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L’Âme des saisons/Credo

La bibliothèque libre.
Veuve Fred. Larcier, Editeur (p. 222-224).
CREDO


D’abord hautbois légers et flûtes de bergers
Et gazouillis de mois de mai dans un verger,
Car aussi bien ce n’est encore que l’Eglise
Naissante, avec le charpentier à barbe grise,
Notre-Dame la Vierge aux jointes mains fluettes
Et les gais pastoureaux soufflant dans leurs musettes...


Mais voici retentir l’âpre appel des buccins !
Car ici c’est le sang de l’Eglise en fontaines
Jaillissant, comme un vin impétueux, du sein
Des vierges expirant au sable de l’arène,
Car ici c’est le sang de l’Eglise romaine
Qui fait monter au front du proconsul rêveur,
Mélancolique et las, une faible roseur...
 
Et voici résonner des trompettes de gloire !
Le concile assemblé, tonnant dans l’ombre noire,
Disperse à coups d’éclairs les nuages broyés,
Jusqu’à ce qu’en l’azur du ciel purifié,
Au-dessus des camails et des mitres gemmées
Et des bras étendus et des crosses levées,
Les dogmes éclatants et beaux prennent l’essor
Majestueusement, comme un vol d’aigles d’or.
 
O Seigneur Christ, nous avons cru et nous croirons.
Vous êtes Fils de Dieu, et nous le confessons.
Pourquoi chancellent-ils, ces Balthazars en fête,
Et tous ceux-ci, faux dieux, faux sages, faux prophètes ?
Votre droite a dardé la foudre sur leurs fronts...
O Seigneur Christ, nous avons cru et nous croirons.


Gloire selon la chair, gloire selon l’esprit !
Nous ressusciterons, ainsi qu’il est écrit.
Nous attendons l’appel des trompettes suprêmes
Qui, ravivant la boue et les ossements blêmes,
Feront bouler vers les collines de Sion
L’océan éperdu des générations.

Gloire selon la chair, gloire selon l’esprit !
Alors vous paraîtrez, ô Seigneur Jésus-Christ,
Au-dessus des nuées, armé de la Balance.
Votre droite, en l’ampleur calme d’un geste immense,
Séparera, selon le verdict absolu,
La meute des damnés du troupeau des élus.
 
Gloire selon la chair, gloire selon l’esprit !
Votre règne est sans fin, ainsi qu’il est écrit.
L’enfer brûle, et le feu rugissant du supplice
Anéantit le mal à force de justice.
Le ciel soleille, immense, éclatant, radieux,
Incendié par l’œil et par le cœur de Dieu.
Et tous les saints, massés en profondes phalanges,
Avec les millions et les millions d’anges,
Et tout ce brasier d’or formé des cœurs élus,
Et tout cet hémicycle étincelant acclame,
Avec des yeux d’extase et des bras éperdus,
Avec le roulement d’un tonnerre absolu,
La palpitation du Triangle de flamme !