Aller au contenu

L’Émigré/Lettre 172

La bibliothèque libre.
P. F. Fauche et compagnie (Tome IVp. 241-243).


LETTRE CLXXII.

Séparateur


Melle Émilie
à la
Comtesse de Longueil.


Le délire a subsisté toute la nuit et a duré encore ; les plus effrayantes convulsions se sont jointes à cet état, et le médecin désespère. C’est tout ce que je puis faire que de rester un quart d’heure de temps en temps dans sa chambre : le spectacle est affreux ; elle s’est mise cette nuit, le visage tout en sang ; elle fait des cris qui sont entendus au fond de la cour. J’ai frémi lorsqu’en entrant ce matin, je l’ai entendu dire : « on coupe ses cheveux, qu’on me les donne… ah ! gardez tout bourreaux ! » Le médecin vient d’entrer, il a prié le père et la mère de la Comtesse de sortir, et a fait refuser la porte au Commandeur. Il s’est ensuite approché de la malade et a levé les yeux au ciel. Je lui ai demandé s’il y avait quelque nouvel accident. Hélas ! m’a-t-il dit, elle a des soubresauts dans les tendons, c’est un symptôme bien fâcheux ; sortez de grâce, Mademoiselle. Je n’ai pas voulu la quitter, et je me suis fait apporter à dîner dans son cabinet de toilette. Adieu, Madame, à demain : mes yeux sont enflés et ma tête est étonnée ; il semble qu’elle va se fendre. Vous êtes attendue par toute la famille, avec bien de l’impatience, et je suis au désespoir de ne pouvoir me trouver à votre arrivée ; mais vous savez que je suis obligée de me rendre pour deux jours à Mayence. Vos soins ne laisseront rien à désirer pour notre amie, et je vous conjure de me donner de ses nouvelles demain au soir. Adieu, Madame.

Séparateur