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L’Âme qui vibre/L’Hôte empressé

La bibliothèque libre.
E. Sansot et Cie (p. 18).

L’HÔTE EMPRESSÉ

Il n’est pas ici bas de plus grands paresseux
Que ceux qui font rimer les lignes deux par deux :
Ils sont forts pour rêver, mais, du rêve à la plume,
Des charbons de la forge au marteau de l’enclume,
Ils trouvent le moyen de traîner si longtemps,
Que, pour battre le fer, souvent il n’est plus temps.
C’est qu’ils en ont des plans et des espoirs en tête !
Leur âme est tous les jours comme un village en fête
Où l’on chante, où l’on noce, où l’on rit, où l’on boit.
Un passant frappe-t-il ? Sur l’heure on le reçoit.
Puis on accueille ainsi tous les passants ; de sorte
Que le logis est plein jusqu’au pas de la porte.
La maison du village est l’âme des rimeurs,
Ceux qui frappent à l’huis : les passants, les rôdeurs,
Sont les rêves qui vont les assaillant sans cesse.
Plus le logis est grand, plus le rêve s’y presse.
Et le poète, alors, souriant à chacun,
Voulant les servir tous, n’en satisfait aucun.