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Histoire de Servian/Chapitre01

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HISTOIRE DE SERVIAN


CHAPITRE PREMIER



SERVIAN
Le nom — Les origines — Les premiers habitants

La première mention du nom de Cervian avec cette orthographe se lit dans un manuscrit du Livre noir de Béziers, en 1010 dans l’inventaire fait par Ansefred, évêque de Béziers : De Cerviano ab integro cum terras absas. Une bulle du pape Alexandre III, en 1178, énumère Cervian parmi les possessions du Chapitre de Saint-Nazaire. Servian était un prieuré-cure relevant du Chapitre Castrum de Cerviano. L’existence de la paroisse à cette époque reculée indique que ce lieu était déjà habité.

On sait que tour à tour, les Volces, les Ibères, les Gaulois avaient occupé nos pays ; plus tard, la conquête romaine s’était étendue sur notre territoire. La Septième Légion avait donné son nom au pays : Bitterae Septimanorum ; les Vétérans, en s’établissant sur le sol, cultivaient les terres fertiles. Sur le terrain d’alluvion formé par la Tongue et la Lène, il se pourrait qu’un Romain du nom de Cervianus ait établi une colonie et lui eût donné son nom : Cervian. Les villas nombreuses dont on rencontre les débris autour de Servian suffisent à justifier cette affirmation : on trouve en effet des débris de tégulas romaines un peu partout, en particulier du côté de Combas. Deux faits confirment notre opinion. Une stèle funéraire découverte sur les bords de la Tongue en 1885 porte cette inscription :


Quo fratres Campanus et Restitutus
In Aqua Periisse In Unum


Deux Frères, Campanus et Restitutus
ont péri ensemble dans les eaux


Cet accident est-il dû à une inondation brusque de la Tongue comme il arrive quelquefois ? ou bien les deux frères se sont-ils noyés en se baignant ? On ne sait. Quoi qu’il en soit, les noms bien latins de Campanus et Restitutus prouvent la présence de Gallos Romains en ce lieu à cette époque reculée. D’après M. Bonnet, la forme des lettres et le caractère de l’inscription indiquent le premier siècle de notre ère. Cette stèle est conservée au Musée lapidaire de Béziers.

Non loin de Combas, à Alignan-du-Vent, en 1834, M. Eustache découvrit une amphore avec une inscription latine et des monnaies romaines à l’effigie d’Auguste, d’Agrippa et de Claude ; donc du premier siècle, l’existence de villas romaines est donc un fait incontestable sur le territoire de Servian. Un vieux nom pourrait rappeler ce souvenir : La Boutugade ne rappellerait-elle pas le haras boum tugurium ! Ce lieu est situé à l’entrée du terroir de Saint-Saturnin. Or, à côté de Pouzac, s’élevait un édicule de forme octogonale dédié à Saturne et que les chrétiens consacrèrent à saint Saturnin. Quelques sarcophages débordent encore du tumulus et une tête de marbre blanc, débris d’une statue disparue, est vénérée par le peuple sous le nom de saint Saturnin. Cette tête ornée de l’infula rappelle par la perfection de sa forme et par l’arrangement des cheveux, le deuxième où le troisième siècle. Il y avait donc une population gallo romaine le long de la Tongue.

Au VIe siècle, nous trouvons les Wisigoths établis en Septimanie. Tour à tour, Pépin le Bref, en 752 ; Charlemagne en 780, accordent à ces réfugiés d’Espagne, les terres abandonnées pour les défricher loca deserta, et en 812, ils se félicitent de la fidélité de ces peuples. Charles le Chauve renouvelle les libéralités de son père : ces nouveaux venus ont su rendre habitables des villas changées en déserts ; villas defructices et deserti squalore, habitabiles.

En 881, Carloman, pour récompenser un de ces sujets fidèles, lui concède en toute propriété, à lui et à ses héritiers, la villa d’Aspiran, au territoire de Lignan. D’après l’opinion de M. Bonnet, et le Bulletin de la Société Archéologique, l’église de Saint-Félix de Coulobres et la villa de Paulignan qui est à côté, avec prés, terres, pâturages, moulins, eaux et cours d’eaux, terres cultivées et incultes, pro assidua fidelitate qua in nostre decertant servitio in proprietatem nostra libertate concessimus. Le bitterois fut donc peuplé de Gallos Romains et de Wisigoths d’Espagne, Servian a gardé ce souvenir et, depuis les temps les plus reculés, il possède sa place de Barcelone et reçoit à chaque génération un nouvel afflux de population espagnole.

Les populations agricoles vivaient sur leurs terres, mais un double danger les menaçaient : les invasions de barbares qui parcouraient le Midi des Gaules et l’eau des rivières, sans lit définitivement tracé, pouvait emporter les récoltes. Contre ce double péril, il fallait se défendre, Or, en étudiant le terrain environnant, un rocher émergeait à 50 mètres de hauteur, assez large pour abriter un bon groupe d’habitants, assez élevé pour défier la rivière. Bien mieux, ce rocher formait une citadelle naturelle, entouré aux trois quarts par la Lène qui le protégeait dans la presque totalité de son étendue, formant de l’autre côté un à pic de 50 mètres, refuge et défense facile ; ce fut l’origine du Castrum de Cervian ; le nom de château-fort lui convient rigoureusement.

Ce rocher, de tuf assez tendre, fut facilement taillé ; la pierre extraite servit pour la construction des maisons qui n’ont pas de fondements ; le tuf s’élève souvent jusqu’au rez-de-chaussée, se terminant par la maçonnerie, ce qui explique l’humidité des vieux quartiers. Nos rues ont gardé ces souvenirs : la rue des Baumes est caractérisée par ces caves ; la « Cavete » exprime la même idée, la « Cayronnière » est la carrière d’où l’on a tiré les pierres pour la construction, appelées Cayron. Les maisons de Servian sont caractérisées par leurs caves profondes qui se suivent et qui peut-être ont pu communiquer autrefois, comme on pourrait le conjecturer des arceaux qui actuellement les séparent.