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Journal (Eugène Delacroix)/15 octobre 1854

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 478-479).

15 octobre. — Dîné chez Barbier avec Dagnan, les Marseillais Pastré, Pascal, Genty de Bussy, etc.[1], Villot aussi.

Dagnan raconte l’histoire du duel du maréchal Maison, quand il n’était que garçon tapissier, et qui a probablement décidé de sa vocation militaire.

Tous les jours se passent à travailler le matin.

J’aurai presque entièrement fait les trois tableaux que j’avais apportés en projet, les toiles encore fraîches. J’avais le Christ dormant pendant la tempête, Combat de lion et de tigre, Marocain montant à cheval ; en outre, avancé le Polonius et l’Hamlet (sur carton), une Odalisque, d’après un daguerréotype et que j’ai apportée ébauchée.

Je m’impose, et cela me réussit, de ne rien finir que l’effet et le ton soient complètement trouvés, allant toujours, redessinant et corrigeant, et le tout au gré de mon sentiment du moment ; et au fait, y a-t-il rien de plus sot que d’aller autrement ?… Mon sentiment d’hier peut-il me guider aujourd’hui ? J’ignore la manière des autres. Celle-là seule est faite pour moi. Quand tout a été conduit de la sorte, le fini n’est rien, surtout quand on a des tons qui rentrent tout de suite dans ceux déjà trouvés. Sans cela l’exécution perdrait sa franchise, et l’on gâterait la vivacité des touches de sentiment qui ne semblent alors presque pas modifiées.

Avant de repeindre, il faut enlever les épaisseurs.

  1. Genty de Bussy, administrateur et homme politique, devint conseiller d’État, et siégea à la Chambre des députés de 1842 à 1848, époque où il rentra dans la vie privée et fut mis en disponibilité.