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Identification anthropométrique, instructions signalétiques/53

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VIII. — Les rides et sillons de la face (Pl. 50 et 51).

101. — Ils se répartissent en deux groupes naturels suivant qu’ils ont leur siège : 1° autour des yeux ; 2° autour de la bouche.

1° Au système oculaire se rattachent : les rides horizontales du front, totales ou médianes, les rides verticales intersourcilières, le pli horizontal de la racine du nez, la patte d’oie ou rides temporales.

102. — 2° Autour de la bouche on remarque le sillon naso-labial (Pl. 51, no 4) qui descend obliquement des ailes du nez vers les commissures de la bouche, le sillon jugal qui s’observe chez les personnes âgées sur la joue, derrière et parallèlement au précédent (Ib., no 3), et le sillon sous-mentonnier qui se réunit souvent au sillon jugal, et qui sépare inférieurement le menton du dessous de la mâchoire et du double menton quand il existe.

103. — Considérées au point de vue du détail de leur configuration, les rides permanentes du front peuvent être uniques, doubles, triples, quelquefois quadruples et même multiples (Pl. 50, nos 1, 2 et 3).

Les mêmes qualificatifs peuvent s’appliquer aux rides verticales intersourcilières (Ib., nos 4, 5, 6 et 7). La ride verticale intersourcilière unique devient très caractéristique dès qu’elle est un peu accentuée ou unilatérale.

104. — Enfin certains visages dotés de rides frontales limitées à la partie médiane, offrent néanmoins en dessous, sur l’espace intersourcilier, une surface carrée ou en trapèze régulier qui, quoique entourée de rides supérieurement et latéralement, n’en reste pas moins comparativement unie. Cette particularité assez signalétique pourra être notée abréviativement ainsi : trapèze ou quelquefois triangle intersourcilier (Ib., nos 8 et 9).

105. — La concavité de la racine du nez présente assez fréquemment une ride horizontale unique, rarement double (Pl. 51, no 2). Quelquefois cette dernière se confond avec les rides verticales pour former une espèce d’accent circonflexe à cheval entre les deux yeux ; ce que l’on exprimera par : rides intersoureilières en circonflexe (Pl. 51, no 1).

Origine des rides et expression physionomique.

106. — On sait que les rides ne sont que les traces des brisures imprimées à la peau du visage par les mouvements de physionomie les plus habituels à chacun. De là l’intérêt artistique et le caractère de vie qu’elles ajoutent aux portraits.

Au point de vue strict de l’identification, leur utilité provient de ce qu’elles sont la résultante d’une déformation des traits concomitante qu’elles servent à révéler. Ces considérations, dont il ne sera parlé ici qu’accessoirement, sont surtout utiles pour l’interprétation du portrait photographique.

107. — La manière la plus simple de se rendre compte du mécanisme de formation des rides est d’assimiler la peau du visage à un rideau et les muscles sous-jacents à des cordons de tirage qui fronceraient ce rideau en ses diverses parties. La même idée est résumée dans la loi suivante : tout pli de la peau est nécessairement perpendiculaire à la direction du muscle qui le produit.

108. — Ainsi, sans entrer dans plus de détails, devons-nous expliquer les rides horizontales du front par l’élévation de toute la masse centrale du sourcil vers la ligne d’implantation des cheveux, et les rides frontales médianes par l’élévation de la tête seule des sourcils ; les rides verticales intersourcilières sont, de même, produites par le rapprochement de la tête des sourcils qui y perdent leur forme arquée, et les rides horizontales de la racine par l’abaissement des mêmes parties.

109. — On s’accorde dans les arts à attribuer des valeurs physionomiques spéciales à chacune de ces contractions. Nous les rappellerons ici, pour être complet, sans insister sur ce que ces interprétations ont de trop absolu. L’élévation de toute la masse du sourcil dénoterait l’état d’observation, d’étonnement ; et l’élévation des seules têtes de cet organe, la douleur physique ou morale ; leur rapprochement horizontal accompagnerait la réflexion, le retour sur soi-même ; et leur abaissement, révélerait des idées agressives de lutte, de haine, etc.

Les rides temporales (ou patte d’oie) doivent être expliquées, partie par un resserrement de toute l’ouverture palpébrale analogue à celui produit par la corde qui enserre les bords d’un sac plein, et partie aussi par nu soulèvement de toute la masse charnue de la joue. C’est un des rictus qui accompagnent le rire.

110. — Quant au sillon naso-labial, qui s’observe chez des sujets de tout âge, il n’est pas une ride à proprement parler. Son absence absolue chez un adulte serait presque une particularité assez rare pour faire l’objet d’une mention dans la rédaction du portrait parlé. Son caractère physionomique varie du tout au tout suivant que son maximum d’accentuation avoisine l’aile du nez (air triste et grave), ou l’angle de la bouche (air narquois), La première forme, qui semble dénoter le soulèvement des ailes du nez et du milieu de la lèvre supérieure, rappelle en effet la mimique caractéristique du pleurer, tandis que la seconde laisse supposer le relèvement des angles de la bouche qui accompagne nécessairement l’acte du rire. (Comparer à ce point de vue les nos 5 et 6 de la planche 51.)

111. — Ces notions abrégées doivent nous apprendre à rectifier par la pensée le dessin physionomique d’une photographie de face, où la présence de rides accentuées ferait présumer l’existence de quelques contractions musculaires déformatrices. Ainsi, par exemple, comme il a été déjà indiqué à l’article sourcils (§ 62), un même sujet photographié en deux endroits différemment éclairés, pourra être représenté, ici avec des sourcils arqués et normalement espacés sur un front pur de toute ride, et là avec des sourcils rectilignes, à têtes rapprochées et séparées par une ou plusieurs rides intersourcilières.

Elles nous permettent également de deviner les divergences physionomiques que peut amener l’effacement des rides sur les portraits photographiques retouchés du commerce, et les difficultés qui peuvent en résulter pour l’identification de deux photographies de face.

112. — Il ne faudrait pas croire d’ailleurs que les cinq sortes de contraction péri-oculaire que nous venons de décrire (élévation totale ou partielle, rapprochement ou abaissement des têtes de sourcils et patte d’oie) soient observées indistinctement et dans la même proportion sur tout le monde. Chacun a sur ce point sa façon instinctive d’agir qui lui est propre et dont il ne se départit guère.

Sans entrer dans des discussions de philosophie esthétique, disons pourtant en passant qu’il serait téméraire d’y chercher un pronostic moral de l’individu. Les rides, si différentes dans leur tracé, ont en général une origine physiologique commune : les efforts de l’organisme pour faciliter la vision et ménager la susceptibilité du globe oculaire, contre les excès de lumière, la poussière, le vent, etc.

113. — C’est pourquoi les règles de la photographie judiciaire, non seulement interdisent tout effacement de rides, mais ne redoutent pas de les accentuer en plaçant le sujet à photographier en pleine lumière. On obtient ainsi un rictus physionomique qui rappelle quelque peu celui d’une personne qui, au sortir de l’intérieur obscur d’une habitation, pénètre subitement dans une rue ensoleillée. Si cette légère contraction faciale, qu’il ne faudrait pourtant pas pousser à l’exagération, n’embellit pas le portrait judiciaire dans le sens ordinaire du mot, nous venons de voir qu’elle contribue à caractériser l’individualité mieux que n’importe quelle autre expression plus fugitive ; aucune ne s’observe plus fréquemment au cours des opérations de police sur la voie publique.