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Histoire du Montréal, 1640-1672/18

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de l’automne 1655 jusqu’à l’automne 1656, au départ des navires du Canada.


Il s’est passé si peu de choses durant cet an entre les Iroquois et nous, qu’il y a peu de choses à donner au public, à ce sujet ; ce qu’on peut dire, c’est que pendant cette année on avance merveilleusement les habitations, car encore que l’on craignit la trahison de ces barbares, néanmoins on savait bien que l’on ne serait pas attaqué si peu que l’on fut sur ses gardes, et qu’ils ne commenceraient jamais à rompre la paix s’ils ne voyaient à faire quelque coup sans se mettre au hazard ; c’est pourquoi, on allait hardiment quand on était un peu en état où l’on eut pas osé paraître avec un grand nombre ; c’est ce qui donnait lieu, pendant ces paix forcées, à faire des découvertes qui servaient pendant les temps de guerres. Ce qui est remarquable en ce chapitre, c’est que les Iroquois ayant toujours la guerre avec les Hotaouads et Hurons, quoiqu’ils fussent en paix avec nous, ils firent un furieux massacre de ces gens au mois d’aout de cette année, où en outre le père Garneau fut tué ici près d’un coup de fusil ; après quoi aussitôt que ce meurtre fut fait au dessus, ce bon pere fut rapporté au Montréal et y mourut peu après. Comme je n’écris l’histoire du Montréal qu’à cause qu’on en a quasi parlé, on me dispensera de rapporter au long ce qui regarde ce saint homme, d’autant que les Révérends pères Jésuites n’auront pas manqué de s’acquitter de leur devoir à l’égard de ce digne confrère au sujet duquel je dirai seulement, qu’heureux le servi leur de Jésus-Christ qui meurt comme lui exposé actuellement pour le service de son maître. Sur la fin de cette année, on eut au Montréal, l’affliction du départ de M de Maison-Neufve pour la France. Il est vrai que comme il n’y allait que pour le bien du pays, que comme cette Isle recevait toujours de grands biens dans tous ses voyages, l’espérance du bonheur qu’on croyait devait accompagner son retour, n’était pas une médiocre consolation pour radoucir l’amertume de son départ. Toujours il avait de grands desseins ; et jamais cette planète ne s’éclipsait de son Montréal, sans qu’elle y ait paru par après avec l’éclat de quelque nouvelle conquête ; que si cela s’est vérifié dans tous ses autres voyages, cela se vérifie d’autant plus avantageusement dans celui-ci, que l’âme surpasse le corps et le spirituel le temporel en dignité. Jusqu’ici son principal but était de grossir cette colonie par le nombre des hommes dont il moyennait la venue. Maintenant il veut y établir un clergé pour la sanctification des peuples ; c’est pour cela qu’il passe la mer et expose sa vie en ce nouveau trajet, encore qu’il feignit un autre sujet pour son voyage. Il jugea ne devoir pas retarder ce dessein pour deux raisons : la première, parceque les Révérends pères Jésuites se trouvaient pressés de toutes parts pour les missions étrangères et éloignées des sauvages qui sont écartés dans lus bois, ce qui lui faisait craindre assez souvent de n’avoir pas toujours l’assistance spirituelle qu’il aurait souhaité et qu’ils auraient bien désiré lui donner sans ces conjectures ; secondement, le souvenir des desseins de M. Ollier et de tous les messieurs associés, qui avaient toujours eu la vue sur Messieurs du séminaire de St. Sulpice, ainsi qu’ils le lui avaient déclaré, lui fit croire qu’il ne pouvait procurer trop à cette Isle la venue des Ecclésiastiques de cette maison, à cause des biens spirituels et temporels qu’ils y pouvaient faire. Ayant bien pesé toutes ces choses, il les proposa à Mlle Mance, laquelle étant de son même sentiment, il se détermina d’aller trouver cette année feu M. Ollier, l’illustre fondateur du séminaire de St. Sulpice ! afin de lui demander des messieurs de son séminaire pour le soin de cette isle, comme aussi de faire intervenir messieurs les associés de la compagnie afin de réussir dans sa demande. Que la providence de Dieu est admirable, elle avait choisi ce lieu pour être le sépulcre et pour y enhumer à ce monde plusieurs des enfants de ce digne fondateur et de les faire mourir aux douceurs de l’Europe. Pour cela, dès l’an 1640, nous avons vu qu’il s’adressa à feu M. de la Doversière et le fit acheter ici un endroit de sépulture pour ces cent louis d’or dont nous avons parlé, qui furent les prémices de l’argent donné pour le Montréal. La providence a fait faire à feu M. Ollier en cette rencontre, comme autrefois elle fit à Abraham lorsqu’elle le lit acheter 40 cicles ce tombeau qu’il acheta des.......... pour toute sa lignée. Ce bonheur de mourir aux vains appas de la terre est bien grand ; il ne faut pas s’étonner si Dieu n’a pas voulu donner gratis le lieu où cette mort se devait s’opérer et s’il en a voulu être payé par des mains qui étaient si a aimables que celles de ce bon fondateur, et que même depuis, il en avait voulu fixer jusqu’à ce jour tant d’autres sommes d’argent, tant par lui que par ses enfants, sans parler des dépenses prodigieuses que messieurs les associés ont fait autrefois ; mais laissons tout ce que nous pourrions dire sur ce sujet, et disons que M. de Maison-Neufve faisant le trajet pour cette sainte entreprise, laissa le commandement au brave M. Close qui s’acquita de cet emploi pendant toute l’année au contentement d’un chacun, faisant voir à tous qu’il savait et qu’il méritait de commander.