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L’Âme qui vibre/Moi : je m’amuse à la poupée

La bibliothèque libre.
E. Sansot et Cie (p. 54-55).

MOI, JE M’AMUSE À LA POUPÉE

Sans prendre garde à l’ouragan
Qui fouettait mes vitres fermées,
Moi, j’ai fait Émaux et Camées.

Théophile Gautier.


C’est à ma fille qu’on la donne, et puis c’est moi
Qui m’en amuse ;
Et puis c’est moi qui la promène par le doigt,
Je suis l’enfant, je m’en accuse.

Et puis, pourquoi n’aurais-je pas le droit d’avoir
Une poupée ?
Ai-je un jour, par hasard, essayé de savoir
À quoi vos mains sont occupées ?

Moi, je m’amuse à la poupée, et c’est mon droit,
Et c’est ma joie.
Et certes, je ne suis pas du tout maladroit
Pour changer ses robes de soie.

Et certes, pas un seul ne comprend ici bas
Mieux leur langage,
Je vous assure aussi qu’elle ne bronche pas
Quand je lui dis : « Vous, soyez sage. »

Et quand je lui fais les gros yeux ! Oh ! mes amis,
Quand je m’emporte !
Si vous pouviez la voir, avec ses airs soumis,
Comme elle sait faire la morte.

Et oui ! je m’en confesse, et je m’en réjouis
L’âme ingénue.
Et oui ! pendant que tous prêtent l’oreille aux bruits
Que l’on peut faire dans la rue ;

Pendant que l’on se larde, au pied de ma maison,
De coups d’épée ;
Entre deux vers, sans m’occuper de la saison,
Moi, je m’amuse à la poupée.