes les querelles que il aroient à fere ou bonnes ou mauveses. » (Beaumanoir.) — « Quand aucun a passé âge comme de soixante ans, ou qu’il est débilité d’aucun membre, il n’est pas habile à combattre. Et pour ce fut établi que s’il étoit accusé d’aucun cas, qui par gage de bataille se deut terminer, qu’il pourroit mettre champion qui feroit le fait pour lui, à ses périls et dépends, et pour ce fut constitué et établi homage de foy et de service. Et en souloit-on anciennement plus user que l’on ne fait, car on combattoit pour plus de cas qu’on ne fait pour le présent… Et doit l’en savoir que quand un champion faisoit gaige de bataille pour aucun autre accusé d’aucun crime, se le champion estoit desconfit, feust par soi rendant en champ, ou autrement, cil pour qui il combattoit estoit pendu, et forfaisoit tous ses biens et meubles héritages, ainsi que la coutume déclaire, aussi bien comme cil propre eut été déconfit en champ ; et le champion n’avoit nul mal et ne forfaisoit rien. » (Vieille glose sur l’ancienne Coutume de Normandie.)


125 — page 178 et suiv.L’hypocrisie de ce gouvernement dans les affaires des monnaies…

En 1295… « Nos autem Johanna impertinus assensum. » (Ord., I, 326)

En 1305… (Ord., I, 429.)

Plus tard, il ordonne de détruire les fours, etc… (Ord., I, 451.)

En 1310 et 1311, il défend l’importation des monnaies étrangères…

« Que nul ne rachace, ne face rechacier, ne trebucher, ne requeure nulle monnoye quele qu’ele soit de nostre coing. » (20 janvier 1310, Ord., I, 475.)

En 1311, il défend de peser ou d’essayer les monnaies royales…

Ord., I, 481, 16 mai 1311.

En 1314, il appela les députés des villes à venir aviser avec lui sur le fait des monnaies, etc.

« Que le Roi pourchace par devers ses Barons que ils se sueffrent de faire ouvrer jusques à onze ans, car autrement il ne peut pas remplir son pueble de bonne monnoie, ne son royaume. Et furent à accort que li Rois doint tant en or, en argent que il n’y preigne nul profit. » (Ord., I, 547-549.) Cependant on rencontra tant de résistance de la part des barons et des prélats intéressés qu’il fallut se contenter de leur prescrire l’aloi, le poids et la marque de leurs monnaies. (Leblanc, p. 229.)


126 — page 182 et suiv.L’avènement de Louis-le-Hutin est une réaction violente de l’esprit féodal, local, provincial, etc.

Le duc de Bretagne, etc. (Ord., I., 551 et 592, 561-577 et 625, 572…)

La demande commune des barons, etc. (Ord., I, 559, 8o ; 574, 5o ; 554, 2o.)

Les provinces les plus éloignées, etc. (Ord., I, 562, 2o…)

Bourgogne, Amiens, Champagne demandent unanimement, etc.

« Nous voullons et octroyons que en cas de murtre, de larrecin, de rapt, de trahison et de roberie gage de bataille soit ouvert, se les cas ne pouvoient estre prouves par tesmoings. » (Ord., I, 507.) « Et quant au gage de bataille, nous voullons que il en usent, si come l’en fesoit anciennement. » (Ibid. 558.)

Le roi n’acquerra plus, etc.

« Le quart article qui est tiel. Item, que le Roy n’acquiere, ne s’accroisse ès baronnies et chastellenies, ès fiez et riere-fiez desdits nobles et religieus, se n’est de leur volonté, nous leur octroyons. »

À ces demandes insolentes, le roi répond…

Ord., I, 572 (31) ; 576 (15) ; 564 (6).


127 — page 185Raoul de Presles…

Il y eut trois Raoul de Presles : le premier, qui déposa en 1309 contre les Templiers, fut impliqué dans l’affaire de Pierre de Latilly, et recouvra la liberté en perdant ses biens. Louis-le-Hutin en eut des remords ; par son testament, il ordonna qu’on lui rendît comme de raison tout ce qu’on lui avait pris. Philippe-le-Long et Charles-le-Bel l’anoblirent pour ses bons services. Le second Raoul n’est connu que par un faux, et aussi par un bâtard qu’il eut en prison. Ce bâtard est le plus illustre des Raoul. En 1365, il se fit connaître de Charles V par une allégorie, intitulée la Muse. Il fut chargé par ce prince de traduire la Cité de Dieu, et paraît n’avoir pas été étranger à la composition du Songe du Vergier.


128 — page 188Louis-le-Hutin décria les monnaies des barons, etc.

« Nous qui avons oie la grande complainte de nostre pueble du royaume de France, qui nous a montré comment par les monoies faites hors de nostre royaume et contrefaites à nos coings, et aus coings de nos barons, et par les monoies aussi de nos dits barons lesquelles monoies toutes ne sont pas du poids de la loy ne du coing anciens ne convenables, nos subgiez et nostre pueble sont domagiés en moult de manières et de ceuz souvent grossement… ordenons, etc. » (Ord., I, 609-6.)

Il fixa les rapports de la monnaie royale, etc. (Ord., I, 615 et suiv.)


129 — page 189Les serfs se souviendront de cette leçon royale…

À la fin de son règne si court, Louis semble devenu l’ennemi des barons. Jamais Philippe-le-Bel ne leur fit réponse plus sèche et, ce semble, plus dérisoire que celle de son fils aux nobles de Champagne (1er décembre 1315). Ils demandaient qu’on leur expliquât ce mot vague de Cas royaux, au moyen duquel les juges du roi appelaient à eux toute affaire qu’ils voulaient. Le roi répond : « Nous les avons éclaircis en cette manière. C’est assavoir que la Royal Majesté est entendüe, ès cas qui de droit, ou de ancienne coutume, püent et doient appartenir à souverain Prince et à nul autre. » (Ord., I, 606.)


130 — page 191Philippe-le-Long révoque toute donation depuis saint Louis…

Le roi révoque spécialement les dons faits à Guillaume Flotte, Nogaret, Plasian et quelques autres. (Ord., I, 667.)


131 — page 192Il aurait voulu établir l’uniformité des mesures et des monnaies…

« Le roi avait commencé à régler qu’on ne se servirait dans son royaume que d’une mesure uniforme pour le vin, le blé et toutes marchandises ; mais prévenu par une maladie, il ne put accomplir l’œuvre qu’il avait commencée. Ledit roi proposa aussi que, dans tout le royaume, toutes les monnaies fussent réduites à une seule ; et comme l’exécution d’un si grand projet exigeait de grands frais, séduit, dit-on, par de faux conseils, il avait résolu d’extorquer de tous ses sujets la cinquième partie de leur bien. Il envoya donc pour cette affaire des députés en différents pays ; mais les prélats et les grands, qui avaient depuis longtemps le droit de faire différentes monnaies, selon les diversités des lieux et l’exigence des hommes, ainsi que les communautés des bonnes villes du royaume, n’ayant pas consenti à ce projet, les députés revinrent vers leur maître sans avoir réussi dans leur négociation. » (Cont. G. de Nang., 79.)


132 — page 192 et suiv.Il fait quelques efforts pour régulariser la comptabilité…

Ord., I, 713-4, 629, 659.

Parmi les règlements de finance, etc. (Ord., I, p. 660 (27.)

Le Parlement se constitue, etc. (Ord., I, 728-731. — Ord., I, 702.)


133 — page 194La méridienne du roi…

Voy. au tome Ier de cette histoire la concession de Clovis à saint Remi. — Voy. aussi la Légende dorée, c. 142. — Origines du droit : « En l’an 676, Dagobert ayant donné à saint Florent la ville où il demeurait et ses dépendances, le saint vint prier le roi de lui faire savoir combien il avait en long et en large. « Tout ce que tu auras chevauché sur ton petit âne pendant que je me baignerai et que je mettrai mes habits, tu l’auras en propre. » Or saint Florent savait fort bien le temps que le roi passait au bain : aussi il monta en toute hâte sur son âne et trotta par monts et par vaux mieux et plus rapidement que ne l’aurait fait à cheval le meilleur cavalier, et il se trouva encore à l’heure indiquée chez le roi. » (Grimm. 87.)


134 — page 194Philippe-le-Long parle de certains droits féodaux, etc.

Ord., I, p. 631 (39).

Il recommande aux receveurs, etc. (Ord., I, 713 (9.)


135 — page 195Le roi cherche à mettre une barrière à sa libéralité.

« Que pour les dons outragens qui ont esté faiz ça en arrières, par nos prédécesseurs, li domaine dou Royaume sont moult apetitié. Nous qui désirons moult l’accroissement et le bon estat de notre Royaume et de nos subgiez, nous entendons dores en avant garder de tels dons, au plus que nous pourrons bonement, et défendons que nul ne nous ose faire supplication de faire dons à héritage, se ce n’est en la présence de notre grant conseil. » (Ord., I, 670 (6.)


136 — page 197Les pastoureaux…

« Cum solis pera et baculo sine pecunia, dimissis in campis porcis et pecoribus, post ipsos quasi pecora confluebant. » (Cont. G. de Nangis, p. 77.) — « Projectis innumerabilibus lignis et lapidibus, propriis projectis pueris, se viriliter et inhumaniter defensabant… Videntes autem dicti judæi quod evadere non valebant… locaverunt unum de suis… ut eos gladio jugularet. » (Ibid.) — « Illic viginti, illic triginta secundum plus et minus suspendens in patibulis et arboribus. » (Ibid.)


137 — page 197Les Juifs, etc.

Voy. le Mémoire de M. Beugnot, sur les juifs d’Occident, et la grande histoire de Jozt.


138 — page 199Le bruit se répand que les juifs et les lépreux ont empoisonné les fontaines, etc.

« Fiebant de sanguine humano et urina de tribus herbis… ponebatur etiam Corpus Christi, et cum essent omnia dissicata, usque ad pulverem terebantur, quæ missa in sacculis cum aliquo ponderoso… in puteis… jactabantur. » (Cont. G. de Nang., ann. 1321, p. 78.) — « Inventum est in panno caput colubri, pedes bufonis et capilli quasi mulieris, infecti quodam liquore nigerrimo… quod totum in ignem copiosum… projectum, nullo modo comburi potuit, habito manifesto experimento et hoc itidem esse venenum fortissimum. » (Ibid.)

Les principaux lépreux tinrent quatre conciles, etc.

« Suadente diabolo per ministerium judæorum… ut christiani omnes morerentur, vel omnes uniformiter leprosi efficerentur, et sic, cum omnes essent uniformes, nullus ab alio despiceretur. » (Ibid.) — Voy. sur les lépreux les Dictionnaires de Bouchel et Brion et surtout le Dictionnaire de police, par Delamare, I, p. 603. Voy. aussi les Olim du Parlement, IV, f. 76, etc.


139 — page 200Les rituels pour la séquestration des lépreux différaient peu de l’office des morts…

« Leprosum aqua benedicta repersum ducat ad ecclesiam cruce procedente… cantando Libera me Domine… In ecclesia, ante altare pannus niger. Presbyter cum palla terram super quemlibet pedum ejus perducit dicendo : Sis mortuus mundo, vivens iterum Deo. » (Rituel du Berri, Martène, II, p. 1010.) Plusieurs rituels défendirent plus tard ces lugubres cérémonies, celui d’Angers, de Reims. (Ibid., p. 1005, 1006.)


140 — page 203Quant aux juifs, on les brûla sans distinction…

« Judæi… sine differentia combusti… Facta quadam fovea permaxima, igne copioso in eam injecto, octies viginti sexies promiscui sunt combusti ; unde et multi illorum et illarum cantantes quasique invitati ad nuptias, in foveam saliebant. » (Cont. G. de Nangis, p. 78.)

Mainte veuve y fit jeter son enfant… « Ne ad baptismum raperentur. » (Ibid.)

Quarante juifs s’accordèrent à se faire tuer par un de leurs vieillards…

« Unius antiqui… santior et melior videbatur ; unde et ob ejus bonitatem et antiquitatem pater vocabatur. » (Ibid., p. 79). — « Cum funis esset brevior… dimittens se deorsum cadere, tibiam sibi fregit, auri et argenti præ maximo pondere gravatus. » (Ibid.)


141 — page 204L’Angleterre se trouvant désarmée par ces discordes, le roi de France s’empara de l’Agénois…

Voy. le Différend entre la France et l’Angleterre sous Charles-le-Bel, par M. de Bréquigny. La querelle, qui d’abord n’avait pour objet que la possession d’une petite forteresse, prit en peu de temps le caractère le plus grave par la faiblesse d’Édouard et l’audace de ses officiers. Tandis qu’Édouard excuse ses lenteurs à venir rendre hommage, et prie le roi de France d’arrêter les entreprises des Français sur ses domaines, les officiers anglais en Guyenne ruinent la forteresse disputée, et rançonnent le grand maître des arbalétriers de France, qui avait voulu en tirer satisfaction. Édouard se hâta de désavouer ces actes auprès de Charles, et en même temps il donnait ordre à toutes personnes de prêter assistance à Raoul Basset, auteur de l’insulte faite au roi de France. Mais il recula bientôt devant cette guerre et destitua Raoul Basset ; ses officiers laissés sans secours durent donner satisfaction à Charles-le-Bel, qui ne s’arrêta pas en si beau chemin : les ambassadeurs d’Édouard lui écrivaient qu’on disait tout haut à la cour de France « qu’on ne voulait mie être servi seulement de parchemin et de parole comme on l’avait été ». Édouard, qui d’abord avait eu recours au pape et fait quelques préparatifs, s’alarma de cet orage qui pouvait troubler ses plaisirs. Il donna pleins pouvoirs pour tout terminer, et envoya à Charles un Français nommé Sully avec son plénipotentiaire. Le roi écouta le Français, chassa l’Anglais et fit entrer ses troupes en Guyenne. Agen, après avoir inutilement attendu le secours du comte de Kent, ouvrit ses portes. De nouveaux ambassadeurs vinrent d’Angleterre ; ils eurent pour toute réponse qu’il fallait « qu’on souffrît sans obstacle que le roi de France mît en ses mains le reste de la Gascogne, et qu’Édouard se rendît auprès de lui. Alors s’il lui demandait droit, il le lui ferait bon et hâtif ; s’il lui requérait grâce, il ferait ce que bon lui semblerait. »


142 — page 205Charles-le-Bel défendit de prendre le parti de la reine Isabeau, etc.

« … Dont plusieurs chevaliers en furent moult courroucés… et dirent que or et argent y étoient efforciement accourus d’Angleterre. » (Froissart, éd. Dacier, I, 26.) — « Si entendit-il secrètement que Charles-le-Bel étoit en volonté de faire prendre sa sœur, son fils, le comte de Kent et messire Roger de Mortimer, et de eux remettre ès mains du roi d’Angleterre et dudit Spenser ; et ainsi le vint-il dire de nuit à la reine d’Angleterre et l’avisa du péril où elle étoit. » (Froissart, I, 29.)


143 — page 207Édouard croyait au moins vivre, etc.

« Ut innotuit viri dejectio, plena dolore (ut foris apparuit), fere mente alienata fuit… Misit indumenta delicata et litteras blandientes. Eodem tempore assignata fuit dos reginæ talis et tanta, quod regi filio regni pars tertia vix remansit. » (Wals, p. 126-127.) — « Ipso prostrato et sub ostio ponderoso detento ne surgeret, dum tortores imponerent cornu, et per foramen immitterent ignitum veru in viscera sua. » (Ibid.)


144 — page 210Livre des secrets des fidèles de la croix, par le Vénitien Sanuto

« Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Amen. En l’an 1321, j’ai été introduit auprès de notre seigneur le Pape et lui ai présenté deux livres sur le recouvrement de la terre sainte, et le salut des fidèles ; l’un était couvert en rouge, l’autre en jaune. En même temps j’ai mis sous ses yeux quatre cartes géographiques, l’une de la mer Méditerranée, l’autre de la terre et de la mer, la troisième de la terre sainte, la quatrième de l’Égypte. » (À la suite de Bongars, Gesta Dei per Francos.)

S’il partage son livre en trois parties en l’honneur de la Sainte Trinité, la raison qu’il en donne c’est qu’il y a trois choses principales pour le rétablissement de la santé du corps, le sirop préparatoire, la médecine et le bon régime : « Partitur autem totale opus ad honorem Sanctæ Trinitatis in tres libros. Nam sicut infirmanti corpori… tria impertiri curamus : primo syrupum ad præviam dispositionem… secundo congruam medicinam quæ morbum expellat… tertio ad conservandam sanitatem debitum vitæ regimen… sic conformiter continet liber primus dispositionem quasi syrupum, etc. » (Secreta fidelium crucis, etc., p. 9.)


145 — page 211Il propose contre le soudan d’Égypte un simple blocus…

Dix galères suffiront. Il fixe avec une prévoyance toute moderne ce qu’il faut d’hommes, d’argent, de vivres. La flotte doit être armée à Venise. « Les marins de Venise, dit-il, sauront seuls se conduire sur les plages basses d’Égypte qui ressemblent à leurs lagunes » (p. 33-36). Il n’ose pas demander que l’amiral soit un Vénitien, il se contente de dire qu’il doit être ami des Vénitiens, pour agir de concert avec eux (page 85). « Il faut, dit-il nettement, ou que l’accès de l’Égypte soit absolument interdit, ou qu’il soit élargi et facilité de telle sorte que chacun puisse aller, revenir, commercer par les terres du soudan, en toute liberté, et qu’en ce dernier cas on ne parle plus de recouvrer la terre sainte. » — « Mais, dira-t-on, si le soudan détournait le Nil de la Méditerranée dans la mer Rouge ? La chose est impossible ; et si elle avait lieu, l’Égypte serait anéantie, elle deviendrait déserte… Le soudan réduit, les forteresses de l’Égypte maritime deviendront un sûr asile pour les nations chrétiennes comme le furent pour les Vénitiens les lagunes de l’Adriatique qui, dans les tempêtes des invasions gauloises, africaines, lombardes et dans celle d’Attila, sont restées inviolées. » Part. III, ch. ii.) Ces derniers mots font allusion aux craintes récentes que les invasions des Mongols avaient inspirées à toute la chrétienté.


146 — page 214La charte que le roi d’Angleterre accorda aux étrangers…

Le roi déclare qu’il leur accorde à jamais, en son nom et au nom de ses successeurs : 1o de pouvoir venir en sûreté sous la protection royale, libres de divers droits qu’il spécifie : De muragio, pontagio et panagio liberi et quieti ; 2o d’y vendre en gros à qui ils voudront ; les merceries et épices peuvent même être vendues en détail par les étrangers ; 3o d’importer et exporter, en payant les droits, toute chose, excepté les vins, qu’on ne peut exporter sans licence spéciale du roi ; 4o leurs marchandises n’auront à craindre ni droit de prise ni saisie ; 5o on leur rendra bonne justice ; car si un juge leur fait tort, il sera puni même après que les marchands auront été indemnisés ; 6o en toute cause où ils seront intéressés, le jury sera composé pour une moitié de leurs compatriotes ; 7o dans tout le royaume il n’y aura qu’un poids et une mesure ; dans chaque ville ou lieu de foire, il y aura un poids royal, la balance sera bien vide, et celui qui pèse n’y portera pas les mains ; 8o à Londres, il y aura un juge desdits marchands, pour leur rendre justice sommaire ; 9o pour tous ces droits, ils paieront deux sous de plus qu’autrefois sur chaque tonneau qu’ils amèneront ; quarante deniers de plus par sac de laine, etc., etc. ; 10o mais une fois ces droits payés, ils pourront aller et commercer librement par tout le royaume.


147 — page 217Ce fut Édouard III qui sur la Table ronde a juré le héron de conquérir la France…

Par devant la roïne, Robert s’agenouilla,
Et dist que le hairon par temps départira,
Mès que chou ait voué que le cuer li dira,
« Vassal, dit la roïne, or ne me parlés jà ;
« Dame ne peut vouer puis qu’elle seigneur a,
« Car s’elle veue riens, son mari pooir a.
« Que bien puet rapeller chou qu’elle vouera ;
« Et honnis soit li corps que jasi pensera,
« Devant que mes chiers sires commandé le m’ara. »
Et dist le roy : « Voués, mes cors l’aquittera.
« Mes que finer en puisse, mes cors s’en penera ;
« Voués hardiement, et Dieux vous aidera. »
« Adonc, dit la roïne, je sais bien que piecha,
« Que suis grosse d’enfant, que mon corps senti là,
« Encore n’a il gaires, qu’en mon corps se tourna,
« Et je voue, et prometh a Dieu, qui me créa,
« Qui nasqui de la Vierge, que ses corps n’enpira,
« Et qui mourut en crois, on le crucifia,
« Que jà li fruis de moi de mon corps n’istera,
« Si m’en arès menée ou païs par delà,
« Pour avanchier le veu que vo corps voué a ;
« Et s’il en voelh isir, quant besoins n’en sera,
« D’un grand coutel d’achier li miens corps s’ochira :
« Serai m’asme perdue, et li fruis périra. »
Et quand li rois l’entent, moult forment l’en pensa ;
Et dist : « Certainement nuls plus ne vouera. »

Li hairons fu partis, la roïne en mengna.
Adonc, quant che fu fait, li rois s’apareilla,
Et fit garnir les nés, la roïne i entra,
Et maint franc chevalier avecques lui mena.
De illoc en Anvers, li rois ne s’arrêta.
Quant outre sont venu, la dame délivra ;
D’un beau fils gracieux la dame s’acouka,
Lyon d’Anvers ot non, quant on le baptisa.
Ensi le franque Dame le sien veu acquitta ;
Ainsque soient tout fait, main preudomme en morra,
Et maint bon chevalier dolent s’en clamera.
Et mainte preude femme pour lasse s’en tenra.
Adonc parti li cours des Englès par delà.

Chi finent leus veus du hairon.

Ce petit poème se trouve à la fin du tome Ier de Froissart, éd. Dacier-Buchon, p. 420.


148 — page 221Bataille de Cassel…

« Oncques en l’ost du roy ne feit on guet ; et les grands seigneurs alèrent d’une tente en l’autre, pour eux déduire, en leurs belles robes. Or vous dirons des Flamans, qui sur le mont étoient… Si feirent trois grosses batailles les Flamans ; et veindrent avalant le mont, au grand pas, devers l’ost du roy : et passèrent tout outre, sans cry ne noise : et fut à l’heure de vespres sonnans… Et les Flamans ne s’atargèrent mie, ains veindrent le pas, pour surprendre le roy en sa tente. » (Froissart, I, c. lxix, p. 123. — Voy. aussi Cont. de Nangis, p. 90. Oudegherst, c. cliv, f. 259.) — Je regrette de n’avoir pas eu entre les mains l’important ouvrage de M. Warnkœnig, lorsque j’ai imprimé le récit de la bataille de Courtrai : Histoire de la Flandre et de ses institutions civiles et politiques, jusqu’à l’année 1305, par M. Warnkœnig, traduit de l’allemand par M. Ghueldorf, 1835. Voy. particulièrement au premier volume, quelques circonstances intéressantes qui complètent mon récit.


149 — page 222Les quatre tours de Vincennes par leurs ponts-levis, vomissaient aux quatre vents…

Les châteaux, comme les églises du moyen âge, comme les cités antiques, sont, je crois, généralement orientés. Voy. mon Histoire romaine et ma Symbolique du droit.


150 — page 223Robert se plaignait d’avoir été supplanté dans la possession de l’Artois par Mahaut, etc.

Un arrêt de la cour de France, prononcé en plein parlement, déboutait pour toujours Robert et ses successeurs de leurs prétentions et ordonnait « que ledit Robert amast ladite comtesse comme sa chière tante, et ladite comtesse ledit Robert comme son bon nepveu ».


151 — page 223Personne n’eut plus de part que Robert à ce qu’un fils de Charles-de-Valois parvînt au trône…

L’ancienne Chronique de Flandre allait même jusqu’à lui en donner tout l’honneur : « Et n’estoient mie les barons d’accord de faire le roy, mais toutefois par le pourchas de messire Robert d’Artois fut tant la chose démenée, que messire Philippe… fut élu à roy de France. » (Chron., ch. lxvii, p. 131, Mém. Ac. Insc., X, 592.)


152 — page 224Le roi réservait à Robert le droit de proposer ses raisons…

« Sur ce qu’il lui a esté donné à entendre, que au traitté de mariage de Philippe d’Artois avec Blanche de Bretagne… duquel traicté furent faites deux paires de lettres rattiffiées par Philippe-le-Bel… et furent enregistrées en nostre Cour ès registre, lesquelles lettres, depuis le deceds dudit comte, ont esté fortraites par notre chière cousine Mahault d’Artois. » (1329. Chron. de Flandre, p. 601.)


153 — page 224 et suiv.… La maîtresse de l’évêque, une certaine dame Divion…

« Quædam mulier nobilis et formosa, quæ fuerat M. Theoderici concubina. » (Gest. episc. Leod., p. 408.)

La Divion prétendit que Jeanne-de-Valois la menaçait de la faire brûler…

Elle l’en menaçait même au nom du Roi. « J’ai voulu vous excuser, disait-elle, en luy représentant que vous n’aviez nulle desdites lettres, et il m’a répondu qu’il vous ferait ardoir se vous ne l’en baillez. » (Ibid., 600.)

… Elle y plaqua de vieux sceaux, etc.

La Divion avait été envoyée tout exprès en Artois pour se procurer le sceau du comte. Elle parvint après quelque recherche à en trouver un entre les mains d’Ourson-le-Borgne dit le beau Parisis. Il en voulait trois cents livres. Comme elle ne les avait pas, elle offrit d’abord en gage un cheval noir sur lequel son mari avait joûté à Arras. Ourson refusa ; alors, autorisée de son mari, elle déposa des joyaux, savoir deux couronnes, trois chapeaux, deux affiches, deux anneaux, le tout d’or et prisé sept cent vingt-quatre livres parisis. » (Ibid., 609-610.) — « Ensuite elle prit un scel à une lettre qui estoit scellée dudit évêque Thierry, et par barat engigneur, l’osta de cette lettre vieille et le plaça à la nouvelle. Et a ce faire furent présens Jeanne et Marie, meschines (servantes) de ladite Divion, laquelle Marie tenoit la chandelle, et Jehanne li aidoit. » (Ibid., 598. Déposition de Martin de Nuesport.) La Divion déclara qu’elle assista seule avec la dame de Beaumont et Jeanne à l’application des sceaux « et n’y avoit à faire que elles trois tant seulement ». (Ibid., p. 611.) — De plus « pour ce que le Roy Philippe avoit accoustumé de faire ses lettres en latin », on avait demandé à un chapelain Thibaulx, de Meaux, de donner en cette langue le commencement et la fin d’une lettre de confirmation qui devait, disait-on, servir au mariage de Jean d’Artois avec la demoiselle de Leuze. (Ibid., p. 612.)

À cette époque de calligraphie, etc.

La Divion semble pourtant attacher grande importance à son œuvre ; elle faisait passer les pièces, à mesure qu’elle les fabriquait, à Robert d’Artois, « disant teles paroles : Sires vées ci copie des lettres que nous avons, gardez si elle est bonne ; et il respondoit : Si je l’avoie de cette forme, il me suffiroit. » Elle voulut même les soumettre d’abord à des experts. (Mém. Ac., X, ibid.)

Robert produisait cinquante-cinq témoins…

Archives, sect. hist., J, 439, no 2. — Ils avaient eu soin de ménager à ces témoignages un commencement de preuve par écrit, dans la fausse lettre de l’évêque d’Arras : « Desquelles lettres jou en ay une, et les autres ou traictié du mariage madame la Royne Jehanne furent par un de nos grands seigneurs gettés au feu… » (Ibid., p. 597.)

Il soutint mal ce roman, etc.

« … Et jura au Roy, mains levées vers les saints, qu’à un homme vestu de noir aussi comme l’archevêque de Rouen, il avoit baillé lesdites lettres de confirmation. » Cet homme vêtu de noir était son confesseur ; Robert les lui avait données, puis les avait reçues de ses mains ; moyennant quoi il jurait en toute sûreté de conscience. (Ibid., p. 610.)

La Divion avoua tout ainsi que les témoins…

Jacques Roudelle convint qu’on lui avait dit, que s’il déposait « ce luy vaudroit un voyage à Saint-Jacques en Gallice ». Gérard de Juvigny, « qu’il avoit rendu faux témoignage à la requeste dudit Monsieur Robert, qui venoit chiez luy si souvent, qu’il en estoit tou ennuyé. » (Ibid., 599.)

Déposition de la Divion : « … Item elle confesse que Prot sondit clerc, de son commandement, escript toutes lesdites fausses lettres de sa main, et escript celle ou pent le scel de ladite feu comtesse o une penne d’airain, pour sa main desguizier… Item elle dit que mons. Robert assez tost après en envoya ledit Prot elle ne scet où, en quel lieu, ne en quel part, que elle avoit dit à mons. Robert, Sire, je ne say que nous faciens de cest clerc, je me doubt trop de sa contenance, car il est si paoureus que c’est merveille et que à chacune chose que il oyoit la nuit, il dit : Ay ma demoiselle, Ay Jehanne, Ay Jehanne, les sergents me viennent querre, en soy effreant et disant, Je en ay trop grand paour. Et à moy mesme a il dit plusieurs fois, tout de jours, de la grant paour qu’il en avoit, que se il est pris et mis en prison, il dira tout sans riens espargnier. Et dit que ledit mons. Robert li respondoit, Nous nous enchevirons bien. Mes elle ne scet ou il est, fors que elle croit que il est en aucuns des hébergemens des terouere audit mons. Robert. » (Archives, section hist., J, 440, no 11.) « Item elle dit que par trop de fois la dite dame Marie sagenouilla devant elle, en li priant, en plorant et adjointes mains, par tels mos, Pour dieux, damoiselle, faites tant que Monseigneur aie ces lettres que vous savez, qui li ont métier pour son droit don comté d’Artoys, et je say bien que vous le ferez bien se il vous plaist, car ce soit grand meschief s’il estoit desherité par deffaut de lettres, il ne li faut que trop pou de lettre. Le roy a dit à Madame que sil li en puet monstrer letre, ja si petite ne fet, que il delivrera la conté, et pour Dieu pensez en et en mettez Monseigneur et Madame hors de la mesaise ou il en sont. Car il sont en si grant tristesse quil n’en pueent boire, mengier, dormir ne reposer nuit ne jour. » (Archives, section hist., J, 440, no 11.)


154 — page 226Robert avait envoyé des assassins pour tuer le duc de Bourgogne…

« Les assassins vinrent jusqu’à Reims, ou ils cuidoient trouver le comte de Bar a une feste qu’il y devoit tenir pour dames ; » mais on était sur leurs traces, ils durent revenir ; ce coup manqué, Robert d’Artois se décida à venir lui-même en France. Il y passa quinze jours, et revint convaincu par les insinuations de sa femme que tout Paris serait pour lui, s’il tuait le roi. (Mém. de l’Acad., X, p. 625-6.)


155 — page 226Robert essayait d’envoûter la reine et son fils…

« Entre la S. Remy et la Toussaint de la même année 1333, frère Henry fut mandé par Robert, qui, après beaucoup de caresses, débuta par luy faire derechef une fausse confidence, et luy dit que ses amis luy avoient envoyé de France un volt ou voust, que la Reine avoit fait contre luy. Frère Henry lui demanda « que est ce que voust ? C’est une image de cire, répondit Robert, que l’en fait pour baptiser, pour grever ceux que l’on welt grever. L’en ne les appelle pas en ces pays voulz, répliqua le moine, l’en les appelle manies. » Robert ne soutint pas longtemps cette imposture : il avoua à frère Henry que ce qu’il venoit de luy dire de la Reine n’estoit pas vray, mais qu’il avoit un secret important à luy communiquer ; qu’il ne le lui diroit qu’après qu’il auroit juré qu’il le prenoit sous le sceau de la confession. Le moine jura, « la main mise au piz ». Alors Robert ouvrit un petit écrin et en tira « une image de cire enveloppée en un quevre-chief crespé, laquelle image estoit à la semblance d’une figure d’un jueune homme, et estoit bien de la longueur d’un pied et demi, ce li semble, et si le vit bien clerement par le quevre-chief qui estoit moult deliez, et avoit entour le chief semblance de cheveux aussi comme un jeune homme qui porte chief. » Le moine voulut y toucher. « N’y touchiez, frère Henry, luy dit Robert, il est tout fait, icestuy est tout baptisiez, l’en le m’a envoyé de France tout fait et tout baptisié ; il n’y faut riens à cestuy, et est fait contre Jehan de France et en son nom, et pour le grever : Ce vous dis-je bien en confession, mais je en vouldroye avoir un autre que je vouldroye que il fut baptisié. Et pour qui est-ce ? dit frère Henry. C’est contre une dyablesse.

Robert, c’est contre la Royne. Non pas Royne, c’est une dyablesse ; ja tant comme elle vive, elle ne fera bien ne ne fera que moy grever, ne ja que elle vive je n’auray ma paix, mais se elle estoit morte et son fils mort, je auroie ma paix tantos au Roy, quar de luy ferois-je tout ce qu’il me plairoit, je ne m’en doubte mie, si vous prie que vous me le baptisiez, quar il est tout fait, il n’y faut que le baptesme, je ay tout prest les parrains et les maraines et quant que il y a mestier, fors de baptisement… il n’y fault à faire fors aussi comme à un enfant baptiser, et dire les noms qui y appartiennent. » Le moine refusa son ministère pour de pareilles opérations, remontra « que c’étoit mal fait d’y avoir créance, que cela ne convenoit point à si hault homme comme il estoit. Vous le voulez faire sur le Roy et sur la Royne qui sont les personnes du monde qui plus vous peuvent ramener à honneur. » Monsieur Robert répondit : « Je ameroie mieux estrangler le dyable que le dyable m’estranglat. » (Ibid., p. 627.)


156 — page 227Benoît XII avoua en pleurant aux ambassadeurs impériaux, etc.

« In aurem nuntiis quasi flens conquerebatur, quod ad principem esset inclinatus, et quod rex Franciæ sibi scripserit certis litteris, si Bavarum sine ejus voluntate absolveret, pejora sibi fierent, quam papæ Bonifacio a suis prædecessoribus essent facta. » (Albertus Argent., p. 127.)


157 — page 229Édouard, ayant défendu l’exportation des laines, réduisit la Flandre au désespoir…

« Statutum fuit quod nulla lana crescens in Anglia exeat, sed quod ex ea fierent panni in Anglia. » (Walsingh., Hist. Angl.) — « Vidisses tum multos per Flandriam textores, fullones, aliosque qui lanificio vitam tolerant, aut inopia mendicantes, aut præ pudore et gravamine æris alieni solum vertentes. » (Meyer, p. 137.)

On attirait à tout prix les ouvriers flamands en Angleterre…

« Quod omnes operatores pannorum, undicunque in Angliam venientes reciperentur, et quod loca opportuna assignarentur eisdem, cum multis libertatibus et privilegiis, et quod haberent… » — On leur rendait la nécessité d’émigrer plus pressante, non seulement en leur refusant les laines, mais de plus en prohibant les produits de leur industrie… « Item statutum fuit quod nullus uteretur panno extra Angliam operato. » (Walsingham, 1335, 1336. — Voy. Rymer, passim, l’Hist. du commerce d’Anderson, etc.)


158 — page 230Les villes haïssaient le comte parce qu’il admettait les Français au partage de leur commerce…

« Mercatoribus S. Joanis Angeliaci et Rupellæ dedit ut liceret illis… frequentare portum Flandrensem apud Slusam adferentes quascumque mercaturas constituentesque stabilem sibi sedem vinorum suorum in oppido Dummensi… eaque in mercura omne monopolium prohibens. » (Meyer, p. 135.)


159 — page 230Artevelde organisa une vigoureuse tyrannie…

« Et avoit adonc à Gand un homme qui avoit été brasseur de miel ; celui étoit entré en si grande fortune et en si grande grâce à tous les Flamands, que c’étoit tout fait et bien fait quand il vouloit deviser et commander partout Flandre, de l’un des côtés jusques à l’autre ; et n’y avoit aucun, comme grand qu’il fut, qui de rien osât trépasser son commandement, ni contredire. Il avoit toujours après lui allant aval (en bas) la ville de Gand soixante ou quatre-vingts varlets armés, entre lesquels il y en avoit deux ou trois qui savoient aucuns de ses secrets ; et quand il encontroit un homme qu’il heoit (haïssoit) ou qu’il avoit en soupçon, il étoit tantôt tué ; car il avoit commandé à ses secrets varlets et dit : « Sitôt que j’encontrerai un homme, et je vous fais un tel signe, si le tuez sans déport (délai), comme grand, ni comme haut qu’il soit, sans attendre autre parole. » Ainsi avenoit souvent ; et en fit en cette manière plusieurs grands maîtres tuer : par quoi il étoit si douté (redouté) que nul n’osoit parler contre chose qu’il voulut faire, ni à peine penser de le contredire. Et tantôt que ces soixante varlets l’avoient reconduit en son hôtel, chacun alloit dîner en sa maison ; et sitôt après dîner, ils revenoient devant son hôtel, et héoient (attendoient) en la rue, jusques adonc qu’il vouloit aller aval (en bas) la rue, jouer et ébattre parmi la ville ; et ainsi le conduisoient jusques au souper. Et sachez que chacun de ces soudoyés (soldats) avoit chacun jour quatre compagnons ou gros de Flandre pour ses frais et pour ses gages ; et les faisoit bien payer de semaine en semaine. Et aussi avoit-il par toutes les villes de Flandre et les chatelleries sergents et soudoyés à ses gages, pour faire tous ses commandemens et épier s’il avoit nulle part personne qui fût rebelle à lui, ni qui dît ou informât aucun contre ses volontés. Et sitôt qu’il en savoit aucun en une ville, il ne cessoit jamais tant qu’il eut banni ou fait tuer sans déport (délai) ; jacil (celui-ci) ne s’en put garder. Et mêmement tous les plus puissants de Flandre, chevaliers, écuyers et les bourgeois des bonnes villes qu’il pensoit qui fussent favorables au comte de Flandre en aucune manière, il les bannissoit de Flandre et levoit la moitié de leurs revenues, et laissoit l’autre moitié pour le douaire et le gouvernement de leurs femmes et de leurs enfans. » (Froissart, t. I, c. lxv, p. 184.)

« Artevelde louoit qu’on teinst le roy d’Angleterre à amy »…

Sauvage, p. 143. « Ejus fœderis præcipui auctores fuere Jacob Artevelda, et Sigerus Curtracensis eques Flandrus nobilissimus. Sed hunc Ludovicus… jussu Philippi regis, Brugis decollavit. » (Meyer, p. 138 ; comp. Froissart, p. 187.)


160 — page 231Édouard fit lire dans les paroisses une circulaire au peuple…

Rymer, t. IV, p. 804. De même avant la campagne qui se termina par la bataille de Créci, il écrivit aux deux chefs des Dominicains et des Augustins, prédicateurs populaires : « Rex dilecto sibi in Christo… ad informandum intelligentias et animandum nostrorum corda fidelium… specialiter vos quibus expedire videretis clero et populo velitis patenter exponere… » (Rymer, Acta public., V, 496.)


161 — page 239Les Flamands allèrent piller Arques à côté de Saint-Omer…

Robert d’Artois les conduisait : « Par un mercredi matin il manda tous les chèvetaines de son ost, et leur dit : Seigneurs, j’ay ouy nouvelles que je m’en voise vers la ville de Saint-Omer, et que tantôt me sera rendue. Lesquels sans délay se coururent armer, et disoient l’un à l’autre : Or tost, compain : Nous bevrons encore en huy de ces bons vins de Saint-Omer. » (Chronique publiée par Sauvage, p. 156.)


162 — page 240Heureusement pour Édouard, la Bretagne prit feu…

Le comte de Montfort était venu lui faire hommage. « Quand le roi anglois eut ouï ces paroles, il y entendit volontiers, car il regarda et imagina que la guerre du Roy de France en seroit embellie, et qu’il ne pouvoit avoir une plus belle entrée au royaume, ne plus profitable, que par Bretagne ; et tant qu’il avoit guerroyé par les Allemands et les Flamands et les Brabançons, il n’avoit fait fors que frayé et dépendu grandement et grossement ; et l’avoient mené et démené les seigneurs de l’Empire qui avoient pris son or et son argent, ainsi que l’avoient voulu, et rien n’avoient fait. » (Froissart, ann. 1341, II, p. 20.) Les lettres par lesquelles Louis de Bavière révoque le titre de vicaire de l’Empire sont du 25 juin 1341.


163 — page 244Montfort avait pour lui les Bretons bretonnants…

Froissart, t. I, c. 314. « Si chevaucha le connestable premièrement Bretagne bretonnant, pourtant qu’il la sentoit tousjours plus encline au duc Jehan de Montfort, que Bretagne gallot. » — « La dame de Montfort tenoit plusieurs forteresses en Bretagne bretonnante. » — Le comte de Montfort fut enterré à Quimper-Corentin. (Sauvage, p. 175.)


164 — page 245L’adversaire de Montfort, Charles de Blois, n’était pas moins qu’un saint…

Procès-verbal et informations sur la vie et les miracles de Charles duc de Bretagne, de la maison de France, etc. Ms. de la Bibl. du Roi, 2 vol. in-fol., no 5381. D. Morice, Preuves, t. II, p. 1, en a donné l’extrait, d’après un autre manuscrit. — XXIVe témoin, Yves le Clerc, t. I, p. 147 : « Non mutabat cilicem suum, dum fuisset tanto plenum pediculis, quod mirum erat, et quando cubicularius volebat amovere pediculos a dicto cilice, ipse dominus Carolus dicebat : « Dimittatis, nolo quod aliquem pediculum amoveatis », et dicebat quod sibi malum non faciebant et quod, quando ipsum pungebant, recordabatur de Deo »…

Quand il priait Dieu, il se battait furieusement la poitrine…

« In tantum quod adstantibus videbatur quod a sensu alienatus erat, et color vultus ipsius mutabatur de naturali colore in viridem. » (XVIIe témoin, Pagan de Quélem, t. I, p. 87.)


165 — page 246Montfort se rendit, et contre la capitulation fut enfermé à la tour du Louvre…

La Chronique en vers de Guillaume de Saint-André, conseiller, ambassadeur et secrétaire du duc Jean IV, notaire apostolique et impérial, ne laisse aucun doute sur la duplicité dont on usa envers lui. (Roujoux, III, p. 178.)


166 — page 249Les fabricants, soutenus par Artevelde, écrasèrent les ouvriers…

« Malus dies lunæ (Den quaden maendach)… Pugnabant textores contra fullones ac parvum quæstum. Dux textorum Gerardus erat, quibus et Artevelda accessit. » (Meyer, p. 146.) « Lesquels ayant occis plus de quinze cents foullons, chassèrent les autres dudict mestier hors de la ville, et réduisirent ledict mestier de foullons à néant, comme il est encoires pour le jourd’huy. » (Oudegh, f. 271.)


167 — page 249Artevelde fut tué…

« Quand il eut fait son tour, il revint à Gand et entra en la ville, ainsi comme à heure de midi. Ceux de la ville qui bien savoient sa revenue, étoient assemblés sur la rue par où il devoit chevaucher en son hôtel. Sitôt qu’ils le virent, ils commencèrent à murmurer et à bouter trois têtes en un chaperon, et dirent : « Voici celui qui est trop grand maître et qui veut ordonner de la comté de Flandre à sa volonté ; ce ne fait mie à souffrir. » … Ainsi que Jacques d’Artevelle chevauchoit par la rue, il se aperçut tantôt qu’il y avoit aucune chose de nouvel contre lui, car ceux qui se souloient incliner et ôter leurs chaperons contre lui, lui tournoient l’épaule, et rentroient en leurs maisons. Si se commença à douter ; et sitôt qu’il fut descendu en son hôtel, il fit fermer et barrer portes et huis et fenêtres. A peine eurent ses varlets ce fait, quand la rue où il demeuroit fut toute couverte, devant et derrière, de gens, spécialement de menues de métier. Là fut son hôtel environné et assailli devant et derrière, et rompu par force. Bien est voir (vrai) que ceux de dedans se défendirent moult longuement et en atterrèrent et blessèrent plusieurs ; mais finalement ils ne purent durer, car ils étoient assaillis si roide que presque les trois parts de la ville étoient à cet assaut. Quand Jacques d’Artevelle vit l’effort, et comment il étoit appressé, il vint à une fenêtre sur la rue, se commença à humilier et dire, par trop beau langage et à un chef : « Bonnes gens, que vous faus ? Que vous meut ? Pourquoi êtes-vous si troublés sur moi ? En quelle manière vous puis-je avoir courroucé ? Dites-le moi, et je l’amenderai pleinement à votre volonté. » Donc répondirent-ils, à une voix, ceux qui ouï l’avoient : « Nous voulons avoir compte du grand trésor de Flandre que vous avez dévoyé sans titre de raison. » Donc répondit Artevelle moult doucement : « Certes, seigneurs, au trésor de Flandre ne pris-je oncques denier. Or vous retraiez bellement en vos maisons, je vous en prie, et revenez demain au matin ; et je serai si pourvu de vous faire et rendre bon compte que par raison il vous devra suffire. » Donc répondirent-ils, d’une voix : « Nennin, nennin, nous le voulons tantôt avoir ; vous ne nous échapperez mie ainsi : nous savons de vérité que vous l’avez vidé de piéça, et envoyé en Angleterre, sans notre sçu, pour laquelle cause il vous faut mourir. » Quand Artevelle ouit ce mot, il joignit ses mains et commança pleurer moult tendrement, et dit : « Seigneurs, tel que je suis vous m’avez fait, et me jurâtes jadis que contre tous hommes vous me défendriez et garderiez ; et maintenant vous me voulez occire et sans raison. Faire le pouvez, si vous voulez, car je ne suis que un seul homme contre vous tous, à point de défense. Avisez pour Dieu, et retournez au temps passé. Si considerez les grâces et les grands courtoisies que jadis vous ai faites. Vous me voulez rendre petit guerredon (récompense) des grands biens que au temps passé je vous ai faits. Ne savez-vous comment toute marchandise étoit périe en ce pays ? je la vous recouvrai. En après, je vous ai gouvernés en si grande paix, que vous avez eu, du temps de mon gouvernement, toutes choses à volonté, blés, laines, avoir, et toutes marchandises, dont vous êtes recouvrés et en bon point. » Adonc commencèrent eux à crier tous à une voix : « Descendez, et ne nous sermonez plus de si haut ; car nous voulons avoir compte et raison tantôt du grand trésor de Flandre que vous avez gouverné trop longuement, sans rendre compte ; ce qui n’appartient mie à nul officier qu’il reçoive les biens d’un seigneur et d’un pays, sans rendre compte. » Quand Artevelle vit que point ne se refroidiroient ni refreneroient, il recloui (referma) la fenêtre, et s’avisa qu’il videroit par derrière, et s’en iroit en une église qui joignoit près de son hôtel étoit jà rompu et effondré par derrière, et y avoit plus de quatre cents personnes qui tous tiroient à l’avoir. Finalement il fut pris entre eux et là occis sans merci, et lui donna le coup de la mort un tellier (tisserand) qui s’appeloit Thomas Denis. Ainsi fina Artevelle, qui en son temps fut si grand maître en Flandre : poures (pauvres) gens l’amontèrent (l’élevèrent) premièrement, et méchants gens le tuèrent en la parfîn. » (Froissart, II, 254-9.)


168 — page 250Si l’on en croyait l’invraisemblable récit de Froissart, etc.

« Si singlèrent ce premier jour à l’ordonnance de Dieu, du vent, et des mariniers, et eurent assez bon exploit pour aller vers Gascogne ou le roi tendoit aller. Au tiers jour… le vent les rebouta sur les marches de Cornouailles… En ce termine eut le roi autre conseil par l’ennort et information de messire Godefroy d’Harcourt qui lui conseilla qu’il prit terre en Normandie. Et dit adonc au roi : Sire, le pays de Normandie est l’un des plus gros du monde… et trouverez en Normandie grosses villes et bastides qui point ne sont fermées, ou vos gens auront si grand profit, qu’il en vaudront mieux vingt ans après. » (Froiss., II, c. ccliv, p. 296.)


169 — page 250Le pillage de la Normandie par les Anglais…

« Et fit messire Godefroy de Harcourt conducteur de tout son ost, pourtant qu’il savoit les entrées et les issues en Normandie… Si trouvèrent le pays gras et plentureux de toutes choses, les granges pleines de blés, les maisons pleines de toutes richesses, riches bourgeois, chevaux, pourceaux, brebis, moutons, et les plus beaux bœufs du monde que on nourrit en ce pays. » (Froiss., II, p. 303.) — « Ils vinrent à Barfleur… la ville fut robée et pris or, argent et riches joyaux ; car ils en trouverent si grand foison, que garçons n’avoient cure de draps fourrés de vair. » (Ibid.) — « Et furent les Anglois de la ville de Caen seigneurs trois jours et envoyèrent par barges tout leur gain, draps, joyaux, vaisselle d’or et d’argent et toutes autres richesses dont ils avoient grand’foison jusques à leur grosse navie ; et eurent avis par grand’ délibération que leur navie à (avec) tout le conquet et leurs prisonniers ils enverroient arrière en Angleterre. » (Ibid., 320.) — « Et trouva-t-on en ladite ville de Saint-Lo manants huit ou neuf mille que bourgeois, que gens de métier… on ne peut croire a la grand’foison de draps qu’ils y trouvèrent. » (Ibid., p. 311). — « Louviers adonc etoit une des villes de Normandie ou l’on faisoit la plus grand’plenté de draperie et etoit grosse, riche et marchande mais point fermée… et fut robée et pillée, sans déport et conquirent les Anglois très grand avoir. » (Ibid., p. 323.)


170 — page 251Pour animer ses gens, Édouard découvrit à Caen un acte, etc.

Rymer, III, pars I, p. 76. — Ils auraient promis de fournir 4000 hommes d’armes, 20,000 de pied dont 5000 arbalétriers tous pris dans la province, excepté 1000 hommes d’armes que le duc de Normandie pourrait choisir ailleurs, mais qui seraient payés par les Normands. Ils s’obligeaient à entretenir ces troupes pendant dix et même douze semaines. Si l’Angleterre est conquise, comme on l’espère, la couronne appartiendra dès lors au duc de Normandie. Les terres et droits des Anglais nobles et roturiers, séculiers, appartiendront aux églises, barons, nobles et bonnes villes de Normandie. Les biens appartenant au pape, à l’Église de Rome et à celle d’Angleterre, ne seront point compris dans la conquête. Robert d’Avesbury rapporte cet acte en entier d’après la copie trouvée, dit-il, à Caen, 1346. — Ce langage belliqueux, cette certitude de la conquête, s’accordent mal avec l’état pacifique où Édouard trouva le pays.


171 — page 253 et suiv.Bataille de Créci…

« Il n’est nul homme qui put accorder la vérité, spécialement de la partie des François, tant y eut pauvre arroy et ordonnance en leurs conrois (dispositions), et ce que j’en sais, je l’ai su le plus… par le gens messire Jean de Hainaut, qui fut toujours de lez le roi de France. » (Froissart, III, 357.)

Les gens du roi de Bohême lièrent leurs chevaux au sien, etc.

Froiss., I, c. cclxxxviii, p. 363. Il y a là un vieil usage barbare. Voy. la Germania, de Tacite, et les récits de la bataille de Las navas de Tolosa.

Le champ de bataille de Créci…

Froissart, c. ccxciii, p. 373. — Ibid., II, p. 375-380 : « Si en eut morts sur les champs, que par haies, que par buissons, ainsi qu’ils fuyoient, plus de sept mille. Ainsi chevauchèrent cette matinée les Anglois querants aventures et rencontrèrent plusieurs François qui s’étoient fourvoyés le samedi et mettaient tout à l’épée, et me fut dit que des communautés et des gens de pied des cités et des bonnes villes de France il y en eut mort ce dimanche au matin, plus quatre fois que le samedi que la grosse bataille fut… Les deux chevaliers messire Regnault de Cobham et messire Richard de Stanfort dirent que onze chefs de princes étoient demeurés sur la place, quatre-vingts bannerets, douze cents chevaliers d’un écu et environ 30,000 hommes d’autres gens. »


172 — page 257Les villes maritimes d’Angleterre donnèrent une flotte à Édouard…

Quelques villes de l’intérieur contribuèrent aussi, mais dans une proportion bien différente. La puissante ville d’York donna un vaisseau et neuf hommes. (Anderson, I, 322.)


173 — page 258Autour de Calais, Édouard bâtit une ville…

« Et fit bâtir entre la ville et la rivière et le pont de Nieulai hotels et maisons et couvrir lesdites maisons qui étoient assises et ordonnées par rues bien et facilement d’estrain (paille) et de genêts, ainsi comme s’il dut là demeurer dix ou douze ans, car telle étoit son intention qu’il ne s’en partiroit par hiver ni par été, tant qu’il l’eut conquise. » (Froiss., p. 385.)

Cinq cents personnes moururent de misère et de froid, entre la ville et le camp…

Knyghton, De event. Angl., l. IV. Froissart dit au contraire que non seulement il les laissa passer parmi son ost, mais encore qu’il les fit dîner copieusement. (II, p. 387.)


174 — page 259Les gens de Tournai emportèrent bravement une tour…

« Si s’avancèrent ceux de Tournai, qui bien étoient quinze cents et allerent de grand volonté cette part. Ceux de dedans la tour en navrèrent aucuns. Quand les compagnons de Tournai virent ce, ils furent tous courroucés et se mirent de grande volonté à assaillir ces Anglais. La eut dur assaut et grand, et moult de ceux de Tournai blessés, mais ils firent tant que par force et grand appertise de corps, ils conquirent cette tour. De quoi les Français tinrent ce fait à grand prouesses. » (Froiss., II, p. 449.)


175 — page 260Les Anglais haïssaient mortellement les Calaisiens, comme marins, comme corsaires…

Villani, qui devait être très bien instruit des affaires de France par les marchands florentins et lombards, dit expressément qu’Édouard était résolu à faire pendre ceux de Calais comme pirates, parce qu’ils avaient causé beaucoup de dommages aux Anglais sur mer. (Villani, l. XII, c. xcv.) — M. Dacier a comparé les récits divers des historiens (Froissart, III, 466-7). Voy. aussi une dissertation de M. Bolard, couronnée par la Société des antiquaires de la Morinie. — Aucun critique, que je sache, n’a senti toute la portée du passage de Villani.


176 — page 261Cette grande action se fit tout simplement…

C’est peut-être pour cela que les historiens contemporains ne désignent point Eustache de Saint-Pierre et ses compagnons, lorsqu’ils font mention de cette circonstance : « Burgenses procedebant cum simili forma, habentes funes singuli in manibus suis, in signum quod rex eos laqueo suspenderet vel salvaret ad voluntatem suam. » (Knyghton.) Le récit de Thomas de la Moor s’accorde avec cet historien. Villani dit qu’ils sortirent nus en chemise, et Robert d’Avesbury qu’Édouard se contenta de retenir prisonniers les plus considérables. Toutes ces données réunies forment les éléments du dramatique récit de Froissart.


177 — page 261, notePlusieurs Calaisiens se tournèrent aux Anglais, entre autres Eustache de Saint-Pierre…

Par des lettres du 8 octobre 1347, deux mois après la reddition de Calais, Édouard donne à Eustache une pension considérable en attendant qu’il ait pourvu plus amplement à sa fortune. Les motifs de cette grâce sont les services qu’il devait rendre soit en maintenant le bon ordre dans Calais, soit en veillant à la garde de cette place. D’autres lettres du même jour lui accordent la plupart des maisons et emplacements qu’il avait possédés dans cette ville et en ajoutent quelques autres. (Voy. Froiss., II, p. 473.)


178 — page 262… qu’il chassât le renard…

Ce caractère du fox-hunter anglais n’est pas moderne. Voy. au t. IV, l’entrée d’Henri V à Paris.


179 — page 264Ces décimes arrachées au clergé, les nobles en avaient bonne part…

« Illis autem diebus (1346) levabat dominus rex decimas ecclesiarum de voluntate domini papæ… et sic infînitæ pecuniæ per diversas cautelas levabantur, sed revera quanto plures nummi in Francia per tales extorquebantur, tanto magis Dominus Rex depauperabatur ; pecuniæ militibus multis et nobilibus, ut patriam et regnum juvarent et defensarent contribuebantur, sed omnia ad usus inutiles ludorum, ad taxillos et indecentes jocos contumaciter exponebantur. » (Contin. G. de Nangis, p. 108.)


180 — page 266Narbonne avait diminué, etc…

Narbonne demande qu’on lui allège les contributions de guerre : « L’inondation de l’Aude nous a extrêmement incommodés, et le nombre de feux est diminué de cinq cents depuis quatre à cinq ans ; plusieurs habitants sont réduits à la mendicité, etc. » (D. Vaissette, Hist. de Lang., IV, 231).


181 — page 267La peste noire fut terrible à Paris…

Contin. G. de Nangis, p. 110, et le traducteur contemporain de la Petite Chronique de Saint-Denis, ms. Coaslin, no 110. Bibl. Reg. — « Ad sepeliendos mortuos vix sufficere poterant. Patrem filius, et filius patrem in grabato relinquebat. » Contin. Can. de S. Victore, ms. Bibl. Reg., no 818, petit in-4o.

Elle tua dans Strasbourg 16,000 hommes qui se crurent damnés…

Voy., entre autres ouvrages, la thèse remarquable de M. Schmidt, de Strasbourg, sur les mystiques du quatorzième siècle.


182 — page 269Les flagellants chantant des cantiques qu’on n’avait jamais entendus…

« Noviteradinventas. » (Contin. G. de Nangis, III.) — M. Mazure, bibliothécaire de Poitiers, a publié un cantique fort remarquable que les frères de la Croix avaient coutume de chanter dans leurs cérémonies :

Or avant, entre nous tous frères
Battons nos charognes bien fort
En remembrant la grant misère
De Dieu et sa piteuse mort,
Qui fut pris en la gent amère
Et vendus et traïs à tort
Et battu sa char vierge et dère…
Au nom de ce, battons plus fort, etc.


183 — page 272Les jouissances égoïstes qui suivent les grandes calamités…

Thucydide nous a retracé le même effet dans la description de la peste de l’Attique. Il exprime aussi un remarquable progrès du scepticisme, lorsqu’il rappelle la fausse interprétation donnée aux paroles de l’oracle (λιμὸς, faim, pour λοιμὸς, peste).

« Ceux qui restaient, hommes et femmes, se marièrent en foule… »

« … Sed quod supra modum admirationem facit, est quod dicti pueri nati post tempus illud mortalitatis supradictæ, et deinceps dum ad ætatem dentium devenerunt, non nisi viginti dentes vel viginti duos in ore communiter habuerunt, cum ante dicta tempora homines de communi cursu triginta duos dentes et supra simul in mandibulis habuissent. » (Contin. G. de Nangis, p. 110.)


184 — page 274Modes nouvelles en France et en Angleterre…

Chaucer, 198. Gaguin, apud Spond., 488. Lingard, ann. 1350, t. IV, p. 106-7 de la trad.

Robes courtes, etc.

« Ad fugiendum coram inimicis magis apti. » (Contin. G. de Nangis, p. 105).


185 page 276Laure est épouse, elle est mère, elle vieillit, toujours adorée…

« Non tam corpus amasse quam animam… Quo illa magis in ætate progressa est… eo firmior in opinione permansi ; et si enim visibiliter in vere flos tractu temporis languesceret, animi decus augebatur… » (Pétrar., p. 356.) Il semble qu’il ait reconnu plus tard la vanité de ses amours : « Quotiens tu ipse… in hac civitate (quæ malorum tuorum omnium non dicam causa, sed officina est), postquam tibi convaluisse videbaris… per vicos notos incedens ac sola locorum facie admonitus veterum vanitatum, ad nullius occursum stupuisti, suspirasti, substitisti, denique vix lacrymas tenuisti, et mox semisaucius fugiens dixisti tecum : Agnosco in his locis adhuc latere nescio quas antiqui hostis insidias ; reliquiæ mortis hic habitant… » (De Cont. mundi., p. 360, ed. Basileæ, 1581.) — Voy. aussi, entre autres ouvrages relatifs à Pétrarque, les Mémoires de l’abbé de Sades ; l’ouvrage récent, intitulé : Viaggi di Petrarcha, l’article de la Biographie universelle, par M. Foisset, etc.

À la nouvelle de sa mort, Pétrarque écrivit cette note touchante sur son Virgile…

« Laure, illustre par ses propres vertus, et longtemps célébrée par mes vers, parut, pour la première fois à mes yeux, au premier temps de mon adolescence, l’an 1327, le 6 du mois d’avril, à la première heure du jour (six heures du matin), dans l’église de Sainte-Claire d’Avignon, et dans la même ville, au même mois d’avril, le même jour 6 et à la même heure, l’an 1348, cette lumière fut enlevée au monde, lorsque j’étais à Vérone, hélas ! ignorant mon triste sort. La malheureuse nouvelle m’en fut apportée par une lettre de mon ami Louis : Elle me trouva à Parme, la même année, le 19 mai au matin. Ce corps si chaste et si beau fut déposé dans l’église des Frères Mineurs, le soir du jour même de sa mort. Son âme, je n’en doute pas, est retournée au ciel, d’où elle était venue. Pour conserver la mémoire douloureuse de cette perte, j’éprouve un certain plaisir mêlé d’amertume à écrire ceci ; et je l’écris préférablement sur ce livre, qui revient souvent à mes yeux, afin qu’il n’y ait plus rien qui me plaise dans cette vie, et que, mon lien le plus fort étant rompu, je sois averti, par la vue fréquente de ces paroles et par la juste appréciation d’une vie fugitive, qu’il est temps de sortir de Babylone ; ce qui, avec le secours de la grâce divine, me deviendra facile par la contemplation mâle et courageuse des soins superflus, des vaines espérances et des événements inattendus qui m’ont agité pendant le temps que j’ai passé sur la terre. » (Trad. de M. Foisset, Biogr. univ., XXXI, p. 437.)


186 — page 277Le poète avait vu périr toutes ses espérances…

« Que faisons-nous maintenant, mon frère ? Nous avons tout éprouvé, et nulle part n’est le repos. Quand viendra-t-il ? où le chercher ? Le temps nous fuit, pour ainsi dire entre les doigts, nos vieilles espérances dorment dans la tombe de nos amis. L’an 1348 nous a isolés, appauvris, non point de ces richesses que les mers des Indes ou de Carpathie peuvent renouveler… Il n’est qu’une seule consolation ; nous suivrons ceux qui nous ont devancés… Le désespoir me rend plus calme. Que pourrait craindre celui qui tant de fois a lutté contre la mort :

Una salus victis nullam sperare salutem.

Tu me verras de jour en jour agir avec plus d’âme, parler avec plus d’âme ; et si quelque digne sujet s’offre à ma plume, ma plume sera plus forte. » (Petrarch. Epist. fam. Præf., p. 570.)


187 — page 277Lorsqu’il se rendit à Naples, la reine Jeanne avait succédé à Robert, etc.

« Ita me Reginæ junioris novique Regis adolescentia, ita me Reginæ alterius ætas et propositum ; ita me tandem territant aulicorum ingenia, equos duos multorum custodiæ luporum creditos video, regnumque sine rege… » (p. 639.) « Neapolim veni, Reginas adii et reginarum consilio interfui. Proh pudor ! quale monstrum. Auferat ab Italico cœlo Deus genus hoc pestis… » (Ibid., p. 640-1.) — « Nocturnum iter hic non secus atque inter densissimas silvas, anceps ac periculis plenum, obsidentibus vias nobilibus adolescentulis armatis… Quid miri est… cum luce media, inspectantibus regibus ac populo, infamis ille gladiatorius ludus in urbe itala celebretur, plusquam barbarica feritate… » (Ibid., p. 645-6.)


188 — page 278Il écrivit à Rienzi une lettre triste et inquiète…

« Cave, obsecro, speciosissimam famæ tuæ frontem, propriis manibus deformare. Nulli fas hominum est nisi tibi uni rerum tuarum fundamenta convellere, tu potes evertere qui fundasti… Mundus ergo te videbit de bonorum duce satellitem reproborum… Examina tecum, nec te fallas, qui sis, qui fueris, unde, quo veneris… quam personam indueris, quod nomen assumpseris, quam spem tui feceris, quid professus fueris, videbis te non dominum Reipublicæ, sed ministrum. » (Ibid., p. 677-8.)


189 — page 280Le roi Jean créa l’ordre de l’Étoile…

« En ce temps ordonna le roi Jean une belle compagnie sur la manière de la Table ronde, de laquelle devoient être trois cents chevaliers des plus suffisants et eut en convent le roi Jean aux compagnons de faire une belle maison et grande à son coût de lez Saint-Denis, là où tous les compagnons devoient repairer à toutes les fêtes solennelles de l’an… et leur convenoit jurer que jamais ils ne fuiroient en bataille plus loin de quatre arpents, ainçois mourroient ou se rendroient pris… Si fut la maison presque faite et encore est elle assez près de Saint-Denis ; et si il avenoit que aucuns des compagnons de l’Étoile en vieillesse eussent mestier de être aidés et que ils fussent affoiblis de corps et amoindris de chevance, on lui devoit faire ses frais en la maison bien et honorablement pour lui et pour deux varlets, si en la maison vouloit demeurer. » (Froiss., III, 53-58.)


190 — page 282Altération des monnaies par le roi Jean…

Leblanc, Traité des monnaies, ibid., p. 261. Jean avait d’abord cherché à tenir secrètes ces honteuses falsifications ; il mandait aux officiers des monnaies : « Sur le serment que vous avez au Roy, tenez cette chose secrette le mieux que vous pourrez… que par vous ne aucuns d’eux les changeurs ne autres ne puissent savoir ne sentir aucune chose ; car si par vous est sçu en serez punis par telle manière, que tous autres y auront exemple » (24 mars 1350)… « Si aucun demande à combien les blancs sont de loy, feignez qu’ils sont à six deniers. » Il leur enjoignait de les frapper bien exactement aux anciens coins, « afin que les marchands ne puissent apercevoir l’abaissement, à peine d’être déclarés traîtres. » Philippe-de-Valois avait usé autrefois de ces précautions, mais à la longue il avait été plus hardi et avait proclamé comme un droit ce qu’il cachait d’abord comme une fraude. Jean ne pouvait être moins hardi que son père. « Ja soit », dit-il, « ce que à nous seul, et pour le tout de nostre droit royal, par tout nostre royaume appartiègne de faire teles monnoyes comme il nous plaît, et de leur donner cours. » (Ord., III, p. 556.) Et comme si ce n’était pas le peuple qui en souffrait, il donnait cette ressource pour un revenu privé qu’il faisait servir aux dépenses publiques « desquelles sans le trop grand grief du peuple dudit royaume nous ne pourrions bonnement finer, si n’estoit pas le demaine et revenue du prouffit et émolument des monnoyes. » (Préf., Ord., III.)


191 — page 284 et suiv.Jean, demandant aux États son droit de joyeux avènement, se montra facile à leurs réclamations, etc.

Ord., II, p. 395, 15o et 447-8. — Ord., II, p. 408, 27o. — Ord., II, p. 344. — Ord., II, p. 350. — Ibid., p. 422, 432, 434. « Lettres par lesquelles le Roi deffend que ses gens n’emportent les matelats et les coussins des maisons de Paris où il ira loger. » Autre Ord., 435-7. — Ord., III, p. 26-29. — Ord., III, p. 22 et seq. — Froiss., III, c. cccxl, p. 450.


192 — page 287Les Anglais coururent le Languedoc, etc.

« Sachez que ce pays de Carcassonnois et de Narbonnois et de Toulousain, où les Anglois furent en cette saison, étoit en devant un des gras pays du monde, bonnes gens et simples gens qui ne savoient que c’étoit de guerre, car oncques ne furent guerroyés, ni n’avoient été en devant ainçois que le prince de Galles y conversast. » (Froissart, III, 104.) — « Ni les Anglois ne faisoient compte de peines (velours) fors de vaisselle d’argent ou de bons florins. » (Ibid., p. 103, xix addit.) « Si fut tellement pararse (brûlée) et détruite des Anglois que oncques n’y demeura de ville pour héberger un cheval, ni à peine savoient les héritiers, ni les manants de la ville rassener (assigner) ni dire de voir (vrai) : « Ci sist mon héritage. » Ainsi fût-elle menée. » (Ibid., p. 120.)


193 — page 289Bataille de Poitiers…

« Sitôt que ces gens d’armes furent là embattus, archers commencèrent à traire à exploit, et à mettre main en œuvre à deux côtés de la haye, et à verser chevaux et à enfiler tout dedans de ces longues sajètes barbues. Ces chevaux qui traits estoient et qui les fers de ces longues sajètes sentoient, se ressoignoient, et ne vouloient avant aller, et se tournoient l’un de travers, l’autre de costé, ou ils cheoient et trébuchoient dessous leurs maîtres. » (Froiss., c. ccclxvi, p. 202-206.) — « Les archers d’Angleterre portèrent très grand avantage à leurs gens, et trop ébahirent les François, car ils traioient si omniement et si épaissement, que les François ne savoient de quel costé entendre qu’ils ne fussent atteints du trait. » (Ibid., c. ccclvii, p. 204.) — « Dit messire Jean Chandos au prince : « Sire, sire, chevauchez avant, la journée est vostre. Dieu sera huy en vostre main ; adressons-nous devers vostre adversaire le roi de France ; car cette part gît tout le sort de la besogne. Bien sçais que par vaillance il ne fuira point ; si vous demeurera, s’il plaît à Dieu et à saint Georges… » Ces paroles évertuèrent si le prince, qu’il dit tout en haut : « Jean, allons, allons, vous ne me verrez mais huy retourner, mais toujours chevaucher avant. » Adoncques, dit à sa bannière : « Chevauchez avant, bannière, au nom de Dieu et de saint Georges. » (Ibid., c. ccclviii, p. 205.)

Trois fils du roi se retirèrent par l’ordre de leur père…

Je suis ici le Continuateur de Guillaume de Nangis de préférence à Froissart. Voyez l’importante lettre du comte d’Armagnac, publiée par M. Lacabane, dans son excellent article Charles V, Dictionnaire de la Conversation.

Jean donna ordre aux siens de mettre pied à terre…

Froissart n’y voit que le côté chevaleresque : « Et ne montra pas semblant de fuir ni de reculer quand il dit à ses hommes : « À pied ! à pied ! » Et fit descendre tous ceux qui à cheval estoient, et il mesme se mit à pied devant tous les siens, une hache de guerre en ses mains, et fit passer avant ses bannières au nom de Dieu et de saint Denys. » (Ibid., c. ccclx, p. 211.)


194 — page 291L’insolente courtoisie des Anglais…

« Si étoit le roi de France monté sur un grand blanc coursier, très bien arréé et appareillé de tout point, et le prince de Galles sur une petite haquenée noire de lès lui. Ainsi fut-il convoyé tout le long de la cité de Londres… » (Froiss., c. ccclxxv, p. 267-8.) — « Un peu après fut le roi de France translaté de l’hôtel de Savoie et remis au chastel de Windsor, et tous ses hostels et gens. Si alloit voler, chasser, déduire et prendre tous ses esbattements environ Windsor, ainsi qu’il lui plaisoit. » (Ibid., p. 269.)


195 — page 294Marcel fortifie Paris…

« Sur la rive gauche, les progrès de la population n’ayant guère été sensibles, il n’y eut qu’à réparer les murailles et à les reculer de deux ou trois cents pas. Mais sur la rive droite, où les Parisiens se portaient de préférence, Marcel dut ordonner qu’on construisît une muraille flanquée de tours. Cette muraille, partant de la porte Barbette, sur le quai des Ormes, passait par l’Arsenal, les rues Saint-Antoine, du Temple, Saint-Martin, Saint-Denis, Montmartre, des Fossés-Montmartre, la place des Victoires, l’hôtel de Toulouse (la Banque actuelle), le jardin du Palais-Royal, la rue Richelieu, et arrivait à la porte Saint-Honoré par la rue de ce nom, et jusqu’au bord de la Seine. Sur les deux rives du fleuve, des bastilles furent construites pour protéger les portes, et l’on fortifia d’un fossé l’île Saint-Louis, qu’on appelait en ce temps-là l’île Notre-Dame, afin qu’elle pût, dans le besoin, devenir un lieu de refuge pour les habitants de Paris.

« Ces travaux, poussés avec une activité extrême, se continuèrent durant quatre années, et coûtèrent cent quatre-vingt-deux mille cinq cent vingt livres parisis, qui font huit cent mille livres de notre monnaie, somme énorme pour ce temps-là. Tout l’honneur en revient à Étienne Marcel ; à une époque où Paris était si souvent menacé, personne, avant lui, n’avait pensé qu’il fût nécessaire de le mettre en état de défense. » (Perrens, Étienne Marcel, 1860).


196 — page 295Paris entre le Louvre et le Temple…

Le parloir aux bourgeois, siège des délibérations des échevins, était situé aux environs du Châtelet. Marcel acheta aux frais de la municipalité, en 1357, sur la place de Grève, l’hôtel du Dauphin ou la maison aux piliers. L’Hôtel de Ville ne fut commencé qu’en 1525.


197 — page 301Paris voyait arriver par toutes ses portes les paysans avec leurs familles, etc.

« Duce Normandiæ, qui regnum jure hæreditario… defendere et regere tenebatur, nulla remedia apponente, magna pars populi rusticani… ad civitatem Parisiensem… cum uxoribus et liberis… accurrere… Nec parcebatur in hoc Religiosis quibuscumque. Propter quod monachi et moniales… sorores de Poissiaco, de Longocampo, etc. » (Contin. G. de Nangis, p. 116.)


198 — page 301Robert le Coq…

M. Perrens s’est attaché à réfuter les calomnies qui ont obscurci ce caractère. (Étienne Marcel. 1860.) Voir aussi sur Le Coq la judicieuse appréciation qu’en fait M. Henri Martin, t. V, (1858).


199 — page 301 et suiv.La remontrance des États…

Ms. de la Bibliothèque royale, fonds Dupuy, no 646, et Brienne, no 276.

Les États exigeaient que le Dauphin gouvernât avec l’assistance de trente-six élus…

Un document publié par M. Douet d’Arcq en donne la liste, lorsqu’une nouvelle victoire de la bourgeoisie modifia la composition de ce conseil. Le clergé obtint d’y être représenté par onze prélats, les nobles par six des leurs, le tiers par dix-sept bourgeois. (Bibliothèque de l’École des Chartes, t. II, p. 360 et suiv. Voy. Perrens, Étienne Marcel. 1860.)

D’autres élus envoyés dans les provinces pouvaient punir sans forme de procès…

« Sans figure de jugement. » Commission des trois élus des États pour les diocèses de Clermont et de Saint-Flour, 3 mars 1356 (1357). (Ordonn., IV, 181.)

L’aide « ne serait levée que par de bonnes gens, ordonnés par les États »…

« Lesquels jureront aux saints évangiles de Dieu qu’ils ne donneront ni distribueront ledit argent à notre seigneur le Roy, ni à nous, ni à d’autres, si ce n’est aux gens d’armes… Et si aucun de nos officiers vouloit le prendre, nous voulons que lesdits receveurs puissent leur résister, et s’ils ne sont assez forts qu’ils appellent leurs voisins des bonnes villes (art. 2). Le duc de Bourgogne, le comte de Flandre et autres nobles ou députés des villes, qui ne sont pas venus aux États, sont requis d’y venir à la Quasimodo, avec intimation que s’ils ne viennent, ils seront tenus à ce qu’auront ordonné ceux qui y viendront (article 5). » (Ordonn., III, 126-7.)

Le droit de prise cesse…

« Seulement, dans les voyages du roi, de la reine et du dauphin, leurs maîtres d’hôtel pourront, hors des villes, faire prendre par les gens de la justice du lieu des tables, des coussins, de la paille, et des voitures, le tout en payant, et seulement pour un jour. » (Ibid.)

On défend aux magistrats de faire le commerce…

Défense aux conseillers et officiers de faire marchandise. « Les denrées sont aucunes foiz par leurs mauvaistiez grandement enchéries ; et qui pis est, pour leur gautesse, il est peu de personnes qui osent mettre aux denrées que eulz ou leurs facteurs pour eux bent avoir ou acheter… » (Art. 31, Ibid.)

Le Grand-Conseil, le parlement, la chambre des Comptes, doivent s’assembler au soleil levant…

Ceci n’est pas dans l’ordonnance, mais dans la remontrance déjà citée. On y dit aussi « que ceux qui vouloient gouverner n’étant que deux ou trois, les choses souffroient de longs délais ; que ceux qui poursuivoient la court, chevaliers, écuyers et bourgeois, étoient si dommagés par ces délais, qu’ils vendoient leurs chevaux, et partoient sans réponse, mal contens, etc. (Ms. de la Bibl. royale, fonds Dupuy, no 646, et Brienne, no 276.)


200 — page 305La royauté ne vivait que d’abus…

M. Perrens dit très bien : « Il n’est point vrai de dire que, pour faire contrepoids à la noblesse, le pouvoir royal fit alliance avec les classes populaires : il se servait tantôt de l’une, tantôt des autres, et, à la faveur de leurs discordes, poussait chaque jour plus loin ses empiètements et ses progrès. Si la nation s’est affranchie à la longue, ce n’est point par son concours, mais malgré les obstacles qu’il mettait sur sa route. L’histoire de nos rois n’est, le plus souvent, qu’une longue suite de conjurations contre leurs sujets, conjurations qu’ils croyaient légitimes, puisqu’ils se regardaient comme investis d’un droit supérieur pour commander aux autres hommes. Que fût-il arrivé, si les successeurs de Hugues-Capet, si les Valois et les Bourbons eussent fait le personnage populaire qu’on a cru voir dans leur histoire ? Selon toute apparence, la Révolution française en eût été avancée de quelques siècles, et elle n’eût coûté ni tant de sang ni tant de ruines. »


201 — page 306Dans cette dissolution du royaume, la Commune restait vivante…

« Étienne Marcel donnait tous ses soins à l’organisation des milices bourgeoises, qui existaient depuis longtemps, mais qui manquaient de discipline. Il donna à chaque quartier un chef militaire qui, sous le nom de quartenier, commandait aux cinquantainiers, lesquels commandaient à cinquante hommes, et aux dizainiers qui en commandaient dix. Ainsi, les ordres du prévôt des marchands, communiqués directement aux quarteniers, l’étaient par ceux-ci aux cinquantainiers et par les cinquantainiers aux dizainiers, qui pouvaient en peu de temps réunir leurs hommes et se tenir prêts à tout événement. La charge de quartenier avait pris par là une grande importance ; Marcel la releva encore en la rendant élective… »

Marcel entrait en même temps dans les moindres détails de l’administration municipale. Il enjoint aux Parisiens, par une ordonnance, « de maintenir la propreté dans les rues, chacun devant sa maison, et de ne point laisser leurs pourceaux en liberté, s’ils ne les voulaient voir tuer par les sergents ».

Ces règlements de police étaient d’autant plus nécessaires qu’à cette époque la population de Paris s’était accrue d’un grand nombre d’habitants des campagnes, qui venaient y chercher un abri.

Marcel ne ferma jamais les portes à ces malheureux, et préserva Paris jusqu’au dernier moment de la famine et de la peste. (Perrens, Étienne Marcel. 1860.)


202 — page 307Le roi de Navarre revint à Paris…

« Et mesmement le duc de Normandie le festa grandement. Mais faire le convenoit, car le prévost des marchands et ceux de son accord le ennortèrent à ce faire. » (Froissart, III, p. 290.)


203 — page 308À Rouen, il fit descendre du gibet le corps de ses amis, etc.

« Le corps du comte d’Harcourt avait déjà été enlevé depuis longtemps. Les trois autres corps furent ensevelis par trois rendus (frères convers) de la Madeleine de Rouen. Chacun de ces corps fut ensuite mis dans un coffre, et il y eut un quatrième coffre vide en représentation du comte d’Harcourt. Ce dernier coffre fut mis dans un char à dames. » (Secousse, p. 165.) — « Campanis pulsatis… sermone per ipsum regem prius facto, ubi assumpsit thema istud : Innocentes et recti adhæserunt mihi (Ps. xxiv, 21). » (Cont. G. de Nangis.)


204 — page 308Le dauphin prêchait aussi à Paris, etc.

Le dauphin voulait, disait-il, vivre et mourir avec eux ; les gendarmes qu’il réunissait étaient pour défendre le royaume contre les ennemis qui le ravageaient impunément par la faute de ceux qui s’étaient emparés du gouvernement ; il aurait déjà chassé ces ennemis s’il avait eu l’administration de la finance, mais il n’avait pas touché un denier ni une maille de tout l’argent levé par les États. — Marcel, averti de l’effet produit par ce discours, fit à son tour assembler le peuple à Saint-Jacques-de-l’Hôpital. Le duc y vint, mais ne put se faire entendre. Consac, partisan du prévôt, parla contre les officiers ; il y avait tant de mauvaises herbes, disait-il, que les bonnes ne pouvaient fructifier. L’avocat Jean de Saint-Onde, un des généraux des aides, déclara qu’une partie de l’argent avait été mal employée, et que plusieurs chevaliers, qu’il nomma, avaient reçu, par ordre du duc de Normandie, 40.000 ou 50.000 moutons d’or. « Si comme les rooles le notoient. » (Secousse, Hist. de Charles-le-Mauvais, 170.)


205 — page 311Pour encourager les bourgeois par la vue de leur nombre, etc.

« Dans la première semaine de janvier, ceulx de Paris ordonnèrent que ils auroient tous chapperons my-partis de drap rouge et pers. » Ms. « Outre ces chaperons, les partisans du prévôt portèrent encore des fermeilles d’argent mi-partiz d’esmail vermeil et asuré, au dessous avoir escript à bonne fin, en signe d’alience de vivre et morir avec ledit prévôt contre toutes personnes. » (Lettres d’abolition du 10 août 1358. Secousse, ibid., p. 163.)


206 — page 311À Paris les vivres devenaient rares et chers…

« Admirantibus de hoc et dolentibus præposito mercatorum et civibus, quod per regentem et nobiles qui circa eum erant non remediabatur, ipsum pluries adierunt exorantes… Qui optime eis facere promittebat, sed… Quinimo magis gaudere de malis insurgentibus in populis et afflictionibus, et tunc et postea Nobiles videbantur. » (Cont. G. de Nangis, p. 116.)


207 — page 313Le meurtre des conseillers du dauphin avait été probablement imposé au prévôt par Charles-le-Mauvais…

M. Perrens objecte que le roi de Navarre n’était pas à Paris, « il ne savait qu’à moitié ce qui s’y passait, au lieu que Marcel et les autres chefs de la bourgeoisie, voyant de leurs yeux les deux maréchaux à l’œuvre, et leur opposition constante à l’autorité des États, avaient de plus pressantes raisons de se venger. » (Perrens, Étienne Marcel. Note de 1860.) — Ce qui est certain, c’est que la mort des maréchaux fut résolue dans l’assemblée des métiers à Saint-Éloi, et qu’on ne voulut point surseoir à l’exécution. — « Quod utinam nunquam ad effectum finaliter devenisset. Et fuit istud prout iste præpositus cum suis me et multis audientibus confessus est. » (Cont. G. de Nangis, p. 116.)


208 — page 314Plusieurs des commissaires des États ne voulurent plus gouverner…

« Or vous dis que les nobles du royaume de France, et les prélats de la sainte Église se commencèrent à tanner de l’emprise et ordonnance des trois États. Si en laissoient le prévost des marchands convenir et aucuns des bourgeois de Paris. (Froiss., III, ch. ccclxxxii, p. 287. Conf. Matt. Villani, l. VIII, c. xxxviii, 492.)


209 — page 314Paris se chargeait de gouverner la France. La France ne le voulut pas…

« Rien ne peut donner l’idée de l’esprit d’opposition qui régnait dans les provinces : les habitants relevaient avec aigreur des détails sans importance, par exemple, le traitement que recevaient les députés chargés de lever le subside… On accusait Marcel et les siens de ne se servir de leur pouvoir que pour piller le royaume et amasser des richesses immenses. » (Perrens, Étienne Marcel. 1860.)


210 — page 314Le dauphin à Compiègne aux États de Vermandois…

« Ut illos principales occidi faceret, vel si non posset… expugnaret viriliter civitatem et tam diu dictam urbem Parisiensem… per impedimentum suorum victualium molestaret. » (Contin. G. de Nangis, p. 117.)


211 — page 315Marcel envoya en Avignon louer des brigands…

Jean Donati partit le 8 mai 1358 pour Avignon, portant à Pierre Maloisel 2,000 florins d’or au Mouton, de la part de Marcel, qui l’avait chargé de lever des brigands, et pour y acheter des armes. — Marcel avait aussi dans Paris, dit Froissart, un grand nombre de gens d’armes et soudoyers Navarrois et Anglois, archers et autres compagnons. (Secousse, p. 224-3. Voy. aussi Perrens, Étienne Marcel. 1860) : « Il envoyait de toutes parts pour enrôler des hommes aguerris et pour acheter des armes. Mais presque partout il était victime des malversations de ses agents et de la mauvaise foi des mercenaires… Marcel y vit, non sans raison, combien il lui serait difficile de se faire une armée, et par suite, de quelle importance il était de gagner définitivement le roi de Navarre, qui en avait une. »


212 — page 315Dans cette guerre chevaleresque, etc.

« Les chevaliers et les écuyers rançonnoient-ils assez courtoisement, à mise d’argent, ou à coursiers ou à roncins ; ou d’un pauvre gentilhomme qui n’avait de quoi rien payer, le prenoient bien le service un quartier d’an, ou deux ou trois. » (Froissart, III, 333.)


213 — page 319Le long de la Somme, on comptait trente de ces souterrains…

Ces souterrains paraissent avoir été creusés dès l’époque des invasions normandes. Ils furent probablement agrandis d’âge en âge. Une partie du territoire du Santerre, qui à elle seule possédait trois de ces souterrains, était appelée Territorium sanctæ liberationis. (Mém. de l’abbé Lebeuf, dans les Mém. de l’Acad. des inscr., XXVII, 179.)


214 — page 320, note 2Famine de 1358…

Les ecclésiastiques eux-mêmes souffrirent beaucoup : « Multi abbates et monachi depauperati et etiam abbatissæ varia et aliena loca per Parisios et alibi, divitiis diminutis, quærere cogebantur. Tunc enim qui olim cum magna equorum scutiferorum caterva visi fuerant incedere, nunc peditando unteo famulo et monacho cum victu sobrio poterant contentari. » (Contin. G. de Nangis, II, 122.) — La misère et les insultes des gens de guerre inspirèrent souvent aux ecclésiastiques un courage extraordinaire. Nous voyons dans une occasion le chanoine de Robesart abattre trois Navarrais de son premier coup de lance. Ensuite il fit merveille de sa hache. L’évêque de Noyon faisait aussi une rude guerre à ces brigands. (Froissart, II, 353. Secousse, I, 340-1.)


215 — page 320On appelait par dérision le paysan Jacques Bonhomme…

Contin. G. de Nangis. Les autres étymologies sont ridicules. Voy. Baluze, Pap. Aven., I, 333, etc.


216 — page 320Qui aurait craint de maltraiter Jacques Bonhomme ?…

« Quand on était dans les bons jours, que l’on ne voulait pas tuer ou qu’on ne le voulait que par hasard et par accident, il y avait une facétie qui se reproduisait souvent et qui était devenue traditionnelle. On enfermait le mari dans la huche où l’on pétrit le pain, et, jetant la femme dessus comme sur un lit, on la violait. S’il y avait quelque enfant dont les cris importunaient, au moyen d’un lien très court on attachait à cet enfant un chat retenu par un de ses membres. Voyez-vous d’ici la figure de Jacques Bonhomme sortant de sa huche, blêmissant encore de rage sous cette couche de farine qui le rend grotesque et lui ôte jusqu’à la dignité de son désespoir ; le voyez-vous retrouvant sa femme et sa fille souillées, son enfant ensanglanté, dévisagé, tué quelquefois par le chat en fureur ? » (Bonnemère, Histoire des Paysans. Note de 1860.)


217 — page 321Les Jacques payèrent à leurs seigneurs un arriéré de plusieurs siècles…

« Quærentes nobiles et eorum maneria cum uxoribus et liberis exstirpare… Dominas nobiles suas vili libidine opprimebant. » (Cont. G. de Nangis, 119.)


218 — page 321Les Jacques allaient sous un capitaine, etc.

« Chaque village voulait avoir son chef, et au lieu de le prendre parmi les plus forcenés, ces paysans, qui paraissent dans l’histoire comme des bêtes fauves, s’adressaient de préférence au plus honorable, au plus considérable et souvent au plus modéré. Dans le Valois, on trouve au nombre de ces chefs Denisot Rebours, capitaine de Fresnoy ; Lambert de Hautefontaine, frère de Pierre de Demeuille, qui était président au Parlement et conseiller du duc de Normandie ; Jean Hullot d’Estaneguy, « homme de bonne fame et renommée », disent les lettres de rémission ; Jean Nerenget, curé de Gélicourt ; Colart, le meunier, gros bourgeois de la comté de Clermont ; la dame de Bethencourt, fille du seigneur de Saint-Martin le Guillart. » (Perrens, Étienne Marcel, d’après le Trésor des Chartes. 1860.)


219 — page 321Les nobles se mirent à tuer et à brûler tout dans les campagnes…

Chateaubriand, Études hist., édit. 1831, t. IV, p. 170 : « Nous avons encore les complaintes latines que l’on chantait sur les malheurs de ces temps, et ce couplet :

Jacques Bonhomme,
Cessez, cessez, gens d’armes et piétons,

De piller et manger le Bonhomme,
Qui de longtemps Jacques Bonhomme
Se nomme. »

Ce couplet est-il bien ancien ? — Pour les complaintes latines, voy. Mém., collection Petitot, t. V, p. 181.


220 — page 322Marcel avait intérêt à soutenir les Jacques…

« Si Marcel était trop politique pour ne pas profiter d’une diversion si opportune, il ne pouvait ni la prévoir, puisqu’elle ne fut pas concertée, ni la provoquer, puisque, malgré l’alliance de quelques bonnes villes, il n’exerçait directement aucune action hors de Paris. Tous ses actes sont d’un homme que les événements ont surpris et qui ne songe qu’après coup à en tirer parti. « Plaise vous sçavoir, écrivait-il le 11 juillet (1358), que lesdites choses furent en Beauvoisis commencées et faictes sans nostre sceu et volenté. » On objecte qu’il avait intérêt à nier la part qu’il venait de prendre à la Jacquerie ; mais il ne la nie que pour les premiers jours. » (Perrens.) — « … Et mieuls ameriens estre mort que avoir apprové les fais par la manière qu’ils furent commencié par aucuns des gens du plat paiis de Beauvoisis, mais envoiasmes bien trois cens combatans de noz gens et lettres de credance pour euls faire désister de grans mauls qu’il faisoient, et pour ce qu’il ne voudrent désister des choses qu’il faisoient, ne encliner à nostre requeste, nos gens se départirent d’euls et de nostre commandement firent crier bien en soixante villes sur paine de perdre la teste que nuls ne tuast femmes, ne enfans de gentil homme, ne gentil femme, se il n’estoit ennemi de la bonne ville de Paris, ne ne robast, pillast, ardeist, ne abatist maisons qu’il eussent, et au temps de lors avoit en la ville de Paris, plus de mille que gentils hommes que gentils femmes et y estoit ma dame de Flandres, ma dame la royne Jehanne et ma dame d’Orliens, et à tous on ne fit que bien et honneur et encores en y a mil qui y sont venus à seurté, ne à bons gentils hommes, ne à bonnes gentils femmes qui nul mal n’ont fait au peuple, ne ne veulent faire, nous ne volons nul mal… » (Lettre d’Étienne Marcel aux bonnes villes de France et de Flandre, publiée par M. Kervyn de Lettenhove, dans les Bullet. de l’Acad. roy. de Belg., t. XX, no 9.)

Il avait profité du soulèvement pour détruire plusieurs forteresses autour de Paris…

« Quand Marcel vit les efforts intelligents de Guillaume Calle pour former un faisceau de tant de bandes dispersées, il comprit le parti qu’on pouvait tirer de cette nouvelle force en la réglant. C’est pourquoi, sur divers points, il indiqua aux Jacques les chefs qu’ils devaient choisir, tandis qu’ailleurs il communiquait avec ceux qu’ils avaient élus d’eux-mêmes… il leur recommandait de raser tous les châteaux qui pouvaient nuire aux Parisiens. S’il redoutait les ravages et les meurtres inutiles, il acceptait le but de cette guerre, qui devait être l’abaissement de la noblesse.

« Mais bientôt il put se convaincre qu’il ne suffisait pas de diriger de loin, par ses conseils, des alliés indociles, et qu’il fallait tout ensemble leur envoyer des hommes d’armes et des chefs qui leur donnassent l’exemple. Il organisa une double expédition de Parisiens et de mercenaires à leur solde. L’une, sous les ordres de l’épicier Pierre Gilles et de l’orfèvre Pierre Desbarres, devait attaquer les châteaux, principalement au sud de Paris… L’autre, dirigée par Jean Vaillant, prévôt des monnaies, devait se joindre à Guillaume Calle… »

La bourgeoisie parisienne, en prenant part à la Jacquerie, communiqua sa modération aux chefs et aux paysans. « C’est un fait certain que, partout où elle parut, la vie même de ses plus cruels ennemis fut respectée : il n’y a rien à sa charge dans le volumineux recueil du Trésor des Chartes, ni dans les chroniqueurs, si ce n’est la ruine de quelques châteaux qui la menaçaient incessamment. On y voit même que les colonnes bourgeoises parcouraient le pays en annonçant, au nom du prévôt des marchands, qu’il était défendu, sous peine de mort, de tuer les femmes ou les enfants des gentilshommes ; elles offraient en outre un asile aux familles de leurs ennemis, lorsque ces familles ne portaient pas un nom trop notoirement odieux aux Parisiens. » (Perrens, Étienne Marcel. 1860.)


221 — page 323Les nobles firent tant de mal au pays, etc.

Marcel trace le tableau de cette effroyable réaction dans la lettre qu’il écrit, le 11 juillet 1358, « aux bonnes villes de France et de Flandre » : « Nous pensons que vous avez bien oy parler comment très-grant multitude de nobles, tant de vostre paiis de Flandres, d’Artois, de Boulonnois, de Guinois, de Ponthieu, de Haynault, de Corbiois, de Beauvoisis et de Vermendois, comme de plusieurs autres lieux par manière universele de nobles universaument contre non nobles, sens faire distinction quelconques de coupables ou non coupables, de bons ou de mauvais, sont venuz en armes par manière d’ostilité, de murdre et de roberie, de ça l’yaue de la Somme et aussi deça l’yaue d’Oise, et combien que à plusieurs d’euls rien ne leur ait esté meffait, toutevoies ils ont ars les villes, tué les bonnes gens des paiis, sens pitié et miséricorde quelconques, robe et pillié tout quanques il ont trouvé, femmes, enfans, prestres, religieux, mis à crueuses gehines pour savoir l’avoir des gens et ycels prendre et rober, et plusieurs d’iceuls fait morir ès gehines… les pucelles corrompues et les femmes violées en présence de leurs maris, et briefment fait plus de mauls plus cruelment et plus inhumainement que oncques ne firent les Wandres, ne Sarrasins… et encore ès-dits mauls persévèrent de jour en jour, et tous marchans qu’ils trouvent mettent à mort, en raençonnent et ostent leurs marchandises, tout homme non noble de bonnes villes ou de plat paiis et les laboureurs tous mettent à mort et robent et dérobent… Et bien savons que monseigneur le duc (le régent), nous, noz biens et de tout le plat paiis a mis en habandon aus nobles et de ce qu’il ont fait et feront sur nous, les a advoez, ne n’ont autres gaiges de li que ce que il peuvent rober, et combien que lidit noble, depuis la prise du roy nostre sire, ne soient volu armer contre les ennemis du royaume, si comme chascun a veu et sceu, ne aussi monseigneur le duc, toutevoies contre nous se sont armé et contre le commun, et pour la très-grant hayne qu’ils ont à nous, et à tout le commun et les grant pilles et roberies que il font sur le peuple, il en vient grant et si grant quantité que c’est merveille. » (Lettre d’Étienne Marcel aux bonnes villes de France et de Flandre, publiée par M. Kervyn de Lottenhove. — Voy. aussi Perrens.)

Le régent, qui n’eut pas un mot de blâme pour les gentilshommes qui s’étaient rendus coupables de ces meurtres et de ces spoliations, nous apprend lui-même qu’au mois d’août (1358) les nobles continuaient « de piller, de voler, de violer dans les environs de Reims (et ailleurs), malgré les défenses par lui faites ». Les habitants de diverses villes, entre autres Saint-Thierry, Talmersy, le Grand et le Petit-Pouillon, Villers-Sainte-Anne, Chenay, Chalon-sur-Vesle et Villers-Franqueux voulurent s’opposer à ces indignes traitements ; les nobles en tuèrent plus de cinquante. Cependant le prévôt forain de Laon accuse les bourgeois d’avoir attaqué les gentilshommes au service du régent et les veut condamner à l’amende, « et que pis est lez diz nobles accompaigniez de plusieurs autres se soient depuis efforciez et s’efforcent encore de jour en jour de chevauchier et chevauchent continuellement ès dites villes de mettre à mort et peurs genz et chevaux de harnais et autres, à rançonner villes et genz, pour lesquelles choses il a convenu tous les diz habitanz desdites villes aler demourer hors d’icelles sanz que aucun y soit demouré, mais sont les maisons demourées vagues et les biens qui sont ou pais perissent aus champs et aussi les autres heritages demeurent gastes, incultives et inutiles, dont très grant domage et inconveniens se pourroient ensuir, car le pais en pourroit estre desers, les villes despeupliees et la bonne ville de Remz perie laquelle des villes du plat pais se gouverne par ycelle. » (Lettres de rémission pour les habitants de Saint-Thierry, etc. : Trésor des Chartes, Reg. 86, fo 130). Voy. Perrens : « Le régent avoue, dans les lettres de rémission, que les nobles incendiaient et détruisaient des villes qui n’avaient pris aucune part à la Jacquerie, par exemple, dans la seule prévôté de Vitry, Heislemarrois, Strepey, Vitry, Bugnicourt et Dully. » (Lettres de rémission pour les habitants de Heislemarrois, etc. : Trésor des Chartes, Reg. 81, fo 122). — « Les incendies qu’ils allumèrent, dit le Continuateur de Nangis, font encore verser des larmes. »

Lire Perrens, chapitre X, sur cette réaction nobiliaire : « Les cruautés des nobles et de leurs hommes d’armes surpassèrent celles des paysans par le nombre et la durée. » Froissart parle de cent mille hommes qui auraient pris part à la Jacquerie, tandis que le Continuateur de Nangis dit six mille seulement. — La Jacquerie avait commencé le 21 mai 1358, et non en novembre 1357, comme le dit Froissart. « Le 9 juin, jour du départ de l’expédition contre Meaux, elle était déjà terminée : elle avait donc, en réalité, duré moins de trois semaines. Les représailles des nobles étaient déjà commencées le 9 juin, et au mois d’août, quand le régent rentra dans Paris, elles duraient encore : elles avaient eu pour théâtre à peu près tout le pays de langue d’Oil. » (Étienne Marcel. 1860.)


222 — page 326Combat de la porte Saint-Honoré…

Voy. dans Perrens la discussion de ce fait, si Marcel rentra en ville avant ou après le combat de la porte Saint-Honoré. « Il est probable que si Marcel était rentré avant le combat, il n’en eut la nouvelle que lorsque la lutte était terminée. » (1860.)


223 — page 329Les meurtriers de Marcel s’en allèrent éveillant le peuple, etc.

« Ceux qui le matin avaient pris les armes pour « vivre et mourir avec les chefs du peuple », déclaraient, le soir, ne s’être armés que pour ouvrir les portes au régent. En un instant, tous les chaperons rouges et pers (bleu foncé) avaient disparu, et chacun donnait des marques bruyantes d’une joie qui n’était pas dans les cœurs. »

Parmi ceux qui donnèrent l’exemple de la résistance aux vainqueurs, il faut nommer surtout Nicolas de la Courtneuve. « Garde de la Monnaie à Rouen, il avait été nommé par Marcel aux mêmes fonctions à la Monnaie de Paris. Il resta à son poste, et il sut empêcher qu’aucun des ouvriers soumis à ses ordres ne se prononçât pour Maillart et le régent. Le lendemain de la mort du prévôt, Jean le Flament, maître de la Monnaie du roi, s’étant présenté à l’hôtel des Monnaies pour en prendre possession et s’en faire remettre les clefs, Nicolas de la Courtneuve refusa d’obéir, attendu, dit-il, qu’on ne savait pas encore qui était le seigneur Lorsque, enfin, il se fut assuré qu’il n’y avait plus d’espérance, plutôt que de remettre les clefs à un officier du régent, il les donna à Pierre le Maréchal, que Marcel avait nommé maître particulier des monnaies. » (Perrens, Étienne Marcel. 1860.)


224 — page 329Le parti de Marcel survécut à son chef…

« Les forces de cette opposition étaient sans doute considérables, quoique les auteurs n’en parlent point, puisque, avant de rentrer dans Paris, le régent crut qu’il était nécessaire de nommer une commission chargée d’admettre les turbulents à composition moyennant finance. » (Perrens, d’après Trésor des Chartes, Reg. 86, p. 431.)

Une conspiration pour venger Marcel…

Trésor des Chartes, Reg. 90, p. 382. Secousse. — Voy. dans Perrens le complot et la mort héroïque de Martin Pisdoé, « changeur fort riche et fort estimé ». (Décembre 1359, chap. xv. 1860.)


225 — page 329Le dauphin fit rendre à la veuve de Marcel, etc.

« Marguerite des Essarts, veuve d’Étienne Marcel, ne voulut point se remarier. Ce fut en souvenir des services rendus par son père, Pierre des Essarts, à Philippe-de-Valois que le régent lui fit restituer tous ses biens meubles et accorder pour elle et ses six enfants en bas âge une rente annuelle de soixante livres parisis, faible compensation de la perte des trois mille écus d’or qu’elle avait apportés en dot, et de tous les biens de Marcel. » (Perrens, chap. xiv. Trésor des Chartes, Reg. 90, fo 49. 1860.)


226 — page 329Marcel tue les États en les faisant comme il les veut.

Ce fut un des principaux griefs contre Marcel qu’il ait peu à peu laissé convertir le conseil en une réunion secrète de ses seuls amis qu’il présidait lui-même et qui s’imposait aux Parisiens comme la seule autorité. À cela l’on répond qu’il était naturel que le prévôt s’appuyât sur ses amis et ne mit pas ses adversaires dans le secret de ses desseins. Ces conciliabules secrets n’en excitèrent pas moins les accusations les plus passionnées, et quand plus tard le dauphin accorda des lettres de rémission à la ville de Paris, il eut soin d’en excepter les membres du conseil secret, comme coupables de haute trahison. (Voy. Perrens, Étienne Marcel. 1860.)


227 — page 336Il y eut des confiscations et des supplices contre le parti de Marcel…

« Le régent ne se contenta pas de dépouiller ceux dont il épargnait la vie : il prenait les biens de ceux-là mêmes que la hache avait frappés, en sorte que personne, en mourant, ne pouvait se flatter d’avoir épuisé la vengeance royale… — Ses rigueurs ne frappaient pas seulement les citoyens qui étaient suspects d’avoir pris une part active à la révolution populaire ; la vengeance royale s’acharnait jusque sur les boulangers qui avaient fourni du pain, fût-ce par contrainte, à la faction vaincue. Les personnes qu’on arrêtait pour les mettre à mort étaient soumises à des tortures affreuses, et on leur arrachait ainsi tous les aveux qu’on voulait, même les moins véritables. » (Perrens, Étienne Marcel, c. xiv. 1860.)


228 — page 336Détresse de Paris en 1359…

« Unde arbores per itinera et vineas incidebantur, et annulus lignorum, qui ante pro duobus solidis dabatur, nunc pro unius floreni pretio venditur. » (Contin. G. de Nangis, p. 121.) — « Quarta autem boni vini… viginti quatuor solidi. » (Ibid., p. 125, conf. 129.)


229 — page 337Les gens de Touraine, etc., achetaient aux Anglais des sauf-conduits…

« Nullus salvus, nisi ab eis salvum conductum litteratorie obtinebat. » (Cont. G. de Nangis, p. 122.) « … Se eis tributarios reddiderunt. » (Ibid., p. 125.)


230 — page 340Le roi d’Angleterre n’osa attaquer Paris…

« Anglici… accesserunt… Nobiles qui in urbe tunc erant, cum domino regente in bona copia, armis protecti se extra muros posuerunt, non multum elongantes a fortalitiis et forsatis… Non fuit tunc prælialum. » (Ibid.)

Près de Chartres les Anglais éprouvèrent un terrible orage…

« Maxima pars bigarum et curruum in viis et itineribus imbre nimio madentibus remansit, equis deficientibus. » (Ibid.)


231 — page 342La Rochelle, d’autant plus française…

« Et disoient bien les plus notables de la ville : « Nous aouerons les Anglois des lèvres, mais les cuers ne s’en mouvront jà. » (Froiss., ch. ccccxli, p. 229-230.) — Les regrets des gens de Cahors ne sont pas moins touchants : « Responderunt flendo et lamentando… quod ipsi non admittebant dominum regem Angliæ, imo dominus noster, rex Franciæ, ipsos derelinquebat tanquam orphanos. » (Note communiquée par M. Lacabane, d’après les Archives de Cahors et le ms. de la Bibl. royale.)


232 — page 344Le roi Jean vendit sa chair et son sang…

Mat. Villani, XIV, 617. — « Le roi de France, qui se veoit en danger, pour avoir l’argent plus appareillé, s’y accorda légèrement. » (Froiss., IV, ch. ccccxlix, p. 79.)


233 — page 347Les croisés se joignaient plutôt aux compagnies…

« Plusieurs s’en allèrent cette part, chevaliers, écuyers et autres, qui cuidoient avoir grands bienfaits du pape avecques les pardons dessus dit, mais on ne leur vouloit rien donner, si s’en partoient… et se mettoient en la mauvaise compagnie qui toudis croissoit de jour en jour. » (Froiss., ch. cccclxix, p. 142 )


234 — page 348La succession du duc de Bourgogne, etc.

Le roi de Navarre descendait d’une sœur aînée, mais à un degré inférieur. Jean allégua « que la loi écrite si dit que outre les fils des frères, nul lieu n’a représentation, mais l’emporte le plus prochain du sang et du côté. » (Secousse, Preuves de l’Hist. de Charles-le-Mauvais, t. II, p. 201.)


235 — page 348Le roi d’Angleterre alléguait son âge pour ne pas prendre la croix…

« Oil, dit le roi d’Angleterre, je ne leur débattrois jamais, si autres besognes ne me sourdent, et à mon royaume dont je ne me donne garde. — Oncques le roi ne put autre chose impetrer fors tant que toujours il fut liement et honorablement traité en dîners et en grands soupers. » (Froiss., ch ccclxxviii, p. 167.)


236 — page 352On célébrait le combat des Trente, où les Bretons avaient vaincu les Anglais…

On a élevé un monument sur la lande de Mi-Voie, près Ploërmel, pour perpétuer le souvenir de cet événement. Voy. le poème publié par M. de Fréminville, en 1819, et par M. Crapelet, en 1827. Voy. aussi M. de Roujoux, Hist. de Bretagne, III, 381. — La douleur de Beaumanoir, lorsqu’il rencontra les paysans bretons traînés en esclavage par les Anglais, est exprimée avec une touchante naïveté :

Il vit peiner chétifs, dont il eut grand’pitié.
L’un estoit en un ceps et li autre ferré, …
Comme vaches et bœufs que l’on mène au marché.
Quand Beaumanoir les vit, du cœur a soupiré !

Beaumanoir, s’en plaignant à l’Anglais Bemborough, en reçoit la réponse suivante :

Biaumaner, taisiez-vous ; de ce n’est plus parlé,
Montfort si sera duc de la noble duché,
De Nante à Pontorson, et même à Saint-Mahé,
Édouard sera roy de France couronné.

Et Beaumanoir, selon le poète, lui répond humblement :

Songiez un autre songe, cestuy est mal songié ;
Car jamais par tel voie n’en aurez demi pié.

Au commencement de la bataille, l’Anglais crie à Beaumanoir :

Rends-toi tôt, Beaumanoir, je ne t’occiray mie ;
Mais je feray de toi biau présent à ma mie ;
Car je lui ai promis, et ne veux mentir mie,
Que ce soir te mettrai dans sa chambre jolie (honnête.)
Et Beaumanoir répond : Je te le surenvie !
… De sueur et de sang la terre rosoya.

Beaumanoir, demandant à boire, reçoit de Geoffroy Dubois la fameuse réponse :

Bois ton sang, Beaumanoir, ta soif se passera !

L’histoire, dit le poète, en fut écrite, et peinte en tappichies :

Par tretous les États qui sont de ci la mer ;
Et s’en est esbattu maint gentil chevalier,

Et mainte noble dame à la bouche jolie.
Or priez, et Jésus, et Michel, et Marie,
Que Dieu leur soit en aide et dites-en, Amen.


237 — page 352Bertrand Duguesclin…

Duguesclin est nommé dans les actes Glecquin, Gléaquin, Glayaquin, Glesquin, Cleyquin, Claikin, etc. Ceci le désignerait pour vrai Breton de race. Il se croyait lui-même descendu d’un roi maure, Hakim, retiré en Bretagne, qui, chassé du pays par Charlemagne, aurait laissé dans la tour de Glay son fils, que Charles fit baptiser. Le connétable voulait, après la guerre de Castille, passer en Afrique et conquérir Bougie. Voy. le Man. de la Bibl. du roi : Conquête de la Bret. Armorique, faite par le preux Charlemagne sur ung payen nommé Aquin, qui l’avoist usurpé, etc., no 35, 356 du P. Lelong.

Sa vie a été chantée dans une sorte d’épopée chevaleresque…

Cilz qui le mist en rime fust Cuveliers
Et pour l’amour du prince qui de Dieu soit sauvé,
Afin qu’on n’eust pas les bons fais oubliés
Du vaillant connestable qui tant fut redoubtez,
En a fait les beaux vers noblement ordonnez.

Ms. de la Bibl. royale, no 7224.

M. Macé, professeur d’histoire, a donné une notice intéressante sur cet important manuscrit dans l’Annuaire de Dinan, 1835.

Le poème avoue qu’il était laid…

Mais l’enfant dont je dis et dont je vois parlant,
Je crois quil not si lait de Resnes à Disnant.
Camus estoit et noir, malotru et massant (?).
Li père et la mère si le héoient tant…

Ms. de la Bibl. royale, no 7224.

Voyez aussi la Chronique en prose réimprimée par Francisque Michel.


238 — page 354Bataille de Cocherel…

« Si ordonnons que nous mettions à cheval trente des nôtres… ; et de fait ils prendront ledit captal et trousseront et l’emporteront entre eux. » (Froiss., IV, ch. cccclxxxviii, p. 201.)

« Si y furent grand temps sur un état que de crier Notre-Dame-Auxerre, et de faire pour ce jour leur souverain le comte d’Auxerre… Si y fut avisé et regardé pour meilleur chevalier de la place et qui plus s’étoit combattu de la main… messire Bertrand Duguesclin. Si fut ordonné de commun accord que on crieroit Notre-Dame Guesclin. » (Ibid., p. 202-3.)

Charles V donna à Duguesclin pour récompense le comté de Longueville…

Les lettres de donation sont du 27 mai 1364. Duchâtelet, Hist. de Duguesclin, p. 297. — En 1365, le roi reprit ce comté, en payant une partie de la rançon de Duguesclin. (Archives, J. 381.)

En même temps, il faisait couper la tête au sire de Saquenville, etc.

« Si furent pris à mercy tous les soudoyers étrangers ; mais aucuns pillards de la nation de France, qui là s’étaient boutés, furent tous morts. » (Froiss., IV, ch. cccccxviii, p. 230.)


239 — page 355Le prince de Galles envoya à Montfort le brave Chandos, etc.

« Chandos… pria plusieurs chevaliers et écuyers de la duché d’Aquitaine ; mais trop petit en y allèrent avec lui, si ils n’étoient Anglois. » (Froiss., IV, ch. di, p. 241.)


240 — page 355Beaucoup de Bretons se joignirent à Charles de Blois…

« Le vicomte de Rohan, le sire de Léon, le sire de Kargoule (Kergorlay), le sire de Loheac… et moult d’autres que je ne puis mie tous nommer. » (Ibid., ch. dii, p. 242.)


241 — page 356Les Bretons voulaient en finir par la mort de l’un ou de l’autre…

« Que si on venoit au-dessus de la bataille que messire Charles de Blois fut trouvé en la place, on ne le devoit point prendre à nulle rançon, mais occire. Et ainsi en cas semblable les François et les Bretons en avoient ordonné de messire Jean de Monlfort ; car en ce jour ils vouloient avoir fin de la bataille et de guerre. » (Ibid., ch. dx, p. 264.)


242 — page 357, note 2« Et l’appelle-t-on Saint-Charles »…

Urbain V, bon François, ordonna, il est vrai, une enquête pour la canonisation de Charles de Blois, mais il mourut avant qu’elle fût faite, et son successeur Grégoire II, sous lequel elle eut lieu, n’en fit aucun usage, pour ne pas offenser le duc de Bretagne. (Hist. de Bret. Note de M. Dacier sur Froissart.)


243 — page 360Don Pèdre-le-Cruel ne se fiait qu’aux Juifs et aux Sarrasins…

En 1358, voulant faire la guerre au roi d’Aragon, « e enviò el rey D. Pedro a regard al rey Mahomad de Grenada, que le ayuda se con algunas galeas ». (Ayala, c. xi.)


244 — page 360Expédition contre don Pèdre-le-Cruel…

On a sur l’expédition d’Espagne un chant languedocien : A Dona Clamença. Cançon ditta la bertat, fattat sur la guerra d’Espania, fatta pel generoso Guesclin assistat des nobles moundis de Tholosa. 1367. (Don Morice, I, p. 16, et Froiss., IV, p. 286.)


245 — page 360, note 2Charles V prêta à Duguesclin l’argent de sa rançon…

« A tous ceuls qui ces présentes lettres verront, Bertran du Guesclin, chevalier, conte de Longueville, chambellan du roy de France, mon très redoubté et souverain seigneur, salut. Savoir faisons que parmi certaine somme de deniers que ledit roy mon souverain seigneur nous a pieça fait bailler en prest, tant pour mettre hors de son royaume les compaignes qui estoient es parties de Bretaigne, de Normandie et de Chartain et aileurs es basses marches, comme pour nous aidier à paier partie de notre raençon à noble homme messire Jehan de Champdos, vicomte de Saint-Sauveur et connestable d’Acquittaine, duquel nous sommes prisonnier, nous avons promis et promettons audit roy mon souverain seigneur par nos foy et serment mettre et emmener hors de son royaume lesdictes compaignes à nostre pouvoir le plus hastivement que nous pourrons, sans fraude ou mal engin, et aussi sans les souffrir ne souffrir demourer ne faire arrest en aucune partie dudit royaume, se n’est en faisant leur chemin, et sans ce que nous ou les dictes compaignes demandions ou puissions demander audit roy mon souverain seigneur ne à ses subgiez ou bonnes villes, finance ou autre aide quelconques, etc. » (1365, 22 août. Archives, J, 481.)


246 — page 362Tout ce qu’il y avait d’aventuriers anglais dans l’armée de Don Enrique, etc.

« Si prirent congé au roy Henry… au plus courtoisement sans eux découvrir, ni l’intention du prince. Le roi Henry qui étoit large, courtois et honorable, leur donna moult doucement de beaux dons, et les remercia grandement de leur service, et leur départit au partir de ses biens, tant que tous s’en contentèrent. Si vidèrent d’Espagne. » (Froiss., ch. dxxiv, p. 326.) Duguesclin avait été créé duc de la Molina. (D. Morice, I, p. 1628.)


247 — page 363Le roi de Navarre craignait tellement de se compromettre pour les uns ou les autres, etc.

« Et supposoient les aucuns que tout par cautèle s’étoit fait prendre… pourtant que il ne savoit encore comment la besogne se porteroit du roi Henry et du roi Don Piètre. » (Froiss., ch. dxxxix, p. 369.)


248 — page 364Les vainqueurs étaient réduits au cinquième, etc.

Knygthon, col. 2629 ; et Froiss., ch. dlxii, p. 429. « Ils portoient à grand meschef la chaleur et l’air d’Espagne, et mêmement le prince étoit tout pesant et maladieux. » Walsingham ajoute qu’on disait alors que le prince avait été empoisonné. (Wals., p. 117.)

Le prince de Galles ne pouvant les satisfaire, ils pillaient l’Aquitaine…

« Si leur fit dire le prince et prier qu’ils voulussent issir de son pays et aller ailleurs pour chasser et vivre… Ils entrèrent en France, qu’ils appeloient leur chambre. » (Froiss., ch. dlxiv, p. 439.)


249 — page 366 — « … et si ce n’était assez, il n’y a femme en France sachant filer… »

N’a filairesse en France, qui sache fil filer,
Qui ne gaignast ainçois ma finance à filer,
Qu’elles ne me volissent hors de vos las geter.

Ms. de la Bibl. royale, no 7224, folio 86.

250 — page 366Le prince de Galles avait demandé mille lances au sire d’Albret, etc.

« Il s’y prêta fort mal : « Messire le prince de Galles se truffe de moi. » Adonc demanda tantôt un clerc. Il vint. Quand il fut venu, il lui dit, et le clerc écrivit : « Cher sire, plaise vous savoir que je ne saurois sevrer les uns des autres… et si aucuns iront, tous iront, ce sçais-je. Dieu vous ait en sa sainte garde. » (Froiss., ch. dxxxi, p. 350-1.)


251 — page 367Il mit sur les terres des Gascons un fouage de dix sols par feu…

Et non d’un franc, comme le dit Froissart. (Lettres du Prince de Galles, 26 janvier 1368. Note communiquée par M. Lacabane. Ms. de la Bibl. royale.)


252 — page 371Tout maladif qu’il était, Charles V faisait continuellement de dévotes processions…

« Tout dechaux et nuds pieds, et madame la reine aussi… et faisoit ledit roi de France partout son royaume être son peuple, par contrainte des prélats et des gens d’Église en cette affliction. » (Froiss., ch. dlxxxvii, p. 57.)


253 — page 371Toutes les villes qui se rendaient à Charles V, etc.

Ordonn., V, p. 291, 324, 338, 333. Sism., XI, p. 145.

Sur l’histoire des Communes, voyez particulièrement le cinquième volume du cours de M. Guizot.


254 — page 374Il fallut que le duc de Bourbon, etc.

« Puisque combattre ne voulez… dedans trois jours, sire duc de Bourbon, à heure de tierce ou de midi, vous verrez votre dame de mère mettre à cheval et mener en voie : si avisez sur ce, et la rescouez (délivrez) si vous voulez. » (Froiss., ch. dcxx, p. 173.) « … Mais oncques ne s’en murent ni bougèrent. » (Ibid., ch. dcxxi, p. 175.)


255 — page 377La Bretagne était contre les Anglais…

« Tous les barons, chevaliers et écuyers de Bretagne étoient très bons François : « Cher sire, avoient-ils dit à leur duc, sitôt que nous pourrons apercevoir que vous vous ferez partie pour le roi d’Angleterre contre le roi de France…, nous vous relinquerons tous, et mettrons hors de Bretagne. » (Froiss., VI, ch. dclxxiv, p. 27-28.)


256 — page 378La Rochelle se donna à Charles V, mais avec bonnes réserves…

« … Et auroient en leurs villes coins pour forger florins et monnoie blanche et noire, de telle forme et aloi comme ont ceux de Paris. » (Froiss., VI, ch. dclxx, p. 15.)


257 — page 379Le duc de Lancastre traversa la France, etc.

« Vix quadraginta caballos vivos secum ducens. » (Wals., p. 529.) — « Milites famosos et nobiles, delicatos quondam et divites… ostiatim mendicando, panem petere, nec erat qui eis daret. » (Wals., p. 187.)


258 — page 381Alice Perrers…

« Milites parliamentales graviter conquesti sunt de quadam Alicia Peres appellata, femina procacissima. » (Walsingham, p. 189.) — « Illa nunc juxta justitiarios regis residendo, nunc in foro ecclesiastico juxta doctores se collocando… pro defensione causarum suadere ac etiam contra postulare minime verebatur. » (Wals., p. 189.) — « Inverecunda pellex detraxit annulos a suis digitis et recessit. (Ibid.)


259 — page 384Le roi de Navarre traite avec les Anglais, etc.

Secousse, Hist. de Charles-le-Mauvais, t. I, 2e partie, p. 173. — Lebrasseur, Hist. du comte d’Évreux, p. 93. — Voy. les pièces originales du procès : Archives du royaume, J, 618.


260 — page 385Charles V ne put être forcé ni à combattre ni à rendre…

« Le roi de France rossoignoit (craignait) si les fortunes périlleuses que nullement il ne vouloit que ses gens s’aventurassent par bataille si il n’avoit contre six les cinq. » (Froiss., VII, 115.)


261 — page 386La multitude de ses constructions…

« Comment le roy Charles estoit droit artiste et appris ès sciences et des beauls maçonnages qu’il fist faire : — Fonda l’église de Saint-Anthoine dedans Paris. L’église de Saint-Paul fist amender et acroistre, et maintes autres églises et chapelles fonda, amenda et crut les édifices et rentes. Accrut son hôtel de Saint-Paul ; le chastel du Louvre à Paris fit édifier de neuf ; la Bastille Saint-Anthoine, combien que puis on y ait ouvré, et sus plusieurs des portes de Paris, fait édifice fort et bel. Item les murs neufs et belles grosses et haultes tours qui entour Paris sont. Ordonna à faire le Pont-Neuf. Édifia Beaulté ; Plaisance, la noble maison ; répara l’ostel de Saint-Ouyn. Moult fit rédifier le chastel de Saint-Germain-en-Laye ; Creel, Montargis ; le chastel de Meleun et mains autres notables édifices. » (Christ. de Pisan, VI, 25.)


262 — page 386Il avait construit le vaste hôtel Saint-Paul…

Le séjour de l’hôtel Saint-Paul était, disait-il, favorable à sa santé. Dans ce labyrinthe de chambres qui composaient les appartements du roi, on comptait : la chambre où gist le roi, la grand’chambre de retrait, la chambre de l’estude. De plus, il y avait un jardin, un parc, une chambre des bains, une des étuves, une ou deux autres qu’on appelait chauffe-doux, un jeu de paume, des lices, une volière, une chambre pour les tourterelles, des ménageries pour les sangliers, pour les grands lions et les petits, une chambre du conseil, etc. Charles V avait renfermé dans son hôtel Saint-Paul plusieurs autres hôtels, comme ceux des abbés de Saint-Maur et de Puteymuce (petimus ; dans les environs se tenaient des scribes qui faisaient le métier d’écrire des pétitions ; par une autre corruption on l’appela Petit-Musc). Les appartements du duc d’Orléans n’étaient guère moins vastes que ceux du roi ; puis venaient dans de semblables proportions ceux du duc de Bourgogne, de Marie, d’Isabelle, de Catherine de France, des ducs et duchesses de Valois et de Bourbon, des princes et princesses du sang et de quantité d’autres seigneurs et gens de cour. Le duc d’Orléans avait un cabinet qui lui servait simplement à dire ses heures et qu’on appelait retrait où dit ses heures Monsieur Louis de France. De même quand on descendait dans les cours, on trouvait la mareschaussée, la conciergerie, la fourille, la lingerie, la pelleterie, la bouteillerie, la saucisserie, le garde-manger, la maison du four, la fauconnerie, la lavanderie, la fruiterie, l’échançonnerie, la panneterie, l’épicerie, la tapisserie, la charbonnerie, le lieu où l’on faisait l’hypocras, la pâtisserie, le bûcher, la taillerie, la cave aux vins des maisons du roi, les cuisines, les jeux de paume, les celliers, les poulaillers, etc. Les chambres étaient lambrissées du bois le plus rare ; jusque dans les chapelles il y avait des cheminées et des poêles qu’on appelait chauffe-doux. Les cheminées étaient ornées de statues colossales, selon l’usage du temps ; « celle de la chambre du roi avait de grands chevaux de pierre ; une autre était chargée de douze grosses bêtes et de treize grands prophètes. » (Félibien, I, p. 654-5.)

Le sire de La Rivière en faisait les honneurs…

« Pour maintenir sa court en honneur, le roy avoit avec luy barons de son sang et autres chevaliers duis et apris en toutes honneurs… ainsi messire Burel de La Rivière, beau chevalier, et qui certes très gracieusement, largement et joyeusement savoit accueillir ceux que le roy vouloit festoyer et honorer. » (Christ. de Pisan, VI, 63.)


263 — page 387Les astrologues de Charles V

« Les grands princes séculiers (dit un contemporain de Charles V) n’oseroient rien faire de nouvel sans son commandement et sans sa saincte élection (de l’astrologie) ; ils n’oseroient chasteaux fonder, ne églises édifier, ne guerre commencer, ne entrer en bataille, ne vestir robe nouvelle, ne donner joyau, ne entreprendre un grand voyage, ne partir de l’ostel sans son commandement. » (Christ. de Pis., p. 208.)


264 — page 388Caractère de Charles V

Il ne blâmait pas toute dissimulation : « Dissimuler, disoyent aucuns, est un rain (une branche) de trahison. Certes, ce dist le roy adont, les circonstances font les choses bonnes ou maulvaises ; car en tel manière peut estre dissimulé que c’est vertu et en tel manière vice ; sçavoir : dissimuler contre la fureur des gens pervers, quant ce est besoing est grand sens ; mais dissimuler et faindre son courage en attendant opportunité de grever aucun, se peut appeler vice. » (Christine, VI, p. 53.)


265 — page 389Puissance des Juifs…

Ord., III, p. 351 et 471. Conf. à IV, p. 532 (4 février 1364). — Ord., III, p. 478, art. 26. — Ils ne devaient pas prêter sur gages suspects ; mais ils s’étaient ménagé une justification facile. Article 20 des privilèges des juifs : « De crainte qu’on ne mette dans leurs maisons des choses que l’on diroit ensuite volées, nous voulons qu’ils ne puissent être repris pour nulle chose trouvée chez eux, sauf en un coffre dont ils porteroient les clefs. » Ord., III, p. 478.

Quoique Charles V eût essayé d’introduire un peu d’ordre dans la comptabilité, il n’y pouvait voir clair. L’usage des chiffres romains, maintenu presque jusqu’à nous par la chambre des Comptes, suffisait pour rendre les calculs impossibles.


266 — page 392Une solennelle plaidoirie par-devant le roi, etc.

Pierre Cugnières demandait entre autres choses que le vassal félon fût puni par le seigneur et non par l’Église, sauf la pénitence qui viendrait après ; qu’un seigneur ne fût pas excommunié pour les fautes des siens ; que le juge ecclésiastique ne forçât pas le vassal d’autrui par excommunication à plaider devant lui ; que l’Église ne donnât pas asile à ceux qui échappaient des prisons du roi ; d’autre part que les terres acquises par le clerc payassent les taxes et retournassent à sa famille, au lieu de rester en mainmorte, que le clerc qui trafiquait ou prêtait fût sujet à la taille, qu’un roturier ne donnât moitié de sa terre à son fils clerc, s’il avait deux enfants, etc.

Le nom de l’avocat du roi resta le synonyme d’un mauvais ergoteur…

« Abiitque in proverbium, ut quem sciolum et argutulum et deformem videmus, M. Petrum de Cuneriis, vel corrupte, M. Pierre du Coignet, vocitemus. » (Bulæus, IV, 222.)Libertés de l’Église gall. Traités. Lettres de Brunet, p. 4. — « Simulacrum ejus, simum et deforme… quod scholastici prætereuntes stylis suis scriptoriis pugnisque confodere et coutundere solebant. » (Bulæus, IV, 322.)


267 — page 393Jean XXII déclara effrontément qu’en haine de la simonie, il se réservait…

Baluz. Pap. Aven., I, p. 722. « Omnia beneficia ecclesiastica quæ fuerunt, et quocumque nomine censeantur et ubicumque ea vacare contigerit. »


268 — page 394, note 3L’histoire de la papesse Jeanne…

On l’a rejetée à l’an 848, et cité en preuve Marianus Festus et Sigebert de Gemblours ; mais on n’en trouve pas un mot dans les anciens manuscrits de ces auteurs. Plus tard seulement on inséra dans le texte ce qu’on avait d’abord écrit à la marge. (Bulæus, IV, 240.)


269 — page 395Sainte Brigitte fait dire par Jésus au pape d’Avignon…

« Tu pejor Lucifero… tu injustior Pilato… tu immitior Juda, qui me solum vendidit ; tu autem non solum me vendis, sed et animas electorum meorum. » (S. Brigittæ Revelationes, l. I, c. xli.)


270 — page 397On considéra tous les malheurs qui suivirent comme une punition du ciel…

On chantait à cette époque le cantique suivant :

Plange regni respublica,
Tua gens, ut schismatica,
Desolatur.

Nam pars ejus est iniqua,
Et altera sophistica
Reputatur, etc.

Bibl. du roi, cod. 7609. Coll. des Mém., V, 481.


271 — page 400Révoltes du Languedoc…

Hist. du Languedoc, l. XXXII, ch. xci, p. 365. — Ch. xcv, p. 368. — Ch. xcvi, p. 369.


272 — page 403Révolte de la Bretagne…

Chronique en vers de 1341 à 1381, par maître Guill. de Saint-André, licencié en décret, scolastique de Dol, notaire apostolique et impérial, ambassadeur, conseiller et secrétaire du duc Jean IV :

Les François estoient testonnés,
Et leurs airs tout efféminés ;
Avoient beaucoup de perleries,
Et de nouvelles broderies.
Ils estoient frisques et mignotz,
Chantoient comme des syrenotz ;
En salles d’herbettes jonchées,
Dansoient, portoient barbes fourchées,
… Les vieux ressembloient aux jeunes,
Et tous prenoient terrible nom,
Pour faire paour aux Bretons.


273 — page 404Mort de Duguesclin…

A ! doulce France amie, je te lairay briefment !
Or veille Dieu de gloire, par son commandement,
Que si bon conestable aiez prochainement
De coi vous vaillez mieulx en honour plainement !

Poème de Duguesclin, ms. de la Bibl. royale, no 7224, 142 verso.

Voy. l’excellent art. Charles V, de M. Lacabane (Dict. de la conversation).


274 — page 408La France atteignait dans Froissart la perfection de la prose narrative…

Sans parler de tant de beaux récits, je ne crois pas qu’il y ait rien dans notre langue de plus exquis que le chapitre : « Comment le roi Édouard dit à la comtesse de Salisbury qu’il convenoit qu’il fust aimé d’elle, dont elle fut fortement ébahie. »

Quoique Froissart ait séjourné si longtemps en Angleterre, je n’y trouve qu’un mot qui semble emprunté à la langue de ce pays : « Le roi de France pour ce jour étoit jeune, et volontiers travillait (voyageait, travelled). » (T. IX, p. 475, année 1388.)

Dans son voyage aux Pyrénées, cheminant le joyeux prêtre, avec ses quatre lévriers en lesse…

« Considérai en moi-même que nulle espérance n’étoit que aucuns faits d’armes se fissent ès partie de Picardie et de Flandre, puisque paix y étoit, et point ne voulois être oiseux ; car je savois bien que au temps à venir et quand je serai mort, sera cette haute et noble histoire en grand cours, et y prendront tous nobles et vaillants hommes plaisance et exemple de bien faire ; et entrementes que j’avois, Dieu merci, sens, mémoire et bonne souvenance de toutes les choses passées, engin clair et aigu pour concevoir tous les faits dont je pourrois être informé touchants à ma principale matière, âge, corps et membres pour souffrir peine, me avisai que je ne voulois me séjourner de non poursuivre ma matière ; et pour savoir la vérité des lointaines besognes sans ce que j’envoyasse aucune autre personne en lieu de moi, pris voie et achoison (occasion) raisonnable d’aller devers haut prince et redouté seigneur messire Gaston comte de Foix et de Berne… Et tant travaillai et chevauchai en quérant de tous côtés nouvelles, que par la grace de Dieu, sans péril et sans dommage, je vins en son châtel à Ortais… en l’an de grâce 1388. Lequel… quand je lui demandois aucune chose, il me le disoit moult volontiers ; et me disoit bien que l’histoire que je avois fait et poursuivois seroit au temps à venir plus recommandée que mille autres. » (Froissart, IX, 218-220.)


275 — page 409« Le vrai régime des bergers et bergères par Jehan de Brie »…

Jehan raconte d’abord comme quoi : « À l’âge où les enfants commencent à muer leurs premières dents et où ils ont encore leur folle plume, et ne sont prenables d’aucune loi », il fut chargé de garder les oies, puis les pourceaux ; comment ensuite, « accroissant son estat d’estre promeu aux honneurs terriens », il eut la garde des chevaux et des vaches. Mais il y fut blessé, et revint dire que jamais il ne garderait les vaches : « Et lors, lui fust baillée la garde de quatre-vingts agneaux débonnaires et innocents…, et il fut comme leur tuteur et curateur, car ils étoient soubs âge et mineurs d’ans. » Il ne se conduisit pas comme certains pasteurs temporels ou spirituels…, etc. Ensuite « ledit Jehan de Brie, sans simonie, fut establi et institué à porter les clefs des vivres… de l’hôtel de Messy, appartenant à l’un des conseillers du roy notre seigneur ès enquestes de son parlement à Paris… Quand ledict de Brie eut été licencié et maistre en ceste science de bergerie, et qu’il estoit digne de lire en la rue au Feurre (la rue du Fouarre, où étaient les écoles) auprès la crèche aulx veaux, ou soubz l’ombre d’ung ormel ou tilleul, derrière les brebis, lors vint demourer au Palais-Royal, en l’hostel de Messire Arnoul de Grantpont, trésorier de la Sainte-Chapelle royale à Paris… — Premièrement, les aigniaux qui sont jeunes et tendres doivent estre traitez amyablement et sans violence, et ne les doit-on pas férir ne chastier de verges, de bastons », etc. — Lorsque l’on coupe les agneaux : « Doit lors le berger estre sans péché, et est bon de soi confesser », etc., etc. — Ce charmant petit livre n’a pas été réimprimé, que je sache, depuis le seizième siècle. J’en connais deux éditions, toutes deux de Paris ; l’une porte la date de 1542 (Bibl. de l’Arsenal), l’autre n’a pas d’indication d’année (Bibl. royale, S. 880).

Le passage suivant a bien l’air d’être écrit par un homme de robe : « Ils estoient (les agneaux) sous âge et mineurs d’ans ; et pour ce que ledit Jehan n’est pas noble, et que il ne lui appartenoit pas de lignage, il n’en put avoir le bail, mais il en eut la garde, gouvernement et administration, quant à la nourriture. »


276 — page 411L’épopée des faits et gestes de Duguesclin…

… Le prévost d’Avignon
Vint droit à Villenove, où la chevalerie
De Bertran et des siens estoit adonc logie.
I la dit à Bertran que point ne le detrie :
Sire, l’avoir est prest, je vous acertefie,
Et la solution séelée et fournie,
Come Jeshu donna le fils sainte Marie
À Marie-Magdalaine qui fut Jhesu amie.
Et Bertran li a dit : Beau sire, je vous prie,
Dont vint ycilz avoirs, ne me le celez mie ?
La pris li Aposteles en sa thresorerie ?
Nanil, Sire, dit-il, mais la debte est paie
Du commun d’Avignon, à chascun sa partie.
Dit Bertran Du Guesclin : Prévost, je vous afie,
Jà n’en arons deniers en jour de notre vie,
Se ce n’est de l’avoir venant de la clergie,
Et volons que tuit cil qui la taille ont paiée,
Aient tout lor argent, sans prendre une maillie.
Sire, dit li prévos, Dieu vous doient bonne vie !
La pour gent arez forment esleessie (réjouie).

Amis, ce dit Bertran, au pape me direz,
Que ces grans tresors soit ouvers et defermez,
Ceulz qui lont paié, il lor soit retorez,
Et dittes que jamais n’en soit nul reculez,
Car, se le savoie, jà ne vous en doubtez,
Et je fusse oultre mer passez et bien alez,
Je seroie ainçois par deçà retournez…

Poème de Duguesclin, ms. de la Bibl. royale, no 7224, folio 49.
fin du troisième volume.
  1. Ce volume fut publié, dans sa première édition, en même temps que nos Origines du droit français, trouvées dans les symboles et formules.