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L’Écho foutromane/02

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Aux dépens des fouteurs démagogues (Gay et Doucé) (p. 31-42).

L’Écho foutromane, 1880, Bandeau de début de chapitre
L’Écho foutromane, 1880, Bandeau de début de chapitre

LE SECRET
DE
MADAME CONLÊCHÉ

OU
L’ORIGINE DES CHIENS MANCHONS.


J’ai promis au dieu Priape, et particulièrement à ma belle maîtresse, de tracer le tableau d’une jeune femme qui, mariée dès son enfance et devenue veuve presque aussitôt, n’a pas encore connu charnellement, soit par les personnes de son sexe, soit par celles du nôtre, ni amant, ni époux, ni branleur, ni tribade, n’a pas même cédé aux offres de son doigt officieux, et cependant jouit de tous les avantages qu’un tempérament robuste et brûlant procure par l’exercice d’un coït mis sans cesse en action.

Ma belle maîtresse s’écrie déjà au phénomène ; ou plutôt, intérieurement et cela par politique, pour avoir l’air de ne pas ressembler au reste des femmes ; bref, pour ne pas me contredire, elle révoque en doute la vérité de mon assertion. Eh ! je le lui pardonne ainsi qu’à toutes celles qui sont tentées de se mettre en son parti, comptant que dès que le secret de la beauté en question sera dévoilé, elles se rangeront à mon avis et s’émerveilleront peut-être, d’un commun accord, au sujet de cette invention qui, sans contredit, connue de quelques-unes, mérite d’être adoptée par toutes.

Madame Conlêché, très joliment gratifiée par cet enfant malin, qui est le dispensateur des grâces et de la beauté, des dons précieux et inestimables qui les caractérisent, est propriétaire d’une taille svelte parfaitement bien dessinée, des formes les plus heureusement prononcées ; des traits réguliers du pinceau le plus séduisant, de la sensibilité dans leur ensemble, une langueur quasi permanente dans les yeux ; voilà des armes plus qu’il n’en faut pour tout conquérir, et c’est là l’heureux partage de cette Laïs moderne.

Oserai-je détailler des charmes plus secrets, plus attachans sans doute, qui ne mériteroient pas moins que les autres d’exercer les crayons et la touche moelleuse des maîtres en l’art de peindre.

Ô ! Marie-Antoinette ! digne épouse du bon Louis ; souveraine des cœurs qui connoissent les charmes de ta jouissance céleste ; sublime Priapine, n’en sois point jalouse. Je poursuis :

Non loin d’un cou d’ivoire, un peu au-dessous, on admire deux petits sommets mouvans l’un à côté de l’autre, mais assez distans pour n’avoir aucune communication trop immédiate entre eux ; on les prend volontiers, au premier coup d’œil, pour deux blocs de marbre blanc ciselés, arrondis par le divin sculpteur, ce fabricateur insigne des instrumens chéris de la volupté ; mais dès que les sens sont parvenus à s’assurer de la réalité par le tact ou par un regard plus réfléchi, la vue et la main ne peuvent être plus longtemps abusés ; celle-ci, par une chaleur vivifiante, et l’autre à l’aspect d’un mouvement perpétuel qui, semblable au balancier d’une horloge, appelle à chaque instant l’heure du plaisir ; et l’on reconnoît bientôt deux tétons brûlans, surmontés chacun d’un bouton de rose. Au-dessous de ces deux monts, dont la blancheur, la rondeur, la dureté, la mobilité seroient seuls capables d’exalter l’indifférence même, est une coupe dans laquelle les dieux seroient jaloux de boire le nectar : c’est ce que le froid anatomiste appelle nombril. Une plaine assez étendue en borde les avenues, et sert de promenade aux Amours ; elle est terminée plus bas et au pied d’un monticule qui en est couvert par un taillis ; tout près de là, est cette fontaine d’où coule une liqueur supérieure ; c’est là que Titon pour s’en être trop enivré perdit tout à coup sa jeunesse ; c’est à proprement parler ce que la grosse sensualité des gens grossiers nomme un con.

Décrirai-je ici deux fesses telles que mes yeux en ont dévoré l’image et que mes lecteurs doivent se les figurer ; car ne pouvant leur étaler ce cul blanc, ferme et veiné, c’est à l’imagination à faire les frais de la peinture ; mais que sert d’en parler, si les regards séduits et enivrés n’en mesurent le contour, n’en réfléchissent l’éclat ! Eh ! que dis-je ! arrêtons… il n’est plus temps ; la digue est rompue ; mon esprit s’élance : il se pénètre des beautés qu’il indique ; il s’attache à une illusion voluptueuse, et la réalité n’est peut-être pas au-dessus. Tel est l’abrégé d’une très petite partie des charmes de madame Conlêché.

Mariée à la fleur de son âge, belle et vierge, quelle fête la première nuit des noces pour un jeune con qui s’attend à immoler aux autels du dieu le plus aimable et le plus reconnoissant, un pucelage à peine éclos ! Cette nuit mémorable, cette nuit délicieuse étoit celle qui suivit la grande journée des révolutionnaires françois, le 14 juillet 1789. En s’unissant à un François ce jour-là, il falloit présumer qu’elle épousoit un héros ; et la nuit qui suivoit cet hymen, devoit, par la même raison, mettre dans son conin le vit brûlant et victorieux d’un Hercule.

C’est le présage qui s’en présentoit naturellement ; c’est du moins l’idée chatouilleuse qu’elle conçut d’un homme qui devoit entrer dans son lit en sortant de la conquête de la Bastille et l’enfiler, après avoir mis le despotisme en déroute : il est bien certain que des hommes régénérés sont des demi-dieux bandans, par conséquent plus que des hommes ordinaires.

La jeune épouse voit arriver ce moment heureux et terrible en tremblant et en tressaillant tout à la fois ; son époux, à l’issue de la cérémonie de l’Ego vos conjungo, s’étoit dérobé d’entre ses bras, après les embrassemens les plus tendres, après lui avoir manié les tétons, pris le cul, pâtiné le con, éparpillé la motte ; après l’avoir claquée, après lui avoir montré son vit bandant et prêt à lui percer le ventre, après avoir visité toutes ses nouvelles possessions ; enfin, après s’être abstenu, non sans de grands combats, de l’enconner vingt fois de suite, pour mieux la fêter pendant toute la nuit. Eh ! à combien de reprises, l’eau ne lui en vint-elle pas à la bouche et le foutre au bord du con !

Cet époux jeune et ardent s’étoit transporté sous les huit tours de la Bastille, et content d’abattre le despotisme avant de combattre un pucelage, il vouloit, en franc patriote, mêler quelques branches de laurier à la couronne de myrte que l’amour lui préparoit dans les bras de sa femme ; son patriotisme ne fut pas récompensé : un plomb meurtrier, vomi par une bouche infernale, vint frapper ce malheureux, précisément au-dessous du bas-ventre ; et lui enlevant ses deux testicules, ne lui laisse que la moitié d’un vit qui, cette nuit même, destiné à soutenir des assauts non moins pénibles et tout aussi périlleux peut-être, devoit tout seul opérer une révolution d’une autre espèce en changeant une fille en femme.

Il ne respire un instant dans cet état déplorable que pour gémir sur son épouse et pour pester contre l’aristocratie qui, plutôt que de le dégrader de la sorte, n’avoit pas préféré de lui percer le cœur. Ce vœu qu’un pareil malheur lui arracha ne fut pas perdu. Il ne tarda pas à être atteint d’un coup mortel ; il succomba comme un châtré, mais en vainqueur. Sa mort fut pour ainsi dire le signal de la victoire,

Cependant, madame Conlêché qui, tantôt pâlit de crainte et d’horreur, et tantôt s’émerveille au récit des grands événemens de cette fameuse journée, compte les heures et les instans, sans se douter de la malheureuse catastrophe qui la priva pour jamais d’un bien qui lui étoit acquis ; d’un vit qu’elle a manié et dont elle n’a pas joui. Semblable en cela à Tantale qui mouroit de soif et de faim au milieu de l’abondance, ses yeux langoureux et son conin à moitié ouvert par le sentiment du plaisir, ont dévoré un vit tout prêt à le rassasier de son divin nectar : elle alloit goûter de ce morceau appétissant. Eh bien ! une fatale destinée entraîne tous les vits guerriers sous les murs du despotisme ; l’esprit de la liberté qui les anime l’emporte sur les cons béants ; et puis qu’arrive-t-il ? Tous sont à peu près à la vérité ce qu’on appelle libres, et plusieurs sont foutus ; mais malheur à la beauté qui voit s’avancer la luxurieuse perspective dont ses désirs ardens l’avoient percée : comme elle va maudire cette glorieuse journée ! Ah ! s’il est permis d’être aristocrate, c’est bien dans cette circonstance.

Eh ! comment ne pardonneroit-on pas à une femme de maudire une révolution qui lui enlève inopinément tout ce qu’une première nuit de noces lui faisoit espérer de volupté dans les bras d’un homme ! Hélas ! il l’eût pressée, il l’eût enfilée de proche en proche (un pucelage veut être caressé et ravi avec des précautions, et non brusqué et arraché sans ménagement) ; et par des trémoussemens réitérés, aiguillonnant, excitant les sources du plaisir, il les eût fait jaillir de son sein avec des soupirs entrecoupés ; elle eût été émue, un frissonnement extatique se fût emparé de ses membres, et elle se fût trouvée plongée dans un torrent de délices.

Cette épouse infortunée se flatte pendant la moitié du jour du retour de son ami ; pendant l’autre moitié, elle craint tout. Enfin la nuit venue, et ne le voyant pas paroître, elle gémit, elle pleure, se désespère, l’attend au milieu des larmes qui la suffoquent, comme si elle pressentoit son malheur avec certitude ; elle se déshabille toute nue ; ensuite, dans cet état, ayant néanmoins toujours l’espérance qu’il ne peut tarder, elle se promène dans sa chambre. Les glaces réfléchissent mille charmes capables d’animer les témoins muets qui l’entourent. Qu’elle étoit belle ! Elle-même, tout profondément affligée qu’elle étoit, ne pouvoit se défendre de se contempler, et ses appas avoient l’art de distraire sa douleur.

Enfin elle s’étend sur son lit, elle s’agite en cent manières, elle prend diverses attitudes qu’elle renouvelle sans cesse, et l’idée d’un plaisir qu’elle ne peut connoître seule et que cette fatale nuit lui devoit, la met hors d’elle-même. Ô nuit cruelle et désastreuse ! Que tu lui parus longue ! Elle ne put clore ses paupières larmoyantes ; elle fut debout de grand matin ; les pleurs la suffoquoient, et ne pouvant résister à ses maux et surtout à son tempérament abusé, elle passe dans un appartement voisin comme pour échapper à l’idée des plaisirs, dont son lit devoit être le théâtre, se jette sur son canapé et fond en larmes.

Favori, son chien fidèle, dont nous n’avions pas encore eu occasion de parler, veut partager les chagrins cuisans de sa maîtresse : il monte sur le canapé où elle étoit négligemment penchée, l’escalade, suce, l’un après l’autre, les deux boutons de rose de son sein, et par mille caresses où il se confond, il interroge sa tristesse ; elle ne peut s’empêcher de soupirer et d’éprouver une sorte de sensualité aux baisers de Favori ; mais une démangeaison très vive se fait sentir à cette partie luxurieuse, où réside la volupté et où elle n’avoit pas encore osé porter la main.

Elle relève précipitamment ses jupes et sa chemise jusques au haut du ventre ; son doigt se porte sur les bords de ce bassin enchanteur, il alloit se plonger dans l’intérieur. Je ne sais quel instinct y conduit Favori qui, avec sa langue lancée jusqu’au fond, lui fait éprouver les sensations les plus luxurieuses et les plus extraordinaires ; elle s’étend aussitôt tout de son long ; elle écarte les cuisses avec une agilité inconcevable ; elle soupire, se trémousse avec effort, et le petit Favori, toujours à son poste, la gamahuche avec une intelligence sans égale et la fait décharger de la manière la plus sensuelle, sans qu’il y paroisse l’instant d’après.

L’Écho foutromane, 1880, Figure 6
L’Écho foutromane, 1880, Figure 6

C’est ainsi que madame Conlêché qui, par la suite, n’a pu douter de la perte de son mari, a trouvé le moyen de s’en consoler sans l’avoir fait suppléer, et même ne maudit plus la Révolution que pourtant elle n’aime pas.

Quelque temps après, une ancienne amie, qui sortoit de faire son noviciat en l’hymen, étant venue la voir, tâchoit de la consoler par toutes sortes de raisons empruntées de la nature même de son affliction, et toutes très solides ; et comme entre autres conseils officieux elle lui donnoit celui de s’attacher un aimable cavalier, qu’elle lui indiquoit, et que la veuve juroit de ne jamais plus connoître d’hommes, le petit Favori se glisse sous les jupes de cette conseillère, qui avoit les deux pieds sur les chenets, et par une infidélité impardonnable, à moins que ce ne fût une méprise, comme je l’ai toujours pensé, il va droit au con pour y exécuter sa manœuvre ordinaire.

La jeune amie qui n’étoit pas initiée au mystère, jette un cri, se lève, se trousse, croit avoir un rat sous sa chemise (on sait que c’est la bête d’épouvante de toutes les femmes), et n’aperçoit à ses pieds que Favori, qu’elle ne peut soupçonner d’une pareille incongruité. Madame Conlêché sourit, pour la première fois depuis son malheur, gronde Favori, et instruit son amie, qui se prit à rire de bon cœur et de la fausse frayeur qu’elle avoit eue, et du plaisir dont elle s’étoit privée.

C’est de cette charmante inconnue que nous tenons cette anecdote ; elle nous a assuré que, surtout depuis cette aventure, telle dame qui a un joli Favori le met au fait de cet innocent exercice qui, depuis quelque temps, selon l’observation de quelques Sigisbées peu favorisés, semble les avoir singulièrement multipliés au sein de Paris.