Aller au contenu

L’Âme des saisons/De la musique intérieure

La bibliothèque libre.
Veuve Fred. Larcier, Editeur (p. 5-7).
DE LA MUSIQUE INTÉRIEURE


Symphonialis anima...
(Les Victorins)


Ce qui convient, c’est dans ton cœur une musique,
C'est une calme, c’est une douce musique,
— Harpe, triangle et flûte, — en tout temps, en tout lieu,
Qui dissuade et qui conseille sans réplique,
Pour que ton geste soit ordonné selon Dieu.
 
Car il faut que tu sois rythmique devant Dieu,
Comme le lis qui s’ouvre au soleil et dédie
Sa coupe immaculée en toute mélodie.
Or, pour vivre à souhait ce songe très chrétien,
C’est dans ton cœur une musique qui convient...


Très douce et par ton souffle intime modulée,
Sur tes pensers et sur tes actes déroulée,
Noyant cris et sanglots en l’hosanna du chœur,
Huile sur la tempête et baume sur la plaie
Et rangeant toute chose à sa place en ton cœur.
 
Ainsi tu marcheras dans la paix de ton cœur,
Et ta bouche n’aura que de bonnes paroles,
Ton front sera riant et tes yeux bénévoles,
Et tes mains ne feront pas mal aux malheureux,
Aux malades qui n’ont pas de musique en eux…
 
Certainement la vie a de rudes étreintes,
Elle a certainement de cruelles étreintes,
Et te fera frémir d’angoisse et grelotter…
Heureux pourtant qui de son cœur, au lieu de plaintes,
Sent une évangélique musique monter !

Que si l’impétueuse allégresse claironne,
Trop bruyamment et trop étourdiment claironne,
Il faut aussi, rétablissant l’ordre voulu,
Qu’une grave musique en sourdine bourdonne
La souveraineté calme de l’Absolu.


Et sache, ô toi fidèle à fixer l’Absolu,
Et sache sans gémir, et sache attendre l’heure
Où les harpes de la musique intérieure
Dilateront ton âme à remplir le ciel bleu
Devant l’éternité du Triangle de feu !

1896.