L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/L’auteur s’étonne de ceux qui ne foutent point

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Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 27).

L’AUTEUR S’ÉTONNE DE CEUX QUI NE FOUTENT POINT

Je ne m’étonne pas de ceux qui amassent de l’argent,
Qui s’éreintent, se déhanchent à soulever des trésors,
Ni de ceux qui s’essoufflent pour les honneurs,
Ni de ceux qui par amour deviennent fous ;

Pas davantage de certaines gens relâchés
Qui mangent et boivent comme des traîtres,
Ni de ces désespérés de joueurs
Qui mettraient en un jour la maison à sac ;

Savez-vous de qui je m’étonne à toute heure,
De qui je me sens compassion ?
C’est de ceux qui en aucun temps jamais ne foutent.

À ces gens-là, lorsque j’y réfléchis,
Je vois qu’il n’est nulle autre récompense
Que de maintenir chez eux la tentation.