Histoire du Parnasse/Théodore de Banville

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Éditions "Spes" (p. 55-85).

LIVRE II
À CÔTÉ DU PARNASSE

CHAPITRE PREMIER
Théodore de Banville
§ I. — Ce qui semble le rapprocher du Parnasse

Le grand Leconte de Lisle avait la petitesse d’être parfois jaloux ; Théodore de Banville finit par s’en apercevoir : en effet, ce poète qui fit ses débuts en 1842, à dix-neuf ans, pour prolonger son effort créateur pendant cinquante ans ; qui, par sa valeur artistique et sa bonté personnelle, aurait pu grouper autour de lui la jeunesse parnassienne, non seulement n’a pas été le chef du Parnasse, mais encore a été évincé du groupe central, des troupes régulières, et n’a été qu’un vague franc-tireur, aux environs.

Pourtant, certains critiques veulent en faire un parnassien pursang, et un chef, sinon le chef de l’École[1]. Vers 1866, les gens peu avertis croient à la maîtrise de Banville, et veulent voir, dans le succès de son Gringoire au Théâtre Français, « la preuve que les temps sont venus », c’est-à-dire, que le Parnasse triomphe avec Banville[2]. Tâchons de bien établir les faits, et d’abord ceux qui sont contraires à la thèse que je soutiens pour mon compte.

Il est incontestable que, pendant dix ans au moins, Théodore de Banville fait partie officiellement du Parnasse, puisqu’il collabore aux trois tomes du Parnasse Contemporain. La première livraison, celle du 3 mars 1866, contient un poème de lui, L’Exil des Dieux[3], immédiatement après l’envoi de Théophile Gautier. Dans le Parnasse de 1869 sa Cithare figure encore à la deuxième place, après le Kaïn de Leconte de Lisle, et c’est même fâcheux pour Banville, car, de Kaïn à la Cithare, quelle chute ! Les vers coulent, intarissablement ; ce poème pourrait ne jamais finir ; Orphée pourrait chanter bien plus longtemps encore les bienfaits de la lyre. Enfin, au Parnasse de 1876, Banville publie vingt-quatre « rondels, composés à la manière de Charles d’Orléans[4] ». Cela, c’est du pur Parnasse. Les titres, à la table des matières, sont presque ridicules de simplicité, d’impassibilité : le jour, la nuit, le printemps, l’été, le matin, le soir, le thé, le café, etc. Mais les pièces sont exquises, notamment l’Hiver :


Au bois de Boulogne, l’Hiver,
La terre a son manteau de neige.
Mille Iris, qui tendent leur piège,
Y passent comme un vif éclair.

Toutes, sous le ciel gris et clair
Nous chantent le même solfège ;
Au bois de Boulogne, l’Hiver,
La terre a son manteau de neige.

Toutes les blancheurs de la chair
Y passent, radieux cortège ;
Les Antiopes de Corrège
S’habillent de martre et de vair,
Au bois de Boulogne, l’hiver.


Notons pourtant deux contradictions. Les rondels ne sont pas conformes à la règle qu’il en a donnée lui-même[5]. Puis, en général, le tenant de la rime exacte jusqu’à la richesse, se contente, dans son improvisation hâtive, de simples chevilles : dans le Thé, il décrit une tasse en porcelaine de Chine :


Une dame fière et sournoise
Montre en ses longs yeux de turquoise
L’extase et la naïveté :
Miss Ellen, versez-moi le thé.


Naïveté rime bien avec le thé, mais la raison voudrait duplicité pour aller avec sournoise.

De plus, fait très considérable, il figure, avec Coppée et France, dans la Commission des Trois, chargée de composer le Parnasse de 1876, d’accepter ou de refuser les envois[6] ». Enfin, il est en rapports intimes avec les principaux Parnassiens, avec le grand ancêtre Théo. Brunetière.a même voulu en faire un imitateur de Gautier[7]. Banville n’en conviendrait pas ; il reconnaît simplement qu’ils ont certaines idées communes sur le labeur artistique :


Pas de travail commode !
Tu prétends, comme moi
         Que l’ode
Garde sa vieille loi[8]


Au contraire, il est presque le disciple et tout à fait l’intime de Baudelaire[9]. C’est lui qui procure l’édition définitive des Fleurs du Mal[10].

Toute la génération suivante est invitée à ses célèbres dîners : Léon Cladel, Bergerat, Catulle Mendès, Mallarmé, Mérat et Valade, E. des Essarts, Armand Silvestre, etc.[11]. Dans ce groùpe de jeunes, il a des attentions particulières pour Coppée : il lui dédie la Ballade de Banville, avec son joli refrain :


Car tu dis bien, maître François Coppée[12] !


Il l’invite à ses dîners, et sa sœur Annette avec lui[13]. Il a pour lui des attentions exquises, inoubliables : il met un instant Coppée à côté de V. Hugo : « Mlle Sarah Bemhardt, dit-il dans un de ses feuilletons, n’a jamais été plus admirable que dans les rôles de Zanetto du Passant et de la Reine de Ruy-Blas, qui sont de la poésie pure[14] ».

Banville semble encore avoir eu un faible pour l’auteur des Trophées :


Ô vous pour qui toujours le ciel s’irradia,
Véronèse des mots flambants, Heredia[15] !


Heredia lui rend bien ses compliments. Il écrit à Coppée le 17 février 1892, à l’heure des jugements définitifs, après la mort de leur ami : « Banville a été pour nous tous… un maître fraternel. J’ai toujours eu pour lui beaucoup d’admiration…, un vrai respect[16] ». Son éloge funèbre par Emmanuel des Essarts, pour venir de moins haut, n’en est pas moins documentaire sur l’opinion des Parnassiens moyens : « ce poète, l’un des plus doués qu’ait connus le xixe siècle, a bien mérité le monument où par le silence des nuits d’été les rossignols viennent chanter autour de la statue de leur frère immortel[17] ». Enfin, Sully Prudhomme dépose une couronne de vers sur sa tombe au nom des Parnassiens[18]. Ils lui devaient bien cela, car, dans ses Camées Parisiens, il a sculpté les profils de presque tous ses camarades. Il a une grande partie de leurs idées, leurs sympathies et leurs antipathies, par exemple leur horreur des professeurs, de l’École Normale[19]. Il accepte comme eux la théorie de l’impassibilité : « presque jamais, dit-il dans l’avantpropos des Roses de Noël, on ne se montre bon ouvrier lorsqu’on écrit sous l’impression d’un sentiment vrai au moment même où on l’éprouve[20] ». Comme eux, il n’aime que l’art pur, et, quoiqu’il soit un véritable séide de V. Hugo, il déclare qu’il reste le plus fervent adepte de l’école de l’art pour l’art, même après que son cher Maître l’a reniée et condamnée avec violence[21].

Enfin, un critique superficiel pourrait affirmer que Théodore de Banville a été le plus parnassien des poètes, puisque, d’une part, l’hellénisme est une des principales forces du Parnasse, et que, de l’autre, Sainte-Beuve a fort admiré l’hellénisme de Banvihe, ses copies, ses moulages, d’après l’antique : « j’ai parlé d’Art Grec : est-il rien qui le représente plus heureusement que ce conseil donné à un sculpteur :


Sculpteur, cherche avec soin, en attendant l’extase,
Un marbre sans défaut pour en faire un beau vase.
Cherche longtemps sa forme, et n’y retrace pas
D’amours mystérieux ni de divins combats…
Qu’autour du vase pur, trop beau pour la Bacchante,
La verveine se mêle à des feuilles d’acanthe ;



Et plus bas, lentement, que des vierges d’Argos
S’avancent d’un pas sûr en deux chœurs inégaux ;
Et les cheveux tressés sur leurs têtes étroites.


« Le bas-relief est parfait, conclut l’auteur des Lundis ; on croit voir un beau vase antique[22] ». Faut-il partager l’illusion de Sainte-Beuve ? Oui, si nous en croyions Banville : il se représente comme ayant, malgré tout son romantisme, rejeté la mythologie des démons, et restauré les vrais dieux de la poésie ; même, en antidatant un peu, je pense, il proclame qu’il était, « dès son entrée dans la vie, pénétré de cette vérité que les hellènes sont nos véritables aïeux spirituels… Cette parenté spirituelle de la France avec le pays sacré des Eschyle et des Pindare est l’âme même de notre poésie[23] ». Ses rapports avec le Parnasse ne font que l’ancrer dans cette idée qu’il est, par Chénier, un descendant des Grecs. Il admire à fond les théories de Louis Ménard, l’helléniste de l’École[24]. Leconte de Lisle exerce aussi une réelle influence sur ce côté du talent de Banville[25].

Je reconnais que beaucoup ont cru à l’hellénisme de Banville[26] ; en particulier sa mythologie plaisait fort à Swinbume, qui la croyait exacte : dans un délicieux sonnet écrit en vers français sur la mort de Mélicerte, ou de Banville, il a dit :


Dieux exilés, passants célestes de ce monde,
Dont on entend parfois dans notre nuit profonde,
Vibrer la voix, frémir les ailes, vous savez

S’il vous aima, s’il vous pleura, lui dont la vie
Et le chant rappelaient les vôtres. Recevez
L’âme de Mélicarte affranchie et ravie[27].


Mais les œuvres de Mélicerte sont-elles si grecques que cela ? Oui, dit Baudelaire, qui y retrouve « les élégances contenues de la poterie antique[28] ! »

Il faut concéder qu’on entend souvent dans ses poésies une note purement parnassienne, ou encore qu’il a mis à la mode les poèmes à forme fixe, et notamment le pantoum qui est un redoutable tour de force[29]. Il a imaginé des rythmes ingénieux, et qui demandent, pour arriver au charme, l’art le plus curieux et le plus exact ; il a créé la rime masculine unie à une rime féminine par assonance. Ainsi la pièce intitulée Désespérance :


Tombez dans mon cœur, souvenirs confus,
        Du haut des branches touffues !
Oh ! parlez-moi d’elle, antres et rochers,
        Retraites à tous cachées[30] !…  ;


Barbey d’Aurevilly admire cet effet : « l’assonance la plus inattendue a presque sur l’esprit puissance de pensée, et dissout les nerfs dans la plus noble des mélancolies[31] ».

En dernière analyse, quand j’aurai encore reconnu que Banville limait et relimait ses vers d’une édition à l’autre, j’aurai, je crois, épuisé tous les arguments qu’on peut mettre en avant pour faire de lui un parnassien et un maître du Parnasse[32]. Il me reste à prouver maintenant qu’il n’est ni l’un ni l’autre, sauf au début peut-être, avant la dictature de Leconte de Lisle[33].

§ 2. — Ce qui éloigne Banville du Parnasse

Banville n’est pas parnassien, parce qu’il est romantique. Ne croyons pas Anatole France qui, simplement pour être désagréable à Leconte de Lisle, approuve la formule qu’il a probablement imaginée lui-même : « on a dit justement qu’il fut le dernier des romantiques et le premier des parnassiens[34] ». La première partie seule est exacte ; Sainte-Beuve l’a très bien vu : « quand la prairie des Muses semble tout entière fauchée et moissonnée, des talents inégaux, mais distingués et vaillants, trouvent encore moyen d’en tirer des regains heureux[35] ». En effet, Les Exilés sont le regain des Châtiments. Du reste, tout le monde reconnaît que Banville est romantique[36], avec une nuance personnelle : il n’est pas mélancolique, il veut créer le romantisme gai[37]. De là son amour pour Tragal-dabas[38]. Sauf cette nuance, c’est un romantique intégral. Il suffit du reste pour s’en convaincre d’enregistrer les déclarations du poète :


Nous chantions la rime, Arcades
Ambo, de nos voix fanatiques,
Oh ! mon cher Catulle Mendès,
Et nous étions des romantiques[39] !


Il s’incline même devant les poetœ minores de l’École ; il écrit à Émile Deschamps, en 1870 : « nous, vos disciples, et votre reflet[40] ». Le reflet d’Émile Deschamps ! C’était un excès d’humilité ; mais il y avait vraiment en lui un reflet de Musset, fort souvent, et fort longtemps[41]. Comme il a le courage de ses opinions, comme il ne renie pas ses dieux, c’est en plein Parnasse, dans le tome II du livre officiel de l’École, qu’il publie la Ballade de ses regrets pour Van 1830 :


Je veux chanter ma ballade à mon tour !
Ô Poésie, ô ma mère mourante,
Comme tes fils t’aimaient d’un grand amour,
Dans ce Paris, en l’an mil huit cent trente…
Enfant divin,’ plus beau que Richelieu,
Musset chantait ; Hugo tenait la lyre,
Jeune, superbe, écouté comme un dieu.
Mais à présent, c’est bien fini de rire[42].


Il est inutile d’accumuler ici toutes les preuves d’enthousiasme pour son Dieu que Banville a semées dans ses œuvres, depuis le jour où il lui envoyait ses premiers vers, le 31 décembre 1841, jusqu’à son dernier soupir. Ses lettres à Hugo sont un long cri d’adoration ; le cri est plus fort quand l’œuvre qu’il admire est inférieure comme Les Chansons des rues et des bois[43]. Ses actes sont plus significatifs encore : Le National ayant refusé son compte rendu de la reprise de Lucrèce Borgia en 1881, Banville donne sa démission : « il serait incompréhensible pour tout le monde, et plus encore pour moi, que, tenant une plume de feuilletonniste, je puisse garder le silence sur une œuvre de Victor Hugo[44] ». Sa passion est si forte qu’elle lui fait oublier sa bonté : une seule fois dans sa vie il sera brutal pour un débutant : Samain lui avoue qu’il n’a jamais lu Victor Hugo ; Banville entre dans une telle colère que Samain ne le reverra jamais[45]. Mais aussi on avait, devant lui, insulté son Dieu, en l’ignorant ! À lui seul, Banville aurait inventé l’hugolâtrie[46]. Les œuvres d’Hugo étaient ses livres saints : cette exagération n’est pas de moi, mais de lui ; c’est là qu’il trouve sa loi et ses prophètes, écrit-il à V. Hugo le 11 novembre 1864 : « lisant chaque jour Les Contemplations et La Légende des Siècles, comme les Anglais Usent la Bible, …ayant, je crois, pénétré presque tous les secrets de la construction matérielle de ces vers immortels, je les admire mille fois plus qu’auparavant[47] ». M. Léon Daudet n’a donc mis que la stricte vérité dans cette image : « le génie de Hugo était la fleur immense et parfumée où se grisait ce papillon diapré de Banville[48] ». Hugo, du reste, a payé tous ces éloges en monnaie de roi[49]. Il lui a même fait l’amabilité suprême de lui emprunter une idée : l’auteur des Contemplations s’est rappelé, dans les Mages, ce passage des Cariatides où Banville, énumérant lui aussi tous les grands poètes qui ont guidé l’humanité, conclut :


Brillant de la splendeur première,
Tous ces grands exilés des cieux,
Tous ces hommes porte-lumière,
Avaient des astres dans leurs yeux[50].


Adoration de Banville, reconnaissance de Hugo, c’est très bien en soi, mais cela ne plaît guère au Parnasse. Armand Silvestre est à peu près le seul à trouver que c’est parfait ; il se bat les flancs pour découvrir une image qui soit digne des deux poètes : entrant à son tour dans l’immortalité, Banville « y prend place à la droite de celui qu’il nommait avec une humilité si pleine de tendresse : le Père[51] ! » Au contraire, les autres parnassiens en veulent à Banville de son orthodoxie intransigeante dans le culte de V. Hugo[52] .

Son lyrisme les laisse froids, parce qu’ils ne sont pas lyriques ; sa poésie joyeuse les froisse, parce qu’ils ont un pessimisme hautain. Si Baudelaire a raison de dire que les vers de Banville rappellent les belles heures de la vie, « c’est-à-dire les heures où l’on se sent heureux de penser et de vivre[53]  », les Parnassiens estiment qu’il faut laisser à la chanson ces inspirations-là, et que la musique gaie n’est pas de la musique. Ils veulent que la poésie filtre lentement dans l’imagination de l’écrivain, comme l’eau des sources glaciales dans le sol, et qu’elle ne reflète pas la figure du poète.

Ce qui semblait tout à l’heure rapprocher Banville du Parnasse est justement ce qui prouve qu’il y a entre les parnassiens et lui des ressemblances fugitives, superficielles, et des différences essentielles. Les vers pseudo-grecs de Théodore de Banville sont une parodie de l’hellénisme parnassien. Il a beau s’appuyer plusieurs fois sur l’autorité du spécialiste de l’École, Ménard, les compliments qu’il lui décoche prouvent simplement qu’il n’a rien compris aux Rêveries d’un païen mystique : « les savants mythographes modernes (entre autres Louis Ménard) nous ont démontré que notre religion de pardon et d’amour s’accorde avec les religions helléniques[54] ». Couronné de lierre artificiel, Banville fait une libation de champagne en l’honneur du catholicisme. Aimable candeur ! S’il avait eu à traiter le sujet des Noces Corinthiennes, il n’eût pas, comme A. France, dressé le paganisme et la religion chrétienne l’une contre l’autre, il les eût mariés.

On est confondu par la pauvreté de ses pièces grecques, quand on les examine en détail. Pour rendre des vers célèbres, il trouve des paraphrases à la Delille. Le vers dont la beauté faisait rêver Loti au collège,


bê d’akéôn para thina poluphloïsboïo thalassés


se dissout en quatre vers :


Le père avec horreur tordant sa barbe blanche
S’en est allé gémir sur le bord de la mer.
Dans l’abîme grondant il verse un fleuve amer,
Et marche, déchiré par sa grandeur sans bornes[55] .


L’athlète grec si fin, de lignes sobres, se dilate ici, se gonfle, et étale des effets de pectoraux comme un hercule de foire. Les Ménades, pour tuer Orphée, se procurent des armes imprévues,


Même, pour l’en frapper, dans les sillons bourbeux,
Arrachant follement les cornes des grands bœufs[56].


Pour augmenter l’horreur qu’il inspire, le sanglier d’Érymanthe devient carnivore[57] ! Détails, dira-t-on, et qu’est-ce que prouvent des détails ? Prenons donc tout un poème, Le Forgeron ; « scènes héroïques » annonce l’auteur. Jupiter se défie de l’Amour qui égale l’homme aux dieux, et serait capable de lui faire découvrir tous les secrets de la matière ou de la mécanique, comme la locomotive ou le dirigeable (sic). Il enferme donc l’Amour, et le met à la torture. L’Amour s’échappe de sa prison et, pour se venger, crée Vénus : théogonie nouvelle, amusante par certains détails : Junon, prudente et protocolaire, ne veut pas qu’on présente Vénus à la cour de Jupiter, parce qu’elle est nue. Jupiter, pour arranger les choses, déclare à Vénus qu’elle sera mariée le jour même. Jusqu’ici Le Forgeron rappelle à la fois le Satyre et La Belle Hélène. Le lecteur attend toujours les scènes héroïques promises. Celles qui suivent ne sont même pas érotiques. Apollon et Bacchus posent leur candidature. Pallas prêche à Vénus le célibat, avec d’étranges compensations. Diane préconise la chasse, ses chastes fatigues, et ses joies barbares :


Téter sauvagement la mamelle d’une ourse
Et me rassasier de son lait que je bois
Me plaît…


Jupiter se met enfin sur les rangs, mais Vénus se méfie : il la quitterait, pour d’autres vierges,


Ces nobles jeux, tandis que to Et moi, pour éclairer
Ces nobles jeux, tandis que tomberont leurs voiles,
Si tu veux, je tiendrai dans les mains des étoiles !


Elle lui prédit la victoire de l’homme qui noiera ses foudres dans un puits (Franklin ! Déjà !), et lui annonce l’arrivée de Jésus.

Mercure aussi tente sa chance ; mais comme il a perdu depuis le prologue de l’Amphitryon ! Finalement, c’est Vulcain qui gagne. Il n’a pas les paroles dorées des autres dieux, mais il a forgé pour Vénus les joyaux, les bijoux, et la ceinture traditionnelle. Vulcain du reste, est confiant dans l’avenir, et croit que la coquette ne l’épouse pas par simple reconnaissance : quelle est la philosophie mythologique de leur union ?


Donc le Travail qui montre une âpre cicatrice
Épouse avec amour la Force créatrice.


C’est piteux comme symbolique, et moins amusant qu’Orphée aux enfers[58]. Qu’est-ce que les Parnassiens pouvaient bien en penser ? Mallarmé, seul, a l’air de croire à l’authenticité de cet hellénisme[59]. Sully-Prudhomme, qui est l’indulgence même, s’arrête à moitié route de la vérité :


Ô vent sacré du Pinde, alanguis ton haleine…
Il ne bat plus, ce cœur où le sang d’un Gaulois
Avait rajeuni l’âme antique d’un Hellène[60].


Louis de Fourcaud complète le compliment, et en fait une vérité assez dure : « ne nous trompons pas à ses airs de flûte, à ses mythologies. Nous avons affaire à un Gaulois de bonne souche, versant dans une coupe néo-grecque le vin mousseux de son terroir. Des dieux ciselés gambadent pêle-mêle avec des pierrots aux flancs rebondis de la coupe[61] ». Quant à ses déesses, ne les cherchons pas à la Galerie des Antiques, mais dans les fresques mythologiques de Véronèse, dit Henry Houssaye, Dianes et Vénus aux formes provocantes, aux chairs nacrées, rehaussées de perles, d’émeraudes et de rubis[62]. La condamnation sévère qui convient pour de pareils travestis est prononcée par Anatole France qui fut rarement aussi bien inspiré : « les Vénus de M. de Banville sont vénitiennes. Elles ne savent pas un mot de mythologie. Ce sont de ces figures dont les peintres disent qu’elles plafonnent. L’Olympe du poète est un olympe de salles de fêtes. En habit de carnaval héroïque, les dames et les cavaliers vont par couples, et dansent avec grâce sous la coupole peinte, au son d’une molle musique. Et c’est là le monde poétique de M. Théodore de Banville[63] ». C’est bien là l’impression de la critique actuelle[64]. M. Siciliano, qui plaide pour son héros, cite comme un jugement sûr le mot de Jules Lemaître : « il a polychromé les dieux grecs[65] ». Il les a plutôt chromo-lithographies.

Il y avait entre Théodore de Banville et Leconte de Lisle tant de frottements durs qu’il en était venu à prendre en horreur ce mot de Parnasse : « qu’est-ce que cela signifiait, parnassien, ou néoparnassien ? Personne au monde n’a jamais su ce que ce mot-là veut dire[66] ». Il y a dans cette Ecole quelque chose qui lui déplaît beaucoup plus : c’est ce mouvement de désaffection, de désertion, qui isole V. Hugo : Banville voit les anciens hugolâtres peu à peu renier leur foi :


Tant que je vivrai sous les grands cieux qui se dorent,
Ô Père, je serai parmi ceux qui t’adorent,
Fidèles, et s’il n’en reste qu’un, je serai
Celui-là, plein d’amour et le cœur ulcéré.


Ce dernier mot est bien un cri du cœur ; la mort de Hugo a fait éclater au grand jour les vrais sentiments des Parnassiens, cachés jusque-là par la pénombre de leur petite chapelle : aussi lance-t-il à ses anciens camarades un « Bonsoir, messieurs » qui ne manque pas d’allure :


À présent qu’il n’est plus, nous pouvons être grands.
Puisqu’il prenait nos parts d’orgueil et de lumière,
Brillons ! notre place est à présent la première.
Nous serions comme lui bientôt, si nous voulions.
Frères, être un berger d’aigles et de lions,
Un Hugo, ce n’est pas du tout la mer à boire :
C’est un peu de génie avec un peu de gloire,
Et le vent de l’exil parmi des cheveux blancs.
— C’est ainsi que ces nains heureux, jadis tremblants,
Exultaient. Ils disaient : Tout doit finir, en somme.

Voici longtemps déjà qu’on admire cet homme.
Assez. Ne suivez plus la trace de ses pas.
Allons ailleurs. — Pardon, messieurs, je n’en suis pas[67].


§ 3. — Pourquoi Banville n’est pas le chef du Parnasse

La rupture est nette. Elle éclate en 1887, mais elle était depuis longtemps un fait accompli. Th. de Banville déplaisait à bon nombre de disciples de Leconte de Lisle, et réciproquement. Cela seul suffirait à expliquer pourquoi Banville n’aurait jamais pu être le maître du Parnasse, même s’il l’avait voulu, mais il y a bon nombre d’autres raisons, de forme, de fond, et de prestige.

Th. de Banville pouvait-il ouvrir, comme Malherbe ou Leconte de Lisle, une école de versification ? Certes, les idées ne lui manquaient pas. Il avait étudié à fond l’art des vers chez Hugo, et même chez Sainte-Beuve ; ne lui avait-il pas, en tête des Odelettes, décoché ce compliment : « les Pensées de Joseph Delorme m’ont enseigné mes théories ; les Notes et Sonnets qui sont à la suite des Pensées m’ont donné le type de mes formules[68] ». On est surpris… Sainte-Beuve le fut peut-être aussi un instant, mais il fut bien vite ravi en lisant l’Odelette à lui dédiée, glorification de la rime joyau, princesse, reine :


Ce que vaut ce clair diamant
Tu le sais bien, toi qui, tout jeune,
As été son plus cher amant[69]


Donc, fort des théories de Sainte-Beuve et de l’autorité de V. Hugo, Th. de Banville publie son Petit Traité de poésie. On a voulu y voir l’exposé de la doctrine officielle du Parnasse sur l’art des vers[70]. C’est vrai pour le seul Glatigny, qui suit passionnément l’apparition de l’ouvrage en fascicules : « je veux apprendre mon métier, fichtre[71] ! » C’est faux pour tous les autres parnassiens. D’abord, ce traité n’a paru qu’en 1870, dans l’Écho de la Sorbonne, quand l’École était déjà à son apogée[72] ; puis, il est si peu parnassien que les Symbolistes vont y découvrir une des sources de leur poésie ; M. Fuchs l’a démontré[73]. Il a de plus constaté que c’était, pour la majeure partie, un livre scolaire, contenant d’abondants emprunts à d’autres traités, par exemple à celui de Tennint[74] ; or, le livre de Tennint est une étude du vers romantique, contresignée par V. Hugo. Comment le Petit Traité, plaisant aux romantiques, puis agréant aux symbolistes, pourrait-il contenir la doctrine parnassienne ? Th. de Banville y a développé ses idées personnelles, qui semblent souvent de pures plaisanteries. Justement ces galéjades et leurs contre-coups déplaisent au Parnasse ; Theuriet le constate, sans acrimonie : « il s’est laissé aller à sa belle humeur naturelle ; …il faut lire son Traité, parce qu’il est d’une fantaisie très spirituelle, mais il faut n’en adopter les doctrines qu’avec une sage circonspection. L’absolue intransigeance des théories de Banville sur la rime a certainement déterminé cette réaction qui nous a valu l’école de l’assonance et du vers libre[75] ». Et pourtant, Th. de Banville aurait pu, s’il avait été sérieux, écrire l’œuvre qui nous manque encore, puisqu’il connaissait à merveille le vers de Hugo, et l’alexandrin classique. Qui a jamais eu, comme lui, l’intelligence de la versification de Racine ? « la langue des vers, telle que Racine l’a comprise, et telle que nous la comprenons après lui, est un chant ; elle ne saurait donc être coupée par des hoquets et des sanglots réels, puisque ces éclats de la douleur ou de la violence sont exprimés dans les vers par des mots qui en sont la transformation poétique[76] ». Malheureusement, avant d’écrire son livre, Banville l’a longtemps causé : les improvisations du poète sont brillantes, mais désordonnées, et courent après le paradoxe ; si l’interlocuteur ne le croit pas aveuglément, Banville redouble, s’exaspère, va de plus en plus fort, jusqu’à proclamer la supériorité absolue de la forme en poésie : « Tout pour la rime ! À bas le sens[77] ! » Qui peut dire exactement quand il est sérieux, quand il fait de l’ironie, quand il se moque effrontément d’un confrère qu’il n’aime pas, comme ce pauvre Manuel qu’il s’amuse à décontenancer par des affirmations inattendues : — Je suis l’ennemi de l’enjambement ! etc. — À d’autres moments c’est le lecteur qui s’effare : devant une inversion de Béranger, Banville se fâche : — Brigand, scélérat, vampire, vandale, mouchard ! On aurait dû le fusiller[78] ! — Faut-il considérer comme une opinion son acharnement contre Scribe, ou sourire de ses imprécations ? Clair Tisseur, tout en souriant, démolit à fond ce Traité surfait, et qui n’est qu’un tissu de contradictions entre les théories de Banville et sa pratique[79]. Après avoir rappelé le court chapitre sur l’inversion, « il n’en faut jamais », Tisseur énumère un certain nombre des innombrables inversions que se permet Banville[80]. Même faiblesse pour l’idée-mère du Petit Traité : on sait les exigences du poète sur la rime, sur l’importance du mot placé à la fin du vers, sur la rime millionnaire, etc.[81] ; on connaît sa formule tranchante : « la Rime est l’unique harmonie du vers, et.elle est tout le vers[82] ». On sait enfin que pour Banville il n’y a pas de rime, par conséquent pas de vers sans la consonne d’appui : comme exemple, il cite ce distique de Boileau :


Si je veux d’un galant dépeindre la figure,
Ma plume pour rimer trouve l’abbé de Pure ;


puis, il conclut : « Boileau mourut sans s’être douté que pour rimer exactement avec figure, il aurait fallu écrire non pas l’abbé de Pure mais l’abbé de Gure[83] ! » Banville ne met qu’un point d’exclamation, mais nous pourrions en ajouter toute une série, car, dans Les Exilés, le même Banville ne voit aucun inconvénient à écrire :


Dieu, nous plaignant, voulut qu’elle prît la figure
D’une vierge donnant au ciel son âme pure[84].


Ce n’est guère sérieux. À quoi bon formuler des règles si absolues que leur inventeur lui-même ne peut pas les appliquer ? Il y tient si peu du reste que, en 1881, il souhaite au vers romantique, qui a déjà délivré la poésie des entraves classiques trop étroites, un peu plus de liberté encore, quelque chose qui le rapproche de la poésie populaire ; il regrette que V. Hugo n’ait pas affranchi plus complètement l’alexandrin français[85].

La réfutation de toutes ces contradictions, de ces paradoxes, de ces sornettes, de cette aberration sur la façon de triturer les vers, est dans une page de Théophile Gautier écrite quelques quinze ans auparavant : « la poésie n’est pas un état permanent de l’âme. La volonté n’y peut rien ou presque rien. Seul, parmi les ouvriers de l’art, le poète ne saurait être laborieux ; son travail ne dépend pas de lui ; aucun, — nous le disons sans crainte d’être contredit, même par les illustres, — n’est certain le matin d’avoir fini le soir la pièce de vers qu’il commence, n’eût-elle que quelques strophes. Il faut rester accoudé à son pupitre, et attendre que de l’essaim confus des rimes une se détache et vienne se poser au bord de l’écritoire ; ou bien, il faut se lever et poursuivre dans les bois ou par les rues la pensée qui se dérobe. Les vers se font de rêverie, de temps et de hasard, avec une larme ou un rayon, avec un parfum ou un souvenir. Une stance abandonnée dans un coin de la mémoire comme une larve entourée de sa coque s’anime tout à coup et s’en*vole en battant des ailes, son temps d’éclosion étant venu. Au milieu d’une occupation toute différente ou d’un entretien sérieux, une bouche invisible vous souffle à l’oreille le mot qui vous manquait, et l’ode én suspens depuis plusieurs mois est achevée[86] ». Il y a plus de vérité dans cette page que dans tout le Petit Traité. Mais laissons-le de côté, puisque aussi bien Théodore de Banville provoque ses adversaires sur le terrain des faits. Dans une odelette, il prétend que depuis des années, ses envieux s’acharnent vainement.


                    sur la même lime,
Et viennent se briser les dents
Contre l’acier pur de ma rime[87].


Mais est-elle bien en acier, ou en fonte vulgaire ? Sa servitude envers la rime riche fait commettre à Banville des platitudes inimaginables ; inutile d’en citer plusieurs et d’autres que celle-ci :


Le festin fabuleux aux recherches attiques
S’illuminait de neige et d’iris prismatiques[88].



Sa manie de combiner des rimes stupéfiantes l’amène à opposer des mots qui ne riment pas du tout. Il fait la gageure de trouver une rime à Rotschild, et croit avoir gagné :


Ainsi j’ai beau nommer l’Amour « my dear child,
           Être un Cyrus en nos escrimes,
Et faire encor pâlir le luxe de Rotschild
           Par la richesse de mes rimes[89].


Il s’agit bien de richesse ! Pour que le premier vers ne soit pas faux, et pour que la rime sonne vaille que vaille, il faut donc prononcer : maï dé-ar chilldde ! Mieux vaut la rime pauvre mais honnête, qui suffisait à La Fontaine :


Légère et court vêtue elle allait à grands pas,
Ayant mis bonnement, pour être plus agile,
        Cotillon simple et souliers plats.


Banville, dans son désir de rimer de plus en plus fort, est finalement acculé aux rimes-calembours. Il les prodigue dans Le Baiser :


La dette est claire ; elle eût semblé même évidente
Au siècle qui chanta Béatrice et vit Dante !


Il y en a tant dans cette bluette que, dans un retour de bon sens, il finit par demander pardon aux spectateurs :


Ah ! je dois l’avouer, certainement nous rîmes
Follement de la pourpre et de l’éclat des rimes.


Nous pardonnerions à cet aveu si le cas était isolé, et si, au lieu de s’en tenir là, il n’avait pas prétendu en tirer un système nouveau, que dis-je 1 une poésie nouvelle : d’après lui on pourrait, en s’appuyant sur Les Plaideurs, sur le quatrième acte de Ruy-Blas, etc., « imaginer une nouvelle langue comique, versifiée, et qui procéderait du véritable génie de la versification française en cherchant dans la rime elle-même ses principaux moyens comiques[90] ». Un peu plus tard, dans la préface de ses Occidentales, il y revient encore, et se vante de cette belle idée[91]. Prenons une ou deux applications de cette doctrine :


Le typographe Malassis
Que tout bas invoque sans trêve
Le poète inédit qui rêve
Triste et sur une malle assis[92].


Si cette calembredaine ne suffit pas, en voici une autre :


Dans l’enceinte où Joseph Prudhomme
Triomphe, entouré d’amis siens,
Où dorment leur étemel somme
Les doux académiciens[93].


Désespérant de trouver mieux, Banville se répète dans Le Baiser :


Blanc comme Eglé qui dort auprès d’un ami sien,
Blanc comme les cheveux d’un Académicien.


On dit quelquefois, à la suite de Baudelaire, que Théodore de Banville c’est la lyre, la Lyre[94]. Oui, mais il est aussi la guimbarde, ou le mirliton, et, sans vergogne, il en joue des airs dans le Charivari[95]. Ce n’est plus un poète, c’est un journaliste qui écrit en vers[96]. Il veut faire rire, même en parodiant Racine[97]. Il veut faire rire, comme les pitres de la foire ; il en arrive à écrire Une vieille Lune. C’est comme un souvenir, ou une parodie, des dialogues de Musset avec sa Muse, mais la muse de Banville s’appelle Evohé, et la conversation lyrique se termine par un boniment de parade :


Entrez, entrez, Messieurs ! Entrez ! Suivez le monde !
Hurrah, la grosse caisse, en avant I Patapoum !
Zizi, boumboum ! Zizi, boumboum ! Zizi, boumboum[98].


On devine l’enthousiasme de Glatigny, mais on comprend le mécontentement de Barbey d’Aurevilly ; après avoir lu les Odes Funambulesques, il écrit à Baudelaire, l’ami de Banville : « quoiqu’il y ait des beautés dans son livre, c’est un Rhéteur dans la poésie, plutôt qu’un vrai poète[99] ». Comment donc Banville pourrait-il diriger les autres, lui qui ne sait pas administrer son propre talent, et qui le gâche ? Dans ses Améthystes, dont le titre semble vouloir provoquer une comparaison avec les Émaux et Camées, il s’est oublié jusqu’à publier cette pauvreté :


Vois, sur les violettes
Brillent, perles des soirs,
De fraîches gouttelettes.
Entends dans les bois noirs
Frémissants de son vol
Chanter le rossignol.


Commencer par une platitude, et finir par une ineptie ! Un rossignol dont le vol fait frémir les bois ! S’appeler Banville, et se placer en dessous d’Anaïs Ségalas ! Pourtant, ne le jugeons pas sur des œuvres inférieures. Si nous voulons mesurer sa vraie valeur, qui est relativement faible, prenons sa grande pièce funéraire sur Théophile Gautier. On cherche vainement une strophe irréprochable à citer. Manquer un sujet aussi beau ! Louer la perfection avec de l’imparfait ! Il en a conscience du reste, et reprend le même sujet une quinzaine de jours après : c’est encore une désillusion[100]. Est-ce à lui que le Parnasse pouvait demander des leçons de forme achevée ?

Ce qui lui a fait manquer le prix dans cette course à la maîtrise où pendant quelque temps il serre de très près Leconte de Lisle, c’est peut-être surtout des questions de doctrine, des contradictions d’idées. Personnellement, Banville est catholique. Il est même marguillier de Saint-Germain-des-Prés[101]. Il pratique sa foi ostensiblement et pousse la charité jusqu’à l’humilité : une fois, dans la rue, Mallarmé le voit interrompre leur conversation pour aller renouer le cordon de soulier d’un patronnet qui passe, sa manne sur la tête[102]. C’est un joli geste : l’homme a donc le courage de braver le respect humain, et les ironies de ses confrères ; mais l’artiste ? Banville sait bien qu’il n’a pas le droit de séparer sa vie en deux par une cloison étanche ; il écrit à Dumas, le 26 avril 1870 : « je dois à Dieu de mettre en œuvre, si pauvres qu’ils soient, les éléments qu’il m’a confiés, et, s’il m’a fait brin d’herbe, de vivre en honnête brin d’herbe[103] ». Pourtant, certains critiques accusent ce chrétien d’être un artiste païen[104]. L’un d’eux, et non des moindres, explique cette contradiction par le côté « jocrisse » de Banville[105]. Il y a une autre explication, moins péjorative : nous l’avons vu, Banville lisant un peu vite les Rêveries de Louis Ménard, avait cru, comme une vérité démontrée par ce païen mystique, que le catholicisme s’accordait très bien avec la mythologie grecque[106]. Il se trompe, mais il est de bonne foi. Le mélange, dans son œuvre d’art, de deux éléments hostiles, lui paraît une combinaison légitime. De là, de très jolies choses, qui peuvent plaire à une imagination catholique, comme Le Soir, comme l’apparition du Christ, enfant, au Luxembourg[107]. Des éclairs de christianisme traversent son paganisme sensuel[108] ; mais ils ne le purifient pas, et le mélange est gênant : dans la même page, il chante :


Jeanne écoutant ses voix, Ange qui nous secourt,



puis :


L’épouvante, l’oubli des dieux, l’inquiétude[109].


Dans Les Occidentales, en 1869, le marguillier de Saint-Germain-des-Prés raille les dévots, Veuillot, Mgr Dupanloup, puis, mis en goût de combativité, il laisse là le goupillon pour flétrir le sabre, le chassepot, la mitrailleuse, la caserne, l’armée[110]. Visiblement Les Châtiments lui ont monté à la tête. Après ce transport, il bat sa coulpe en 1870 dans les Idylles prussiennes. Les Parnassiens pourraient l’accuser de duplicité, et ils auraient tort ; mais, pour un témoin impartial, de telles volte-face sont de l’inconsistance de convictions.

Comme penseur, Théodore de Banville n’existe pas. Je ne vois guère que deux critiques qui s’attardent à louer sa force intellectuelle. M. Jean Aubry admire « la spontanéité et la puissance de son génie[111] ». M. Siciliano voit en lui un philosophe humanitaire, un poète militant, un chantre de la douleur, etc.[112] ; sans doute, il fait des citations habiles, trop habiles même, car, en les séparant du contexte, il donne une valeur disproportionnée à des idées qui ne font qu’apparaître un instant dans l’œuvre de Banville, et sont noyées tout de suite dans des flots de mousse pétillante.

En général, on convient qu’il n’y a chez ce virtuose rien de profond ni de nouveau ; ses vers semblent monter assez haut, parce qu’ils sont légers et vides[113]. Le poète n’en disconvient pas : c’est tout juste s’il ne tire pas de cet aveu une loi littéraire. Il reproche aux Symbolistes de manquer de substance, puis il reconnaît que c’est bien leur droit : « au surplus, dit-il, ne m’a-t-on pas accusé du même défaut[114] ? » Ce serait peine perdue que de chercher à établir l’esthétique du poète : elle se compose de quelques contradictions. Il semble, en 1878, déclarer la guerre à l’art du Parnasse, et appeler aux armes les « Montreurs », dans l’avant-propos des Roses de Noël : « le poète qui veut souffrir, vivre avec la foule, et partager avec elle les suprêmes espérances, n’a rien de caché pour elle, et doit toujours être prêt à montrer toute son âme[115] ». Pour donner plus de stabilité à sa pensée, Banville l’appuie un instant sur une théorie de Gœthe : le poète doit vivre au jour le jour, ne travailler que sur des impressions immédiates, toutes fraîches ; à cette condition, il est sûr de réussir : « toutes les pensées doivent être des poésies de circonstances ». C’est Banville qui souligne, voulant montrer l’importance qu’il attache à une idée qui est du reste une erreur[116]. Le vrai poète part d’une circonstance, mais ne s’y cramponne pas ; sinon, il demeure dans le particulier, et s’y enlise. C’est du reste, ce que le même Banville dira peu de temps après, sans s’apercevoir de la contradiction : « presque jamais on ne se montre bon ouvrier, lorsqu’on écrit sous l’impression d’un sentiment vrai, au moment même où on l’éprouve[117] ». C’est pis qu’une volte-face, c’est une pirouette.

Arrêtons-nous là ; n’essayons pas d’étudier sa psychologie ou sa morale : c’est le néant ; il n’y a pas de science du frivole. Banville n’est ni un athlète, ni un gymnaste : c’est un clown. Ceci n’est pas une insulte ; nous prenons simplement au mot Banville lui-même qui termine ses Odes Funambulesques par ce symbolique « saut de tremplin » ; il chante le triomphe du clown qui veut bondir plus haut, toujours plus haut, jusqu’à ce qu’il n’aperçoive plus les laideurs terrestres :


Enfin, de son vil échafaud,
Le clown sauta si haut, si haut !
Qu’il creva le plafond de toiles
Au son du cor et du tambour,
Et, le cœur dévoré d’amour,
Alla rouler dans les étoiles.


L’image convient si bien à Banville que ses meilleurs amis n’ont pu que paraphraser à son usage cette apothéose : Théo, le plus indulgent des critiques montre dans l’art du funambule lyrique un reflet des féeries de théâtre : c’est parfois la franche lumière du jour, mais souvent une gloire en feu de Bengale : « ce lyrique est aussi un bouffon… Cela tient du boniment, de la charge d’atelier, de la parodie et de la caricature[118] ». Catulle Mendès, qui le met pourtant très haut, imagine une fête devant le monument de Banville au Luxembourg, et c’est une scène de Mardi-Gras[119] ! Enfin, son meilleur ami, Stéphane Mallarmé, admire, d’une façon compliquée, « la nécessité d’un rôle vierge et jusque maintenant inconnu » ; une sorte de fatalité veut donc « que l’auteur des Améthystes représente à travers les somptuosités, les ingénuités…, l’être de joie et de pierreries qui brille, domine, effleure[120] ». Le mot de la charade, c’est bien : clown.

Quant aux critiques qui écrivent pour être compris, leur attitude est nette. Jules Lemaître constate chez Banville l’intention persévérante de ne vivre que de mots, de n’exprimer aucune idée[121]. M. Lalou dit sèchement que son œuvre est une improvisation, clownesque[122]. Barbey d’Aurevilly, plus indulgent, trouve cette jolie image : « de tels prestiges par les mots…, cette espèce d’harmonica littéraire joué sur des verres… à moitié vides ou tout à fait vides, ne peuvent pas constituer cette chose douce et puissante, intimement puissante, qui s’appelle un livre de poésie pour les esprits mâles et bien faits[123] ». En’effet, aux acrobaties de rimes, que nous avons vues tout à l’heure, il faut ajouter ses clowneries de pensée, qui sont une chute plus grave. Il s’est amusé à mettre en prose les fables de La Fontaine[124] ! Il s’est complu au genre de la parodie, c’est-à-dire à la plaisanterie la plus dégradante que puisse faire un poète à un autre poète[125]. Il a osé parodier jusqu’à la Tristesse d’Olympio, ce qui est bien léger pour un hugolâtre[126]. Il fait semblant de s’excuser d’avoir écrit Les Folies Nouvelles, pour l’inauguration du Théâtre d’Hervé : « c’est de cet œuf que devait sortir l’opérette, dont l’abominable race a pullulé, envahi le monde ; si bien que je me trouve, ô remords ! avoir été en quelque sorte complice de ce monstre auquel mes vers ont souhaité la bienvenue. Ce que c’est que de nous[127] ! » Tout de même, il n’y a pas de quoi s’en vanter ni s’excuser hypocritement,

Pour ennuyer les gens graves, graves, graves, comme disait son ami Charles Cros. Les gens graves n’aiment pas les clowns, surtout quand ceux-ci font des cabrioles autour de la vérité. La plus mince, et la plus déplaisante, de ces clowneries se trouve au commentaire des Odes Funambulesques : « une des superstitions que je chéris le plus, dit-il gravement, est celle qui me pousse à terminer un livre, quand je le puis, par le mot qui termine La Divine Comédie de Dante, par le divin mot écrit ainsi au pluriel : Étoiles[128] ». C’est vrai des Odes : le clown va rouler dans les étoiles ; c’est presque vrai pour les Améthystes qui se terminent par le mot astres ; mais les Odelettes finissent par éternité, les Roses de Noël par mère, le Sang de la Coupe par travailler, les Stalactites par étroites, les Cariatides par cou, les Occidentales par écrevisses. Encore une galéjade, une farce de clown ! M. Siciliano plaint Banville, parce qu’il l’aime ; il souhaiterait que ces Odes Funambulesques, sous lesquelles il est enseveli, lui fussent légères ; mais il craint bien que, par un jugement sans appel du public et de la critique, il ne reste à tout jamais le clown du vers[129]. Il y faut ajouter l’aveu ironique, mais formel, du coupable lui-même dans un feuilleton du 12 mai 1879 : « Le clown ! le poète ! Pour qui voit superficiellement, rien qui se ressemble moins ; pour qui sait voir, se dégager des apparences, c’est une seule et même personne… Les mêmes caractères, les mêmes mots, les mêmes définitions s’appliquent à l’un et à l’autre, car il y a un rythmeur dans tout acrobate, et il y a dans tout habile arrangeur de mots un acrobate… S’élancer avec agilité et avec certitude à travers l’espace, au-dessus du vide, d’un point à un autre, telle est la suprême science du clown, et j’imagine que c’est aussi la seule science du poète[130] ». Qu’en pense-t-on au Parnasse ?


Verlaine est indulgent :
Clown étonnant, en vérité,
Mais plus admirable poète,
Qui, malgré Pascal, est resté
L’ange, tout en faisant la bête[131].


Mallarmé admire, séduit par l’amitié qui les lie[132]. Il dogmatise sur les mérites de Banville, dans ses réceptions intimes[133]. Il en fait le public éloge dans ses Divagations. C’est « un poète, le plus superbement français,… un être à part, supérieur, et buvant tout seul à une source occulte et éternelle[134] ». Il finit par lui décerner une apothéose, assez claire moyennant quelques coupures : « Théodore de Banville… n’est pas quelqu’un, mais le son même de la lyre. Avec lui je sens la poésie m’enivrer…, et bois à la fontaine du lyrisme… Institue, ô mon songe, la cérémonie d’un triomphe à évoquer aux heures de splendeur et de féerie, et l’appelle la Fête du Poète : l’élu est cet homme au nom prédestiné, harmonieux comme un poème, et charmant comme un décor. Dans l’empyrée, il siège sur un trône d’ivoire, couvert de la pourpre que lui a droit de porter… La grande lyre s’extasie dans ses mains[135] ». Il convenait de citer ce témoignage favorable, après tant de sévérités. Mais Mallarmé et Verlaine, tout en ayant passé par le Parnasse, ne le représentent pas, et ne peuvent parler en son nom. Que pensent donc les vrais parnassiens ? Ils aiment Banville, parce qu’il est bon, d’une bonté rare partout et surtout dans leur monde[136]. Sa bonté est reconnue par tous[137]. Il aime ceux qu’il aime au point de ne pas se brouiller avec son ami Baudelaire pour une question de femme[138]. Pour complaire à Mme Aupick, il accepte d’aller, à la maison de santé du Dr Duval, voir cette chose horrible, Baudelaire paralysé et ramolli[139]. Après la mort du malheureux poète, Banville s’occupe de sa mémoire ; le dévouement avec lequel il publie sa correspondance émerveille la pauvre mère : « M. de Banville… s’est conduit comme un Dieu[140] ! » Il n’a aucune jalousie littéraire ; il a pour les succès des autres une admiration généreuse, et non les formules protocolaires, chaudes à la surface, glaciales au fond : il écrit à l’auteur de L’Éducation Sentimentale : « mon cher ami, je m’empresse de vous exprimer tout mon enthousiasme pour votre livre. Avant que vous m’eussiez donné la grande joie de le recevoir de vous, je l’avais déjà lu avec l’admiration que j’ai pour votre génie toujours grandissant… Tout est vrai jusque dans la moelle des os, et exprimé dans une forme immortelle[141] ». Traduisant les sentiments du groupe parnassien, Gabriel Vicaire a rendu hommage à cette exquise cordialité : « il était moins auguste que V. Hugo, moins sévère que Leconte de Lisle. Il les surpassait en bienveillance. Sa bonté était infinie. Et n’en doutez pas, les plus hautes facultés humaines, le génie même, sont moins rares que la parfaite bonté[142] ». Vicaire a raison : Banville est moins sévère que Leconte de Lisle, et voilà encore une de ses infériorités : il est trop bon pour pouvoir régenter le Parnasse ; il n’a pas la rudesse intelligente qui sait repousser les brebis galeuses : il se laisse amadouer par une dédicace de Rimbaud, et par une lettre machiavélique où le collégien retors s’écrie : « J’aimerai toujours le vers de Banville[143] ». Quand il se trouve en présence de l’inquiétant jeune homme, il n’a pas pour lui une répulsion immédiate et libératrice. Il loue pour lui dans sa propre maison une mansarde, et la meuble très bien ; mais, dit Mallarmé, « à l’heure où la cour interne unit, par l’arôme, les dîners », il entend des clameurs à tous les étages, et regarde : Rimbaud, nu comme ver, est en train de jeter ses vêtements par la fenêtre. Banville monte, s’informe : « C’est, répond Rimbaud, que je ne puis fréquenter une chambre si propre, virginale, avec mes vieux habits criblés de poux[144] ». Un autre eût appelé la police : Banville nippe à nouveau le garnement, et l’invite à dîner. Il a pour la Sainte-Bohème un culte malheureux[145]. Par sa faute, le Parnasse est, pendant quelque temps, encombré d’un compagnon douteux, qui joue du couteau quand il est en colère, et dont on a beaucoup de peine à se débarrasser. Par contre, pour une fois où Banville éprouve le besoin de faire de l’autorité et se fâche tout rouge, sa colère tombe sur l’exquis Samain, qui bat en retraite et disparaît[146].

Ce n’est pas un vrai chef : aussi on l’aime bien, même après sa mort. Sully Prudhomme, pressenti pour le comité du monument Banville, s’empresse d’accepter la place que lui offre Coppée : « je m’associe à un témoignage que je suis trop heureux de donner à sa chère mémoire[147] ». Mais, de son vivant, on se familiarise très vite avec lui ; on l’aime, on ne le respecte pas. Lorédan Larchey décrit, en bouffonnant, « cette bonne physionomie d’aspect un peu bourbonien et aussi un peu lunaire, tout à fait imberbe et pâle, mais éclairée par deux yeux pétillants d’une douce malice, une sorte de Gilles de race ancienne[148] ». Toujours le clown ! Son nom lui va mal, tant il est solennel ; aussi, dans l’intimité, les jeunes l’appellent-ils, plus simplement, Théo de Ban, ou, comme Coppée, Théoville de Bandore[149]. Il manque -décidément de prestige. Ce n’est pas un maître, c’est un amuseur et un brave homme. À l’adage connu — le Français veut du sérieux dans son prince — ajoutons : surtout dans le prince des poètes. Banville n’est pas sérieux. On va chez lui, on savoure ses dîners, on admire ses improvisations, mais on ne peut pas le vénérer. Il a beau enlever sa perruque, son rouge et son blanc, redevenir un homme, et le meilleur des hommes : on ne demande pas à un clown débarbouillé des leçons d’art ; ou, pour emprunter à Verhaeren une comparaison plus respectueuse, on peut admirer le décor de la féerie banvillesque, trouver joyeux et exquis ses principaux héros, Arlequin, Colombine, Pierrot : « malheureusement ce n’est qu’à mi-eôte du Parnasse que ces personnages évoluent ; ce n’est qu’à mi-côte de l’idéal séjour que ces fêtes de fraîcheur se déploient. Les grandes cimes les dominent[150] ». Par-dessus l’épaule de Banville, les Parnassiens regardent Leconte de Lisle.

§ 4. — Ses rapports avec Leconte de Lisle

La question de leurs relations est intéressante parce que c’est une partie de l’histoire littéraire du Parnasse. On a parlé de leur amitié : c’est une simple erreur[151]. On a dit aussi que leurs rapports ont toujours été très bons : c’est une exagération[152]. La vérité c’est que les deux poètes étaient en complète opposition. Ils ne sont d’accord que sur un point : Banville cite comme parole d’évangile cet aphorisme de Voltaire : « tout ce que le poète dit en vers doit pouvoir être sans hésitation traduit en dessin par le peintre ». Leconte de Lisle approuve : « c’est un mot de poète. La poésie ne vit que d’images, et, sans la plastique, il n’y a pas à proprement parler d’images[153] ». Pour tout le reste, leurs idées sont aux antipodes les unes des autres, surtout les idées générales. L’un écrit Les Montreurs, l’autre dédie à Méry une odelette où il rappelle les acrobaties de Mme Saqui :


Tel est le sort du poète…
… Sylphe au ventre changeant,
Couvert d’écailles d’argent,
Il se penche vers la place
Du haut des cieux irisés,
Pour envoyer des baisers
À la vile populace[154].


Cette opposition d’idées ne produit pas le même effet sur les deux rivaux : Banville reste poli, aimable, prévenant même ; dans sa Lanterne Magique, il fait passer un portrait physique de Leconte de Lisle, presque flatté[155] ; quand il parle de son talent, il le met à égalité avec Gautier[156]. En réponse à ces amabilités, L. de Lisle témoigne à Théodore de Banville une sympathie toute protocolaire : il loue son habileté de virtuose, mais déclare son art factice et superficiel[157]. De Lisle a des mots durs ; il définit les Idylles Prussiennes, qui avaient paru pendant le siège dans Le Charivari : « un petit tas de petites choses[158] ». Surtout, il a de la mission du poète une tout autre idée que Banville : après Gringoire il ne dissimule pas sa colère contre cette idée de rabaisser toute la poésie devant le public, en ravalant le poète devant Louis XI qui l’humilie sous son impertinente générosité. Quelqu’un l’entend grommeler : « Le malheureux ! N’avoir su peindre qu’un mendiant[159] ! » L’entourage de Leconte de Lisle renchérit sur cette sévérité. On blâme le poète d’avoir écrit un épithalame pour le mariage de l’Empereur ; Banville essaye de se défendre : il prétend avoir fait son métier de poète ; il revendique le droit de chanter sans se préoccuper de la chose qu’il célèbre, comme l’avocat qui plaide n’importe quelle cause. On malmène la théorie de Banville, et un peu aussi sa personne[160]. On le définit : « petit poète, mais poète, doué d’un délicat instinct des sonorités[161] ». Cela, c’est encore un jugement ; mais il y a pis : un mot court au Parnasse, révélé pour la première fois par Barbey d’Aurevilly : littérairement parlant, Banville n’est qu’une cruche qui se croit une amphore[162]. De qui est ce mot ? On ne sait. Il doit être de Leconte de Lisle. Après l’avoir ainsi exécuté, je suppose qu’il regarda Banville avec les yeux d’Apollon pour Marsyas. Banville prendra sa revanche après la malheureuse affaire des papiers des Tuileries.

Officiellement, ces sentiments n’apparaissent pas. Les relations semblent courtoises. Leconte de Lisle, avec Coppée, va faire une visite à Banville pour l’engager à se présenter à l’Académie[163]. En revanche, Th. de Banville l’invite à une grande soirée en l’honneur de Rollinat[164]. Chacun d’eux a ses partisans, et les deux groupes, vers 1866, sont presque égaux[165]. Les jeudis de l’un font concurrence aux samedis de l’autre. Dans les deux salons on est reçu sans façons ; mais Banville a un avantage : son salon ouvre sur la salle à manger : on est nourri chez lui, et fort bien[166]. Sur un autre point plus littéraire, Banville semble encore supérieur : c’est un causeur incomparable : « c’était un délice de l’entendre, dit Jacques Normand ; la parole était nette, douce, ailée… Les minutes s’envolaient[167] ». Sa conversation ressemble à sa poésie, dit un autre témoin : véritable jaillissement de souvenirs, d’ironies, de lyrisme joyeux, donnant à l’auditoire « la sensation qu’il était transporté dans un monde féerique, dans les fêtes de Watteau[168] ». Banville ne se met en frais que si le public en vaut la peine : dans les grandes occasions il est merveilleux. Un soir, c’est chez V. Hugo ; il est minuit ; on se lève pour prendre congé ; à ce moment Banville laisse tomber cette boutade : qu’il est absurde d’être amoureux passé dix-sept ans. Le Maître, pour qui l’amour ne connaît pas de limite d’âge, relance la balle : « J’aimerais entendre, Banville, les arguments que vous pourrez trouver pour nous démontrer votre extravagante théorie. — Alors, dit G. Moore, Banville parla vingt minutes. Il lançait des phrases ailées qui montaient, planaient, tourbillonnaient, se chassant l’une l’autre comme des oiseaux divins pour qui voler est un jeu, cependant que nous, retenant nos souffles, guettions leurs vols hasardeux, heureux enfin quand l’une d’elles, avec un grand murmure de plumes reployées, touchant un point d’arrêt, s’y perchait, immobile[169] ». L’image est jolie, mais nous aimerions mieux la sténographie d’une de ces pensées. En voici une : c’est à la représentation de La Pomme, au Théâtre Français, en 1865 ; songeant à l’Exilé, et regrettant son absence, tout à coup Banville dit à Coquelin que Hugo, s’envolant de Guernesey, est venu visiblement planer dans la salle ; se grisant de son idée, Banville voit Hugo se poser dans un fauteuil d’orchestre, entre Théophile Gautier et Paul de Saint-Victor. Les auditeurs se laissent halluciner… à moitié[170].

Cette griserie, à la longue, est épuisante. Banville est trop beau causeur ; il verse dans sa conversation la moitié de son talent. Leconte de Lisle se dépense moins, et possède des réserves de pensée : il a plus de poids, plus d’autorité ; son influence sur le groupe parnassien grandit chaque jour, au détriment de celle de Banville[171].

§ 5. — L’école de Banville

Cette déchéance tient probablement à ceci : à fréquenter Banville on observe vite une sensible disproportion entre sa réputation et sa valeur. Journaliste, il a une trop bonne presse. Causeur merveilleux, il jette de la poudre aux yeux. Jouant sur sa « lyre » une musique d’opéra-comique ou d’opérette, il est facile à comprendre, mais creux. Ces prestiges peuvent attirer, mais non retenir.

Il a aussi des qualités, et ce serait un parti pris ridicule que de ne pas les reconnaître. Excellent homme, il a beaucoup d’amis. Il aime la poésie saine[172]. Celui qui a écrit Les Exilés était un grand poète. S’il a fait trop de cabrioles de clown, il a donné aussi des choses exquises. Il avait la fantaisie, la grâce, la gaîté, l’esprit. Même ses Odes Funambulesques, qui agacent à première lecture, finissent par plaire : cela paraît d’abord « farce », puis drôle, puis spirituel, et on s’amuse tout en admirant. Il y a là de quoi charmer ceux qui demandent à la poésie un simple divertissement. Vers 1866, dit l’un de ses historiographes, des jeunes l’entourent, et l’admirent[173]. Ces sectateurs ne sont pas toujours des élèves, ainsi Mallarmé[174]. Et puis, Banville ne tient pas à enseigner : il exècre les professeurs[175]. Il renvoie Pierre Dupont, qui vient lui demander des leçons[176]. Tout de même, il a la grande qualité des professeurs : il aime la jeunesse. Dès 1846, dans le Sang de la Coupe, il lui fait appel :


Vous en qui je salue une nouvelle aurore,
        Vous tous qui m’aimerez,
Jeunes hommes des temps qui ne sont pas encore
        Ô bataillons sacrés[177] !


Comment les repousser, quand, quinze ans après, ils répondent à cet appel ? Ils viennent à lui ; il ne les repousse plus. Etaient-ils innombrables, comme le dit Raoul Rosière[178] ? Jules Tellier n’en trouve que cinq[179]. On peut aller jusqu’à la demi-douzaine, jusqu’à sept même, s’il faut y comprendre Raoul Ponchon[180]. Deux tiennent la tête, et méritent une étude à part : Armand Silvestre et Glatigny. Gabriel Vicaire en est, non par son talent, qui est original, mais par sa reconnaissance. Banville a été pour lui un patron plutôt qu’un guide. Vicaire écrit à Coppée, avec une certaine ardeur : « Banville, le brave et honnête Banville, mon maître, qui m’a encouragé ! ! Quelle bonté, quelle indulgence !… Je n’ai pas oublié combien il a été bon pour moi… Notre cher Banville est avec vous le seul qui m’ait accueilli sincèrement, sans pose et sans fausse grimace[181] ». Laurent Tailhade est aussi de la bande[182], comme Robert de la Villehervé[183]. Enfin, Swinburne prouve qu’il n’était pas seulement l’admirateur de Banville, mais encore son élève reconnaissant, puisqu’il a dédié à sa mémoire le sonnet dont nous avons déjà cité les deux tercets :


La plus douce des voix qui vibraient sous le ciel
Se tait ; les rossignols ailés pleurent leur frère
Qui s’envole au-dessus de l’âpre et sombre terre,
Ne lui laissant plus voir que l’être essentiel,

Esprit qui chante et rit, fleur d’une âme sans fiel.
L’ombre élyséenne où la nuit n’est que lumière,
Revoit, tout revêtu de splendeur douce et fière,
Mélicerte, poète à la bouche de miel[184].


Avoir enseigné la métrique française à un poète anglais n’est pas banal. Pourtant, on désirerait, pour relever une dernière fois Banville, allonger un peu la liste de ses disciples[185]. On voudrait croire que c’est à son école qu’Edmond Rostand a appris à faire danser les rythmes et les rimes. À la fin d’un article remarqué sur l’auteur de Chantecler, nous lisions cette fine remarque : « ici le vers devient à lui-même sa propre fin : le rire ne naît plus tant de l’idée qu’il cadence ou qu’il claironne, que de ses propres gambades, de ses dislocations, de ses allitérations, et surtout de ses rimes cocasses[186] ». En écrivant cela, M. Richardot ne pensait certes pas à Banville, et pourtant ce jugement va comme un gant à l’auteur des Odes Funambulesques. E. Rostand ferait donc bonne figure sur la courte liste des écoliers de Banville. Qu’elle est faible à côté de celle de Leconte de Lisle ! En somme, que lui a-t-il donc manqué, à Banville, à lui dont on a voulu faire le chef du Parnasse ? Un maître. Si, au lieu de naître en 1823, il eût été de la génération de 1842, Heredia, Coppée, etc., il eût été comme eux l’élève de Leconte de Lisle : à cette dure discipline, il eût appris à faire labourer son Pégase, au lieu de le laisser s’emballer, et la récolte eût été splendide.

  1. Clair Tisseur, Modestes observations, p. 118 ; Max Fuchs, Théodore de Banville, p. vii-viii ; Rivaroli, La Poétique parnassienne, p. 14-17, 20 ; Siciliano, Del Romanticismo, p. 107 ; Gustave Kahn, Figaro du 17 septembre 1927.
  2. Mme Adam, Mes sentiments, p. 105.
  3. Repris dans Les Exilés, p. 44 ; cf. Gourmont, Promenades, II, 49.
  4. Cf. Banville, Petit Traité, p. 185.
  5. Petit Traité, p. 185-187.
  6. Jean Royère, Le Manuscrit autographe, mars 1928, p. 40 sqq. ; 72 sqq. ; cf. Figaro du 28 avril 1928.
  7. Histoire et Littérature, II, 211.
  8. Stalactites, p. 162. Il imprime à la suite la réponse de Gautier qui paraît dans L’Artiste
    du 12 septembre 1857, et reparaît à la fin d’Émaux et Camées.
  9. J. Charpentier, Th. de Banville, p. 27-47.
  10. Bulletin du Bibliophile, 1925, p. 156, 158-159.
  11. J. Charpentier, Th. de Banville, p. 107.
  12. Dans la fournaise, p. 180.
  13. Correspondant du 25 avril 1912, p. 254, 257, 259-260.
  14. Critiques, p. 372.
  15. Dans la fournaise, p. 49.
  16. Correspondant du 25 janvier 1924, p. 330.
  17. Revue Bleue du 22 août 1902, p. 233.
  18. Épaves, p. 159-160.
  19. Lettre de Coppée dans Le Correspondant du 25 avril 1912, p. 253.
  20. Les Cariatides, p. 405.
  21. Fuchs, Revue, 1923, p. 230-231 ; Banville, Critiques, p. 254-255.
  22. Lundis, XIV, 80-81.
  23. Critiques, p. 132 ; préface du Sang de la Coupe, dans Les Cariatides, p. 280.
  24. Ibid., p. 280-281 ; Critiques, p. 419,189 ; cf. Fuchs, article cité, p. 400.
  25. Raoul Rosières, Revue Bleue du 24 novembre 1894, p. 643.
  26. Par exemple Laurent Tailhade, Les Commérages de Tybalt, p. 119.
  27. Supplément littéraire du Figaro, 5 novembre 1927.
  28. L’Art Romantique, p. 367.
  29. Par exemple dans Les Exilés, p. 101, 110 ; Banville, Mes Souvenirs, p. 289-290.
  30. Stalactites, p. 71.
  31. Poésies et Poètes, p. 78.
  32. Jacques Patin, Les Variantes de Banville dans le supplément littéraire du Figaro, 30 juin 1928.
  33. John Charpentier, Théodore de Banville, p. 77-78 ; Clouard, La Poésie française moderne, p. 30 et suiv.
  34. La Vie littéraire, IV, 237.
  35. Lundis, XIV, 85.
  36. Même Zola ; cf. Documents, p. 173.
  37. Critiques, p. 132-133.
  38. Odes funambulesques, p. 169.
  39. Dans la Fournaise, p. 184 ; cf. la préface des Odes funambulesques, p. 179-180.
  40. H. Girard, Un Bourgeois dilettante, p. 505-506.
  41. Cariatides, p. 43-72, 117-121, 127-132 ; Le Sang de la Coupe, p. 310 ; cf. Siciliano, p. 26-32, 50-52.
  42. Parnasse Contemporain de 1869, p. 47.
  43. G. Simon, Revue de France, Ier avril 1923, p. 513 sqq.
  44. P. p. Fuchs, p. 450.
  45. Charpentier, Th. de Banville, p. 113.
  46. Les Cariatides, p. 38-42, 167, 189 ; Les Stalactites, p. 94 ; les Odes funambulesques où il épouse les haines de Hugo, p. 163-164, 177, 199-200, etc.
  47. Revue de France, Ier avril 1923, p. 517.
  48. L. Daudet, Fantômes, I, 11.
  49. Revue de France, ibid., p. 515 ; Revue, 1927, p. 470.
  50. Cariatides, p. 137.
  51. Silvestre, Portraits, p. 81.
  52. J. Charpentier, Th. de Banville, p. 109.
  53. L’Art Romantique, p. 368-369 ; Œuvres posthumes, p. 83.
  54. Préface du Sang de la Coupe, dans Les Cariatides, p. 280-281.
  55. Les Exilés, p. 113.
  56. Cariatides, p. 18.
  57. Les Exilés, p. 11-12.
  58. Jules Tellier trouve que c’est « un chef-d’œuvre, et je crois, son chef-d’œuvre » ; Nos Poètes, p. 24. Tot Capita
  59. Divagations, p. 117.
  60. Épaves, p. 159.
  61. Rocheblave, Louis de Fourcaud, p. 347-348.
  62. Les Hommes et les Idées, p. 152.
  63. La Vie littéraire, IV, 230.
  64. Alfred Poizat, Revue Bleue du 19 mai 1923, p. 331 ; Marsan, La Bataille romantique II, 228-230.
  65. Dal Romanticismo, p. 37, note.
  66. Critiques, p. 65-66, 182.
  67. Dans la Fournaise, p. 42-43.
  68. Stalactites, p. 100.
  69. Stalactites, p. 115.
  70. Rivaroli, p. 105 et passim ; {{sc|Boschot, Chez nos Poètes, p. 77, 78 ; Remy de Gourmont, Promenades littéraires, V, 48-49.
  71. Mercure de France, 15 avril 1923, p. 383.
  72. Fuchs, p. 422.
  73. Fuchs, p. 441-442. — Cf. Maurras et de la Tailhède. Un débat, p. 116.
  74. Id., p. 422, sqq.
  75. Theuriet, Souvenirs, p. 245 ; cf. R. de Souza, Mercure de France, Ier juillet 1923, p. 220-221.
  76. Critiques, p. 270.
  77. Lorédan Larchey, L’Impeccable Banville, dans le Bulletin du Bibliophile, 1901, p. 516.
  78. Charpentier, Th. de Banville, p. 97.
  79. Clair Tisseur, Modestes Observations, p. 118.
  80. Id., ibid., p. 251-252.
  81. Id., ibid., p. 152, 205-206.
  82. Petit Traité, p. 47.
  83. Petit Traité, p. 57.
  84. Siciliano, Dal Romanticismo, p. 299, note.
  85. Critiques, p. 259-260.
  86. Histoire du Romantisme, p. 155-156.
  87. Stalactites, p. 171.
  88. Cariatides, p. 99.
  89. Odes funambulesques, p. 145.
  90. Préface de la seconde édition des Odes funambulesques, p. 3-4 ; cf. le commentaire, p. 198-199.
  91. Odes funambulesques, p. 229.
  92. Ibid., p. 116 ; cf. p. 124, 135, 138, etc.
  93. Occidentales, p. 253.
  94. L’Art Romantique, p. 368-369.
  95. Occidentales, p. 230.
  96. Odes funambulesques, p. 44, 48.
  97. Ibid., p. 60 ; cf. Fuchs, p. 473 sqq.
  98. Odes funambulesques, p. 73.
  99. Crépet, Baudelaire, p. 325.
  100. Stalactites, p. 173-183, 187-191.
  101. Poizat, Correspondant du 10 novembre 1928, p. 467.
  102. Carnets intimes de R. de Montesquiou, dans Les Nouvelles Littéraires du 21 juillet 1928.
  103. Revue, 1919, p. 116.
  104. Poizat, Correspondant du 10 novembre 1918, p. 467 ; id., Le Symbolisme, p. 48.
  105. Gabriel Audiat, Polybiblion de septembre 1912, p. 241.
  106. Les Cariatides, p. 280-281.
  107. La Lanterne magique, p. 38 ; Dans la Fournaise, p. 1-4.
  108. Les Exilés, p. 7.
  109. Dans la Fournaise, p. 25.
  110. Occidentales, pp. 256-260, 295-297, 262, 264, 286-288, 313, 317, 321-322.
  111. Correspondant du 10 mars 1923, p. 847.
  112. Dal Romanticismo, passim.
  113. Raoul Rosière, Revue Bleue du 24 novembre 1894, p. 642 ; Poizat, Correspondant du 10 novembre 1918, p. 461.
  114. Critiques, préface de Barrucand, p. xxiii.
  115. Cariatides, p. 406, p. 419, 626, 432.
  116. Lettre-préface des Idylles Prussiennes, p. 335.
  117. Les Cariatides, p. 405.
  118. Rapport, pp. 301-304.
  119. Rapport, pp. 94-95.
  120. Divagations, p. 122.
  121. Revue Bleue du 21 février 1885, p. 232 sqq., ou Contemporains, Ire série.
  122. Lalou, Histoire de la Littérature, p. 8.
  123. Poésie et Poètes, p. 79.
  124. Dames et Demoiselles, p. 248.
  125. Odes funambulesques, p. 96, 117 ; cf. le commentaire, pp. 198-199.
  126. Occidentales, pp. 265-266.
  127. Odes funambulesques, commentaire, p. 196.
  128. Ibid., p. 225.
  129. Dal Romanticismo, p. 58.
  130. Critiques, p. 422.
  131. Œuvres complètes, III, p. 272.
  132. Siciliano, Dal Romantidsmo, p. 442, note.
  133. Fontainas, Revue de France, 15 septembre 1927, p. 334.
  134. Divagations, p. 226, 230.
  135. Ibid., p. 118-119.
  136. Il n’a fait dans toute sa vie qu’une « rosserie » ; cf. Berthelot, Louis Ménard, p. 10-11.
  137. Sauf par M. Ernest Charles, Théâtre des Poètes, p. 28.
  138. Crépet, Baudelaire, p. 313.
  139. Mercure de France, Ier septembre 1917, p. 37.
  140. Ibid., 16 septembre 1912, p. 234, note.
  141. P. p. Albalat, Flaubert et ses amis, p. 153.
  142. Adolphe Brisson, Le Temps du 22 mai 1897.
  143. Monda et Montel, Bulletin du Bibliophile, 1927, p. 87.
  144. Mallarmé, Divagations, p. 85-86.
  145. Odes funambulesques, p. 171-174.
  146. Léon Bocquet, Albert Samain, p. 34-35.
  147. P. p. Jean Monval, Correspondant du 25 septembre 1927.
  148. L’Impeccable Banville, dans le Bulletin du Bibliophile, 1901, p. 515 ; cf. M. Dreyfous, Ce que je tiens à dire, p. 212-213.
  149. {{sc|Charpentier}, Th. de Banville, p. 88 ; cf. Louis {{sc|Fouché}, dans le Figaro, supplément littéraire du 2 juin 1923.
  150. Impressions, p. 60.
  151. Marc de {{sc|Montifaud}, Les Romantiques, p. 115.
  152. {{sc|Siciliano}, Dal Romanticismo, p. 439 ; cf. {{sc|Calmettes}, Leconte de Lisle, p. 313.
  153. Lettre publiée par Paul Labbé dans La Revue Normande, mai 1923, p. 126 ; Banville, Critiques, préface de Barrucand, p. xx-xxi.
  154. Stalactites, p. 133.
  155. La Lanterne magique, p. 327-328.
  156. Critiques, p. 128.
  157. Calmettes, Leconte de Lisle, p. 311.
  158. Ibrovac, p 566.
  159. Calmettes, p. 37.
  160. Calmettes, p. 26.
  161. Id., p. 165.
  162. Lepelletier, Verlaine, p. 196 ; Charpentier, Th. de Banville, p. 79.
  163. Critiques, préface de Barrucand, p. xix.
  164. Loredan Larchey, Bulletin du Bibliophile, 1901, p. 518.
  165. Calmettes, Leconte de Lisle, p. 93, 172 ; X. de Ricard, La Revue (des Revues), Ier février 1902, p. 306 ; Charpentier, Th. de Banville, p. 78-79.
  166. Journal des Goncourt, VII, 169-170 ; J. Charpentier, Th. de Banville, p. 91 ; Léon Daudet, Études et Milieux, p. 220.
  167. L’Armoire aux Souvenirs, p. 146.
  168. L. Daudet, Études et Milieux, p. 220 ; cf. Coppée, Mon Franc-parler, 1, 43-49.
  169. G. Moore, Mémoires, p. viii.
  170. Bergerat, Souvenirs, I, 96.
  171. Ricard, Le Petit Temps, Ier juillet 1899 ; J. Charpentier, Th. de Banville, p. 107.
  172. Lettre à Gobineau, dans la Revue de Littiraiure comparée, juillet 1923, p. 466.
  173. J. Charpentier, Th. de Banville, p. 88.
  174. Critiques, préface de Barrucand, p. v-vi.
  175. Critiques, p. 119, 122.
  176. Critiques, p. 132.
  177. Les Cariatides, p. 340.
  178. Revue Bleue du 24 novembre 1894, p. 641, 645.
  179. Nos Poètes, p. 22.
  180. Huret, Enquête, p. 374.
  181. Correspondant du 25 novembre 1925, p. 594, 595.
  182. Cf. Louis Thomas, Les Nouvelles littéraires du 10 décembre 1927, p. 6 ; Léo Larguier ibid., p. 9 ; Rivaroli, p. 168.
  183. Œuvres de Robert de la Villehervé, tome Ier, avertissement ; cf. Jules Tellier, Nos Poètes, p. 162-170.
  184. Supplément littéraire du Figaro, 5 novembre 1927.
  185. On pourrait y ajouter les prosateurs qui l’admirent pour sa virtuosité, comme Barrès ; cf. Henri de Régnier, Revue de France, 15 septembre 1928, p. 357.
  186. Richardot, R. D. D. M., Ier décembre 1927.