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Introduction à l’étude de la paléontologie stratigraphique/Tome 1/Chapitre IV

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CHAPITRE IV


ILES BRITANNIQUES


Jusqu’à présent nous n’avons pu exposer l’histoire de la science, dans les divers pays dont nous nous sommes occupé, que d’une manière assez irrégulière, décousue, et en nous conformant aux temps et aux lieux ; nulle part nous n’avons aperçu de vues bien générales suivies par les auteurs qui se sont succédé. La marche de la partie positive de la science nous offrira, en Angleterre, un tableau différent ; elle nous frappera, en effet, par une certaine unité de direction dans les recherches, unité plutôt naturelle que systématique, et résultant, à ce qu’il semble, de la disposition particulière de son sol, si heureusement favorable à l’étude des terrains sédimentaires et qui l’avait prédestinée à devenir le berceau de cette partie de la science moderne.


§ 1. Ouvrage théoriques généraux.


Les physiciens et les naturalistes des Îles Britanniques ne sont pas restés en arrière de ceux du continent en ce qui regarde la théorie générale de la terre, et, quant à l’étude des corps organisés fossiles, nous verrons qu’ils ont atteint le but que l’Italie et l’Allemagne n’avaient fait qu’entrevoir. Nous ne dirons d’ailleurs que peu de mots des théories du globe purement physiques ou abstraites qui s’éloignent trop de notre sujet.
T. Burnet, E. Warren, J. Ray, etc.

Ainsi, nous nous bornerons à mentionner la Théorie sacrée de la Terre[1], publiée par T. Burnet, en 1684, système tout à fait imaginaire, exposé avec une certaine habileté, ne reposant sur aucune donnée positive, expérimentale, et qui donna lieu aux observations critiques d’Herbert[2], et en même temps à une ode d’Addison à la louange de l’auteur. Un livre de E. Warren[3] intitulé Géologie, ou discours sur la Terre avant le déluge, et dans lequel l’auteur faisait allusion à la Théorie de Burnet, provoqua une réponse de la part de ce dernier [4]. ─ J. Ray a donné trois discours de théologie physique, relatifs au chaos primitif et à la création du monde, au déluge général, à ses causes et à ses effets, à la dissolution du monde et à sa future conflagration[5]. On lui doit encore d’avoir recherché si le déluge universel a été la cause des pierres figurées[6], ainsi qu’à T. Robinson des observations sur l’histoire naturelle du monde organique[7].
W. Whiston

Le système de W. Whiston[8], qui est à la fois un développement et un commentaire du texte de la Genèse, ne nous en apprend guère davantage. Il attribue au déluge universel toutes les altérations et tous les changements survenus à la surface de la terre ainsi qu’à l’intérieur, et adopte entièrement l’hypothèse de Woodward, dont nous parlerons tout à l’heure. La lecture de ces sortes d’ouvrages fait toujours regretter que des hommes d’un mérite réel à tant d’égards aient ainsi consacré leur temps à des œuvres sans utilité, ce dont il faut d’ailleurs accuser leur époque plutôt que die leur en faire un reproche personnel.
R. Hook.

R. Hook[9], dans son traité posthume des mouvements de terre, explique les inégalités de sa surface par des tremblements de terre, par l’affaissement des cavernes et l’action des feux souterrains.
Needham.

Vers le milieu du xviiie siècle, la structure et l’origine des montagnes ont été exposées et expliquées d’une manière très-remarquable par J. T. Needham[10], qui, né à Londres en 1713, séjourna longtemps dans les Pays-Bas, et y publia même une partie de ses ouvrages. Les montagnes sont, dit-il, composées de couches concentriques, d’égale épaisseur de bas en haut, visiblement soulevées et rompues après qu’elles eurent acquis une certaine résistance, depuis l’état presque fluide où elles se sont nécessairement trouvées à leur formation et, comme le prouvent les coquilles et les empreintes de poissons et de plantes distribuées régulièrement dans toute leur étendue. L’égale épaisseur qu’elles conservent sur toute la pente d’une montagne est encore une preuve qu’elles ont été formées horizontalement avant leur soulèvement. Aucune autre théorie, même la plus plausible, telle que celle de M. de Buffon, ne peut donner, continue-t-il, une raison physique de ces phénomènes, si ce n’est celle d’une force expansive agissant doucement après le dépôt régulier des couches dont les montagnes sont composées. Un courant, ou un phénomène atmosphérique quel qu’il soit, ne peut jamais distribuer et fixer également sur une pente des coquilles et d’autres substances légères, encore moins élever une montagne dont les couches concentriques, d’abord molles, se trouvent partout également épaisses (p. 140). Les plus grandes élévations de la terre ne constituent qu’une très-petite partie du total des gonflements superficiels que nous appelons des continents, et leur valeur est très-faible en comparaison de la masse totale. Toutes les montagnes considérables qui font partie des grandes chaînes portent visiblement l’empreinte du feu souterrain d’où elles firent leur origine. Needham admet donc une force interne produite par le feu central de Buffon, modifiée par la gravitation, pour pousser en dehors les principales chaînes. Comm L. Moro, il exagère beaucoup l’effet des volcans, et comme il fallait toujours, dans ces sortes de questions, revenir à la Bible, l’auteur fait voir (p. 134, nota), que les jours de la Genèse ne doivent pas être pris pour des jours de 24 heures, mais doivent être regardes connue des périodes d’une très-longue durée ; Cette interprétation, que nous avons vu de Luc donner depuis (antè, p. 102) comme étant de lui et que nous verrons être bien plus ancienne, a encore été reproduite de nos jours comme nouvelle.
Hutton.

Malgré la supériorité, à certains égards, de la théorie de Hutton [11] sur les précédentes, on ne peut pas dire qu’elle ait eu une influence bien prononcée sur la partie de la science qui nous occupe. L’auteur a parfaitement reconnu et admis la succession des principaux phénomènes qui ont amené la surface de la terre à son état actuel, l’existence des anciens animaux et des végétaux enfouis dans les lits successifs de la mer, la consolidation des dépôts et leur élévation ultérieure au-dessus des eaux jusqu’aux altitudes où nous les observons aujourd’hui. Ces résultats sont attribués à la chaleur interne du globe et à l’expansion qu’elle a occasionnée en même temps que la rupture des couches, leurs inclinaisons, leur redressement et tous les phénomènes qui dénotent une action physique plus ou moins énergique. Ces idées n’ont, comme on le voit, rien d’absolument original, et ne sont que la reproduction, avec des développements, de celles de Needham, de L. Moro et de beaucoup d’autres.

Pour Hutton, toutes ou presque toutes les couches calcaires renferment des débris d’animaux marins, et ; toute couche calcaire horizontale doit avoir été déposée au fond de la mer.

Dans la troisième partie de son ouvrage, il établit que l’action des feux souterrains n’a pas dû produire d’éruptions analogues aux volcans modernes, mais que son effet a dû être de soulever les couches au-dessus du niveau de la mer « Si cette théorie est juste, ajoute-t-il, on doit s’attendre à trouver des matières fondues ou fusibles, sous forme de laves, parmi des couches où il n’y a aucune marque visible de volcans. C’est un fait important, car s’il se trouve que des quantités considérables de matières analogues aux laves ont été comme injectées parmi les couches originairement formées au fond des eaux, et maintenant au-dessus de leur surface, il en résultera que nous avons découvert l’opération secrète par laquelle la nature travaille et durcit de nouveaux continents et la manière dont elle a préparé celui que nous habitons, »

Il y a beaucoup de vrai dans ce passage ; l’injection des roches ignées à travers les roches sédimentaires et leur influence sur les modifications de ces dernières, qui est le principe des effets du métamorphisme de contact, sont très-réels ; mais il ne faut pas perdre de vue que Hutton attribuait l’enrichissement et la consolidation de tous les dépôts sédimentaires indistinctement à cette même chaleur centrale.
Playfair.

Ses disciples reçurent le nom de vulcaniens ou vulcanistes, de plutoniens ou plutonistes, par opposition à ceux de Werner, appelés neptuniens ou neptunistes. Parmi les plus distingués nous signalerons Playfair, qui a donné, en 1802, une Explication de la théorie de son maître, travail remarquable à beaucoup d’égards, et sur lequel nous nous arrêterons un instant[12].

Il rappelle d’abord que, suivant Hutton, « tous les strates de la terre, non-seulement ceux qui sont composés de chaux, mais encore tous ceux qui recouvrent les premiers, ont tiré leur origine de la mer, par la réunion du sable, du gravier, des coquilles, des coraux, des crustacés, des terres et des glaises mélangés ou séparés et accumulés. Telle est la conclusion générale qu’autorisent les apparences de la nature et qui est de la plus haute importance dans l’histoire naturelle de la terre. »

Plus loin, après avoir cité les coquilles fossiles trouvées en place dans la roche par D. Ulloa, près de la mine de mercure de Guanca-Velica au Pérou, à 2222 toises d’altitude, Playfair se demande (p. 106) si ce changement de niveau relatif de la terre et de l’eau doit être attribué à l’abaissement de la mer ou bien à l’élévation des strates eux-mêmes, et il se prononce pour cette dernière supposition. Les raisons qu’il en donne sont les plus plausibles, et il cite à l’appui le passage de de Saussure, relatif aux poudingues de Valorsine, puis il ajoute (p. 115) : « Rien de mieux fondé que ce raisonnement ; et, si son ingénieux auteur l’avait poursuivi plus systématiquement, il l’aurait conduit à une théorie des montagnes très-peu différente de celle que nous cherchons maintenant à expliquer. » Car s’il est prouvé que quelques lits, aujourd’hui verticaux, ont été formés horizontalement, il n’y a pas de raison pour ne pas adopter la même conclusion pour tous.

Quant au résumé le plus succinct et le plus explicite des idées de Hutton, son élève s’exprime ainsi (p. 8 et 391) : « Hutton, dit-il, attribue aux phénomènes de géologie un ordre semblable à celui qui existe dans les opérations de la nature qui nous sont les plus familières ; il produit les mers et les continents, non par accident, mais par l’action de causes régulières et uniformes. Il fait servir la destruction d’une partie au rétablissement d’une autre, et il donne de la stabilité au tout, non en perpétuant les individus, mais en les reproduisant par succession. » C’est, en effet, la manière la plus large, la plus simple et la plus conforme aux faits généraux alors connus, et que les découvertes ultérieures sont venues confirmer. L’incandescence de l’intérieur du globe et son refroidissement graduel, quoique aujourd’hui excessivement lent, donnant lieu, par l’expansion des gaz et des matières fluides, au déplacement, au soulèvement et à l’inclinaison des roches stratifiées, complète un système parfaitement ordonné dans ses diverses parties, parce que les éléments et les forces qui agissent fonctionnent dans leurs attributions propres, suivant leurs véritables propriétés, simultanément, dans les limites de leur pouvoir. Ce système est donc préférable à celui de Werner, en ce qu’il est moins exclusif, fait la part plus juste entre les divers agents qui concourent au résultat commun, et il doit être, par conséquent, plus près de la vérité.


§ 2. Travaux descriptifs.


xvie siècle


Si nous passons actuellement aux travaux plus particulièrement descriptifs, soit stratigraphiques, soit paléontologiques, nous signalerons d’abord les recherches de George Owen, né dans le Pembrockshire, et qui, vers la fin du xvie siècle, avait écrit, sur la topographie de ce pays, un mémoire qui ne fut publié que longtemps après, dans le deuxième volume du Cambrian register. L’auteur y trace, avec beaucoup d’exactitude, la direction et l’étendue des couches de houille, celles de calcaire qui les accompagnent dans toute la portion sud du pays de Galles, et il fait voir leurs relations avec les parties du Gloucestershire et du Somersetshire qui l’avoisinent. C’est probablement le premier essai qui ait été tenté pour établir ce principe, que les mêmes séries de couches se succèdent dans un même ordre, régulièrement sur de grandes surfaces, de manière à dévoiler leur constitution géologique. Ce travail, resté ignoré pendant bien des années, est encore un de ces exemples de l’anticipation des découvertes, qui ne sont appréciées que longtemps après leur apparition, et qu’on rencontre à chaque pas dans l’histoire des sciences. Elles ne contribuent point à, leur avancement, faute d’avoir été comprises, et c’est ce que nous avions déjà vu ; en Italie et en Allemagne.
xviie siècle.

T. Lawrence[13] a fait connaître quelques coquilles du Norfolk provenant probablement du crag supérieur ; Merret[14] a donné un recueil des objets d’histoire naturelle de l’Angleterre ; Childrey[15], un ouvrage à peu près du même genre et dans le même temps ; J. Beaumont[16] a publié deux lettres sur diverses pétrifications du Somersetshire, et Plott, son histoire naturelle de l’Oxfordshire[17], où l’on trouve encore aujourd’hui d’utiles indications. Martin Lister[18] paraît avoir en l’idée de la construction de cartes géologiques régulières, ce qui indiquerait qu’il comprenait déjà, comme G. Owen, la disposition symétrique des couches sédimentaires sur de grandes étendues de pays. Son projet n’a point été mis à exécution, mais il trace la marche qu’il aurait suivie en parlant des divisions qu’il se proposait d’adopter pour le Yorkshire, et une carte coloriée d’après ses données aurait déjà représenté d’une manière satisfaisante la composition géologique de ce pays. Lister connaissait aussi la continuation de la craie d’Angleterre au delà du détroit, sur les côtes de France, et l’on peut présumer, d’après diverses notes, qu’il admettait, au moins dans certains cas, la distinction des couches par la différence de leurs fossiles.

Il a donné la première figure d’une coquille du genre Productus, qui a joué un si grand rôle parmi les brachiopodes de la période carbonifère : c’est le P. giganteus[19] ; il a décrit des Glossopètres ou dents de Squales[20], des baguettes d’échinides, appelées alors dactyli Idæ et lapides judaici ou Judœi[21], des plantes fossiles[22] et des Astéries[23].

Dans son Essai d’une histoire naturelle de la terre et des corps qu’elle renferme, J. Woodward[24] a reconnu la véritable origine des fossiles qui devaient se trouver au fond de la mer lorsqu’au moment du déluge les abîmes s’entr’ouvrirent tout à coup. Ces débris organiques furent enfouis dans des dépôts qui se consolidèrent ensuite. Le sol de l’Angleterre est, dit-il, composé de couches horizontales superposées et formées sous les eaux. Mais il ajoute que les matières sédimentaires sont arrangées suivant leur pesanteur spécifique, les supposant toutes en dissolution en même temps dans le même liquide. L’examen attentif, qu’a fait Woodward des caractères des fossiles et de leur arrangement dans les strates prouve que c’était un observateur beaucoup plus judicieux que la plupart de ses contemporains.
E. Lhwyd

l’ouvrage le plus remarquable de ce temps-là et qui vient clore la liste des publications du xviie siècle est celui d’Édouard Lhwyd on Luidius, intitulé Lithophylacii britannici ichnographia[25], ou distribution classique des pierres fossiles de l’Angleterre et d’autres pays, remarquables par leur forme particulière, recueillies par lui ou par ses amis. Ce livre se distingue par son esprit essentiellement linnéen, par la précision et l’exactitude des descriptions comme par la simplicité de la méthode. C’est une énumération systématique de 1600 fossiles, animaux et végétaux, et de quelques substances minérales. Les localités d’où ils proviennent sont partout indiquées avec soin et d’une manière aussi scrupuleuse que nous pourrions le faire actuellement. On n’y trouve point ces digressions verbeuses dont les écrivains allemands de ce temps-là étaient si prodigues, et l’on conçoit que le livre de Lhwyd ait paru sous d’illustres patronages, tels que ceux de Newton, de Lister, du grand chancelier d’Angleterre, du comte de Dorset, etc. On remarque parmi ses souscripteurs, ce qui devait être bien rare alors, le nom d’un savant français, de Geoffroy[26].

C’est Lhwyd qui proposa le nom de Terebratula pour des coquilles symétriques à valves inégales et dont le crochet de la grande valve est perforé. On sait que ce nom est synonyme de celui d’Anomya, que nous avons vu adopté par F. Colonna et qui prévalut iusqu’en 1801, où Bruguière reprit la dénomination de l’auteur anglais en en séparant les Anomies actuelles.

Lhwyd désigna sous le nom d’alvéole le cône cloisonné intérieur des Bélemnites, et sous celui de Trinucleus un trilobite qui, dans ces derniers temps, est devenu le type de tout un genre de cette famille. Il a décrit des crinoïdes (Encrino Lachmundi.), des poissons, des vertèbres de reptiles (Ichthyospondylus), etc., et a publié plusieurs lettres sur des sujets particuliers[27]. On regrette qu’un esprit aussi distingué et naturellement juste se soit laissé influencer par les opinions de son temps au point d’admettre les idées les plus étranges sur la nature et l’origine des corps fossiles qu’il attribuait à des êtres organisés, disséminés par les vents et les eaux, ayant pénétré dans l’intérieur de la terre pour y produire, sinon des êtres parfaits, au moins des ébauches assez avancées qui représentaient de véritables animaux. Au point de vue géologique, il semble néanmoins avoir eu l’idée de l’existence de fossiles particuliers en rapport avec la position des couches, car il a remarqué que les mêmes formes d’échinides se trouvaient à la fois dans la craie d’Angleterre et dans celle d’Irlande.
xviiie

De la Pryme[28] a fait connaître des coquilles provenant des carrières de Broughton dans le Lincolnshire ; S. Gray[29], celles de Reculver-cliff ; Sloane[30], les ossements de grands animaux découverts en Angleterre, qui sont des restes d’Éléphant et de cétacés, et non ceux d’une race éteinte de géants comme on le croyait avant lui. Baker[31] a donné quelques détails sur les Ammonites, puis il a décrit des échinodermes[32] et des dents d’Eléphant trouvées dans le Norfolk[33]. Packer[34] a signalé quelques circonstances particulières de fossilisation. M. Gilkes[35] a traité des pétrifications du Derbyshire ; J. Hill[36], de l’histoire générale des fossiles ; J. Parsons[37], des échinodermes pétrifiés, puis des fruits et autres corps fossiles de l’île de Sheppey[38], ainsi que Jacob[39], tandis que Pennant[40] a mentionné des Fungies et d’autres polypiers ; J. Brewer[41], les lits d’Huîtres des environs de Reading (Berks) ; S. Dale[42], les coquilles fossiles des falaises d’Harwich, et, plus anciennement, Hatley[43], les pétrifications de Hunton (Kent).
Géologie stratigraphique.

Quelques observateurs, purement stratigraphes, se sont fait connaître, dans la première moitié du xviiie siècle, par leurs travaux sur les couches secondaires que nous appelons aujourd’hui jurassiques et crétacées, dans le Somersetshire, le Bedfordshire et le Kent, Ce sont Holloway, Packe et Strachey, qui étaient certainement dans une voie de recherches plus exactes et plus rationnelles que la plupart de leurs contemporains du continent. Ainsi, l’existence des collines crayeuses et sableuses, en zones parallèles dans le Bedfordshire, est constatée par Holloway[44], et le même fait est encore mis plus en lumière par une bonne description de la triple rangée de collines de craie, de pierre de Kentish ray et d’argile traversant le comté de Kent, description donnée par Packe, auteur d’une carte chorographique de la partie orientale du même pays publiée en 1750. Vers le même temps, Strachey, dans ses communications à la Société royale, décrivait le district houiller du Somersetshire. Il signalait la position inclinée des strates carbonifères et celle au contraire horizontale des dépôts rouges et du lias qui les recouvrent. Ses coupes font voir qu’il comprenait très-bien la succession régulière des strates de ce pays, depuis la craie, les calcaires oolithiques, le lias, les couches rouges, le terrain houiller, le calcaire métallifère des Mendip-Hills, etc., mais l’explication qu’il en donne était peu propre à généraliser les faits. De son côté, Ch. Leigh avait dès 1760 publié à Oxford un mémoire sur le Cheshire, le Lancashire et une partie du Derbyshire. Dans le chapitre vi} du livre I, il traite des pétrifications, qu’il prend pour des jeux de la nature.

En 1760, le révérend J. Michell publia un travail sur la cause et les phénomènes des tremblements de terre, et il se prononça, d’une manière plus formelle que ses prédécesseurs, sur la succession régulière des masses. Il observai que, dans la structure de la terre, on trouve toujours des zones de diverses masses minérales qui se suivent parallèlement pour s’élever vers les crêtes des principales chaînes de montagnes, proposition qu’il déduisit de la considération de celles du nord et du sud de l’Amérique, aussi bien que de celles de l’Angleterre. Dans ce dernier pays il étudia la direction générale des couches et celle des chaînes quelles constituent, courant du N.-E. au S.-O.; il remarqua, comme Lister, la continuité des collines de craie qui s’étendent de chaque côté du détroit, et il ajouta qu’il serait aisé de démontrer la succession normale des couches de toute l’Angleterre, comme il l’a d’ailleurs prouvé en publiant, en 1788, la série des terrains de ce pays, depuis la craie jusqu’au terrain houiller. C’était quelque chose certainement de plus complet que ce que Werner donnait dans le même temps pour l’Allemagne centrale et de tout à fait comparable aux résultats de Lehmann et de Fuchsel. Quant aux idées générales, elles étaient aussi plus précises et plus avancées que ce que l’on avait dit jusque-là sur le continent.

Whitehurst, en 1778, dans ses recherches sur la formation de la terre, insiste également sur la succession des couches, et la confirme par une relation exacte et complète de la structure géologique du Derbyshire. De la ressemblance des roches appelées toadstones avec la lave des volcans, de leur position et de leurs effets, il a conclu qu’elles devaient avoir surgi de l’intérieur et avoir été injectées violemment à travers les couches supérieures elles ont dérangées. Il a peu laissé à faire à ceux qui sont venus après lui, relativement au calcaire carbonifère et au terrain houiller de ce pays. Malheureusement des idées cosmogoniques, au moins inutiles, viennent gâter ce travail, d’un mérite réel à tout autre égard, et qui fut continué par Kier pour le sud du Staffordshire, où ce dernier traite du calcaire, de la houille et des basaltes.
Paléontolo-gistes iconographes. ─ Invertébrés.

La publication des fossiles du Hampshire, que firent Brander et Solander[45] en 1766, comprend ceux des argiles tertiaires marines des falaises de Barton. Cette localité est bien décrite par les auteurs qui rejettent les idées de Woodward, suivant lesquelles ces dépôts auraient été réduits par le déluge. Les coquilles fossiles, disent-ils, se rencontrent partout, aussi bien sur les montagnes que dans les plaines, toujours en immense quantité, et beaucoup d’entre elles n’ont plus leurs analogues que sous les tropiques. Presque tous les végétaux, les Crocodiles, les poissons, les Éléphants sont dans le même cas. Les Ammonites, les Bélemnites, etc., actuellement inconnues, vivent peut-être encore à de très-grandes profondeurs, dans des régions inexplorées, mais parmi les fossiles figurés un très-petit nombre sont connus à l’état vivant dans les mers Britanniques ou même sur les côtes d’Europe, et le plus grand nombre, au contraire, serait tout à fait différent des animaux observés dans la faune actuelle.

Barrington[46] s’est également occupé d’un fossile trouvé près de Christ-Church, et Walcoll[47] a donné des descriptions avec figures des pétrifications recueillies aux environs de Bath. En 1785, Ant. de Luc[48] décrivait un crinoïde du calcaire de Dudley, sous le nom de Palmier marin.

En 1794 parut le premier numéro de l’ouvrage de W. Martin sur les pétrifications du calcaire carbonifère du Derbyshire[49].

Cet ouvrage, terminé seulement en 1809, est, avec celui de Solander et Brander, dont nous venons de parler, ce que les paléontologistes iconographes d’Angleterre avaient jusqu’alors exécuté de plus utile et de plus important, par l’exactitude et le nombre des objets figurés. Ici l’auteur se sert encore du mot d’Anomia pour désigner toutes les coquilles de brachiopodes.

Au commencement de ce siècle nous voyons J. Parkinson publier un travail beaucoup plus considérable et plus général que les précédents, intitulé : Débris organiques de l’ancien monde, contenant l’examen complet des végétaux et des animaux du monde antédiluvien[50], et accompagné de 50 planches coloriées, d’une bonne exécution. Le premier volume est consacré d’abord à une histoire de la science qui, sans être aussi complète que celle de Walch, est mieux coordonnée et prouve des connaissances fort étendues sur les auteurs anciens ; puis il traite des bois pétrifiés, des forêts sous-marines, dont il cite de nombreux exemples, de la tourbe, de sa production et de son emploi, ainsi que de l’ambre. Le second volume comprend les spongiaires, les polypiers et les crinoïdes ; le troisième, les Astéries, les crinoïdes, les échinides, les mollusques, les crustacés, les poissons, les amphibies et les mammifères.

On doit, en outre, à Parkinson des observations sur la craie blanche et les couches tertiaires des environs de Londres[51], observations dans lesquelles les fossiles sont distribués avec soin dans les couches d’où ils proviennent. Il a aussi donné des remarques sur les Hippurites de la Sicile,[52] et établi que les dépôts marins du crag, du Suffolk, reposaient directement sur l’argile de Londres. Il a bien constaté que leurs fossiles différaient de ceux de l’argile bleue, que plusieurs d’entre eux étaient inconnus, tandis que d’autres étaient identiques avec des espèces qui vivent encore sur les côtes d’Angleterre.

Dix ans après, J. Miller a donné un excellent livre sur l’histoire naturelle des crinoïdes ou animaux en formes de lis, avec des observations sur les genres Astérie, Euryale, Comatule et Marsupite[53]. Cet ouvrage, bien supérieur à ce qui avait été publié en Allemagne sur le même sujet, et entre autres à celui de Rosinus, a servi de base à toutes les études dirigées depuis sur cet embranchement des animaux rayonnés.

J. Laskey a publié un catalogue général du Musée Huntérien de Glasgow, dans lequel il a exposé brièvement l’histoire des diverses opinions sur les fossiles[54] ; Edw. King a décrit une pétrification trouvée sur la côte de l’East-Lothian[55], et J. Simon a mentionné les fossiles de Lough-Neagh (Irlande)[56]. Une énumération des localités les plus riches en fossiles de l’Angleterre a aussi été publiée[57], et d’autres naturalistes, occupés de recherches plus locales, tels que Moreton, Borlase, Price, Calcott, ont encore apporté de précieux matériaux pour la géologie de leur pays. Stokeley essaya de réaliser le projet d’une carte géologique, déjà suggéré par Lister, mais Huchinson et son école d’écrivains physico-théologiques ne contribuèrent guère à l’avancement de la science.

Enfin, nous ne pouvons mieux terminer la liste des principaux travaux iconographiques auxquels ont donné lieu les fossiles d’Angleterre, au commencement de ce siècle, qu’en citant ici le Mineral conchology de la Grande-Bretagne[58], commencé en 1812 et continué pendant près de 20 ans. Il a été longtemps le recueil de ce genre le plus considérable qu’on ait entrepris, car il forme 6 volumes grand in-8 avec plus de 600 planches, et, si depuis d’autres l’ont dépassé par le nombre et l’importance du texte et des figures, il n’en restera pas moins un témoignage des plus honorables pour le zèle scientifique et les connaissances variées de l’auteur comme de ceux qui lui ont succédé. Les données géologiques relatives aux divers terrains d’où proviennent les fossiles sont exactes et en rapport avec l’état de la science stratigraphique, que Sowerby n’avait pas la prétention de diriger, et dont il acceptait les renseignements. Les descriptions d’espèces sont généralement suffisantes, suivant l’état des échantillons, et les figures coloriées, sans être d’une exécution remarquable, ont un caractère de ressemblance frappante lorsqu’on leur compare des échantillons pris dans les mêmes localités que ceux qui ont été représentés.
Animaux vertébrés.

Reptiles

La classe des reptiles, qui n’avait encore offert que des restes peu remarquables dans les terrains d’Angleterre, s’enrichit, vers ce temps, de types fort extraordinaires, qui ouvrirent un nouveau champ d’études à la paléontologie et à la zoologie comparées. Plusieurs de ces types furent réunis ensuite sous le nom d’énaliosaures ou de Lézards marins, offrant des vertèbres semblables à celles des poissons, des dents qui les rapprochent des Crocodiles, un tronc analogue à celui des Lézards, et des pattes conformées comme celles des cétacés. On y établit d’abord deux genres : les Ichthyosaures et les Plésiosaures.
Ichthyosaure.

Ce fut en 1814 que sir Evrard Home[59] publia quelques observations sur une tête bien conservée et des os trouvés dans le lias des environs de Lyme-Regis (Dorset). La position des narines, les pièces osseuses qui entourent la sclérotique, et la forme des vertèbres biconcaves, celles qu’avait déjà figurées Lhwyd sous le nom d’Ichthyospondylus, lui semblèrent devoir faire rapporter à des poissons ces débris, pour lesquels König, conservateur du musée de minéralogie, proposa le nom d’Ichthyosaurus.

En 1816 et 1818, de nouvelles pièces, provenant de la même localité, firent abandonner ce premier rapprochement, et, en 1819, un squelette entier, trouvé par de la Bèche et Birch, permit de constater que l’animal était pourvu de quatre membres. Les narines, dont on croyait avoir bien déterminé la place dans les premiers échantillons, s’étant trouvées complètement obstruées et méconnaissables dans celui-ci, on crut s’être trompé, et Evrard Home, par suite de certaines ressemblances des vertèbres avec celles des Protées et des Sirènes, imagina le nom de Protesaurus, qu’il substitua au précédent.

En 1821, de la Bèche et Conybeare[60], ayant repris l’examen de ce reptile, montrèrent que l’anneau de pièces osseuses ; de la sclérotique était un caractère des Lézards et non des poissons ; ils rétablirent, deux ans après, la véritable position des narines contiguës au lacrymal à la jonction des nasaux et des intermaxillaires ; enfin ils firent voir les rapports et les différences de la tête avec celle des Lézards. Les caractères des dents leur servirent à distinguer quatre espèces d’Ichthyosaures : l’I. cemmunis, la plus grande de toutes, dont les dents sont en couronne conique, peu aiguës, légèrement arquées et profondément striées ; l’I. platyodon, dont les dents sont à couronne comprimée, avec des arêtes tranchantes ; l’I. tenuirostris, à dents grêles et à museau long et mince, et l’I. intermedius, à dents plus aiguës et moins profondément striées que celles de l’I. communis.

La grandeur de l’œil et le cercle de pièces osseuses qui renforce la sclérotique sont ce qui frappe au premier abord dans la tête de ces reptiles, et le second de ces caractères ne se retrouve trouve aujourd’hui, comme on sait, que chez les oiseaux, les tortues et les Lézards.

Par leurs vertèbres, les Ichthyosaures se rapprocheraient des poissons et des cétacés ; elles sont toutes biconcaves, semblables à des dames à jouer. Le sternum, l’épaule et les nageoires antérieures, en forme de palette, rappellent les Salamandres et les Dauphins. Ces dernières sont composées de 5 ou 6 rangées d’osselets, comparables aux phalanges des Dauphins, mais aplatis et beaucoup plus nombreux, puisqu’on en compte jusqu’à 20 et davantage dans chaque rangée. Leur disposition en série et leur forme en pavé et sub-hexagonale rappellent aussi les rangées de plaques de certains échinodermes, tels que les Ananchytes quand on les trouve écrasés. Ainsi, dit Cuvier[61], nous possédons le squelette de l’Ichthyosaure dans toutes ses parties, et rien ne nous empêche de nous représenter complètement cet animal. Sa queue était médiocre, le museau long et pointu, armé de dents aiguës. Ses yeux, d’une grosseur énorme, devaient donner à sa tête un aspect tout à fait extraordinaire et lui faciliter la vision pendant la nuit. Il n’avait probablement aucune oreille extérieure, et la peau passait sur le tympan. Il respirait l’air en nature, et devait venir souvent à la surface de l’eau ; ses membres ne lui permettaient que de nager ; il ne pouvait probablement pas ramper sur le rivage autant que les Phoques, et devait y rester immobile comme les Baleines et les Dauphins, s’il venait à y échouer.

Les quatre espèces précédentes ont été recueillies dans le lias de Lyme-Regis, et d’autres l’ont été dans l’oolithe intérieure, la grande-oolithe, l’Oxford-clay, le coral-rag, le Kimmeridge-clay d’Angleterre, et jusque dans la craie du même pays, puis ont été retrouvées plus tard, sur le continent, dans des dépôts correspondants.

Plésiosaure.

Le Plésiosaure, dont le nom indique son affinité avec les Lézards, offre, en effet, une tête assez analogue à celle de ce dernier genre, puis des dents de Crocodile, un cou extrêmement long, ressemblant au corps d’un serpent. Le tronc et la queue ont les proportions ordinaires des quadrupèdes ; les côtes rappellent celles des Caméléons, et les pattes celles des Baleines.

Signalé seulement en 1821 par Conybeare et de la Bèche, dans le mémoire précité, le Plésiosaure fut mieux connu par la découverte d’un squelette entier, découvert trois ans après dans le lias de Lyme-Regis. La tête, qui offre aussi quelques caractères de celle du Crocodile et de l’Ichthyosaure, a les narines près de l’orbite, comme dans ce dernier genre et les cétacés, puis des dents grêles, pointues, cannelées et inégales.

Le corps des vertèbres est à peine concave et se distingue par deux petites facettes ovales à la face inférieure. La différence entre le diamètre transverse et l’axe est, par conséquent, moindre que dans les vertèbres d’Ichthyosaure. On en compte 90, dont 35 cervicales, 27 dorsales, 26 caudales et 2 sacrées. La queue, proportionnellement assez courte, ne rappelle point celle des reptiles ; et l’animal, dans son ensemble, devait avoir une forme d’autant plus insolite, que ses extrémités, comme celles de ses contemporains dont nous venons de parler, étaient de véritables nageoires semblables à celles des cétacés. Les extrémités se composaient de 5 séries de phalanges allongées, représentant les 5 doigts comme dans les Baleines. La longueur totale de l’animal pouvait être de 9 mètres.

Le Plésiosaure de Lyme-Regis fut nommé par Conybeare P. dolichodeirus ou P. À long cou, et celui du Kimmeridge-clay, P. recentior. D’autres ont été signalés dans les divers termes de la série secondaire, depuis le lias jusqu’à la craie.
Téléosaure.

En 1718, W. Stukely[62] avait décrit des restes-de reptiles provenant de Newark (Nottinghamshire), et, en 1758, Woller et Chapmann[63] découvrirent des restes semblables dans les schistes alumineux du lias de Whitby (Yorkshire). Ce fossile, voisin du Gavial, désigné plus tard sous le nom de Teleosaurus par Geoffroy, fut appelé T. Chapmanni par Kœnig ; il appartient à la tribu des amphicœliens, qui ont le corps des vertèbres légèrement concaves des deux côtés. Un squelette plus complet fut ensuite découvert à Saltwick, localité non loin de la précédente et aussi dans le lias supérieur.
Mégalosaure.

Un autre reptile, rangé depuis dans l’ordre des dinosauriens, caractérisés par les cinq vertèbres soudées du sacrum, a été décrit d’abord par W. Buckland[64], et avait été découvert dans les couches oolithiques de Stonestfeld (Oxfordshire). Ses restes consistaient en portions de mâchoires, des os longs, des vertèbres, un coracoïde et quelques autres moins importants, qui ont permis de lui attribuer une longueur totale de 30 à 36 pieds ; Cuvier, d’après les dimensions du coracoïde, lui en donnait 70. Les dents sont comprimées, aiguës, arquées en arrière, à deux tranchants finement dentelés. Désigné par ce savant sous le nom de Megalosaurus Bucklandi, il surpassait, à coup sûr, dit-il[65], « les plus grands Crocodiles connus, et approchait, pour la taille, d’une petite Baleine. D’après la forme tranchante de ses dents, il n’est pas douteux qu’il ne fût d’un naturel extrêmement vorace. Tout ce qui accompagne ses débris dans les carrières où il a été enseveli annonce qu’il était marin. »

Ce genre n’est point d’ailleurs exclusivement propre aux dépôts jurassiques d’Angleterre et de France (calcaire de Caen), car on le retrouve jusque dans les divers termes du groupe wealdien.
Iguanodon.

Cuvier[66], ayant reçu de G. Mantell quelques dents qui lui offrirent les caractères particuliers d’avoir leur pointe et leur fût usés transversalement, comme chez les quadrupèdes herbivores, pensa néanmoins qu’elles pouvaient provenir d’un reptile saurien encore plus extraordinaire que tous ceux dont nous venons de parler. Ces dents, prismatiques, étaient plus larges à la face externe, et portaient trois carènes mousses longitudinales. La couronne a des bords tranchants, dentelés, rappelant celle des dents de l’Iguane, d’où le nom d’Iguanodon, que Mantell [67] assigna à l’animal. Quelques années plus tard, un squelette presque entier, découvert dans les grès de Tilgate, a permis de se faire une idée plus exacte de cet énorme reptile, qui devait être un herbivore terrestre. Les dimensions comparatives des os montrent qu’il était haut sur jambes, les membres postérieurs étant sensiblement plus longs que les antérieurs, et que les pieds étaient courts et robustes[68]. Mantell estimait que l’animal atteignait une taille de plus de 60 pieds, avec une circonférence de 14 pieds et demi, dimensions que M. B. Owen réduit à 27 pieds de long. L’Iguanodon Mantelli, ainsi nommé par M. H. de Meyer, est jusqu’à présent la seule espèce bien connue.

Ainsi, quelques années ont suffi pour faire découvrir, en Angleterre, des formes d’animaux éteints les plus singulières et les plus gigantesques. Quelques fragments avaient bien été signalés, et même figurés par d’anciens auteurs, tels que Lhwyd, Walch, Merek, etc. ; mais on n’en avait pu déduire aucune connaissance positive sur les caractères des êtres auxquels ils avaient appartenu.
Mammifères didelphes.

Il était encore réservé à Cuvier, visitant les collections d’Oxford en 1818, d’y reconnaître, dans deux fragments de mâchoires provenant des calcaires schisteux oolithiques de Stonestield, des restes de mammifères didelphes[69]. C’était la première fois qu’un animal d’un ordre aussi élevé était signalé dans des couches secondaires, et le savant anatomiste français comprit toute l’importance de cette détermination, confirmée par des recherches ultérieures faites dans la même localité, d’abord, en 1825, par W. Buckland, et ensuite par d’autres naturalistes. Ces débris ont été rapportés à deux genres, dont le premier, le genre Thylucotherium, comprend le T. Prevosti, qui est l’espèce mentionnée par Cuvier ; l’autre est le genre Phascolotherium. Tous deux ont donné lieu à des discussions, à cause de leurs caractères, dans lesquels plusieurs zoologistes croyaient reconnaître ceux de reptiles saurions[70].
Géologie générale.

Quoique les travaux géologiques et paléontologiques que nous venons de rappeler ne soient pas aussi considérables, ni aussi nombreux que ceux publiés en Italie, en Suisse et dans les diverses parties de l’Allemagne, du xvie au xixe siècle, on peut remarquer cependant, lorsqu’on les compare à ces derniers, qu’ils sont généralement empreints d’un caractère de précision plus prononcé, soit sous les rapports stratigraphique et géographique, soit sous celui de la distribution et de la distinction des corps organisés. Il y a dans ces anciens travaux de nos voisins d’outre-Manche un sentiment plus vrai de la nature des choses, et leur marche, quoique encore incertaine, est plus rapprochée du but, ce que nous attribuons, ainsi que nous l’avons déjà fait entrevoir, aux caractères physiques du sol de l’Angleterre, lesquels traduisent avec une grande netteté, même pour un observateur superficiel, ses caractères géologiques.

En effet, un coup d’œil jeté sur une carte de ce pays montre de suite, dans sa partie orientale et centrale, une série de bandes ou zones régulièrement dirigées du N.-E. au S.-O., plus ou moins parallèles, de nature différente les unes des autres, mais généralement constante dans toute leur étendue, et dont les caractères minéralogiques se traduisent à la surface par les formes et la couleur du sol, son mode de culture, sa végétation, etc. En outre, les côtes qui bordent l’île, souvent en falaises abruptes plus ou moins élevées, mettent à découvert les relations naturelles des diverses couches dans des profils disposés en quelque sorte pour le plus grand bénéfice des géologues. Or, dans aucune contrée de l’Europe on ne rencontre une disposition générale aussi avantageuse, et l’on doit dire aussi que les observateurs anglais n’ont pas manqué à leur bonne fortune. Vers la fin du dernier siècle, les esprits étaient, dans ce pays, parfaitement préparés à recevoir une impulsion rationnelle ; il n’y avait point de préjugés d’école, de routine, ni de ces influences personnelles qui arrêtent la propagation de la lumière et paralysent les tendances les plus heureuses ; aussi, dès que cette lumière apparut, fut-elle accueillie par tous avec empressement et sans protestation.
W. Smith

C’est à Williams Smith, ingénieur des mines, que cette impulsion est due. Il commença ses recherches en 1790, aux environs de Bath, et dressa, cette même année, un tableau des couches du pays, qui fut le point de départ de toutes ses observations ultérieures. Entre cette première date et le commencement du siècle, il publia de nombreux documents géologiques dans les divers volumes du Conseil de l’agriculture (Board of agriculture). Une série de rapports, qui parut en 1794, contient des cartes géologiques de la partie du Yorkshire appelée North-Riding, du Derbyshire, du Nottinghamshire, et une moins exacte du Devonshire. La carte du Kent, publiée en 1796, est tout à fait complète, ce que facilitait d’ailleurs celle de Packe, que nous avons vue exécutée dès le commencement du xviiie siècle..

De 1796 à 1815, les cartes de neuf autres comtés (Sussex, Surrey, Berks, Bedford, Gloucester, Wiltz, Lincoln, Durham et Cheshire), ainsi qu’un second rapport sur la minéralogie du Derbyshire par Farey, furent mis au jour, pendant qu’une excursion de Maton, faite, en 1796, dans les comtés de l’ouest, permettait d’esquisser une carte géologique de cette dernière partie de l’île.

Le texte relatif aux cartes de W. Smith ne parut, après de longs délais, qu’en 1815 ; mais on n’en doit pas conclure, comme l’ont dit quelques personnes, que les publications ou les droits de l’auteur ne datent que de cette époque. Les cartes sont l’expression graphique la plus directe et la plus positive des recherches de W. Smith, et elles constituent pour lui un droit de priorité tout aussi incontestable que le texte destiné à les accompagner. Quant à la valeur et aux mérites de ses travaux, nous rappellerons ici le jugement qu’en portait, en 1819, un élève de Werner, l’un des propagateurs de sa méthode en France, et dont l’opinion, par conséquent, ne peut être suspectée de partialité.

« Ce que les minéralogistes les plus distingués ont fait dans une partie de l’Allemagne en un demi-siècle, dit d’Aubuisson[71], un seul homme l’a entrepris et exécuté pour toute l’Angleterre, et son travail, aussi beau par son résultat qu’il est étonnant par son étendue, a fait conclure que l’Angleterre est régulièrement divisée en couches, que l’ordre de leur superposition n’est jamais interverti, et que ce sont exactement des fossiles semblables qu’on trouve dans toutes les parties de la même couche et à de grandes distances. Tout en payant au travail de M. Smith le tribut d’admiration qui lui est dû, il me sera permis de désirer que des observations ultérieures en confirment l’exactitude, et déjà sur plusieurs points les travaux des minéralogistes anglais l’ont confirmé. »

Les désirs bien justes exprimés ici par le savant disciple de Werner ont été remplis ; aussi avons-nous pu dire longtemps après lui, et sans crainte d’être démenti : « Les géologues anglais, appréciant la profondeur et la justesse des vues de. W. Smith sur les dépôts secondaires de leur pays, ont conservé sa classification et sa terminologie, encore vraies et suffisantes après une épreuve de quarante années. Ils ont respecté cette terminologie, non pas seulement parce qu’elle avait été établie par un de leurs compatriotes et sur leur propre sol, mais encore parce qu’elle était l’expression la plus naturelle des faits ; et, comme si la géologie stratigraphique était destinée à leur devoir plus qu’à toute autre nation, ce fut aussi vingt ans plus tard qu’un digne émule de W. Smith fondait la classification de tout le terrain de transition, classification qui put faire ensuite, avec non moins, de bonheur, le tour du globe, sans avoir été trouvée en défaut[72]. »

Les couches tertiaires postérieures à la craie n’ont été représentées que d’une manière générale par. W. Smith ; mais les limites des roches crétacées, étudiées précédemment comme on l’a vu, ont été tracées avec exactitude. À partir de cet horizon jusqu’au nouveau grès rouge et même jusqu’au calcaire carbonifère, tout le classement lui appartient, car ce qui avait été fait auparavant, comme arrangement général, était peu important. On lui doit la détermination, presque toujours heureuse, des divisions géologiques les plus essentielles de la série, et de les avoir suivies et indiquées d’une extrémité de l’île à l’autre. Les districts carbonifères ont été étudiés aussi, mais avec moins de soin et de détails que le terrain secondaire. Quant aux roches N plus anciennes, elles sont encore moins représentées dans les travaux de W. Smith.

Disons maintenant en quoi consistent le mérite particulier et l’originalité de ses recherches. Ce n’est pas d’avoir tracé sur les feuilles de l’atlas de Cary les limites des divers systèmes de couches dont il avait déterminé les positions relatives ni d’avoir distingué ces systèmes par des teintes différentes, mais c’est la méthode qu’il employa, on peut même dire qu’il inventa et appliqua, pour fixer ces rapports de la manière la plus simple, la plus naturelle et la plus pratique à la fois. Elle consiste à constater d’abord la présence des fossiles qui, par leur constance, caractérisent le mieux chaque couche partout où celle-ci existe, et ensuite la différence des fossiles d’une couche à une autre, ou, en d’autres termes, à déterminer les relations qui existent entre l’âge ou la position d’une couche donnée et les fossiles qu’elle e renferme.

Ce résultat, on le conçoit, ne pouvait être obtenu qu’après, une étude préalable, sur un grand nombre de points, des rapports stratigraphiques des couches, car il fallait d’abord prouver le parallélisme ou la continuité de celles qui contenaient des fossiles semblables, et la discontinuité ou la non-contemporanéité de celles qui en renfermaient de différents. Or, dans le pays qu’il explorait, une même couche ou un même ensemble de bancs pouvant être suivi sans interruption sur de très-grandes étendues, il était à même de s’assurer de ces deux éléments fondamentaux de si méthode.

Les nombreuses applications qu’il en a faites sont exposées dans son tableau géologique des fossiles d’Angleterre, qui établit l’identité et la continuité des couches dans leur ordre naturel de superposition[73]. Ce tableau, publié en 1815, est en tête de l’ouvrage intitulé : Système stratigrophique des fossiles, composé d’après la collection du British Museum, accompagné de tables de la distribution géologique des échinodermes[74]. Quatre parties seulement ont été publiées d’un autre ouvrage intitulé : Les couches identifiées par leurs fossiles[75].

C’est à W. Smith que fut décernée, en 1851, la première médaille de Wollaston, et la Société géologique de Londres ne pouvait mieux répondre à l’intention de l’illustre fondateur, puisque nul n’avait alors plus contribué au progrès de la science dans son pays. Mais, à l’étranger, son mérite paraît avoir été moins généralement apprécié, car nous ne trouvons point le nom de W. Smith parmi les Correspondants de l’Académie des sciences de l’Institut de France ; aussi pourrions-nous lui appliquer, comme une juste réparation, ce vers si connu de Saurin :

Rien ne manque à sa gloire ; il manquait à la nôtre.


Berger, Middleton, Webster, Buckland, Winch, W. Phillips, G. Mantell, etc., etc.

Pendant que W. Smith développait ou appliquait ainsi successivement ses principes, d’autres géologues les appliquaient, de leur côté, à d’autres terrains ou à d’autres provinces. Ainsi, J. F. Berger[76] faisait connaître la structure physique du Devonshire et du Cornouailles, Middleton[77] donnait une énumération fort exacte des dépôts tertiaires, depuis les plus récents jusqu’à la craie, Webster[78] une description des couches d’eau douce de l’île de Wight, avec quelques observations sur celles qui recouvrent la craie dans le sud-est de l’Angleterre. Les planches jointes à ce travail en augmentent beaucoup l’intérêt, en ce que jusqu’alors la représentation graphique des dépôts tertiaires avait été fort négligée. Indépendamment des coupes de l’île, ces planches en donnent une carte géologique, une seconde du bassin tertiaire de Londres, et une troisième montrant la disposition géographique relative des dépôts tertiaires du nord de la France et de l’Angleterre. Le même observateur a déterminé aussi les relations géologiques des couches crétacées de Reigate et de Nutfield, au sud de Londres[79]. W. Buckland[80] publia un mémoire particulier sur les plus anciens dépôts tertiaires désignés sous le nom de plastic clay, et eut occasion de confirmer, par l’examen de quelques parties des Alpes et de la France, la justesse des vues de son compatriote[81]. Les fossiles qu’il recueillit lui permirent d’établir, entre des points fort éloignés, un parallélisme qui n’aurait pu être aperçu par aucun autre moyen, et que nous verrons aussi constaté dans le même temps par un géologue français. Buckland a donné encore la description d’un groupe de roches isolées, schisteuses et dioritiques, du Cumberland et du Westmoreland, sur la côte orientale d’Appleby, entre Melmerby et Murton[82], et il a fait connaître des corps siliceux de la craie du nord de l’Irlande, désignés sous le nom de Paramondra[83]. Son mémoire sur les quartzites de Lickey (Worcest.) et ses considérations sur les preuves d’un déluge récent dans une grande partie du centre de l’Angleterre ont mis en lumière beaucoup de faits importants[84]. On doit à N. S. Winch[85] un mémoire fort étendu, accompagné de cartes et de coupes sur la géologie du Northumberland et du Durham, mémoire dans lequel il a fait figurer des poissons (Chætodon) provenant du calcaire magnésien de Low-Pallion. Les dépôts contemporains de ce dernier, aux environs de Bristol, ont été étudiés avec soin par W. H. Gilby[86], tandis que C. Cumberland[87] préludait aux recherches de Miller sur les crinoïdes par deux mémoires sur les fossiles de cet ordre, recueillis, les uns aux environs de Bristol, les autres dans le lias de Lyme-Regis. Les calcaires carbonifères des rives de l’Avon et les calcaires magnésiens qui les recouvrent furent également décrits par lui[88]. W. T. Brande[89], qui, vers ce temps, publia les leçons qu’il avait faites, en 1816, à l’Institution royale, ne mentionne nulle part les travaux de W. Smith, et l’on s’étonnerait que le secrétaire de la Société royale fût aussi peu au courant de la science de son propre pays, si, nous n’avions bien des exemples semblables à citer encore ailleurs.

W. Phillips[90] a démontré, mieux qu’on ne l’avait encore fait, la correspondance des couches des deux côtés du Pas-de-Calais ; et les fossiles qu’il avait recueillis, étudiés par Parkinson, ont confirmé les données stratigraphiques. G. Mantell[91] s’est montré le plus fécond et le plus laborieux des successeurs immédiats de W. Smith. Le Sussex et les parties voisines du Kent, qui ont été le champ spécial de ses recherches, lui doivent une véritable illustration et d’être devenus des localités types pour la série crétacée et wealdienne.
Mac Culloch, Jameson, A. Boué, T. Weaver

Malgré leur grande importance géologique, on conçoit que nous n’avons qu’à mentionner ici les travaux étendus de Mac Culloch[92], de Jameson[93] et de M. A. Boué[94] sur l’Écosse, travaux qui sont beaucoup plus minéralogiques, pétrographiques et orographiques que paléontologiques. Et il en est de même du grand mémoire sur les relations géologiques de l’est de l’Irlande, par M. T. Weaver[95], travail accompagné de cartes coloriées et d’une multitude de vues et de coupes qui en font un des plus précieux spécimens de l’état de la science descriptive à cette époque.

Enfin, il nous reste à signaler deux publications d’un grand intérêt, en ce qu’elles résument, chacune sous la forme qui leur est propre, le point où était arrivée la connaissance du sol de l’Angleterre au moment même où se termine notre revue historique.
Greenough.

L’une est la carte géologique de ce pays, dressée par M. Greenough en 1819, presque à la même échelle que celle de Smith. Rien d’aussi complet en ce genre n’avait encore paru en Europe, et l’on ne peut que s’étonner de la-rapidité des perfectionnements réalisés en si peu d’années. Un coup d’œil jeté sur cette carte suffit pour donner la mesure non-seulement de l’avancement de la science dans le pays, mais encore de la distance où elle laissait derrière elle les résultats obtenus partout ailleurs sur le continent.
W. D. Cony-Beare et W. Phillips.

L’autre publication à laquelle nous venons de faire allusion est celle où W. D. Conybeare et W. Phillips exposent, avec une admirable clarté, toute la théorie des terrains secondaire et tertiaire de la Grande-Bretagne[96]. Ils y proclament hautement le principe de la distribution des espèces fossiles en rapport avec l’âge des couchés, et le développent d’une manière plus complète qu’on ne l’avait encore fait.

Les débris organiques, disent-ils dans l’Introduction d’un livre qui restera comme un modèle de sagacité et de la géologie comprise dans son véritable sens, ne sont pas distribués irrégulièrement à travers toute la série des formations, mais, au contraire, répartis par familles, chaque formation contenant une association d’espèces particulières, différentes de celles des autres et l’accompagnant dans toute son étendue, de manière que, sur deux points donnés de l’affleurement d’un même système de couches, on est sur de rencontrer les mêmes associations de fossiles.

Il suffit, pour prouver l’exactitude de cette loi, de jeter les yeux sur deux des principales formations de l’Angleterre, la craie et le calcaire inférieur à la houille ou calcaire carbonifère. Si l’on examine les fossiles de la craie de Flamborough (Yorkshire) et des falaises de Douvres, et l’on pourrait ajouter ceux de la Pologne et des environs de Paris, on trouvera les mêmes coquilles associées aux mêmes échinides, beaucoup desquels appartiennent à des genres inconnus aujourd’hui et qui ne se trouvent point ailleurs que dans la craie. Si l’on étudie de même une collection de fossiles carbonifères du Northumberland, du Derbyshire, du sud du pays de Galles et du Somersetshire, on trouvera qu’ils s’accordent également les uns avec les autres, tels que les crinoïdes, les Productus, les Térébratules, les Spirifers, etc. On les distinguera tous immédiatement si l’on vient à les comparer avec les fossiles crétacés précédents.

Les différences organiques entre ces formations très-éloignées dans le temps sont beaucoup plus prononcées, à la vérité, qu’entre celles qui sont plus rapprochées, mais même dans ces dernières elles demeurent toujours sensibles.

Conybeare et Phillips jettent ensuite un coup d’œil rapide sur la suite générale des terrains d’Angleterre, depuis les plus anciens jusqu’aux plus récents ; ils esquissent à grands traits, mais avec infiniment de justesse et de précision, les caractères les plus généraux des fossiles et des roches des divers termes de cette série, et nous croyons devoir reproduire encore ce passage de leur livre, qui pourra nous servir plus loin de terme de comparaison.

À la base de toute la série se montrent les roches primitives dépourvues de restes organiques, et auxquelles succèdent celles de transition renfermant un petit nombre de polypiers, des crinoïdes et des mollusques différents de tous ceux qui vivent actuellement. Les fossiles du calcaire carbonifère qui vient ensuite sont presque les mêmes que les précédents, mais plus abondants. Les dépôts houillers, qui reposent à leur tour sur le calcaire, offrent à peine quelques traces de coquilles, tandis que les restes de végétaux terrestres y sont très-répandus ; ce sont des fougères, des roseaux, des joncs d’espèces inconnues et des troncs de grands arbres étrangers à la nature actuelle. Le calcaire magnésien qui les surmonte offre encore une faune marine, tandis que la période du nouveau grès rouge semble avoir été presque complètement dépourvue d’être organisés, comme si la nature eût voulu se préparer pour un nouvel ordre de choses. Celui-ci commence avec le lias, continue par les roches oolithiques, les argiles et les sables verts et ferrugineux, peur se terminer à la craie. Toutes ces couches renferment des polypiers, des crinoïdes, des échinides, des coquilles, des crustacés, des poissons et des quadrupèdes ovipares, dont les familles diffèrent souvent de celles qui ont eu des représentants pendant les époques de transition et carbonifère, et dont les espèces diffèrent également d’un système de couches à un autre.

Jusqu’alors les fossiles sont généralement à l’état de pétrification ; mais, au-dessus de la craie, le test des coquilles est plus souvent conservé et ne diffère de celui des coquilles vivantes que par sa fragilité et l’absence de coloration. Des couches remplies de coquilles, d’eau douce alternent avec celles à coquilles marines, comme si elles avaient été déposées successivement dans les eaux douces et les eaux salées. Dans les plus élevées de cette nouvelle série, les coquilles du crag montrent une grande analogie avec celles qui vivent actuellement sur les côtes d’Angleterre ; et, enfin, au-dessus de tous ces strates s’étendent indistinctement des accumulations de sable et de gravier semblables au produit d’un déluge, contenant de nombreux débris de grands mammifères terrestres, dont plusieurs appartiennent à des espèces qui n’existent plus, associées avec d’autres étrangères aux climats où on les trouve actuellement, et avec un certain nombre qui habitent encore sur les lieux mêmes. Les auteurs ajoutent[97] que les lois générales de la distribution des fossiles ont été surtout déduites de la structure géologique de l’Angleterre, le seul pays qui ait été attentivement étudié sous ce rapport. Cette remarque est vraie, en général ; mais nous verrons que, pour le terrain tertiaire intérieur, au moins dans le nord de la France, cette loi avait été reconnue et appliquée dans le même temps, et l’on peut dire d’une manière indépendante de ce qui se faisait de l’autre côté du détroit.

L’esquisse d’une carte géologique d’Angleterre, et surtout les coupes stratigraphiques générales jointes au texte fort concis de l’ouvrage de Conybeare et Phillips, témoignent encore d’une profonde intelligence dans la manière de comprendre et d’expliquer les relations des divers systèmes de couches.
Société géologique de Londres.

Nous ne devons pas non plus omettre de mentionner ici une des causes qui ont le plus contribué au développement et à la bonne direction des recherches dans les Iles Britanniques. La Société géologique de Londres, fondée le 13 novembre 1807, sur les bases les plus larges et les mieux entendues, marchant sur les traces de-sa sœur aînée, la Société Royale, s’est toujours maintenue depuis à la hauteur de la mission qu’elle s’était donnée. Elle a offert l’exemple d’une institution libre, servant en quelque sorte d’école permanente aux uns, ayant des encouragements constants pour favoriser les publications des autres, et décernant ses récompenses spéciales aux plus méritants chez toutes les nations où les sciences sont cultivées.

Les nombreux mémoires qui composent les cinq vol. in-4o de la première série de ses Transactions, imprimée de 1811 à 1821, montrent aussi les qualités d’exécution que nous avons si souvent regretté de ne pouvoir signaler dans les travaux géologiques du continent, c’est-à-dire la multiplicité des cartes coloriées, des coupes ou profils tracés avec soin et dans des proportions relatives se rapprochant de la nature, des vues ou paysages qui contribuent à faire saisir les caractères physiques et l’aspect du pays, enfin tous les détails qui prouvent comment, dès l’origine, cette Société avait compris son rôle, et comment ensuite elle l’a rempli pendant plus d’un demi-siècle, pour le plus grand avantage de tous.
Résumé.

En résumé, ce qui nous frappe dans l’histoire de la géologie stratigraphique et de la paléontologie en Angleterre, et ce qui sans doute a puissamment contribué à l’avancement de la première de ces sciences, c’est que dès le commencement, et surtout depuis 60 ans, tous les géologues ont suivi les principes de W. Smith ; ils ont marché avec le même esprit, guidés par les mêmes lois. Ils n’ont pas supposé que celles-ci pussent être mises en discussion ni suppléées par d’autres ; ils n’ont pas perdu de temps à explorer des chemins de traverse qui n’auraient conduit à rien, ni à des discussions oiseuses ou personnelles. Ils ont parcouru jusqu’à ce jour, avec ensemble, confiance et fermeté, la voie qui leur avait été tracée, ce qui fait honneur à leur bon sens pratique, la première des qualités dans les sciences d’observation, où l’imagination et les idées préconçues sont de si perfides conseillères.


  1. Telluris theoria sacra, orbis nostri originem et mutationem generalem, quam aut jam subiit aut olim subiturus est complectens, in-4. Londres, 1681. — Ed. angl., 1684.
  2. Some observations, etc., in-8. Londres, 1685.
  3. Geologia, etc., in-4. Londres, 1690. — Acta erudit., p. 97 ; 1690.
  4. An answer to the objections, etc. Londres, 1790. — Acta erud., 1691, p. 329.
  5. Three physico-theological discourses, etc., in-8. Londres, 1695. Ed. alt., 1697, 1713,1721 ; éd. all., 1698 et 1756.
  6. En allemand, in-8. Hambourg, 1698.
  7. Observations on the natural history of this world of matter and the world of life, in-8. Londres, 1696.
  8. A new theory of the earth, in-8. Londres, 1696 ; — 2e éd., 1708 ; ─ 4e, 1725. — Acta erudit., p. 535, 1697.
  9. Tractatus de terræmotibus. Londres, 1705. (Dans ses Œuvres posthumes.)
  10. Nouvelles recherches physiques et métaphysiques sur la nature et la religion avec une théorie nouvelle de la terre et une mesure de la hauteur des Alpes ; ─ 2° partie, Nouvelles recherches sur les découvertes microscopiques et la génération des corps organisés. Traduit de l’italien par l’abbé Regley, in-8. Londres, Paris, 1769.
  11. Transact. r. Soc. of Edinburgh, vol. I, 1788. — Le mémoire Sur la durée de la terre avait été lu à cette Société en 1785. Il fut traduit par Iberti et inséré dans le vol. XLII du Journal de Physique (1793). Le traducteur, disciple de la Métherie, opposa au savant écossais le système de cristallisation de son maître. — Theory of the earth with proofs and illustrations, 2 vol in-8 en 4 parties. Édimbourg, 1795.
  12. Explications sur la théorie de la terre, par Hutton, in-8. Édimbourg, 1802. Traduct. française par C. Basset, avec un Examen comparatif du système géologique fondé sur l’eau et sur le feu, par M. Murray, en réponse à l’explication précédente, in-8. Paris, 1815.
  13. Mercurius centralis or a Discourse of subterraneal cockle, muscle, etc., in-12. Londres, 1664.
  14. Pinax rerum natur. Britannic., in-4. Londres, 1667-77, 1704.
  15. Histoire des singularités naturelles de l’Angleterre et de l’Écosse, etc., in-12. Paris, 1667.
  16. Two letters concerning rock-plants, etc. — Philos. transact., vol. II, n° 129, p. 724, 1676. — lb., vol. XIII, p. 150.
  17. Natur. hist. of Oxferdshire, in-f°, 1686.
  18. Historiæ anim. Angliæ tractatus, in-4. Londres, 1678.
  19. Historia seu synopsis methodica conchyliorum, in-f°, 1685-1688.
  20. Philos. transact., vol. V, p. 223.
  21. Ibid., vol. IX, p. 224.
  22. Ibid., vol. VIII, p. 6181, 6191, n° 100.
  23. Ibid., n° 112, vol. X, p. 274.
  24. An essay towards a natural history, etc., in-8. Londres, 1695. ─ 2e et 3e éd., 1702,1723. — Éd. lat. de Scheuchzer. Zurich, 1704. Éd. allem., 1744. — An attempt towards a natural history of the fossils of England, in-8, 2 vol. Londres, 1729. — Acta erudit., p. 348, 1730.
  25. In-8, 25 pl. Londres, 1699. — Leipzig, 1699. ─ Acta erudit., 1609, p. 33. — Editio alt. Oxford, 1760, avec 25 pl.
  26. Nous ne savons pas précisément lequel des deux frères de ce nom, qui furent tous deux chimistes et de l’Académie des sciences, est ici désigné ; l’aîné était professeur au Jardin des Plantes et au Collège de France. On ne peut pas supposer que ce fut le fils de ce dernier, l’auteur du Traité des coquilles des environs de Paris, qui est né seulement en 1725.
  27. Lettres à Lister, Philos. transac., n° 243, p. 279. — Id., sur les fossiles des environs d’Oxford. — Ib., vol. XVII, p. 746, 1693. ─ Id., sur les pierres figurées du pays de Galles. ib., vol. XXI, p. 187.
  28. Philos. transact., n° 266, p. 677.
  29. Ibid., vol. XXII, n° 268, p. 762.
  30. An account of Elephante teeth, ib., XXXV, n° 403. p. 457, 404, 497. — Mém. de l’Acad. r. des sciences pour 1727, p. 305.
  31. Philos. transact., vol. XLVI, n° 491, p. 37.
  32. Ibid., vol. XLIV, n° 482, p. 432.
  33. Ibid., vol. XLIII, n° 475, p. 331. — Hamb. Magaz., vol. I, p. 453.
  34. Ibid., n° 19, p. 329.
  35. Ibid., 1740, p. 352.
  36. The History of fossils containing the history of metals and gems or fossils buried in the earth of deluge, etc., in-f°. Londres, 1748. ─ Voy. aussi : J. Williams, Hist. nat. du régne minér. de la Grande-Bretagne.
  37. Philos. transact., vol. XLIX, p. 155.
  38. Philos. transact., vol. L, p. 396, 1757. — An account of the impressions plants of coals, p. Mendes da Costa, ib., p. 228.
  39. Plantæ in Hortus Favershamiensis, in-12. Londres, 1777.
  40. Philos. transact., vol. XLII, p. 513.
  41. Ibid., vol. XXII, p. 484.
  42. Ibid., vol. XIV, n° 291, p. 1568.
  43. Ibid., vol. XIV, p. 463. — Acta eridut., p. 371, 1685.
  44. Ibid., 1725.
  45. Fossilia Hantoniensia collectz et in museo Britannico deposita G. Brander, in-4, 9 pl. Londres, 1766. — Brander a publié seul une dissertation sur les Bélemnites (Philos. transact., vol. XLVIII, p. 803).
  46. Philos. transact., vol. LXIII, p. 171, 1773.
  47. Descript. and Figures, etc., in-8 avec 16 pl. Bath, 1779. — Voyez aussi : Lettre sur les endroits d’Angleterre où l’on trouve le plus de fossiles (Hordwel, Solbury, environs de Bristol, Ipswieh, ile Sheppey, Farringdon, Reading, etc, ). (Mélanges d’hist. natur. d’Alléon Dulac, vol. I, p. 317, 1765.)
  48. Journ. de Phys., vol. XXVI, p. 113, 1785.
  49. Petrefacta Derbiensia, or Figures and descriptions of petrifications collected in Derbyshire, in-4 avec 52 pl. Wigan, 1809. — Account of some species of fossils Anomiæ found in Derbysh. (Transact. Linn. Soc., vol. IV, p. 14.)
  50. Organic remains of a former world, etc., 3 vol. in-4 avec 50 pl. Londres, 1808-1811.
  51. Transact. geol. Soc. of London, vol. I, p. 324, 1811.
  52. Transact. geol. Soc. of London, vol. II, p. 277, 1814.
  53. A natural history of the crineidea or Lilyshaped animals, etc., in-4 avec 47 pl. Bristol, 1821. — Observations sur le genre Actinocamax (Transact. geol. Soc. of London, vol. II, n° 6, 1811).
  54. General account of the Hunterian museum, in-8. Glasgow, 1813.
  55. Philos. transact., p. 35, 1779.
  56. Hamb. Magaz., vol. II, n° 38, p. 156.
  57. Ibid., vol. XX, p. 129. — Journ. économ. et littéraire, vol. XX, p. 110.
  58. The minerai conchology of Great Britain, etc., 6 vol. in-8 avec 609 pl. Londres, 1812-1823.
  59. Transact. philos. 1814.
  60. Transact. geol. Soc. of London, vol. V, 1e série, p. 559, 3 pl. vol. I, 2e ser., p. 108.
  61. Recherches sur les ossements fossiles. vol. X, p.441 ; Éd. de 1856. ─ Quoique nos citations soient empruntées à la 4e éd. de cet ouvrage que nous avons sous les yeux, elles appartiennent primitivement au texte de la seconde, publiée en 1822.
  62. Transact. philos., vol. XXX, p. 965.
  63. Ibid., vol. L, 1758
  64. Transact. geol. Soc. of London, 2e sér. vol. I, 1822.
  65. Recherches sur les ossements fossiles, vol. X, p. 196.
  66. Ibid., p. 199.
  67. Philos. magaz., 1824. — Geology of Sussex, p. 67, pl. 4, 11, 12, 14, etc.
  68. Pictet, Traite de paléontologie, vol. I, p. 472.
  69. Recherches sur les ossements fossiles, vol. X, p. 197.
  70. Voyez à ce sujet Histoire des progrès de la géologie, vol. VI, p. 108.
  71. Traité de géognosie, vol. II, p. 253, 313, 323. Paris, 1819.
  72. D’Archiac, Hist. des progrès de la géologie, vol. VI, p. 6, 1856. ─ Nous faisons ici allusion aux recherches de sir R. I. Murchison sur le terrain de transition du centre et de l’ouest de l’Angleterre, pour lequel ce savant fit ce que W. Smith avait exécuté pour le terrain secondaire. On ne peut donc refuser à l’école anglaise le mérite d’avoir établi les véritables bases géologiques de la classification des deux séries secondaire et intermédiaire, c’est-à-dire de la plus grande partie des terrains de sédiment.
  73. W. Smith donna successivement trois tableaux de la série des couches qu’il avait étudiées. Le premier remonte à 1799 ; on y remarque plusieurs omissions réparées dans le suivant, qui accompagnait la carte publiée en 1812 ; A geological map of England and Wales with part of Scotland. — Geological table of British organised fossils, etc., 1815
  74. A stratigraphical system of organised fossils, etc., in-4, 1817.
  75. Strata identified by organised fossils, in-4, 1816.
  76. Transact. geol. Soc. of London, 1resérie, vol. I, p. 93, avec carte, 1811.
  77. On the mineral strata of Great Britain. (Monthly magaz., oct. 1812.)
  78. On the freshwater formation, etc. — Transact. geol. Soc. of London, vol. II, p. 161, pl. 9-11, 1814.
  79. Ibid., vol. V, p. 353, 1821.
  80. Ibid., vol. IV, p. 277, avec carte et coupes, 1817.
  81. Ann. of Philosophy. Juin, 1821.
  82. Transact. geol. Soc. of London, vol. IV, p. 105, 1817.
  83. Ibid., p. 412.
  84. Ibid., 2e part., p. 506.
  85. Ibid.
  86. Ibid., p. 210.
  87. Ibid., vol. V, p. 87, pl. 22 (1821) et p. 379.
  88. Ibid.., p. 95.
  89. Outlines of geology, etc., in-8 avec coupes. Londres, 1817.
  90. Transact. geol. Soc. of London, vol. V, 1820, — Parkinson, Remarks on the fossils, etc., ibid., p. 52.
  91. The fossils of the South-Downs or illustrations of the geology of Sussex, in-4 avec 42 pl. de cartes, coupes, vues et fossiles. Londres, 1822. — Illustrations of the geology of Sussex, in-4 avec carte, coupes et 20 pl. de fossiles in-4. Londres, 1827. ─ The geology of South-East of England, in-8. Londres, 1833.
  92. A description of the Western islands of Scotland, including the isle of Man, etc., 2 vol. in-8 et 1 vol. de planches, vues et coupes. Édimbourg, 1819. — Observations sur le mont Cruacham, dans le comté d’Argyle (Transact. geol. Soc. of London, 1re série, vol. IV ; 2e part., p. 117 ; 1817). — Corrections et additions à l’Esquisse de la minéralogie de l’ile de Sky (insérée dans le vol. III), ibid., p. 156. ─ Observations sur la colline de Kinnoul (Perthshire) (ibid., p. 220). et surtout son travail si original et si complet sur les Parallel roads of Glen-Roy, accompagné de cartes et d’excellents dessins, qui ont fait connaître l’un des plus curieux phénomènes de l’époque quaternaire, si peu apprécié jusque-là. (Ibid., p. 314.)
  93. Outlines of the mineralogy of the Scotish isles, etc., 2 vol. in-4. Édimbourg, 1800. — Ed. allem. Leipzig, 1802. — Mineral descript. of Scotland, in-8. Édimbourg, 1804. — Geological travels through Scotland, Orkney and western Islands, 2 vol. in-8. Édimbourg, 1820.
  94. Essai géologique sur l’Écosse, in-8 avec 2 cartes et 7 pl. de coupes. Paris, 1820.
  95. Transact. geol. Soc. of London, 1re sér., vol. V, p. 117 ; 1819.
  96. Outlines of the geology of England and Wales, in-8 avec une carte et des coupes. Londres, 1822.
  97. Introduction, p. 13.