Journal (Eugène Delacroix)/5 juin 1854

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 369-370).

Lundi 5 juin. — Chez Mme de Forget le soir ; le jeune d’Ideville[1] me disait que mes tableaux se vendaient très bien : le petit Saint Georges[2], qu’il appelle un Persée, que j’avais vendu à Thomas quatre cents francs, s’est vendu mille deux cents francs en vente publique ; Beugniet lui a demandé la même somme du petit Christ, qu’il a eu pour cinq cents francs ; mais ce sont les Juifs[3] qui profiteront toujours de tout cela.

— Dernière séance du conseil de revision. Vu avec plaisir de belles natures, des remplaçants. On leur trouvait mille défauts ; c’est le contraire pour les autres.

  1. Henri-Amédée le Lorgne, comte d’Ideville (1830-1887). Il débuta dans la diplomatie, puis entra, en 1870, dans l’administration, qu’il quitta bientôt, pour s’adonner exclusivement à la littérature.
  2. Voir Catalogue Robaut, no 1241.
  3. Nous recommandons tout particulièrement aux lecteurs qui voudront être pleinement édifiés sur ce qu’avance Delacroix, de parcourir le Catalogue Robaut, qui donne, chaque fois que le renseignement a pu être obtenu, le prix d’achat des tableaux, et les différents chiffres qu’ils ont atteints dans les ventes successives. Lors de la disparition de Millet, on a été pris d’une belle crise d’indignation contre les marchands de tableaux, en songeant aux bénéfices qu’ils avaient réalisés avec les œuvres de ce maître. On pourrait faire, et tout aussi justement, les mêmes observations au sujet d’Eugène Delacroix. Plusieurs passages du Journal sont d’ailleurs pleinement significatifs. N’est-ce pas l’histoire de presque tous les grands peintres ?