Histoire des œuvres de Balzac/Première Partie. I. – La Comédie humaine/Études philosophiques

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V
TOMES XV à XVII, deuxième partie : Études philosophiques, sixième édition ; troisième partie : Études analytiques, deuxième édition ; 3 volumes in-8o, 1870[1], contiennent :

TOME PREMIER.

LXV. La Peau de chagrin, daté de Paris, 1830-1831. Dédié à M. Savary. Ce roman parut pour la première fois, en août 1831, chez Charles Gosselin et Urbain Canel, en deux volumes in-8o, avec une préface et une moralité (voir tome XXII, page 396). Cette version était divisée comme suit, division qui est restée la même dans toutes les éditions, sauf que le premier chapitre a changé son titre en celui de : le Talisman, et que la Conclusion est aujourd’hui l’Épilogue.

1. La Peau de chagrin.
2. La femme sans cœur.
3. L’agonie.
3. Conclusion.

Différents fragments de ce roman avaient paru, inédits, dans les journaux avant sa publication en volumes ; ainsi l’on trouve, dans la Caricature du 16 décembre 1830, un fragment de cet ouvrage intitulé le Dernier napoléon, que nous allons réimprimer ici ; c’est le début de l’ouvrage, mais absolument différent ; ce morceau était signé Henri B…

Vers trois heures du soir, un jeune homme descendit, par le Perron, dans le jardin du Palais-Royal, à Paris. Il marcha lentement sous les tilleuls jaunes et


chétifs de l’allée septentrionale, en levant la tête de temps en temps pour interroger par un regard les croisées des maisons de jeu. Mais l’heure à laquelle les fatales portes de ces antres silencieux doivent s’ouvrir n’avait sans doute pas encore sonné, car il n’aperçut, à travers les vitres, que les employés oisifs et immobiles, dont les figures, toutes stéréotypées d’après un modèle ignoble et sinistre, ressemblaient à des larves attendant leur proie. Alors, le jeune homme ramena ses yeux vers la terre, par un mouvement de mélancolie.

Sa marche indolente l’ayant conduit au jet d’eau, dont le soleil illuminait en ce moment les gerbes gracieuses, il en fit le tour, sans admirer les jeux colorés de la lumière, sans même contempler les mille facettes de l’eau qui frissonnait dans le bassin. Toute sa personne accusait une insouciance profonde des choses dont il était entouré. Un sourire amer et dédaigneux dessinait de légers plis dans les coins de sa bouche. Son extrême jeunesse donnait un intérêt pénible à l’expression de froide ironie fortement empreinte dans ses traits, et c’était un étrange contresens dans un visage animé de brillantes couleurs, dans un visage resplendissant de vie, étincelant de blancheur, un visage de vingt-cinq ans. Cette tête captivait l’attention. Il y avait, sur ce front pâle, quelque secret génie. Les formes étaient grêles et fines, les cheveux rares et blonds. Un éclat inusité scintillait dans ces yeux, tout endormis qu’ils étaient par la maladie ou par le chagrin…

À voir ce jeune homme, les poëtes auraient cru à de longues études, à des nuits passées sous la lueur d’une lampe studieuse ; les médecins auraient soupçonné quelque maladie de cœur ou de poitrine en remarquant la rougeur des joues, le cercle jaune qui cernait les yeux, la rapidité de la respiration ; les observateurs l’eussent admiré ; les indifférents lui auraient marché sur le pied…

L’inconnu n’était ni bien ni mal mis. Ses vêtements n’annonçaient pas un homme favorisé de la fortune ; mais, pour surprendre les secrets d’une profonde misère, il fallait un physiologiste sagace, qui sût deviner pourquoi l’habit avait été fermé avec tant de soin !…

Le jeune homme alla s’appuyer sur un des treillages en fer qui entourent les massifs ; et, se croisant les bras sur la poitrine, il regarda les bâtiments, le jet d’eau et les passants d’un air triste mais résigné. Il y avait dans ce regard, dans cet abandon, bien des efforts trahis, bien des espérances trompées ; et, dans la contraction des bras, un bien puissant courage. L’impassibilité du suicide siégeait sur ce visage. Aucune des curiosités de la vie ne tentait plus cette âme, tout à la fois turbulente et calme.

Le jeune homme tressaillit soudain ! Il avait, par une sorte de privilége infernal, entendu sonner l’heure, ouvrir les portes, retentir les escaliers… Il regarda les fenêtres de la maison de jeu. Des têtes d’homme allaient et venaient dans les salons… Il se redressa et marcha sans empressement ; il entra dans l’allée, sans fausse pudeur, monta les escaliers, franchit la porte, et se trouva devant le tapis vert, plus tôt peut-être qu’il ne l’aurait voulu, tant les âmes fortes aiment une plaidailleuse incertitude !…

L’assemblée n’était pas nombreuse. Il y avait quelques vieillards à tête chenue, à cheveux blancs, assis autour de la table ; mais bien des chaises restaient vides… Un ou deux étrangers, dont les figures méridionales brûlaient de désespoir et d’avidité, tranchaient auprès de ces vieux visages experts des douleurs du jeu, et semblables à d’anciens forçats qui ne s’effrayent plus des galères… — Les tailleurs et les banquiers immobiles jetaient sur les joueurs ce regard blême et assuré qui les tue… Les employés se promenaient nonchalamment. Sept ou huit spectateurs, rangés autour de la table, attendaient les scènes que les coups du sort, les figures des joueurs et le mouvement de l’or allaient leur donner. Ces désœuvrés étaient là, silencieux, attentifs… Ils venaient dans cette salle comme le peuple va à la Grève. Ils se regardèrent des yeux les uns les autres au moment où le jeune homme prit place devant une chaise, sans s’y asseoir.

— Faites le jeu !… dit une voix grêle.

Chaque joueur ponta.

Le jeune homme jeta sur le tapis une pièce d’or qu’il tenait dans sa main, et ses yeux ardents allèrent alternativement des cartes à la pièce, de la pièce aux cartes. Les spectateurs n’aperçurent aucun symptôme d’émotion sur cette figure froide et résignée pendant le moment rapide que dura le plus violent combat par les angoisses duquel un cœur d’homme ait été torturé. Seulement, l’inconnu ferma les yeux quand il eut perdu, et ses lèvres blanchirent ; mais il releva bientôt ses paupières, ses lèvres reprirent leur rougeur de corail, il regarda le râteau saisir sa dernière pièce d’or, affecta un air d’insouciance et disparut sans avoir cherché la moindre consolation sur les figures glacées des assistants.

Il descendit les escaliers en sifflant le Di tanti palpiti, si bas, si faiblement, que lui seul, peut-être, en entendait les notes ; puis il s’achemina vers les Tuileries d’un pas lent, irrésolu, ne voyant ni les maisons, ni les passants, marchant comme au milieu du désert, n’écoutant qu’une voix, — la voix de la mort, — et perdu dans une méditation confuse, où il n’y avait qu’une pensée…

Il traversa le jardin des Tuileries, en suivant le plus court chemin pour se rendre au pont Royal ; et, s’y arrêtant au point culminant des voûtes, son regard plongea jusqu’au fond de la Seine…

Dans la Revue des Deux Mondes de mai 1833 parut un autre fragment intitulé une Débauche ; il était accompagné de la note suivante, qui se rapporte à la page 46, ligne 30, aux mots « et Canalis ? » nom auquel, dans la première édition, était substitué celui de Victor Hugo :

Obligé de donner de l’actualité à son livre, l’auteur a fait parler dans ce banquet les convives avec la liberté que supposent le vin et la bonne chère ; mais il espère que son opinion sur des hommes dont il estime sincèrement les ouvrages ne sera pas suspectée.

Il faut remarquer que, dans la première version de ce fragment, qui va de la page 37, dernier paragraphe, à la page 53, ligne 10, tous les noms cités étaient des noms de personnages réels que Balzac remplaça plus tard par ceux des acteurs de la Comédie humaine ; il a fait ce même changement chaque fois que cela fut possible dans toutes ses premières compositions lorsqu’il les fit entrer dans son œuvre complète, réunie et enchaînée.

Enfin, un autre fragment de cette œuvre parut dans la Revue de Paris du 27 mai 1831, sous le titre de : Le Suicide d’un poëte. Il commence dans l’édition définitive aux mots « La vie de dissipation » page 140, ligne 20 et se termine aux mots « furent protestées », page 147, ligne 36. Il était précédé, dans la Revue de Paris, des lignes suivantes :

Nous sommes heureux de pouvoir, par ce fragment, venir en aide à l’impatience publique, dès longtemps préoccupée de l’apparition de ce livre. Quelques lectures de salon lui ont donné, avant sa naissance, une immense renommée, que ne paraît pas devoir démentir le commencement de publicité qu’il reçoit ici. Vingt fragments pour le moins aussi remarquables étaient à notre disposition.

Un jeune homme, voué d’abord à une vie studieuse et solitaire, est tout à coup tiré de sa mansarde par le despotisme d’une première passion. Sa maîtresse est une femme du monde, vaine, opulente ; et lui, pauvre, sensible, naïf surtout, comme les hommes d’étude et de poésie qui ne se sont point encore usés par le frottement de la société. Son cœur, plein d’enchantements et riche d’illusions, se heurte à tout moment contre l’âme insensible et froide de la coquette. Dédaigné, déchiré, Raphaël de Valentin se décide à mourir. Une consultation mélancolique a eu lieu chez l’un de ses amis, homme de plaisir ; et, après avoir discuté les avantages, les inconvénients de tous les genres de mort volontaire, l’homme de dissipation propose à l’homme de solitude de périr en abusant de toutes les jouissances de la vie, en s’abrutissant. Mais, se trouvant sans argent tous deux, l’ami de Valentin va risquer au jeu leurs dernières ressources.

Par un artifice de composition qui oblige notre collaborateur à empreindre son œuvre d’une verve extraordinaire, Raphaël raconte ses malheurs au milieu d’une orgie. Ce récit de désespoir, tour à tour fantastique et réel, agité, coloré, brûlant, enivrant comme les flammes du punch, à la lueur duquel il est confié à un cœur compatissant, doit représenter une ivresse qui croît, qui grandit à chaque phrase.

Cette explication était nécessaire pour l’intelligence du fragment suivant, qui appartient à ce récit.

Nous publions ici un curieux article de Balzac lui-même sur la Peau de chagrin ; il parut signé du pseudonyme du comte Alexandre de B…, dans la Caricature du 11 août 1831 :

LA PEAU DE CHAGRIN
roman philosophique
Par M. de Balzac.
Deux volumes in-8o, avec des dessins de Tony Johannot. Prix 15 francs, chez Ch. Gosselin, rue Saint-Germain-des-Prés, no 9.

Si nous dérogeons à nos habitudes satiriques, et si nous abdiquons le pouvoir de la moquerie en faveur de ce livre ;

Ce n’est pas parce qu’il a le plus brillant succès ;

Ni parce qu’il tire violemment le lecteur de l’époque actuelle, de ses misères, de ses grandeurs, de la politique boiteuse, de la propagande qui marche ;

Ni parce qu’il a une haute portée de morale et de philosophie ;

Ni parce que, suivant l’admirable expression du premier critique qui en ait parlé, « notre société cadavéreuse y est fouettée et marquée en grande pompe sur un échafaud, au milieu d’un orchestre tout rossinien » ;

Ni parce que la vie humaine y est représentée, formulée, traduite, comme Rabelais et Sterne, les philosophes et les étourdis, les femmes qui aiment et les femmes qui n’aiment pas la conçoivent ; drame qui serpente, ondule, tournoie, et au courant duquel il faut s’abandonner, comme le dit la très-spirituelle épigraphe du livre.

(Sterne, Tristam Shandy, chap. 322.)

Ni parce que le style le plus éblouissant encadre ce conte oriental, fait avec nos mœurs, avec nos fêtes, nos salons, nos intrigues et notre civilisation, qui tourne sur elle-même, et augmente l’intensité de son tourbillon sans y mettre plus de bonheur qu’il n’y en avait hier, qu’il n’y en aura demain ;

Ni parce que l’amour y est ravissant comme l’amour, l’amour jeune, l’amour trompé, l’amour heureux ;

Ni parce que la vie du jeune homme riche de cœur et pauvre d’argent y est jetée comme un brandon entre l’insensibilité de la coquetterie et la passion réelle de la femme.

Mais nous recommandons cet ouvrage à ceux qui aiment la belle littérature et les émotions, parce que nous avons autant d’amitié que d’admiration pour M. de Balzac.

Si ce n’est pas de l’adresse, au moins il y a dans cet aveu de la franchise, ce qui est rare en fait de journalisme.

La Peau de chagrin reparut deux fois encore en 1831, sans la préface, et augmentée de douze contes, sous le titre de Romans et Contes philosophiques, trois volumes in-8o avec préface de Philarète Chasles, signée seulement C…, chez Ch. Gosselin ; et les douze contes furent publiés à part en deux volumes in-8o, 1832, sous le titre de Contes philosophiques, avec une note de l’éditeur, datée de Paris, 1832 (voir tome XXII, page 405), et la préface de Philarète Chasles, signée cette fois en toutes lettres. Les deux éditions que cette version fut censée avoir, en 1831, ne furent qu’un seul tirage de l’œuvre, ainsi que le constate la note de l’éditeur placée en tête de la véritable quatrième édition (voir tome XXII, page 406). C’est à l’édition publiée sous le titre de Romans et Contes philosophiques que se rapportent les deux morceaux suivants, écrits en 1831 par l’auteur lui-même sur son œuvre, et que nous empruntons, le premier à la Caricature du 13 octobre 1831, et le second à l’Amateur d’autographes du 15 mai 1865, qui l’a publié sur le manuscrit autographe.

ROMANS ET CONTES PHILOSOPHIQUES
par m. de balzac.

Le nombreux tirage d’une première édition de la Peau de chagrin n’a pu suffire à l’empressement du public, et une seconde édition de cet ouvrage remarquable vient de paraître, enrichie d’un troisième volume, composé de douze nouveaux contes, dont quelques-uns ont paru dans la Revue de Paris. Un pareil succès renferme tous les éloges que nous n’avions pas osé accorder, dès son apparition, à l’œuvre d’un ami. Aujourd’hui, redire des louanges passées en proverbe, et présager aux trois nouveaux volumes de M. de Balzac le même sort qu’ont eu les deux premiers, c’est rendre un juste hommage à la plume d’un écrivain que réclame la bibliothèque de tout lecteur de goût. Les nôtres retrouveront dans l’édition que nous annonçons, le Dialogue des Morts[2], qui parut dans l’un des premiers numéros de la Caricature, et dont la piquante originalité révélait assez cette vraie modestie du talent qui se cache sous l’anonyme[3].

ROMANS ET CONTES PHILOSOPHIQUES
par m. de balzac.
Trois volumes. Ch. Gosselin, 1831.

Les Contes philosophiques de M. de Balzac ont paru cette semaine chez le libraire Gosselin. La Peau de chagrin a été jugée comme ont été jugés les admirables romans d’Anne Radcliffe. Ces choses-là échappent aux annalistes et aux commentateurs. L’avide lecteur s’en empare, de ces livres. Ils jettent l’insomnie dans l’hôtel du riche et dans la mansarde du poëte ; ils animent la campagne ; l’hiver, ils donnent un reflet plus vif au sarment qui pétille ; grands privilèges du conteur ! C’est qu’en effet c’est la nature qui fait les conteurs. Vous aurez beau être savant et grave écrivain, si vous n’êtes pas venu au monde conteur, vous n’obtiendrez jamais cette popularité qui a fait les Mystères d’Udolphe et la Peau de chagrin, les Mille et une Nuits et M. de Balzac. J’ai lu quelque part que Dieu mit au monde Adam le nomenclateur en lui disant : Te voilà homme ! Ne pourrait-on pas dire qu’il a mis aussi dans le monde Balzac le conteur en lui disant : Te voilà conte ! Et en effet quel conteur ! que de verve et d’esprit ! quelle infatigable persévérance à tout peindre, à tout oser, à tout flétrir ! Comme le monde est disséqué par cet homme ! quel annaliste ! quelle passion et quel sang-froid !

Les Contes philosophiques sont l’expression au fer chaud d’une civilisation perdue de débauches et de bien-être que M. de Balzac expose au poteau infamant. C’est ainsi que les Mille et une Nuits sont l’histoire complète du mot Orient à ses jours de bonheur et de rêves parfumés. C’est ainsi que Candide est toute l’histoire d’une époque où il y avait des bastilles, un parc-aux-cerfs et un roi absolu. En prenant ainsi et du premier bond une place à côté de ces conteurs formidables ou gracieux, M. de Balzac a prouvé une chose qui était à démontrer encore, à savoir que le drame, qui n’était plus possible aujourd’hui sur le théâtre, était encore possible dans le conte ; que notre société si dangereusement sceptique, blasée et railleuse, véritable Fœdora sans âme et sans cœur, pouvait encore cependant être remuée par les galvaniques secousses de cette poésie des sens colorée, vivante, en chair et en os, prise de vin et de luxure, à laquelle s’abandonne avec tant de délices et de délire M. de Balzac. De sorte que la surprise a été grande lorsque, grâce à ce conteur, nous avons encore trouvé parmi nous quelque chose qui ressemble à la poésie ; les festins, l’ivresse, la fille de joie, folle de son corps, donnant ses caresses au milieu de l’orgie ; le punch qui court couronné de flammes bleues, la politique en gants jaunes, l’adultère musqué, la petite fille s’abandonnant au plaisir, à l’amour, rêvant tout haut ; la pauvreté propre et reluisante et entourée de décence et d’heureux hasards, nous avons vu tout cela dans Balzac. L’Opéra et ses filles, le boudoir rose et ses molles tentures, le festin et ses indigestions ; nous avons même vu apparaître encore les médecins de Molière, tant cet homme a besoin de sarcasmes et de grotesques. Plus vous avancez dans la Peau de chagrin, vices, vertus manquées, misères, ennui, profond silence, science sèche et décharnée, scepticisme anguleux et sans esprit, égoïsme ridicule, vanités puériles, amours soldés, juifs brocanteurs, que sais-je ? tout ce monde manqué à physionomie effacée et sans style, plus vous reconnaissez avec étonnement et douleur qu’ainsi est construit en effet ce xixe siècle où vous vivez. La Peau de chagrin, c’est Candide avec des notes de Béranger ; c’est les misères, c’est le luxe, c’est la foi, c’est la moquerie, c’est la poitrine sans cœur et le crâne sans cervelle du xixe siècle, ce siècle si paré, si musqué, si révolutionnaire, si peu lettré, si peu quelque chose ; ce siècle de fantasmagories brillantes dont on ne pourra plus rien saisir dans cinquante ans, excepté la Peau de Chagrin de M. de Balzac.

Voici maintenant la curieuse préface de Philarète Chasles, qui n’a jamais été réimprimée depuis sa première publication :

INTRODUCTION
aux
Romans et Contes philosophiques.

Qu’est-ce que le talent du conteur, sinon tout le talent ? Il renferme en lui la déduction logique dans sa rigueur, le drame avec sa mobilité, l’essence même du génie lyrique avec son extase intérieure. Le narrateur est tout. Il est historien ; il a son théâtre, sa dialectique profonde qui meut ses personnages, sa palette de peintre et sa loupe d’observateur. Non-seulement il peut réunir les talents spéciaux que je viens d’indiquer, mais, pour exceller dans son art, il le doit. Imaginez un conte sans intérêt de drame, sans émotion lyrique, sans couleurs nuancées, sans logique exacte ; il sera pâle, extravagant et faux ; il n’existera pas.

La narration est toute l’épopée ; elle est toute l’histoire ; elle enveloppe le drame et le sous-entend. Le conte est la littérature primitive. De quelle joie, dites-moi, durent être saisis ceux qui, les premiers, découvrirent et ressentirent cette jouissance ! Ils inventèrent de pittoresques symboles, en témoignage de leur ivresse nouvelle. Ce fut l’Hercule Gaulois, dont la bouche laissait tomber les chaînes d’or qui retenaient les auditeurs ; ce fut la baguette de Mercure, forçant à s’unir les hommes, plus acharnés que les serpents ; c’est le chant de la sirène, entraînant le navigateur dans l’onde d’où ses accents émanaient. Le premier conteur fut un dieu. Mais les époques primitives une fois passées, conter devint difficile.

Où est le merveilleux ? qu’est devenue la foi ? L’analyse ronge la société en l’expliquant : plus le monde vieillit, plus la narration est une œuvre pénible. Rendez-moi compte de cet incident ? Apportez-moi le comment de cet acte et le pourquoi de ce caractère ? Disséquez ce cadavre et sachez me plaire ! Soyez commentateur et amuseur !

Voici un conteur, qui arrive à l’époque la plus analytique de l’ère moderne, toute fondée sur l’analyse : sociétés, gouvernements, sciences, reposent sur elle ; elle s’empare de tout, pour tout flétrir. Il naît dans le pays le plus rationnel de l’Europe ; point d’oreilles faciles à duper comme en Italie, où la musique est dans le langage et l’ode dans le son ; point de croyance surnaturelle et populaire, le scepticisme est partout ; la faculté raisonneuse a pénétré jusqu’aux classes inférieures. De l’ironie, mais peu caustique ; de l’indifférence, excepté pour les intérêts matériels ; par-dessus tout, de l’ennui et de la lassitude.

Quel conte allez-vous faire à de telles gens ? Ils vous répondront qu’ils ont vu Bonaparte, bivaqué au Kremlin et couché à l’Alhambra. Ils mettront vos sylphides en fuite, et vos magiciens n’auront pas le moindre intérêt pour eux. Ils vous demanderont par quel procédé chimique l’huile brûlait dans la lampe d’Aladin. Ils ont demandé à M. de Balzac ce qui serait advenu, si Raphaël eût souhaité que la peau de chagrin s’étendît !

Osez donc leur réciter de beaux contes ! enlevez-les, comme il faut qu’un bon narrateur le fasse, dans ce char d’Élie, dans cette narration aux ailes de feu et aux roues brûlantes, qui plonge dans le ciel et fait disparaître les villes, les maisons, les bois, les collines de l’horizon terrestre !

L’analyse, dernier développement de la pensée, a donc tué les jouissances de la pensée. C’est ce que M. de Balzac a vu dans son temps ; c’est le dernier résultat de cet axiome de Jean-Jacques : L’homme qui pense est un animal dépravé.

Assurément il n’est pas de donnée plus tragique ; car, à mesure que l’homme se civilise, il se suicide ; et cette agonie éclatante des sociétés offre un intérêt profond.

Le désordre et le ravage portés par l’intelligence dans l’homme, considéré comme individu et comme être social : telle est l’idée primitive qui règne dans les œuvres de Byron et de Godwin. M. de Balzac l’a jetée dans ses contes. Il a vu de quels éclatants dehors cette société valétudinaire s’enorgueillit, de quelles parures ce moribond se couvre, de quelle vie galvanique ce cadavre s’émeut et s’agite par intervalles, de quelle lueur phosphorique il scintille encore. Opposant au néant intérieur et profond du corps social cette agitation factice et cette splendeur funèbre, il a cru que la mission du conteur n’était pas finie et perdue ; qu’il y avait encore une magie dans ce contraste ; une féerie dans cette industrie créatrice de merveilles ; un intérêt dans le jeu cupide des ressorts sociaux, cachés sous de si beaux dehors, dans ce spectacle d’une société rendant le dernier soupir sous des rideaux de pourpre, d’argent et de soie.

Un conteur, un amuseur de gens qui prend pour base la criminalité secrète, le marasme et l’ennui de son époque ; un homme de pensée et de philosophie, qui s’attache à peindre la désorganisation produite par la pensée : tel est M. de Balzac.

Voilà sur quelles bases sont appuyés ces contes de nuances diverses, de formes variées, que M. de Balzac a osé lancer dans le dix-neuvième siècle, blasé, indifférent et peu amusable. Ce fonds misanthropique, qu’une verve de gaieté et une fécondité d’invention incontestables raniment et font étinceler, vous le retrouvez dans l’Auberge rouge, que la Revue de Paris a récemment publiée ; dans l’Élixir de longue vie, dans Sarrasine, dans la Comédie du Diable, farce terrible dont le fantastique Introït lui a été généreusement donné par une des plus mordantes plumes de notre époque. Mais cette pensée première s’élève jusqu’aux proportions de la tragédie dans El Verdugo, où le parricide est sublime, parricide ordonné par une famille et au nom d’une chimère sociale, le parricide pour sauver un titre ! Ainsi, partout l’égoïsme : égoïsme de la famille, égoïsme physique, personnalités féroces qui naissent d’une civilisation sensuelle et raffinée. Tel est spécialement le fonds et la pensée créatrice de la Peau de chagrin.

Rabelais, dans un autre temps, avait vu l’étrange effet de la pensée religieuse, qui, à force de pénétrer la société, achevait de la dissoudre. L’âme, divinisée par le christianisme, avait tout envahi. Le spiritualisme effaçait la matière. Le symbole, l’idéalisation régnaient sans partage ; pour un symbole, l’Occident s’était rué sur l’Orient. Il dominait la poésie qu’il réduisait à l’état de fantôme, en multipliant les personnifications allégoriques, en bannissant de son domaine les êtres vivants, la chair et le sang humains : Rabelais s’arma d’un symbole pour faire la guerre au symbole.

Holà ! messer Gaster, voici notre règne ! Tonnes pleines d’hypocras, bons saucissons chargés d’épices, bombance gigantesque, culte de la dive bouteille, douce abbaye de Thélème, dont le rien faire est la liturgie ; venez !… Et, dans une épopée immense, donnez-nous l’apothéose de ce corps humain que l’on foule aux pieds, et que le curé de Meudon ne se contente pas de remettre à sa place. Il l’installe sur son trône.

Or, voici l’ère de Gargantua. On boit plus sec, on mange sans perdre jamais l’appétit : l’élément physique de l’homme se trouve déifié par cette ironie matérialiste, qui semble une prédiction du xviiie siècle et un oracle des destinées futures auxquelles le monde est réservé.

Passe joyeusement la vie et ris-toi du reste. Trinque ! comme l’a dit M. de Balzac dans la Peau de Chagrin, voilà le sens des amères dérisions du Pantagruel, et peut-être l’arrêt définitif de ce livre.

Certes, Babelais, s’il n’eût pas vécu au commencement du seizième siècle, tout à la fin de ce qu’on appelle le moyen âge, n’eût rien écrit de pareil. Dans Pantagruel et Gargantua, il résuma le passé, railla le présent et s’empara de l’avenir, qu’une civilisation matérielle allait isoler de l’ancienne société chrétienne et spiritualiste, de l’avenir qu’une philosophie sensualiste allait dominer et mouler à son plaisir.

L’ère de Babelais a expiré. Celle qu’il annonçait parcourt son cycle et l’accomplit. Ce ne sont plus les ravages de la pensée idéaliste, mais ceux du sensualisme analytique, que le conteur philosophe peut retracer aujourd’hui.

Aussi, voyez tous ces types d’égoïsme civilisé qui se donnent rendez-vous dans la Peau de chagrin : Fœdora, femme sans cœur, type d’une société sans cœur ; Raphaël, symbole de la misère éclatante, le dandy sans un écu ; le malheur même que donne l’étude solitaire, avec la gloire en perspective, le grenier pour théâtre, et la souffrance pour escorte. Le vaste plan, caché sous ces fantaisies, a dû échapper à plusieurs yeux. Des critiques n’ont pas vu que la Peau de chagrin est l’expression de la vie humaine, abstraction faite des individualités sociales ; la vie avec ses ondulations bizarres, avec sa course vagabonde et son allure serpentine, avec son égoïsme toujours présent sous mille métamorphoses. La même signification se trouve cachée sous les plus légers incidents de cette fiction. À part l’intérêt dramatique du livre, il renferme un intérêt de philosophie allégorique qui s’attache aux plus minces détails et poursuit sans pitié cette science d’égoïsme que la civilisation fait naître. Voyez Raphaël ! Comme le sentiment de sa conservation étouffe en lui toute autre idée ! Comme dans la scène du duel, chez les paysans, dans son hôtel de Paris, le même sentiment l’absorbe ! Soumis à ce talisman terrible, il vit et meurt dans une convulsion d’égoïsme.

C’est cette personnalité qui ronge le cœur et dévore les entrailles de la société où nous sommes. À mesure qu’elle augmente, les individualités s’isolent ; plus de liens, plus de vie commune. La personnalité règne : c’est son triomphe et sa fureur que la Peau de chagrin a reproduits. Dans ce livre, il y a toute une époque. Là, comme on l’a dit dans un journal[4] : « Vous pouvez, si cela vous séduit, voir apparaître, sous forme vivante, notre civilisation d’hier et d’aujourd’hui : toute parée, toute folle d’ennui et de luxe, avec son dégoût, son désespoir, ses bons mots, ses velléités de science et de religion, ses créations qui avortent, ses vertus qui ne sont pas écloses, son éclat semblable à la lueur émanée des endroits infects ; ses prétentions de grandeur, de sévérité, de patriotisme, d’énergie, de rénovation, de génie, d’organisation, de conservation, de durée ; et son néant réel, son mal intime ; son manque de foi, sa faiblesse de volonté, son inanité, sa décrépitude, sa force factice, comme celle de l’ivresse ; passagère, comme celle que la pile de Volta communique à un corps mort.

» Il serait curieux de contempler le critique de l’ancienne école, l’homme de bon goût et de bonnes mœurs, en face de cette œuvre. Oh ! le pauvre homme ! que fera-t-il de sa toise, lui qui veut de la raison ; lui le jugeur, le peseur des mots ; lui, le compas en main, la loupe appliquée sur l’œil, heureux de découvrir une irrégularité dans un livre, une verrue dans un beau visage ? Assurément il ne comprendra pas un mot de ce conte. Il aime la littérature de plain-pied ; ici tout est abîmes, précipices, saillies, excroissances, hautes montagnes, profondeurs sans fond.

» Je jure que le plus habile critique de 1800 à 1820 ne se ferait pas une idée nette sur un pareil ouvrage. Il briserait sa toise, il jetterait son compas. Autant vaudrait demander à M. d’Aguesseau l’explication satisfaisante d’un journal de 1831. En vain diriez-vous à notre Aristarque dans l’embarras que l’auteur de La Peau de chagrin a voulu, comme feu Rabelais, formuler la vie humaine et résumer son époque dans un livre de fantaisie, épopée, satire, roman, conte, histoire, drame, folie aux mille couleurs. Le critique vous dira que Pantagruel est une allégorie, que Panurge est évidemment Rabelais et Pantagruel François Ier ; mais que, dans l’œuvre de M. de Balzac, rien de pareil ne frappe ses yeux. Et si vous répliquez en disant que la prétendue allégorie, découverte dans Rabelais par la lubie des savants, n’a jamais eu d’existence ; que le monstre comique, créé par le médecin chinonais, est une immense arabesque, fille du caprice accouplée avec l’observation : notre homme vous tournera le dos, non sans prier Dieu qu’il vous rende votre raison perdue et vous fasse cadeau d’une bonne édition de Laharpe.

» Il y a dans l’œuvre de M. de Balzac le cri éclatant, le cri de désespoir d’une littérature expirante. Œuvre puissante… Je ne parle pas de la souplesse d’un style qui insulte à tout moment la critique, et d’une vivacité extrême de teintes chatoyantes ; mais de la portée générale d’un livre où le siècle et le pays les plus confus qui aient jamais existé se concentrent sous des formes poétiques, réelles, colorées, qui éblouissent le regard. Avoir trouvé le fantastique de notre époque, ce n’est ni un petit mérite, ni un mince travail. L’avoir vivifié sans tomber dans la froideur de l’allégorie, c’est chose méritoire, c’est le témoignage d’un rare talent. Il fallait, pour obtenir ce résultat, n’oublier aucune des brillantes nuances dont elle se pare, nous donner les fêtes, l’esprit, le dévergondage, les riches étoffes, les jouissances effrénées, le jeu, l’amour, la poésie de costume, qui se pressent dans les grandes villes ; il fallait n’oublier non plus aucune des misères sociales ; ces cœurs desséchés, ces existences perdues, ces arts qui augmentent la richesse sans ajouter rien au bonheur ; il fallait faire voir, au sein de la civilisation, fleur éclatante et factice, le ver qui la ronge, le poison qui la tue.

» Ce livre a tout l’intérêt d’un conte arabe, où la féerie et le scepticisme se donnent la main, où des observations réelles et pleines de finesse sont enfermées dans un cercle de magie. Vous y trouverez de grands salons et de grandes orgies, la mansarde du jeune savant et le boudoir de la femme à la mode, la table de jeu et le laboratoire du chimiste : tout ce qui influe sur notre société, depuis le sourire de la jeune fille jusqu’aux malices du feuilleton.

» Et n’attendez pas que je vous donne une idée plus exacte de cet étrange livre ; il est de ceux où chacun trouve pâture à son goût : à tel la satire, à tel autre le fantastique, à celui-là des tableaux brillamment colorés. Si la société telle qu’elle est vous ennuie tant soit peu, et qu’il vous agrée de la voir pincée, fouettée, marquée, en grande pompe, sur un bel échafaud, au milieu de tout le fracas d’un orchestre rossinien, d’un tintamarre et d’un charivari incroyables, et de la décoration la plus étourdissante, lisez la Peau de chagrin, vous en avez pour trois nuits d’images éclatantes et terribles qui soulèveront les rideaux de votre alcôve pour peu que la nature vous ait doué d’imagination ; et pour un an de réflexions, si vous êtes né contemplateur, observateur et penseur. »

Le public, qui a si rapidement enlevé la première édition, a justifié le critique. Mais l’auteur, docile aux observations qui lui ont été adressées par amis et ennemis, n’a épargné ni ratures, ni veilles, ni suppressions, ni corrections, pour rendre plus parfaite la seconde édition de son œuvre. Il a même fait le sacrifice de sa préface presque entière ; préface consacrée à une justification inutile. Il avait tort de croire que la Physiologie du mariage, œuvre d’ironie et d’analyse, eût marqué son front d’un sceau de cynisme et d’impudence : on ne confond plus les fantaisies de l’art avec le caractère de l’artiste ; on sait que le plus doux des hommes peut devenir, dans sa tragédie, sanguinaire, criminel et implacable. On sait que le poëte le plus ardemment érotique peut ne demander à l’amour que la jouissance des beaux vers. Cependant cette préface, dont le scrupule de l’auteur avait tracé les pages, et dont il fait le sacrifice, contenait des observations générales et philosophiques que nous croyons devoir reproduire ici.

L’auteur explique, avec autant de sagacité que de finesse, le procédé physiologique qui préside à la création d’une œuvre d’art et fait naître dans l’esprit de l’artiste mille fantômes dont la moralité ne lui est pas imputable[5].

 

M. de Balzac, dont les contes ont vaincu la formaliste apathie de son temps et qui, dans la Peau de chagrin, a donné preuve de cette énergie et de cette fécondité, de cette verve hardie et poignante, que l’on réclame aujourd’hui, comme un palais blasé veut de l’orpiment et de l’alcool, ne s’en tiendra pas à cet essai. Il a frappé notre époque en lui empruntant ses propres armes ; en employant cette frénésie d’invention, cette ironie envenimée, ces couleurs ardentes, sombres et tranchées, dont l’abus serait la perte de l’art. Quand il voudra être simple, il saura l’être, comme il l’a prouvé dans le Réquisitionnaire, dans l’Étude de femme, dans les Proscrits et l’Enfant maudit. On le verra changer les couleurs de sa palette et, de nuance en nuance, d’existence en existence, de mode en mode, parcourir tous les degrés de l’échelle sociale et montrer tour à tour le paysan, le mendiant, le pâtre, le bourgeois, le ministre, attaqués de la même maladie destructive. Il ne reculera pas même devant le roi et le prêtre, ces deux derniers échelons de notre hiérarchie croulante ; le roi, que notre progrès de civilisation a tellement ébranlé sur son trône qu’il n’a plus de confiance à sa couronne ; le prêtre, dont la pensée renferme le dernier, le plus large développement de l’intelligence humaine, et qui n’est plus qu’un spectre lorsqu’il cesse d’avoir foi en lui.

La foi et l’amour, s’éloignant des hommes livrés à la culture intellectuelle ; la foi et l’amour, s’exilant pour laisser dans un désert d’égoïsme profond tous ces hauts esprits, tous ces êtres parqués dans leur personnalité : tel est le but des contes de M. de Balzac. Dans celui que l’auteur a intitulé Jésus-Christ en Flandre, un rayon d’amour et de foi tombe du ciel. Les parias de la société, ceux qu’elle bannit de ses universités et de ses colléges, restent fidèles à leur croyance, et conservent, avec leur pureté morale, la force de cette foi qui les sauve, tandis que les gens supérieurs, fiers de leur haute capacité, voient s’accroître leurs maux avec leur orgueil, et leurs douleurs avec leurs lumières. Cette moralité suprême qui couronne la peinture de tous les types d’individualisme est d’un bel effet.

C’est non-seulement la société dans ses masses que frappe de mort l’égoïsme, fils de l’analyse et de cette raison approfondissante qui nous ramène sans cesse à notre personnalité ; c’est aussi la société dans ses éléments partiels ; c’est encore le gouvernement et la théorie politique. De degrés en degrés, l’auteur s’élèvera jusqu’à cette dernière ironie, la plus haute et la plus en harmonie avec notre temps. Dans l’Histoire de la succession du marquis de Carabas[6], dernière œuvre qui complétera la donnée de ce recueil, il montre la société politique en proie à la même impuissance, au même néant qui dévorent Raphaël dans la Peau de chagrin. Même intensité de désirs, même éclat extérieur, même misère réelle ; même formule inévitable, éternelle, où la nationalité se trouve pressée comme l’individualisme dans la sienne. Ici un ton de bonhomie plus naïve, une satire moins amère, s’accorderont avec une ironie qui s’attaque non aux hommes, mais aux doctrines ; non aux individualités, mais aux systèmes.

Ces récits, mêlés de merveilleux et dictés par la fantaisie, ont conquis un succès populaire dans une époque si contraire à la libre et capricieuse fiction ; mais on les a plutôt acceptés comme des inventions brillantes que comme des œuvres de raison. Nous avons pris plaisir à en développer le sens philosophique, la portée morale, inaperçus de la foule. Ce n’est pas là ce qui fait le succès du jour, mais ce qui le propage et le continue dans l’avenir.

En 1833, une troisième édition de la Peau de chagrin (marquée quatrième), accompagnée de nouveau de la préface de Philarète Chasles, fut faite chez le même éditeur, encore sous le titre de Romans et Contes philosophiques et suivie des douze contes. En 1835, daté de la Boulonnière, avril 1831, cet ouvrage parut pour la quatrième fois, précédé de la note que nous avons signalée plus haut, et d’une Étude de Félix Davin ; il formait les tomes I à IV, in-18, de la quatrième édition des Études philosophiques, chez Werdet. Enfin, en 1845, la Peau de chagrin entra, dédiée pour la première fois, dans le tome I de la cinquième édition de ces Études (première édition de la Comédie humaine, tome XIV).

LXVI. Jésus-Christ en Flandre, daté de Paris, février 1831. Dédié à madame Desbordes-Valmore. Ce conte, qui comprend en outre aujourd’hui le fragment intitulé primitivement l’Église, parut inédit en 1831 dans les Romans et Contes philosophiques, trois volumes in-8o, chez Gosselin. Dans l’édition in-18 de 1836, ce récit porte la date de Paris, novembre 1833, qui ne saurait être exacte, on le voit. En 1845, il entra, dédié pour la première fois, dans le tome I de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XIV) ; il y absorba l’Église qui l’y suit sans division et son titre supprimé ; quelques mots ajoutés ont suffi pour souder les deux récits. L’Église, qui commence dans l’édition définitive, page 253, dernière ligne, avait paru pour la première fois aussi dans les Romans et Contes philosophiques en 1831. Dans l’édition in-18 de 1836, ce conte est daté de Paris, février 1831, date qui est devenue, on l’a vu, celle de tout le morceau actuel. Un fragment de l’Église avait paru inédit dans la Caricature du 9 décembre 1830, sous le titre de : la Danse des pierres. Il était signé comte Alex. de B…, et va de la dernière ligne de la page 252 à la ligne 13 de la page 256 : on y lisait, après le mot « veille » :

— Réveillez-vous, je vais fermer les portes…

Je me retournai soudain, et je vis l’horrible figure du donneur d’eau bénite. — Il m’avait secoué le bras, et je trouvai la cathédrale humide, ensevelie dans l’ombre, comme un homme enveloppé d’un manteau… Tout en marchant, je croyais encore la sentir dansant sous moi…

LXVII. Melmoth réconcilié, daté de Paris, 6 mai 1835. Dédié au général Baron de Pommereul. Imprimé pour la première fois en juin 1835, dans le tome VI du Livre des Conteurs, recueil par divers auteurs, Lequien fils, six volumes in-8o, accompagné d’une note (voir tome XXII, page 417) ; ce conte reparut la même année, daté, dans le tome V de la quatrième édition des Études philosophiques. Ce n’est qu’en 1845 qu’il prit sa dédicace en entrant dans le tome I de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XIV).

LXVIII. Le Chef-d’œuvre inconnu, daté de Paris, février 1832. Dédié à un lord, 1845. Ce récit a paru pour la première fois, avec le sous-titre de conte fantastique, dans l’Artiste des 31 juillet et 6 août 1831 ; il y était divisé en deux chapitres : Maître Frenhofer et Catherine Lescault. La même année, il reparut en volume dans la première édition des Romans et Contes philosophiques, et fut, pour la première fois daté de 1836 dans le tome XVII de la quatrième édition des Études philosophiques, publié en 1837. Il compléta en 1848, sous le titre de Gillette, la première édition à part de : le Provincial à Paris (les Comédiens sans le savoir). Il entra en 1845, dédié, et le titre de son premier chapitre changé en celui de Gillette, dans le tome I de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XV).

LXIX. Gambara, daté de Paris, juin 1837. Dédié au marquis de Belloy. Cette étude parut pour la première fois dans la Revue et Gazette musicale de Paris des 23, 30 juillet, 6, 13 et 20 août 1837 ; sa publication y fut précédée d’une lettre au directeur, datée de Paris 29 mai 1837, publiée dans le numéro du 11 juin (voir tome XXII, page 491). Cette version était divisée comme suit :

1. Comment un noble Milanais, en poursuivant une femme, fit la rencontre d’un compositeur soupçonné d’être fou.
2. Vie du signor Paolo Gambara.
3. Opéra de Mahomet, musique et paroles de Gambara.
4. Ce que Gambara ivre trouvait dans Robert le Diable.
Conclusion.

En 1839, Gambara parut pour la première fois en volume, avec sa dédicace, datée des Jardies, février 1839, à celui qui n’était encore alors que le comte Auguste-Benjamin de Belloy ; il était précédé du Cabinet des Antiques, avec préface collective (voir tome XXII, page 513). Cette édition portait comme titres de chapitre :

1. La rencontre du compositeur.
2. Vie du Signor Paolo Gambara.
3. Opéra de Mahomet.
4. Opinion de Gambara ivre.
Conclusion.

Il entra ensuite, en 1840, daté de Paris, avril-juin 1837, dans le Livre des douleurs avec Massimilla Doni, les Proscrits et Séraphita. Enfin, en 1846, il entra avec sa date actuelle, et toutes divisions supprimées, dans le tome II de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XV).

LXX. Massimilla Doni, daté de Paris, 25 mai 1839. Dédié à Jacques Strunz. Ce récit parut pour la première fois, en 1839, divisé en quatre chapitres, sans titre et avec sa dédicace datée de Paris, mai 1839, à la suite d’une Fille d’Ève, avec préface collective (voir tome XXII, page 518). Un fragment de cette nouvelle, intitulé Une Représentation du Mose de Rossini, à Venise, avait été publié inédit dans la France musicale du 25 août 1839 ; l’introduction de ce fragment n’a pas été réimprimée avec l’œuvre ; nous allons la donner ici en faisant remarquer qu’elle se plaçait immédiatement avant la ligne 5 de la page 435 :

Un des grands vices du caractère des Français est de croire que, hors la France, il n’existe plus rien. Les Français suppriment entièrement les pays étrangers ; ils veulent les ignorer, et sont tout surpris d’y trouver quelque chose. En 1822, un jeune homme, attiré en Italie par les étranges assertions de M. de Stendhal, dont les livres parlaient d’un musicien de génie, était à Venise au moment où la fameuse Tinti devait débuter à la Fenice, dans le rôle d’Elcia de Mose. Ce Français avait été recommandé à la duchesse Cataneo, qui lui fit presque violence en l’emmenant au théâtre. Elle lui avait d’ailleurs promis de lui expliquer la musique du nouveau maître.

Cet extrait de Massimilla Doni se terminait aux mots « la Venise qui n’était plus », ligne 34 de la page 457. En 1840, cette nouvelle reparut dans le Livre des douleurs, avec Gambara, les Proscrits et Séraphita. La dédicace est enlevée, et l’ouvrage daté, par erreur, de Paris 25 mai 1837, y est divisé en chapitres dont voici les titres :

1. Les deux amours.
2. Les extrêmes jouissances.
3. L’opéra de Mose.
4. Les deux guérisons.

En 1846, cette étude entra dans le tome II de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XV), datée comme aujourd’hui, la dédicace rétablie sans date, et toutes les divisions enlevées.

LXXI. La Recherche de l’absolu, daté de Paris, juin-septembre 1834. Dédié à madame Joséphine Delannoy, née Doumerc. Imprimé pour la première fois, daté, en 1834, dans la troisième édition des Scènes de la Vie privée, ce roman, qui formait le tome III de cette édition, fut mis en vente en octobre avec sa date actuelle et les divisions suivantes :

1. La maison Claes.
2. Histoire d’un ménage flamand.
3. L’absolu.
4. La mort d’une mère.
5. Dévouements de la jeunesse.
6. Le père exilé.
7. L’absolu trouvé.

En 1839, il fut réimprimé chez Charpentier en un volume in-12, sous le titre de Balthazar Claes ou la Recherche de l’absolu, et divisé en quatre chapitres sans titres. Il était précédé de sa dédicace, datée alors des Jardies, juin 1839. En 1845, ce roman est entré, la date de la dédicace et toutes divisions supprimées, dans le tome I de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XIV).

TOME II.

LXXII. L’Enfant maudit, daté de Paris, 1831-1836. Dédié à la baronne James de Rothschild. La première partie de ce récit, qui se terminait page 56, ligne 34, de l’édition définitive, parut pour la première fois dans la Revue des Deux Mondes, numéro de janvier 1831, divisée en trois chapitres :

1. Une chambre à coucher du xvie siècle.
2. Le rebouteur.
3. L’amour paternel.

division qui fut maintenue lors de sa publication en volume, la même année, dans la première édition des Romans et Contes philosophiques. La deuxième partie, imprimée pour la première fois dans la Chronique de Paris du 9 octobre 1836, sous le titre de la Perle brisée, parut pour la première fois en volume en 1837 (daté 1836), complétant l’ouvrage, daté en entier de 1831-1836 et divisé en deux parties : Comment vécut la mère et la Perle brisée, dans le tome XVI de la quatrième édition des Études philosophiques.

La seconde partie était précédée, dans la Chronique de Paris, de quelques lignes d’introduction qui se plaçaient immédiatement après la fin de la première partie et qui n’ont pas été conservées dans le volume ; les voici :

Au milieu d’une époque où les religions humaines s’abolissent, où la famille est quasi détruite, où le droit d’aînesse, institution aussi vieille que le déluge, n’est plus comprise, où la chimère de l’égalité triomphe, où les biens, en se morcelant, amoindrissent la nation ; par ce temps désastreux où l’Individu remplace la Maison, où chacun, en un mot, se couronne roi lui-même, il est difficile de faire concevoir la folle ivresse d’un vieux gentilhomme retrouvant un fils au moment où il croyait son nom éteint, ses armes perdues, ses domaines partagés. Le duc d’Hérouville fut ainsi quand il eut retrouvé le fils qu’il avait maudit autrefois. Il ne se demanda point quels étaient ses torts envers cet enfant, s’il en serait aimé. Il oublia la sombre destinée qu’il avait faite à la mère. Pour lui, tout le passé disparaissait devant la brillante aurore de l’avenir ; la maison d’Hérouville ne périrait point ; Dieu lui avait miraculeusement conservé sa race, en fortifiant dans l’ombre et le silence l’enfant qu’il croyait mort.

On continuait après comme aujourd’hui, page 56, ligne 35. En 1847, l’Enfant maudit, complet, fut placé à la suite de Madame de la Chanterie, trois volumes in-8o, et les deux parties y sont fondues en un seul ouvrage divisé en sept chapitres dont les trois premiers sont restés ceux de la première version de la première partie ; voici ceux de la seconde :

4. Un héritier.
5. Gabrielle.
6. Amour.
7. La perle brisée.

En 1846, l’Enfant maudit était entré, dédié pour la première fois et divisé en deux chapitres seulement : Comment vécut la mère, Comment mourut le fils, dans le tome II de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XV).

LXXIII. Les Marana, daté de Paris, novembre 1832. Dédié à la comtesse Merlin. Cette nouvelle parut pour la première fois dans la Revue de Paris, numéros de décembre 1832 et janvier 1833, avec cette bizarre épigraphe : Ni muse ni moire ; la première partie, divisée en deux chapitres : Exposition, Action, y était datée du 15 décembre (1832) ; la deuxième, intitulée Histoire de madame Diard, était précédée de l’épigraphe suivante, empruntée à Louis Lambert :

Il était, vivante et sublime Élégie, toujours silencieux, résigné ; toujours souffrant, sans pouvoir dire : Je souffre.

Ce récit parut pour la première fois en volume en 1834, dans le tome II de la première édition des Scènes de la Vie parisienne, daté comme aujourd’hui, et les deux premiers chapitres de la version de la Revue de Paris fondus en un seul qui prit le titre de la Marana. Enfin, en 1846, il entra, dédié pour la première fois et toutes divisions de chapitres supprimées, dans le tome II de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XV).

Une curieuse remarque à faire pour cette nouvelle, c’est qu’il y est parlé différemment dans toutes les éditions d’un récit relatif au capitaine Bianchi (voir ligne 14, page 100), et que, sauf le premier renseignement, celui qui est indiqué dans la Revue de Paris, tous les suivants sont inexacts. Voici ces différents renvois :

I.

Ce divertissement de bivac a été raconté récemment dans un livre où se trouvent, sur le 6e de ligne, des détails qu’il est inutile de répéter ici.

(Revue de Paris, décembre 1832.)

II.

Ce divertissement de bivac est raconté dans les Conversations par lesquelles cet ouvrage est terminé, et il s’y trouve, sur le 6e de ligne, des détails qui confirment tout ce qu’on en dit ici.

(Scènes de la Vie parisienne, 1834.)

III.

Ce divertissement de bivac est raconté ailleurs (Scènes de la Vie parisienne), et il s’y trouve, sur le 6e de ligne, certains détails qui confirment tout ce qu’on en dit ici.

(La Comédie humaine, 1846.)

Or, ce récit se trouve dans Échantillon de causeries françaises (Conversations entre onze heures et minuit), que Balzac publia d’abord dans les Contes bruns et qui ne fut jamais placé dans les Scènes de la Vie parisienne, malgré ces indications (voir aux Œuvres diverses). L’avis qui se trouve à la page 100 de l’édition définitive est donc inexact aussi.

LXXIV. Adieu, daté de Paris, mars 1830. Dédié au prince Frédéric de Schwarzemberg. Ce récit parut pour la première fois dans la Mode du 15 mai et du 5 juin 1830, sous le titre de Souvenirs soldatesques ; Adieu. Il y était divisé en trois chapitres : les Bons hommes, le Passage de la Bérézina, la Guérison. Il parut pour la première fois en volume, en 1832, toutes divisions supprimées, dans le tome III de la deuxième édition des Scènes de la Vie privée, sous le titre de : le Devoir d’une femme. En 1835, cette nouvelle, datée comme aujourd’hui, entra pour la première fois dans les Études philosophiques sous son titre d’Adieu, dans le tome IV de leur quatrième édition. Il y portait l’épigraphe suivante, extraite de César Birotteau, inédit à cette époque, et qui devait alors paraître dans les Études philosophiques :

Les plus hardis physiologistes sont effrayés par les résultats physiques de ce phénomène moral, qui n’est cependant qu’un foudroiement opéré à l’intérieur, et, comme tous les effets électriques, bizarre et capricieux dans ses modes.

En 1846, Adieu entra, dédié pour la première fois, dans le tome II de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XV).

LXXV. Le Réquisitionnaire, daté de Paris, février 1831. Dédié à Albert Marchand de la Ribellerie, Tours 1836. Ce récit parut pour la première fois dans la Revue de Paris du 23 février 1831, et entra la même année dans la première édition des Romans et Contes philosophiques. En 1835, il fit partie, daté, de leur quatrième édition, et, en 1846, il entra, dédié pour la première fois, dans le tome II de la cinquième édition (première de la Comédie humaine, tome XV).

LXXVI. El Verdugo, daté de Paris, octobre 1829 (et non 1820, comme le porte par suite d’une faute d’impression l’édition définitive et celle qui l’a précédée). Dédié à Martinez de la Rosa. Ce récit parut pour la première fois dans la Mode, numéro du 29 janvier 1830, sous le titre de Souvenirs soldatesques. El Verdugo ; guerre d’Espagne (1809), accompagné de cette note :

Le respect dû à des infortunes contemporaines oblige le narrateur à changer le nom de la ville et de la famille dont il s’agit.

Il entra en 1831 dans la première édition des Romans et Contes philosophiques. En 1835, il entra, daté, dans le tome V de la quatrième édition des Études philosophiques, et, en 1846, dédié pour la première fois, dans le tome II de leur cinquième édition (première de la Comédie humaine, tome XV). Il a aussi été publié en 1847 après le Provincial à Paris (les Comédiens sans le savoir), deux volumes in-8o, et en 1854 après l’Initié, deuxième épisode de l’Envers de l’histoire contemporaine, deux volumes in-8o.

LXXVII. Un Drame au bord de la mer, daté de Paris, 20 novembre 1834. Dédié à la princesse Caroline Galitzin de Genthod, née comtesse Walewska. Ce récit parut pour la première fois en 1835, daté, dans le tome V de la quatrième édition des Études philosophiques. Il a accompagné, en 1843, la Muse du département, Rosalie (Albert Savarus), et le père Canet (Facino Cane), quatre volumes in-8o, sous le titre de la Justice paternelle, et fit partie en 1846, dédié pour la première fois et sous son premier titre, du tome II de la cinquième édition des Études, philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XV).

LXXVIII. L’Auberge rouge, daté de Paris, mai 1831. Dédié au marquis de Custine. Ce récit parut pour la première fois dans la Revue de Paris des 10 et 27 août 1831 ; il entra en 1832 dans les Nouveaux Contes philosophiques, un volume in-8o, divisé comme suit :

1. Introduction.
2. Les deux sous-aides.
3. Les deux justices.
4. Les deux justices (fin).
5. Le cas de conscience.

En 1837 (daté 1836), ce récit entra dans le tome XVII de la quatrième édition des Études philosophiques, divisé comme suit :

Introduction.
1. L’idée et le fait.
2. Les deux crimes.
3. Les deux justices.
4. Le cas de conscience.

En 1846, il entra, dédié pour la première fois, dans le tome II de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XV), divisé en deux parties dont voici les titres : L’Idée et le Fait et les Deux Justices.

LXXIX. L’Élixir de longue vie, daté de Paris, octobre 1830. Dédié au lecteur. Ce récit parut pour la première fois dans la Revue de Paris du 24 octobre 1830, divisé en deux parties : Festin et Fin, précédées des épigraphes suivantes, qui ont été supprimées depuis :

I.

Pendant cette soirée, je vis un monsieur qui avait une tabatière sur laquelle était peint l’œil étincelant d’une maîtresse, morte à la fleur de l’âge, et dont il fut jadis adoré.

(Monographie de la vertu, ouvrage inédit de l’auteur.)

II.

Toutes les fois que Languet, curé de Saint-Sulpice, passait devant un savant critique surnommé le dénicheur de saints, il le saluait avec respect, disant : « J’ai toujours peur qu’il ne fasse un fripon de mon pauvre saint Sulpice ! »

(Monographie de la vertu.)

On sait que la Monographie de la vertu est un des nombreux ouvrages projetés par Balzac qui n’ont point été écrits.

La fin même du récit a disparu dans toutes les réimpressions ; la voici :

Ce fut le premier religieux qui mourut bicéphale.

Nous pouvons tirer de ce mythe plusieurs moralités intéressantes. D’abord… Mais continuez — sans l’auteur…

L’Élixir de longue vie parut pour la première fois en volume, en 1831, dans les Romans et Contes philosophiques. Il fut daté pour la première fois en 1835, dans le tome V de la quatrième édition des Études philosophiques, et entra en 1846, dédié pour la première fois, dans le tome II de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XV).

LXXX. Maître Cornélius, daté du château de Saché, novembre et décembre 1831. Dédié au comte Georges Mniszech. Imprimé pour la première fois dans la Revue de Paris en décembre 1831, ce récit y était divisé en trois chapitres :

1. Scènes d’église au xve siècle.
2. Le torçonnier.
3. Le vol des joyaux du duc de Bavière.

En publiant cet ouvrage, en 1832, dans les Nouveaux Contes philosophiques, l’auteur divisa le dernier chapitre en deux, et intitula le quatrième le Trésor inconnu. Il passa ensuite, en 1836, avec ces divisions et daté, dans la quatrième édition des Études philosophiques ; puis enfin, en 1846, toutes divisions supprimées et dédié pour la première fois, dans leur cinquième édition (première de la Comédie humaine, tome XV).

LXXXI. Sur Catherine de Médicis. Introduction. ILe Martyr calviniste. IILa Confidence des Ruggieri, daté de Paris, novembre-décembre 1836. IIILes Deux Rêves, daté de Paris, janvier 1828. Dédié au marquis de Pastoret, dédicace datée de Paris, janvier 1842. La première partie de ce récit, après avoir été longtemps annoncée sous le titre de : le Fils du pelletier, et sous celui de : les Lecamus ou Catherine de Médicis prise au piége, parut, sans l’introduction, dans le Siècle, du 23 mars au 4 avril 1841, sous le titre de : les Lecamus. Elle portait alors pour épigraphe ces mots tirés de Louis Lambert :

Le fanatisme et tous les sentiments sont des forces vives.

et parut dans ce journal divisée en chapitres dont voici les titres, supprimés depuis :

1. Une maison qui n’existe plus, au coin qui n’existe plus, de la rue de la Vieille-Pelleterie qui n’existe plus, dans un Paris qui n’existe plus.
2. Les réformés.
3. La bourgeoisie.
4. La cour.
5. Le petit lever de François II.
6. Un drame dans un surcot.
7. Le martyre.
8. Les Bourbons contre les Valois.
9. Comment mourut François II.
10. La récompense.

Cette partie parut pour la première fois en volumes, accompagnée des deux autres, de son importante introduction inédite et de sa dédicace datée, en janvier 1843, trois volumes in-8o, chez Souverain ; l’ouvrage portait le titre de Catherine de Médicis expliquée ; le Martyr calviniste. Sa division de chapitres était différente de celle du Siècle et nous la reproduisons ici :

1. Une maison qui n’existe plus, au coin d’une rue qui n’existe plus, dans un Paris qui n’existe plus.
2. Les réformés.
3. La bourgeoisie.
4. Le château de Blois.
5. La cour.
6. Le petit lever de François II.
7. Les deux amants.
8. Marie Stuart et Catherine.
9. Un drame dans un surcot.
10. Le martyre.
11. Le tumulte d’Amboise.
12. Ambroise Paré.
13. Comment mourut François II.
14. Genève.
15. Calvin.
16. Catherine au pouvoir.
17. La récompense.
Note.

L’introduction était terminée par cette note d’autant plus singulière qu’elle est absolument inexacte quant à la date rectifiée :

On a mis par inadvertance le titre de le Petit Souper au lieu de : les Deux Rêves, page XLII, à propos de la troisième étude sur Catherine de Médicis, publiée en 1828 et non en 1830.

Voici maintenant le passage auquel cette note fait allusion ; il fut supprimé de l’introduction à l’entrée de l’ouvrage dans la Comédie humaine en 1846 ; il se plaçait après les mots « envers cette reine », ligne 24, page 375 :

Plus tard, quand il eut résolu d’indiquer la pensée qui avait conduit chaque siècle antérieur au nôtre, afin de démontrer l’activité des idées et leur puissance, il pensa naturellement à Catherine. Son opinion sur cette grande reine n’est d’ailleurs pas nouvelle. Le Petit Souper (les Deux Rêves), la dernière des trois études réunies ici en corps d’ouvrage pour la première fois, a été publié en 1830. Peut-être, si cette Étude eût été intitulée Dialogue de Catherine de Médicis et de Robespierre, l’analogie frappante entre les exigences politiques du principe de la domination démocratique et du principe de la domination monarchique eût-elle été mieux comprise.

Le Martyr calviniste et le Secret des Ruggieri montrent Catherine de Médicis aux prises avec la première et la dernière grande difficulté de sa vie politique ; mais, en voyant combien de développements exigent ces deux détails et combien de faits, d’hommes et d’intérêts s’y rattachent ; en observant surtout avec quelle sobriété l’auteur a procédé, l’on apercevra les énormes travaux auxquels doivent se condamner les historiens qui voudront entreprendre la peinture vraie de la France pendant la réformation, ouvrage auquel travaille, dit-on, M. le marquis de Pastoret depuis quinze années.

Évidemment cette histoire aura toujours deux historiens, un protestant et un catholique ; car l’impartialité, dans le sens que l’on donne à ce mot, n’y est point permise. Aujourd’hui nous n’avons plus qu’à en peindre le drame : la chose est jugée, nous sommes dévorés par l’esprit du protestantisme.

Quand un grand homme se présentera-t-il pour dompter ce nouvel esprit des sociétés, comme Luther et Calvin ont vaincu l’ancien ? Quand se lèvera le Luther ou le Calvin de la monarchie et de la religion, pour faire perdre à ces mots Liberté, Égalité, Élection, leur funeste auréole ? L’entreprise est difficile, Napoléon y a déjà succombé. La plume en ceci nous semble plus puissante que l’épée ; car les novateurs ont vaincu plus par l’encre que par la poudre à canon. Aussi, quel nom donner à un pouvoir qui, de nos jours, ne veut pas s’unir intimement avec les écrivains de talent qui défendent la société ; qui, loin de protéger la pensée, ne pense qu’à nuire à ceux qui en disposent ? Était-ce l’armée et le talent militaire qui manquaient à Philippe II et à Catherine ? Était-ce l’or ?

Quant à la conclusion à tirer de ces études sur Catherine, elle sera claire et visible : le pouvoir ne doit jamais être astreint aux règles qui constituent la morale privée. Cette maxime est directement contraire à celle avec laquelle la bourgeoisie voudrait aujourd’hui diriger la politique des États. Ne sera-ce pas rendre notre pays victime des cabinets qui se conduisent par les principes politiques de Catherine ? Aussi voyez combien la Russie et l’Angleterre sont, politiquement parlant, supérieures à la France ? Il y a une politique russe, une politique anglaise, il y a même une politique autrichienne et une politique prussienne en présence ; mais il n’y a point de politique française. Les causes de la grandeur de Louis XIV sont dans une application constante des principes de Catherine de Médicis. Aussi, quand les élèves de Mazarin disparaissent, la splendeur du grand roi s’éteint-elle. Une fois Louvois, Colbert et de Lyonne, les secrétaires du cardinal, formés à son école, morts ou tués, la diplomatie française, alors la première de l’Europe, perd du terrain ; et la corruption anglaise commence son travail, pour ne plus s’arrêter.

Évidemment, le pouvoir devra, dans un temps donné, pour rendre à la France sa supériorité, reconquérir l’absolutisme qui lui est nécessaire par ce que nous appelons la légalité : mais alors le pouvoir royal dépassera peut-être le but en acquérant une force despotique inouïe. La rébellion est aujourd’hui si bien prévue, qu’on bâtit au moment où nous écrivons une ceinture de forts et de feux pour pouvoir, au besoin, recommencer à la fois Catherine et Robespierre.

On oublia seulement que la puissance des idées, tant que l’imprimerie existera, domine celle des canons. L’écritoire, aidée par le temps, est plus forte que l’épée[7]. Léon X, l’œuvre de Philippe II et de son duc d’Albe, les Guises, Catherine, la monarchie de Louis XIV, l’empire de Napoléon, tous ces colosses ont succombé devant de petits volumes. Et peut-être est-ce un petit livre qui tuera l’Angleterre. Aussi la sagesse dans l’exercice du pouvoir absolu est-elle la seule force à opposer aux idées. N’est-ce donc pas déjà se défier de soi-même que de prévoir la révolte ?

Avant l’époque où le Martyr calviniste prend Catherine de Médicis, sa vie est assez intéressante pour que nous en présentions ici une esquisse où nous combattrons, comme nous venons de l’essayer, quelques opinions erronées sur elle, sur les personnages qui l’entouraient et sur les choses de son temps.

Ce précis, nécessaire et fait au point de vue d’une critique impartiale, permettra d’embrasser le cours presque entier de cette vie royale, car il se mariera parfaitement aux deux premières Études qui la peignent dans les deux grandes situations de sa politique.

En 1846, les trois parties entrèrent sous le titre général de : Sur Catherine de Médicis, et la première gardant son titre de : le Martyr calviniste, dans le tome II de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XV). Balzac avait emprunté l’idée de cet ouvrage au Tumulte d’Amboise par M. Germeau.

La deuxième partie parut pour la première fois, datée comme aujourd’hui, dans la Chronique de Paris des 4, 11, 18 décembre 1836, et 22 janvier 1837, sous le titre de : le Secret des Ruggieri ; elle était divisée alors en trois chapitres :

1. Une nuit de Charles IX.
2. Marie Touchet.
3. Fin contre fin.

et elle parut pour la première fois en volume en 1837, sans changement, sauf le titre du troisième chapitre supprimé, dans la quatrième édition des Études philosophiques. Après avoir paru pour la première fois en janvier 1843, comme deuxième partie de Catherine de Médicis expliquée, toujours sous le titre de : le Secret de Ruggieri, et divisé comme suit :

1. La cour sous Charles IX.
2. Ruses contre ruses.
3. Marie Touchet.
4. Le récit du roi.
5. Les Alchimistes.

elle entra en 1846, toutes divisions supprimées, dans le tome III de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XVI), sous son titre actuel : la Confidence des Ruggieri.

Dans la première édition de la Comédie humaine, le début du dernier paragraphe de la page 580 actuelle était tout autre qu’il n’est aujourd’hui ; nous conservons ici toute la partie changée maintenant :

Quant à la soif de domination qui dévorait Catherine, et qui fut engendrée par un désir inné d’étendre la gloire et la puissance de la maison de Médicis, cette instinctive disposition était si bien connue, ce génie politique s’était depuis longtemps trahi par de telles démangeaisons, que Henri II dit au connétable de Montmorency, qu’elle avait mis en avant pour sonder son mari : — Mon compère, vous ne connaissez pas ma femme ; c’est la plus grande brouillonne de la terre, elle ferait battre les saints dans le paradis, et tout serait perdu le jour où on la laisserait toucher aux affaires. Fidèle à sa défiance, ce prince occupa jusqu’à sa mort de soins maternels cette femme qui, menacée de stérilité, donna dix enfants à la race des Valois et devait en voir l’extinction. Aussi, l’envie de conquérir le pouvoir fut-elle si grande, que Catherine s’allia, pour le saisir, avec les Guises, les ennemis du trône ; enfin, pour garder les rênes de l’État entre ses mains, elle usa de tous les moyens, en sacrifiant ses amis et jusqu’à ses enfants. Cette femme, de qui l’un de ces ennemis a dit à sa mort : — Ce n’est pas une reine, c’est la royauté qui vient de mourir, ne pouvait vivre que par les intrigues du gouvernement, comme un joueur ne vit que par les émotions du jeu.

La troisième partie parut pour la première fois sous son titre actuel, dans la Mode, numéro du 8 mai 1830, terminée par cette singulière annotation :

Extrait des mémoires que je fais sans savoir à qui je les attribuerai.

elle y était accompagnée de la note que voici :

Ce morceau est l’un des plus importants que contiendra un livre auquel M. de Balzac travaille depuis longtemps et qui a pour titre : Scènes de la Vie politique. Cet ouvrage, digne de l’auteur des Scènes de la Vie privée[8], fait partie d’une collection remarquable publiée par la maison Marne et Delaunay-Vallée. Nous avons déjà fait connaître à nos abonnés el Verdugo, extrait des Scènes de la Vie militaire.

Le succès que ce fragment a obtenu dans le monde et dans les salons nous a permis de croire qu’on accueillerait avec plaisir un article dont la gravité contraste peut-être avec l’esprit de ce recueil. (Note du Rédacteur.)

Elle parut ensuite, non inédite, on le voit, dans la Revue des Deux Mondes, numéro de décembre 1830, sous le titre de : le Petit Souper, conte fantastique. En 1831, ce récit entra dans les Romans et Contes philosophiques, sous son titre actuel, qu’il a toujours gardé ensuite, puis, en 1837, dans la quatrième édition des Études philosophiques, daté pour la première fois, de Paris, janvier 1830, qui est la date exacte et non pas 1828, comme toutes les éditions datées l’ont indiqué depuis par erreur. En janvier 1843, il forma pour la première fois la troisième partie de Catherine de Médicis expliquée, et, en 1846, il a fait partie au même titre du tome III de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XVI). Il a conservé ce classement dans l’édition définitive.

LXXXII. Les Proscrits, daté de Paris, octobre 1831. Dédié à Almæ Sorori. Ce récit parut pour la première fois dans la Revue de Paris, en mai 1831, divisé en trois chapitres : le Sergent de ville, le Docteur en théologie mystique et le Poëte ; il entra la même année dans les Romans et Contes philosophiques et passa ensuite, dédié et daté, en 1835, avec Louis Lambert et Séraphita, dans le Livre mystique, deux volumes in-8o, chez Werdet, avec préface collective (voir tome XXII, page 418) ; puis, en 1840, dans les volumes de la quatrième édition des Études philosophiques intitulés le Livre des douleurs, avec Massimilla Doni, Gambara et Séraphita. En 1846, il entra, dédié pour la première fois séparément, et toutes divisions enlevées dans le tome III de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XVI).

TOME III.

LXXXIII. Louis Lambert, daté du château de Saché, juin-juillet 1832. Dédicace : Et nunc et semper dilectæ dicatum. Ce récit parut pour la première fois, daté et dédié, en octobre 1832, dans les Nouveaux Contes philosophiques, un volume in-8o, chez Charles Gosselin, sous le titre de Notice biographique sur Louis Lambert, et la dédicace datée de 1822-1832 ; puis il reparut, très-augmenté, chez le même éditeur en février 1833, en un petit volume in-18, intitulé : Histoire intellectuelle de Louis Lambert, avec cette épigraphe :

Au Génie, les Nuées du sanctuaire ; à Dieu seul, la Clarté.

LOUIS LAMBERT.

et cette note précédant l’ouvrage :

Quelques personnes ayant manifesté le désir d’avoir cet ouvrage en un volume séparé, le libraire s’est empressé d’obéir à ce vœu, qui a permis à l’auteur de rendre son œuvre moins incomplète.

Dans la seconde de ces éditions, tout le plan du Traité de la volonté est non-seulement très-augmenté, mais non moins modifié, et nous recueillons ici la première version de ce travail, placée autrefois après la ligne 28, page 37 :

Donc, suivant Lambert, la vie humaine consiste en deux mouvements distincts : l’Action et la Réaction.

Une de ses phrases expliquera ces deux principes, autant qu’il est possible de démontrer brièvement un système vaste :

— Un désir, disait-il, est un fait entièrement accompli par la pensée avant de l’être dans le monde extérieur.

La Volonté est le nom qu’il donnait à toute la masse de force par laquelle l’homme peut reproduire au dehors les faits accomplis déjà par l’Action.

Ainsi, l’ensemble de nos actes physiques, nos mouvements, la parole, tout ce qui est extérieur, constitue la Réaction.

Ces deux principes usent du même appareil, de l’homme entier ; ils résolvent par leur jeu, auquel Lambert rattachait tous les phénomènes du corps et de la pensée, le problème de notre double vie. Mais nos sens, ayant une double destination, possèdent également une double action, en prenant ici ce mot dans son usage ordinaire. Or la première de ces actions, participant de toute la supériorité de la pensée qui voit, veut et agit en nous avant toute démonstration corporelle, n’est soumise à aucune des conditions que subit l’action de nos sens extérieurs. En d’autres termes, l’être actionnel ou intérieur ne connaît ni le temps ni l’espace qui arrête l’être extérieur et visible sur lequel réagit la volonté du premier.

Cette théorie, que je tâche de rendre compréhensible, expliquait parfaitement, selon Louis Lambert, les phénomènes les plus merveilleux de notre merveilleuse nature, les évocations du génie, et celles si contestées des sorcières ; toutes lui semblaient être un effet de la faculté locomotrice qu’il avait reconnue dans l’être intérieur, un très-simple phénomène de l’Action.

Accordant aux idées une sorte d’existence, il prétendait que les hommes ne se trompaient pas en disant d’un style qu’il était coloré, nerveux, etc.

L’idée était, selon lui, le produit ; et la pensée, le moyen ; comme la Volonté était la force ; et la Volition, l’acte par lequel l’homme en usait. Donc, la pensée était le mouvement de l’être intérieur ; et les idées composaient les actes de sa vie, comme les actions, ceux de l’être extérieur. Un poëte était, pour lui, l’appareil habitué à courir à travers la nature pour s’y nourrir d’images, et Napoléon un appareil habitué à vouloir.

Il y avait encore après les mots « dès l’âge de quinze ans », ligne 18, page 48, l’énumération suivante, disparue aujourd’hui :

… affirmé le fait si étonnant de la faculté possédée par l’homme de projeter sa volonté ; puis d’avoir deviné la possibilité de cette séparation curieuse entre les deux natures dont, tôt ou tard, la science s’occupera ; enfin ; quand il n’aurait fait que proclamer la nécessité d’une analyse spéciale pour les phénomènes émanés de ces deux actions distinctes ; etc.

Enfin, dans ces deux éditions, presque tous les aphorismes de la fin sont différents au moins par la forme et nous les recueillons ici avec le petit commentaire qui les précède et qui a disparu aussi ; c’est mademoiselle de Villenoix qui répond :

— Je me souviens de quelques mots qu’il a dits récemment, reprit-elle.

Je les lui demandai par un regard qu’elle comprit, et voici tout ce que je recueillis, en aidant toutefois sa mémoire, car elle ne prêtait aux paroles de Louis que l’attention de la femme aimante et n’en soupçonnait ni le sens ni la portée.


La colère est un courant électrique. Sa commotion, quand il se dégage, agit sur les personnes présentes, quoiqu’il ne les concerne pas.

Le fanatisme et tous les sentiments collectifs sont des fleuves de volonté qui renversent tout.

Il se rencontre des hommes qui cohobent les sentiments des masses par une décharge de leur volition.

Les faits ne sont rien, ils n’existent pas, il n’y a que des idées.

De ton lit aux frontières du monde, il n’y a que deux pas : la Volonté — la Foi !

L’abstraction est le plus beau produit de la pensée. Elle est plus que la graine qui contient les fleurs, les odeurs, le feuillage et le système d’une plante ; elle peut enfermer toute une nature en germe. L’abstraction est la reine de l’âme.

Presque tout est un phénomène de la substance éthérée, base de l’électricité. C’est le grand principe des transformations d’une même matière…

L’intuition est une des facultés de l’être intérieur. Elle réagit par une imperceptible sensation ignorée de celui qui lui obéit : Napoléon s’en allant instinctivement de sa place avant qu’un boulet y arrive.

Oui, l’espace existe, mais certaines facultés donnent le pouvoir de le franchir avec une telle vitesse, que leurs efforts équivalent à son abolition.

Ce récit reparut chez Werdet en décembre 1830, dans le Livre mystique, deux volumes in-8o qui contenaient en outre Séraphita et les Proscrits, avec une préface collective datée du 27 novembre 1835 (voir tome XXII, page 418). Il ne portait plus de dédicace et il était augmenté des Lettres de Louis Lambert (voir page 58 à page 69), qui avaient paru pour la première fois dans la Revue de Paris d’août 1835. En 1842, Louis Lambert reparut encore, suivi de Séraphita, chez Charpentier, en un volume in-12, la dédicace rétablie et avec une note (voir tome XXII, page 427) ; en 1846 enfin, il entra, portant comme aujourd’hui le seul titre de Louis Lambert, dans le tome III de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XVI). Toutes ces éditions sont remaniées ; mais, comme elles le sont toujours dans le but de compléter l’ouvrage, la dernière contient tout. Il en a encore paru plusieurs autres, qui ne sont que de serviles réimpressions de l’une ou l’autre de celles dont nous avons parlé, et nous n’avons rien à en dire ici.

LXXXIV. Séraphita, daté de Genève et Paris, décembre 1833-novembre 1835. Dédié à madame Éveline de Hanska, née comtesse Rzewuska (depuis madame de Balzac), dédicace datée de Paris, 23 août 1835. La publication de ce récit fut commencée dans la Revue de Paris, numéros de juin et de juillet 1834 ; la fin parut, inédite, en décembre 1835 dans le Livre mystique, deux volumes in-8o, chez Werdet. Cet ouvrage contenait, outre Séraphita, datée et dédiée, les Proscrits et Louis Lambert, avec préface collective (voir tome XXII, page 418). L’ouvrage était divisé comme aujourd’hui en sept chapitres, dont le premier, dans la Revue de Paris, était subdivisé en deux : le Stronfiord et Séraphitus. Voici la table de ces chapitres :

1. Séraphitus.
2. Séraphita.
3. Séraphita-Séraphitus.
4. Les nuées du sanctuaire.
5. Les adieux.
6. Le chemin pour aller à Dieu.
7. L’Assomption.

Le sixième est devenu plus tard le Chemin pour aller au ciel. La publication de la Revue de Paris n’avait pas dépassé la moitié du chapitre III. En 1840, Séraphita reparut encore avec Massimilla Doni, Gambara et les Proscrits dans les volumes de la quatrième édition des Études philosophiques qui portèrent le titre de : le Livre des douleurs ; puis, en 1842, chez Charpentier, en un volume in-12, avec Louis Lambert (voir plus haut). Enfin, en 1846, Séraphita entra dans le tome III de la cinquième édition des Études philosophiques (première édition de la Comédie humaine, tome XVI).

Nous donnons ici, comme nous l’avons fait au sujet des Scènes de la Vie privée, l’introduction écrite, sous l’inspiration de Balzac, par M. Félix Davin, en 1834, pour la quatrième édition des Études philosophiques, 1835-1840.

INTRODUCTION AUX ÉTUDES PHILOSOPHIQUES

En exprimant, dans notre introduction aux Études de mœurs, la pensée qui animait l’auteur de cette œuvre[9], nous faisions pressentir qu’elle n’était encore que la base sur laquelle il se proposait d’asseoir deux autres ouvrages où se développeraient des idées graduellement plus élevées et où de nouvelles formules qui intéressent l’avenir des sociétés se dérouleraient poétiquement : les Études philosophiques forment le premier de ces deux ouvrages.

Préoccupés par les fluctuations politiques qui, dans notre époque de rénovation pénible, semblent être devenues l’état normal de la nation, et n’attachant qu’une importance secondaire aux questions d’art, le public et les journaux ignorent le secret cette lente, mais incessante édification. Les écrivains d’aujourd’hui, qui se servent de la critique moins pour éclairer les masses et diriger la littérature que pour blesser les poëtes et nier la science, pourraient encore envelopper ce long labeur de quelque obscurité, en ne faisant voir dans ces deux titres (Études de Mœurs au dix-neuvième siècle et Études philosophiques) qu’une antithèse favorable à la spéculation des éditeurs, tandis que, selon nous, ce sont deux grandes idées judicieusement exprimées. Il était temps que l’auteur pensât à incruster profondément le sens général de son œuvre dans un titre qui frappât le public ; car aujourd’hui nous nous sommes habitués à prendre les gens au mot, et à leur croire la valeur qu’ils se donnent. Le critique ingénieux qui nous a devancé dans l’appréciation de cet ouvrage, et à l’originalité, à la profondeur duquel nous rendons d’ailleurs une justice entière, en a cru lui-même sur parole l’humble étiquette que M. de Balzac avait, sur le vœu d’un libraire, primitivement attachée à ses œuvres, et s’était borné à examiner en lui le talent du conteur sous toutes ses faces et avec toutes ses qualités sans doute, mais en le réduisant nécessairement à d’étroites proportions. Et cela devait être. L’auteur lui-même avait-il embrassé d’un coup d’œil l’étendue du canevas qu’il remplit chaque jour ? Nous ne le pensons pas. Si son plan avait pu jaillir complet de sa tête, comme ces belles unités que les artistes d’autrefois mettaient toute une vie à concevoir, et que la dévorante précipitation de notre siècle ne permet presque plus d’accomplir, peut-être aurait-il laissé tomber sa plume ! Eh oui, certes, il aurait reculé devant des travaux aussi vastes, et à l’achèvement desquels la persistance de la volonté devait faillir avant la force du talent.

Aussi est-ce un phénomène curieux et digne d’observation que l’enfantement des œuvres de M. de Balzac, ainsi que les développements inattendus qui les ont fécondées et les larges superpositions dont elles se sont accrues. L’histoire de la littérature offre assurément peu d’exemples de cette élaboration progressive d’une idée qui, d’abord indécise en apparence et formulée par de simples contes, a pris tout à coup une extension qui la place enfin au cœur de la plus haute philosophie.

Maintenant que l’élévation de quelques parties importantes nous laisse entrevoir la physionomie de l’édifice, maintenant que commence à poindre le sens intime de la formule générale dégagée par l’auteur de ses nombreux aperçus sur l’humanité, ne pouvons-nous pas naturellement supposer qu’un jour, en comparant les différentes pensées empreintes dans ses travaux, il a fait comme l’ouvrier qui, par hasard, quitte l’envers de sa tapisserie et vient en regarder le dessein dans son entier. Dès lors, et parce que le germe d’une haute synthèse était depuis longtemps en lui-même, il s’est mis à rêver l’effet de l’ensemble. Soudain, remplissant dans sa pensée les lacunes de sa construction couvertes de fresques, supposant ici un groupe, là une figure principale, plus loin un second plan ou des teintes de rappel, il s’est épris de ces tableaux et s’est remis à l’ouvrage avec une furie française, parce qu’il était encore dans l’âge où l’on ne doute de rien. Puis, une fois engagé, cet homme, à la constante volonté duquel ceux qui le connaissent rendent un éclatant hommage, et qu’on estimera, certes, un jour autant que son talent, cet homme a toujours marché devant lui sans se souvenir le lendemain ni des efforts ni des fatigues de la veille.

Ces travaux devaient être naturellement soumis à quelques variations de pensée, à quelques caprices d’exécution. Sous peine d’affaissement, l’auteur ne pouvait suivre, comme un ouvrier qui taille son bloc de granit, une ligne tracée au cordeau. La régularité du travail aurait tué chez lui l’inspiration, aurait lassé la verve. De là sont venus ces déplacements de sujets que certaines personnes ont pu lui reprocher, et qui n’étaient que des nécessités de position. La mode, au-devant de laquelle courent les libraires, exigeait des livres à toute force ; peu leur importait le sens des œuvres qu’ils publiaient. Ainsi, tel fragment n’avait rien de philosophique et convenait aux Scènes de la Vie privée, tandis que telle scène était une Étude philosophique : la fatalité du commerce, le besoin du moment les transposait. La première livraison des Études philosophiques en offre un exemple. Adieu, publié dans le troisième volume des Scènes de la Vie privée, et dont personne n’a compris la destination dans l’œuvre générale, est certes une des plus justes et des plus fermes déductions du thème inscrit sur la Peau de chagrin. L’auteur ne s’inquiétait pas plus de ces transpositions qu’un architecte ne s’enquiert de la place où sont apportées dans le chantier les pierres dont il doit faire un monument. Puis peut-être, avant de dévoiler son plan au public, voulait-il essayer ses forces ; peut-être attendait-il, pour dégager l’édifice de ses échafaudages et de son enceinte de planches, que plusieurs sculptures fussent achevées, que les principales lignes fussent dessinées, et qu’au moins le fronton s’élevât large et pur.

Mieux informé que ne l’ont été certains critiques empressés déjà d’attaquer M. de Balzac par le côté biographique, et qui l’ont peint fort inexactement, nous avons eu des renseignements sur la partie la plus studieuse et la plus inconnue de sa vie, sur son moment le plus poétique. Ce fut aux jours d’une misère infligée par la volonté paternelle, alors opposée à la vocation du poète, et qui nous ont valu le beau récit de Raphaël dans la Peau de chagrin, ce fut pendant les années 1818, 1819 et 1820 que M. de Balzac, réfugié dans un grenier près de la bibliothèque de l’Arsenal, travailla sans relâche à comparer, analyser, résumer les œuvres que les philosophes et les médecins de l’antiquité, du moyen âge et des deux siècles précédents, avaient laissées sur le cerveau de l’homme. Cette pente de son esprit est une prédilection. Si Louis Lambert est mort, il lui reste de Vendôme un autre camarade, également adonné aux études philosophiques, M. Barchou de Penhoën, auquel nous devons déjà de beaux travaux sur Fichte, sur M. Ballanche, et qui pourrait attester au besoin combien fut précoce chez M. de Balzac le germe du système physiologique autour duquel voltige encore sa pensée, mais où viennent se rattacher par essaims les conceptions qui peuvent paraître isolées. De ces premières études a donc surgi une œuvre scientifique dont nous aurions volontiers développé le but, mais que les confidents de l’auteur nous ont conseillé de tenir dans l’ombre jusqu’au jour où il l’aura suffisamment méditée et où elle pourra sans danger se produire dans toute son étendue. Cette science exigeait trop de temps, trop de fortune peut-être, pour devenir l’occupation exclusive d’une jeunesse nécessairement inexpérimentée ou précaire. D’ailleurs bientôt de graves intérêts auxquels on a fait allusion, contrairement aux lois de la bienséance littéraire, condamnèrent M. de Balzac à des travaux qu’aucun critique n’a pu encore embrasser dans leur ensemble. Quoique mystérieusement enfermées, ces occupations primitives et la pente entraînante d’un esprit métaphysique dominèrent les œuvres auxquelles s’adonna M. de Balzac par nécessité. Ses connaissances, aussi variées qu’étendues, transpirèrent et teignirent si vigoureusement ses premiers essais, que certaines personnes auxquelles l’auteur de la Physiologie du Mariage était inconnu, attribuaient ce livre à un vieux médecin ou à quelque vieillard enfin veuf ! Ainsi que nous le disions, le jour où l’artiste a quitté l’envers de sa tapisserie pour voir le dessin de son fil et ce que produisaient ses couleurs, il s’est aperçu que, malgré lui peut-être, il développait le texte qu’il avait dans l’âme, qu’il déduisait les preuves de sa science cachée, qu’il faisait une œuvre analytique dont il portait la synthèse en lui-même, qu’il exprimait le drame et la poésie de son monde avant d’en mettre au jour les formules physiologiques.

Cette digression était nécessaire pour faire comprendre dans son entier le système de ces deux ouvrages et les liens qui les unissent.

Nous avons établi que les Études de Mœurs étaient une exacte représentation de tous les effets sociaux, une galerie de tableaux heureusement divisée en salles dont chacune a sa destination. Ainsi, les Scènes de la Vie privée, compositions pleines de fraîcheur, éclatantes de coloris et de jeunesse, sont appelées quand ce livre sera complet, à figurer la vie humaine dans son réveil matinal, et croissant pour fleurir. Ce sera d’abord l’enfance vue par une seule échappée, mais vivement saisie, peinte dans ses premiers débrouillements d’intelligence ; ce seront, dans une Fille d’Ève, les premières sensations de la jeune fille ; puis les délicieuses timidités des grands enfants de vingt ans ; enfin, la vie accusée dans ses premières malices qui trahissent déjà des caractères. Là, donc, principalement des émotions, des sensations irréfléchies ; là des fautes commises moins par volonté que par inexpérience des mœurs et par ignorance du train du monde ; là, pour les femmes, le malheur vient de leurs croyances dans la sincérité des sentiments ; le jeune homme est pur, les infortunes naissent de l’antagonisme méconnu que produisent les lois sociales entre les plus naturels désirs et les plus impérieux souhaits de nos instincts dans toute leur vigueur ; là le chagrin a pour principe la première et la plus excusable de nos erreurs. Dans ce livre, la vie est donc prise entre les derniers développements de la puberté qui finit et les premiers calculs d’une virilité qui commence. Cette première vue de la destinée humaine était sans encadrement possible. Aussi l’auteur s’est-il complaisamment promené partout : ici, dans le fond d’une campagne ; là, en province ; plus loin, dans Paris. Au contraire, les Scènes de la Vie de province sont destinées à représenter cette phase de la Vie humaine où les passions, les calculs et les idées prennent la place des sensations, des mouvements irréfléchis, des images acceptées comme des réalités. À vingt ans, les sentiments se produisent généreux ; à trente ans, déjà tout commence à se chiffrer, l’homme devient égoïste. Un esprit de second ordre se serait contenté d’accomplir cette tâche ; mais M. de Balzac, amoureux des difficultés à vaincre, a voulu lui donner un cadre ; il a choisi le plus simple en apparence, le plus négligé de tous jusqu’à ce jour, mais le plus harmonieux, le plus riche en demi-teintes, la vie de province. Là, dans des tableaux dont la bordure est étroite, mais dont la toile présente des sujets qui touchent aux intérêts généraux de la société, l’auteur s’est attaché à nous montrer sous ses mille faces la grande transition par laquelle les hommes passent de l’émotion sans arrière-pensée, aux idées les plus politiques. La vie devient sérieuse ; les intérêts positifs contrecarrent à tout moment les passions violentes aussi bien que les espérances les plus naïves. Les désillusionnements commencent. Ici se révèlent les frottements du mécanisme social. Là le choc journalier des intérêts moraux ou pécuniaires fait jaillir le drame et parfois le crime au sein de la famille la plus calme en apparence. L’auteur dévoile les tracasseries mesquines dont la périodicité concentre un intérêt poignant sur le moindre détail d’existence. Il nous initie aux secrets de ces petites rivalités, de ces jalousies de voisinage, de ces tracasseries de ménage dont la force, s’accroissant chaque jour, dégrade en peu de temps les hommes, et affaiblit les plus rudes volontés. La grâce des rêves s’envole. Chacun voit juste, et prise dans la vie le bonheur des matérialités, là où, dans les Scènes de la Vie privée, il s’abandonnait au platonisme. La femme raisonne au lieu de sentir, elle calcule sa chute là où elle se livrait. Enfin, la vie s’est rembrunie en mûrissant. Dans les Scènes de la Vie parisienne, les questions s’élargissent. L’existence y est peinte à grands traits ; elle y arrive graduellement à l’âge qui touche à la décrépitude. Une capitale était le seul cadre possible pour ces peintures d’une époque climatérique, où les infirmités n’affligent pas moins les cœurs que le corps de l’homme. Ici les sentiments vrais sont des exceptions ; ils sont brisés par le jeu des intérêts, écrasés entre les rouages de ce monde mécanique ; la vertu y est calomniée, l’innocence y est vendue ; les passions ont fait place à des goûts ruineux, à des vices ; tout se sublimise, s’analyse, se vend et s’achète ; c’est un bazar où tout est coté ; les calculs se font au grand jour et sans pudeur ; l’humanité n’a plus que deux formes, le trompeur et le trompé ; c’est à qui s’assujettira la civilisation, la pressurera pour lui seul ; la mort des grands-parents est attendue ; l’honnête homme est un niais ; les idées généreuses sont des moyens ; la religion est jugée comme une nécessité de gouvernement ; la probité devient une position ; tout s’exploite, se débite ; le ridicule est une annonce et un passe-port ; le jeune homme a cent ans, et insulte la vieillesse. De cette société corrompue parce qu’elle est éminemment civilisée, de cette société où la misère et le luxe sont toujours en présence, comme deux athlètes dans un cirque où tous deux doivent périr, où la vie brûle, l’auteur introduira plus tard, si sa puissance de création et le temps ne lui manquent pas, dans deux autres salles de sa galerie où se dérouleront les spectacles atroces mais pompeux des masses sociales luttant entre elles ; il en peindra la vie et les intérêts incarnés dans quelques hommes chargés d’en prévoir les nécessités et de mettre aux prises les individus entre eux. Ce seront les Scènes de la Vie politique et les Scènes de la Vie militaire, dont les titres accusent trop bien le but pour que nous ne soyons pas dispensés de l’expliquer. Enfin, il reposera la vie, là où elle se repose, à la campagne, où se retrouveront les débris des hommes brisés par la politique, par la guerre et par les orages de la vie. Tel est, en raccourci, le plan que nous avons tâché d’exprimer dans notre précédente introduction, et qu’il fallait résumer ici. Telles sont les Études de Mœurs dans leur plus simple dessin.

Quelques critiques n’ayant pas l’échelle de proportion ou n’étudiant pas les divers travaux de l’auteur d’aussi près que nous peut-être, qui avons suivi avec amour toutes les phases de son talent, ont critiqué le peu d’étendue des sujets, les appelant ici des contes, là des nouvelles, et presque partout les amoindrissant. Mais n’en est-il pas de ces prétendues petites choses exactement comme des pierres carrées, des chapiteaux épars, des métopes à demi-couvertes de fleurs et de dragons qui, vus au chantier, entre la scie ou le ciseau du manœuvre, semblent insignifiants et petits, et que l’architecte, dans son dessin, a destinés à orner quelque riche entablement, à faire des voussures, à courir le long des grandes croisées en ogive de sa cathédrale, de son château, de sa chapelle, de sa maison des champs ? Certes, l’auteur aurait pu donner les proportions du roman ordinaire à chaque détail, et l’on sait bien qu’il n’en est pas à faire ses premières preuves en ce genre. Mais les existences de cinq bénédictins, mises bout à bout, auraient-elles suffi seulement à exécuter ces six parties des Études de mœurs ? Et d’ailleurs, dans cette riche galerie de tableaux, dont les grandes salles s’étendent à l’infini, ne compte-t-on pas des cadres d’une assez remarquable dimension, tels que ceux d’Eugénie Grandet, du Médecin de campagne et celui des Chouans, qui appartiennent évidemment aux Scènes de la Vie militaire ? Enfin, si l’on veut songer que, dans l’innombrable série des sujets déjà connus, il se rencontre soixante figures féminines toutes dissemblables, autant de portraits d’hommes, sans compter ces groupes secondaires où les physionomies, pour être moins distinctes, n’en sont pas moins originales, car toutes possèdent véritablement une poésie particulière qui a dû faire regretter souvent à l’auteur de ne pas l’exprimer entièrement, ne trouvera-t-on pas déjà quelque grandeur à ces ébauches éparses, à ces bases commencées, à ces masses de pierres dont le terrain est encombré ? Puis, si l’on vient à comprendre que, forcé de ne dessiner ici qu’un trait, là un profil, plus loin de mettre ce personnage en trois quarts, celui-ci dans la lumière, celui-là dans l’ombre, quelques-uns en pied, d’autres en buste, l’auteur a dû souvent éprouver mille peines à rétrécir ses conceptions dans le cadre qui leur était assigné pour l’harmonie de l’ensemble, assurément on ne lui saura pas moins de gré de ce qu’il n’a pas exécuté que de ce qu’il a fait. Nous ne parlons pas ici de la partie matérielle de ses tableaux, de tant de détails significatifs, d’intérieurs, de façades, de paysages qui, non moins que chaque caractère d’homme, que chaque figure de femme, sont des spécialités. Et n’est-ce point ici le lieu de remarquer qu’un des traits distinctifs de M. de Balzac est d’avoir, le premier, ramené le roman moderne à la vérité, à la peinture des infortunes réelles, tandis que de toutes parts on n’exploitait que des bizarreries et des exceptions, émouvantes sans doute à la manière des topiques, mais qui ne touchaient point et laissaient peu de souvenirs dans l’âme ? En un mot, lorsque l’on ne s’occupait que des images, lui s’est occupé des idées. Le roman, pour arriver à une place honorable dans la littérature, doit être en effet l’histoire des mœurs, dont ne se soucient guère les historiens en toge qui se croient grands pour avoir enregistré des faits. Sous ce rapport, M. de Balzac est un historien qui restera. Qu’importe que le vrai qu’il exploite semble d’abord petit, comparé au faux grandiose de tant de livres contemporains, si l’ensemble doit faire une masse imposante ! Mais cette critique, relative aux détails, nous semble injuste encore. « M. de Balzac a compris (disions-nous dans un article où nous avons tâché de lui rendre justice), qu’en dehors des grands types et des passions majeures, renouvelés sous tant de faces, il existe des types secondaires et des passions de moyen ordre, non moins dramatiques, et surtout plus neufs. Ces passions et ces types, il est allé les chercher presque tous dans la famille, autour du foyer ; et fouillant sous ces enveloppes en apparence si uniformes et si calmes, il en a exhumé tout à coup des caractères tellement multiples et naturels en même temps, que tout le monde s’est demandé comment des choses aussi familières, aussi vraies, étaient restées si longtemps inconnues. C’est que jamais aussi romancier n’était entré avant lui aussi intimement dans cet examen de détails et de petits faits, qui, interprétés et choisis avec sagacité, qui groupés avec cet art, avec cette patience admirables des vieux faiseurs de mosaïques, composent un ensemble plein d’unité, d’originalité, de fraîcheur. Ce romancier entreprend pour la société actuelle ce que Walter Scott a fait pour le moyen âge. L’un a résumé en types larges et saillants tous les caractères généraux des grandes époques historiques de l’Angleterre et de l’Écosse : hommes et femmes corporations et castes, partis, sectes, courtisans, bourgeois, princes, manants, il a tout fait poser devant lui, tout classé, tout mis en relief. L’œuvre de M. de Balzac, plus logiquement disposée, non moins grandiose, n’était pas moins difficile, et n’est pas moins merveilleusement exécutée. À travers toutes les physionomies pâles et effacées de la noblesse, de la bourgeoisie et du peuple de notre époque, il choisit ces traits fugitifs, ces nuances délicates, ces finesses imperceptibles aux yeux vulgaires ; il creuse ces habitudes, anatomise ces gestes, scrute ces regards, ces inflexions de voix et de visage qui ne disaient rien ou disaient quelque chose à tous, et sa galerie de portraits se déroule féconde, inépuisable, toujours plus complète, souvent dominée par les visages expressifs de ses femmes, conceptions délicates dont rien ne donnerait l’idée, si nous n’avions ces portraits inouïs auxquels Lawrence a donné une âme, et qui sont à eux seuls des traités de physiognomonie. »

Si l’on trouve çà et là quelques taches, une description un peu longue, une analyse un peu minutieuse, une réflexion refroidissante, un coloris trop vermillonné, des préparations trop coquettes, quelques répétitions de mots, quelques périodes verbeuses qui échappent à la luxuriante nature de l’auteur, doit-on lui en faire un bien grand crime ? Pour les voir disparaître, ne doit-on pas attendre l’achèvement de l’édifice ? Alors, certes, le terrain se nettoiera. Quel architecte n’a ses trous de boulins à combler, son dernier grattage à faire ? Alors, comme nous l’avons dit, se produira une vue complète de l’humanité, avec tous ses mouvants tableaux ; les phases de la vie individuelle et sociale, l’histoire des instincts, des sentiments, des passions, l’analyse des erreurs, des intérêts, la peinture des vices, en un mot la physiologie générale de la destinée humaine. Ainsi donc, aux Études de Mœurs la richesse du roman, le luxe des descriptions, les découpures bizarres, la passion à plein cœur, les fleurs à pleines mains, les phases sociales, les maisons de toutes nos villes, tous les styles et tous les genres, en un mot toutes les individualités que nous avons signalées. Cette partie du monument, la plus vaste, la plus ardente, multiple en ses combinaisons, devait occuper principalement la jeunesse de l’auteur. Pour pouvoir aborder de si diverses peintures, ne faut-il pas avoir encore quelques facultés exorbitantes, des idées qui débordent, une fécondante chaleur de cœur ? Ces choses accomplies, l’auteur n’aura-t-il pas fait sur des proportions gigantesques une sorte de speculum mundi ? Jadis Shakespeare s’est, dit-on, proposé dans ses compositions scéniques un semblable but : mais, de son temps, la société n’était-elle pas plus tranchée, conséquemment moins compliquée ? Puis le théâtre exclut d’ailleurs les peines inouïes et les obstacles presque infranchissables que soulèvent les transitions auxquelles Boileau faisait une part si large, que l’absence de ce travail lui donnait une moins grande estime pour le beau livre de la Bruyère. Ainsi, d’abord, et en ne comparant que les communes résistances de la matière à ouvrer, l’auteur d’aujourd’hui a trouvé le problème plus difficile à résoudre ; puis, il le trouve agrandi et d’autant plus rude à entreprendre, qu’il compte autour de lui plus de hauts et solennels devanciers.

Telle est la large base sur laquelle vont s’élever les Études philosophiques. Après avoir accusé dans ses Études de mœurs au dix-neuvième siècle toutes les plaies sociales, dépeint toutes les professions, parcouru toutes les localités, exploré tous les âges, montré l’homme et la femme dans toutes leurs transformations civiles ou naturelles, physiques ou morales, après nous avoir enfin dépeint les effets sociaux, ici l’auteur tend à remonter aux causes de ces effets. Dans les premières assises de cette construction sont pressées et foulées les individualités typisées ; dans la seconde se dressent des types individualisés. Ce peu de mots révèle la loi littéraire au moyen de laquelle M. de Balzac a su jeter le sentiment et la vie dans ce monde écrit. Ainsi là où, dans les Études de mœurs, il a peint, dans le père Grandet, un avare qui semble être l’avarice tout entière ; ici, sa plume met l’avarice aux prises avec elle-même dans maître Cornélius, personnage allégorique qui a toute la saveur d’un avare habilement peint en pied. Les effets étant plus considérables que ne le sont les causes, les Études philosophiques semblent devoir offrir un cercle plus rétréci que ne l’est celui des Études de mœurs. Cela est vrai. Mais, si l’œuvre paraît aller en diminuant de volume, elle gagne en intensité ; pour tout dire en un mot, elle se condense.

Maintenant, pour dégager par l’analyse l’essence de cette seconde partie du grand ouvrage, il faut montrer l’âme qui la fait mouvoir, il faut marquer les reflets brillants qu’y projette la science inconnue dont la pensée conduit l’auteur malgré lui. Nous l’avouerons, cette découverte demandait chez le critique une conscience de lecture qui manque à notre critique moderne. Si nous n’avions pas plus vivement senti les beautés que les défauts de ces compositions, peut-être leur sens caché nous aurait-il échappé. Mais quelques passages rapprochés les uns des autres, quelques épigraphes étudiées avec soin, nous ont mis sur la voie. Pour nous, il est évident que M. de Balzac considère la pensée comme la cause la plus vive de la désorganisation de l’homme, conséquemment de la société. Il croit que toutes les idées, conséquemment tous les sentiments, sont des dissolvants plus ou moins actifs. Les instincts, violemment surexcités par les combinaisons factices que créent les idées sociales, peuvent, selon lui, produire en l’homme des foudroiements brusques ou le faire tomber dans un affaissement successif et pareil à la mort ; il croit que la pensée, augmentée de la force passagère que lui prête la passion, et telle que la société la fait, devient nécessairement pour l’homme un poison, un poignard. En d’autres termes et suivant l’axiome de Jean-Jacques, l’homme qui pense est un animal dépravé. « Assurément, dit M. Ph. Ch. (Philarète Chasles), il n’est pas de donnée plus tragique. À mesure que l’homme se civilise, il se suicide. Le désordre et le ravage portés par l’intelligence dans l’homme, considéré comme individu et comme être social, telle est l’idée que M. de Balzac a jetée dans ses œuvres. Rabelais avait vu, dans un autre temps, l’étrange effet de la pensée religieuse qui, à force de pénétrer la société, achevait de la dissoudre. L’âme divinisée par le christianisme, avait tout envahi. Le spiritualisme effaçait la matière ; le symbole, l’idéalisation régnaient sans partage ; pour un symbole, l’Occident s’était rué sur l’Orient. Il dominait la poésie, qu’il réduisait à l’état de fantôme, en multipliant les personnifications allégoriques, en bannissant de son domaine les êtres vivants, la chair et le sang humains. Rabelais s’arma d’un symbole pour faire la guerre au symbole. Holà ! messer Gaster, voici votre règne ! Tonnes pleines d’hypocras, bons saucissons chargés d’épices, bombance gigantesque, culte de la dive bouteille, douce abbaye de Thélème, dont le rien-faire est la liturgie, venez ! et donnez-nous, dans une épopée immense, l’apothéose de ce corps humain que l’on foule aux pieds. L’ère de Rabelais a expiré, celle qu’il annonçait parcourt son cycle et l’accomplit. Ce ne sont plus les ravages de la pensée idéaliste, mais ceux du sensualisme analytique que le romancier philosophe peut retracer aujourd’hui. »

Certes, la phrase de Jean-Jacques, commentée par Godwin, poétisée par lord Byron, atteste combien peu serait neuve la pensée intime de M. de Balzac. Là, néanmoins, commence la grandeur de son œuvre. Les plus immenses découvertes des sciences mathématiques ou physiques ne sont jamais que la preuve cherchée, trouvée ou devinée d’un fait déjà connu. Des générations entières avaient vu les révolutions de la terre et du ciel ; Newton, Kepler, Lagrange, Laplace, Arago en ont dit, en disent encore les causes, ils prouvent en un mot. Le fait physico-moral qui meut le monde social avait été mieux formulé par la sagesse des nations que Rousseau ne l’a formulé lui-même. La lame use le fourreau, dit le peuple. M. de Balzac, lui, écrit Louis Lambert ! Il prouve à la manière des savants. Nous avons à dessein cité l’histoire de Louis Lambert. Là se trouve, en germe informe, cette science tenue secrète, science cruellement positive, dit-on, et qui terminerait bien des discussions philosophiques. Pour Louis Lambert, y dit-il, la Volonté, la Pensée étaient des forces vives. Soit prouvée cette proposition, voyez où elle mène ? Avant de publier Louis Lambert, l’auteur avait dit dans la Peau de Chagrin : « Elle parut s’amuser beaucoup (Fœdora) en apprenant que la volonté humaine était une force matérielle semblable à la vapeur. » Étudiez l’épigraphe mise en tête de l’Adieu, extraite de César Birotteau, où l’auteur nous a peint une femme naissant tout à coup à la vie en retrouvant sa raison ; enfant par la faiblesse, femme pour sentir un bonheur complet ? La vie et l’amour tombent sur elle comme la foudre, elle n’en soutient pas l’assaut, elle meurt ! « Les plus hardis physiologistes, dit la terrible épigraphe, sont effrayés par les résultats physiques de ce phénomène moral qui n’est cependant qu’un foudroiement opéré à l’intérieur, et, comme tous les effets électriques, bizarre et capricieux dans ses modes. » Voyez, dans le Médecin de campagne, la discussion sur le suicide ? « Aussi, dit Benassis, est-ce la pensée qui tue et non le pistolet. » Enfin, dans la nouvelle édition de Louis Lambert, déjà imprimée pour ces Études philosophiques, et dont le libraire nous a confié les épreuves, se trouvent ces mots : « Notre cervelle est le matras où nous transportons ce que nos diverses organisations peuvent absorber de matière éthérée, base commune de plusieurs substances connues sous les noms impropres d’électricité, chaleur, lumière, fluide galvanique, magnétique, etc., et d’où elle sort sous forme de pensée. » Rapprochez ces fragments épars dans l’œuvre des belles pages où Balthazar Claes explique l’absolu chimique et dit à sa femme : « Nos sentiments sont l’effet d’un gaz qui se dégage ? » n’apercevrez-vous pas les éléments d’une œuvre scientifique dont les éclairs jaillissent, malgré l’auteur ? Ici nous sommes loin de l’homme qui pense est un animal dépravé. La question est indécise ! Quelle est la fin de l’homme du moment où celui qui ne désire rien, qui vit sous la forme d’une plante, existe cent ans, tandis que l’artiste créateur doit mourir jeune ? « Où est le soleil, là est la pensée ; où est le froid, là est le crétinisme, là est la longévité, est-il dit dans Louis Lambert. Ce fait est toute une science. » Ces paroles, et beaucoup d’autres qui les étendent ou les confirment, semées dans cent pages de M. de Balzac, expliquent ses Études philosophiques.

Avant d’arriver à la société composée d’hommes, l’auteur a dû s’appliquer à décomposer l’homme, qui en est pour ainsi dire l’unité. Or, les critiques n’ont pas vu que la Peau de chagrin est un arrêt physiologique, définitif, porté par la science moderne, sur la vie humaine ; que cet ouvrage en est l’expression poétique, abstraction faite des individualités sociales. L’effet produit par le désir, par la passion, sur le capital des forces humaines, n’y est-il pas magnifiquement accusé ? De là cette morale que peignait si énergiquement le caporal Trim, par le moulinet qu’il trace en l’air avec son bâton et dont M. de Balzac a fait une épigraphe si mal comprise par la plupart des lecteurs. Peu de personnes ont vu qu’après un tel arrêt porté sur notre organisation, il n’y avait d’autres ressources, pour la généralité des hommes, que de se laisser aller à l’allure serpentine de la vie, aux ondulations bizarres de la destinée. Donc, après avoir poétiquement formulé, dans la Peau de chagrin, le système de l’homme, considéré comme organisation, et en avoir dégagé cet axiome : « La vie décroît en raison directe de la puissance des désirs ou de la dissipation des idées, » l’auteur prend cet axiome comme un cicérone prend la torche pour vous introduire dans les souterrains de Rome, il vous dit : Suivez-moi ! Examinons le mécanisme dont vous avez vu les effets dans les Études de mœurs ! Alors, il fait passer sous nos yeux les sentiments humains dans ce qu’ils ont de plus expressif en comptant sur votre intelligence pour revenir par des dégradations aux crises moins fortes dont se composent les événements de la vie individuelle. Il s’élance, il montre l’idée exagérant l’instinct, arrivant à la passion, et qui, incessamment placée sous le coup des influences sociales, devient désorganisatrice. Ainsi, dans l’Adieu, l’idée du bonheur, exaltée à son plus haut degré social, foudroie l’épouse, et par épouse l’auteur entend nécessairement l’épouse et l’amante. Dans le Réquisitionnaire, c’est une mère tuée par la violence du sentiment maternel. Voilà donc la femme considérée sous ses trois faces sociales, comme amante, comme épouse, comme mère, et devenant, sous ses trois aspects, victime de l’idée. Dans el Verdugo, c’est l’idée de dynastie mettant une hache dans la main d’un fils, lui faisant commettre tous les crimes en un seul. « Là, dit encore M. Ph. Ch. (Philarète Chasles), le parricide est ordonné par une famille et au nom d’une chimère sociale, le parricide pour sauver un titre ! » Voyez comme, dans l’Élixir de longue vie, l’idée hérédité devient meurtrière à son tour, et combien est acéré le poignard qu’elle met dans la main des enfants ! Suivez-moi, si vous en avez le courage ! Venons assister ensemble à ce terrible drame exécuté au bord de la mer ! Le voyez-vous, ce pénitent sinistre, assis immobile au haut de son rocher ? Eh bien, là encore l’idée a porté ses ravages ! la paternité, à son tour, est devenue tueuse. Ce pénitent est un père qui a noyé son fils parce qu’il soupçonnait en lui des instincts que la société réprouve, et s’est fait meurtrier pour que son fils ne le devint pas. Idée sublime ! Examinez maintenant cette autre étude, dont le titre ingénieux est à lui seul toute une biographie : Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, marchand parfumeur, chevalier de la Légion d’honneur et adjoint au maire du deuxième arrondissement de la ville de Paris ; le développement du décourageant axiome formulé par la Peau de chagrin marche à travers le monde en y versant des lumières sur toutes les catastrophes. César Birotteau, type parfait du négociant probe, du négociant pour qui la considération est une autre atmosphère indispensable, est tué soudainement par l’idée probité comme par un coup de pistolet ; il a soutenu le malheur goutte à goutte, il ne soutient pas la joie et la vie qui tombent sur lui comme une trombe et le brisent. Cette étude est un chapitre de plus ajouté à l’histoire d’une famille que les pinceaux de M. de Balzac ont surtout affectionnée. Le pauvre vicaire de Saint-Gatien, qui joue un rôle dans les Études de mœurs, est représenté ici dans la personne de son frère ; mais François Birotteau est une individualité, tandis que César Birotteau sera regardé comme le type de cette classe nombreuse à laquelle appartiennent plusieurs personnages semés dans l’œuvre de l’auteur, figures modestes dont la grandeur vient de la manière dont elles se détachent sur le fond commun des souffrances humaines, qu’elles semblent réveiller toutes avec les leurs. Telles sont la Fosseuse et Gondrin, dans le Médecin de campagne ; la grande Nanon, madame Grandet et sa fille, dans Eugénie Grandet ; l’Enfant maudit, Juana de Mancini, le Comte Chabert, le père Goriot, Pauline de Villenoix, Louis Lambert et plusieurs autres. En effet, nul auteur n’a su mieux assigner sa part à chacune des sphères sociales. S’il transfigure le monde des millionnaires, il semble affectionner, il caresse le monde où l’on souffre ; partout dans son œuvre les gens dépouillés comparaissent auprès des spoliateurs. Un jour cette justice lui sera rendue. Si Walter Scott plaide pour les habits brodés, M. de Balzac a réveillé nos sympathies pour les infortunes courageuses, pour les chagrins domestiques. Son style n’est mordant, sa raillerie n’est incisive que pour les riches ; pour les pauvres et les souffrants, sa palette n’a que de douces couleurs. Vient ensuite Maître Cornélius, cette forte étude historique, où l’on retrouve si nettement dessinés les traits les plus curieux de cette grande figure de Louis XI, toujours incomplètement reproduite dans les tableaux des romanciers ou dramaturges ; et là, voyez quelle inévitable logique ! c’est l’idée avarice tuant l’avare dans la personne du vieil argentier. Le Chef-d’œuvre inconnu nous montre l’art tuant l’œuvre ; première initiation à la tragédie de Louis Lambert. Dans l’Auberge rouge, cette sanglante histoire d’un parvenu, la plus terrible peut-être qu’ait imaginée M. de Balzac, se trouve une analogie magnifiquement exécutée entre l’idée d’un crime et le crime même. Là, selon nous, à part les détails de cette composition, se rencontrent les plus sévères déductions du thème général. Un être débile tué par la terreur est le résultat de l’histoire intitulée l’Enfant maudit, délicieuse histoire désormais complétée par un nouveau volume que chacun pressentait. La chaude et savante étude des Proscrits contient plusieurs propositions identiques : le suicide d’un enfant que l’ambition du ciel dégoûte de la vie, le génie devenant funeste à un grand poète, et l’idée de patrie faisant crier à ce poète : « Mort aux Guelfes ! » au moment où il vient de peindre les supplices infernaux destinés aux assassins. Jésus-Christ en Flandre est la démonstration de la puissance de la foi, considérée aussi comme idée. Ici, la conclusion habituelle de M. de Balzac eût pu être facilement appliquée, car à combien de martyrs cette idée n’a-t-elle pas été funeste ? mais il a mieux aimé se reposer un instant de son affligeant système et faire luire un rayon du ciel à travers les masses de ténèbres dont il nous montre environnés. Dans ce conte, suivant l’expression du critique déjà cité, « les parias de la société, ceux qu’elle bannit de ses universités et de ses colléges, restent fidèles à leurs croyances, et conservent, avec leur pureté morale, la force de cette foi qui les sauve, tandis que les gens supérieurs, fiers de leur haute capacité, voient s’accroître leurs maux avec leur orgueil, et leurs douleurs avec leurs lumières ». Le rêve fantastique intitulé l’Église est une saisissante vision des idées religieuses se dévorant elles-mêmes, et croulant tour à tour les unes sur les autres, ruinées par l’incrédulité, qui est aussi une idée. Louis Lambert est la plus pénétrante et la plus admirable démonstration de l’axiome fondamental des Études philosophiques. N’est-ce pas la pensée tuant le penseur ? fait cruellement vrai que M. de Balzac a suivi pas à pas dans le cerveau, et dont Manfred est la poésie, comme Faust en est le drame.

L’ordre adopté par l’éditeur pour la publication successive des Études philosophiques nous oblige à garder le silence sur l’Ecce Homo, terrible contre-partie de Louis Lambert. Il faut aussi que nous nous taisions sur ces titres qui annoncent de beaux livres, les puînés de Louis Lambert, sans doute : Sœur Marie-des-Anges, — Le Livre des douleurs, — Melmoth réconcilié, — Aventures d’une idée heureuse ; sur Séraphita même, quoique la Revue de Paris en ait publié le commencement. Même silence sur le Prophète, sur le Président Fritot, sur le Philanthrope et le Chrétien. Mais ce que nous pouvons prévoir, c’est que l’auteur n’oubliera aucun sentiment humain, aucune idée, que toute l’âme de l’homme va passer dans son redoutable creuset, comme toute la société a passé sous ses pinceaux. La Comédie du diable, si bouffonne en apparence, est devenue, dans cette édition, une âpre critique des gouvernements, une sorte de tohu-bohu des politiques, une sarcastique transition pour arriver à la conclusion de l’œuvre, à cette Histoire de la succession du marquis de Carabas, qui sera la formule allégorique de la vie collective des nations, comme la Peau de chagrin est la formule de la vie. « C’est non-seulement, dit M. Ph. Ch. (Philarète Chasles), à qui nous emprunterons ce dernier aperçu (car à lui aussi ont été faites quelques confidences sur cet ouvrage), c’est non-seulement la société dans ses masses que frappe de mort l’égoïsme, fils de l’analyse et de cette raison approfondissante qui nous ramène sans cesse à notre personnalité ; c’est aussi la société dans ses éléments partiels, c’est encore le gouvernement et la politique. De degrés en degrés, l’auteur s’élèvera jusqu’à cette dernière ironie, la plus haute et la plus en harmonie avec notre temps. Dans l’Histoire de la succession du marquis de Carabas, dernière œuvre qui complétera la grande vue philosophique de M. de Balzac, nous verrons la société politique en proie à la même impuissance, au même néant qui dévore Raphaël dans la Peau de chagrin ; même intensité de désir, même éclat extérieur, même misère réelle, même formule inévitable, éternelle, où la Nationalité se trouvera pressée comme l’Individualisme l’est dans la sienne. »

Ces hautes vues philosophiques seront complétées par plusieurs autres études en germe dans la pensée de l’auteur, mais que son inépuisable verve aura peut-être fait éclore avant que nous ayons achevé nous-même ces pages arides où nous disséquons péniblement le génie le plus chaud, le plus vivace, le plus fécond de notre époque.

Dans notre désir de nous rendre compte à nous-même d’un ouvrage dont la portée effraye, et où la pensée se perd comme un voyageur s’égare dans le dédale des arcades d’une ville qui n’existe plus (comparaison juste pour une ville commencée qui n’existe pas encore, à la différence près des ruines aux constructions neuves), nous avions aperçu dans les Études philosophiques, telles que l’auteur nous les montre aujourd’hui, les traces d’une espérance qui vivifie ces désespérantes figures d’écorchés. Il nous semblait, si nous pouvons risquer cette image, qu’au sein de ces passions déchaînées et qui crient aussi puissamment que dans le final de Don Juan, une voix religieuse, et pleine de suavités, mystérieuse, mais consolatrice, dominait ces cris horribles et montait vers le ciel. En rassemblant dans la pensée ces cinq grandes poésies : l’Enfant maudit, les Proscrits, Louis Lambert, Jésus-Christ en Flandre et Séraphita ; en leur supposant quelques anneaux, quelques compositions intermédiaires, nous avons aimé à penser qu’à travers nos sentiments foudroyés par l’analyse l’auteur faisait courir un radieux rayon de foi, une mélodieuse métempsycose chrétienne qui commençait dans les douleurs terrestres et aboutissait au ciel. Nous l’avons demandé, non sans émotion, à l’auteur, et il nous a confirmé dans cette croyance par un de ces mots qui viennent de l’âme, qui révèlent un beau cœur. Donc, lorsque cet architecte aura fini d’agiter sa baguette magique, des lueurs divines éclaireront sa cathédrale, dont la destination sera double, comme l’est celle de ces beaux monuments du moyen âge en dehors desquels se pressent les passions humaines sous de fantastiques figures d’hommes ou d’animaux, tandis qu’à l’intérieur rayonnent les beautés pures de l’autel.

Faisons des vœux pour que la critique soit bienveillante à ce laborieux ouvrier, souhaitons que ni le découragement, ni la maladie, ni la misère ne lui arrachent des mains son outil créateur ; car nous l’aurons dit le premier et nous nous ferons gloire de l’avoir dit, il s’agit ici d’une des plus immenses entreprises qu’un seul homme ait osé concevoir ; il s’agit d’une œuvre qu’un poète ingénieux nommait, devant nous, les Mille et une Nuits de l’Occident, sans savoir, que ces morceaux, si divers, si poétiques, si vrais, pris séparément, s’enchaînaient et devaient produire le speculum mundi dont nous parlions !

Et que sera-ce, lorsque, plus tard, la troisième partie, dont le titre est connu de quelques amis de l’auteur, quand les Études analytiques, auxquelles appartiennent évidemment la Physiologie du mariage et le Traité de la vie extérieure, dont plusieurs fragments ont été publiés, quand ces dernières conséquences d’une vaste pensée viendront couronner de leurs riches entablements ce palais littéraire, comparable aux poëmes que les Sarrasins écrivaient en marbre, et sur lequel ils gravaient l’Alcoran en caractères d’or. À ce dernier labeur, où se concentrera l’examen railleur des principes sociaux, appartient encore un livre dont le titre (la Monographie de la vertu) a plus d’une fois excité la curiosité de ceux qui, du fond de leurs solitudes, applaudissent aux efforts de l’auteur, qui marquent avec orgueil les phases progressives de son talent, et s’initient par des vœux à ses fatigues et à ses veilles.

Ainsi donc, quand les Études de mœurs auront peint la société dans tous ses effets, les Études philosophiques en constateront les causes, et les Études analytiques en creuseront les principes. Ces trois mots sont la clef de cette œuvre étourdissante par sa profondeur, surprenante par ses détails, dont nous avons essayé de faire comprendre ici toute la portée.6 décembre 1834.

  1. Même observation que pour les précédentes séries.
    Études philosophiques. Première édition. La Peau de chagrin, deux volumes in-8o, avec préface et moralité, chez Ch. Gosselin et Urb. Canel, août 1831. Deuxième et troisième édition (une seule en réalité), trois volumes in-8o, chez Ch. Gosselin, septembre 1831, sous le titre de Romans et Contes philosophiques. Contenant : — Tomes I et II. La Peau de chagrin (la préface enlevée et remplacée par une introduction de Philarète Chasles). Sarrasine. La Comédie du diable. El Verdugo. — Tome III. L’Enfant maudit (première partie). L’Élixir de longue vie. Les Proscrits. Le Chef-d’œuvre inconnu (Gillette). Le Réquisitionnaire. Étude de femme. Les Deux Rêves (le Petit Souper). Jésus-Christ en Flandre. L’Église. (Les douze contes qui accompagnent ici la Peau de chagrin ont reparu en juin 1832 chez Ch. Gosselin, en deux volumes in-8o, sous le titre de Contes philosophiques, avec la préface de Philarète Chasles, destinés à compléter l’ouvrage pour les acquéreurs de la première édition de la Peau de chagrin). Nouveaux Contes philosophiques, un volume in-8o, chez Ch. Gosselin, octobre 1832. Contenant : — Maître Cornélius. Madame Firmiani. L’Auberge rouge. Louis Lambert. Troisième édition (marquée quatrième), sous le titre de Romans et Contes philosophiques, quatre volumes in-8o, chez Ch. Gosselin, mars 1833. Contenant : — Tomes I et II. Introduction par Philarète Chasles. La Peau de chagrin (sans préface ni moralité). — Tome III. Sarrasine. La Comédie du diable. L’Enfant maudit (première partie). El Verdugo. Étude de femme. — Tome IV. L’Élixir de longue vie. Les Proscrits. Le Chef-d’œuvre inconnu (Gillette). Le Réquisitionnaire. Les Deux Rêves (le Petit Souper). Jésus-Christ en Flandre. L’Église.

    Quatrième édition, sous le titre d’Études philosophiques, trente volumes in-12 à paraître — vingt seulement ont paru, 1835-1840 ; tomes I à V, chez Werdet, en janvier 1835 ; tomes XXI, XXII, XXIII, XXIV et XXV, chez Werdet, en septembre 1836 ; tomes XII, XIII, XV, XVI et XVII, portant le millésime de 1836 et le nom de Werdet au titre, chez Delloye et Lecou (noms portés seulement sur la couverture), en juillet 1837; tomes VI, VII, VIII, IX et X, sous le titre collectif de : le Livre des douleurs, chez Souverain, en 1840. C’est cette même année qu’on changea les titres des tomes XXII, XXIII, XXIV et XXV en ceux des tomes XIV, XVIII, XIX et XX, de façon à faire un ouvrage complet en vingt volumes. Contenant : — Tomes I à IV. Note de l’éditeur. Étude par Félix Davin. La Peau de chagrin (sans préface ni moralité). Adieu. — Tome V. Le Réquisitionnaire. El Verdugo. L’Élixir de longue vie. Un drame au bord de la mer. — Tome VI. Gambara. — Tomes VII et VIII. Les Proscrits. Massimilla Doni. — Tomes IX et X. Séraphita. Tome XI. Maître Cornélius. — Tome XII. La Messe de l’athée. Les Deux Rêves (le Petit Souper). Facino Cane. Les Martyrs ignorés. — Tome XIII. Le Secret de Ruggieri. — Tome XIV (ancien XXII). Jésus-Christ en Flandre. Melmoth réconcilié. L’Église. — Tome XV. L’Enfant maudit (première partie). — Tome XVI. L’Enfant maudit (deuxième partie, la Perle brisée). Une passion dans le désert. — Tome XVII. L’Auberge rouge. Le Chef-d’œuvre inconnu (Gillette). — Tomes XVIII et XIX (anciens XXIII et XXIV). L’Histoire intellectuelle de Louis Lambert. L’interdiction. — Tome XX (ancien XXV). L’interdiction, fin.

    Cinquième édition. Tomes XIV à XVI de la première édition de la Comédie humaine, trois volumes in-8o, chez Furne, Dubochet et Hetzel, 1845-1846. Contenant : — Tome I (1846, daté 1845). La Peau de chagrin. Jésus-Christ en Flandre (y compris L’Église). Melmoth réconcilié. Le Chef-d’œuvre inconnu (Gillette). La Recherche de l’absolu (Balthazar Claes). — Tome II (1846, daté 1845). Massimilla Doni. Gambara. L’Enfant maudit. Les Marana. Adieu (le Devoir d’une femme). Le Réquisitionnaire. El Verdugo. Un Drame au bord de la mer. L’Auberge rouge. L’Élixir de longue vie. Maître Cornélius. Sur Catherine de Médicis. II. Le Martyr calviniste (les Lecamus). — Tome III (1846). Sur Catherine de Médicis. II. La Confession de Ruggieri. III. Les Deux Rêves (le Petit Souper). Les Proscrits. Louis Lambert (Histoire intellectuelle de). Séraphita. Ce volume est terminé par les Études analytiques.

    Études analytiques. Première édition. Fin du tome XVI de la première édition de la Comédie humaine. Un volume in-8o, chez Furne, Dubochet et Hetzel, 1846, et tome XVIII des Œuvres de Balzac, premier tome complémentaire, un volume in-8o, chez madame Houssiaux, 1855. Ces volumes renferment : — Tome XVI. Physiologie du mariage. — Tome XVIII. Petites Misères de la vie conjugale.

  2. Voir la Comédie du diable, dans les Œuvres diverses.
  3. Il était signé des quatre noms suivants : Alf. Coudreux. Le Cte Al. de B… Henri B… E. Morisseau, sous lesquels Balzac signait dans la Caricature.
  4. Le Messager.
  5. Voir tome XXII, page 396, cette préface de la Peau de chagrin.
  6. Ce livre n’a jamais paru.
  7. Les empires qui jadis commençaient par l’épée, finissaient par l’écritoire ; nous en sommes à l’écritoire.(Médecin de campagne.)
  8. Elles avaient paru tout récemment.
  9. La publication de la quatrième livraison des Études de mœurs au dix-neuvième siècle, où se trouve l’introduction faite à cet ouvrage par M. Félix Davin, a été retardée par quelques changements utiles aux intérêts de l’auteur et du libraire, mais cette livraison doit être mise en vente sous peu de jours. (Note de l’Éditeur.)