Aller au contenu

L’Académie des dames/05

La bibliothèque libre.
A Venise chez Pierre Arretin [après 1770] (p. 94-234).

Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Bandeau-02


CINQUIEME

ENTRETIEN

ACADÉMIQUE.


Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-03
Chorier - L’Académie des dames, 1770, Séparateur-03
OCTAVIE, TULLIE.


Tullie.


AH ! ma très-chere, ſois la bien venue : j’arrivai hier de la campagne, où j’ai laiſſé Oronte, & j’étois dans la plus grande impatience du monde de te revoir. Eh bien, quoi ! que dit le cœur ? mais comment eſt-ce que tu viens ſi tard ?

Octavie.

Je viens, ma Couſine, dans le deſſein de paſſer la nuit avec vous ; je vous jure que les quinze jours qu’il y a que je ne vous ai vue, m’ont duré un ſiecle, bien que je les aye paſſés dans les plaiſirs. J’ai trouvé dans les embraſſements de Pamphile toutes les douceurs que vous m’en aviez fait eſpérer : il a fait ſon devoir en galant homme, & a combattu avec tant de vigueur, qu’il a été obligé d’aller à la campagne prendre un peu de repos, & ſe délaſſer de ſes courſes. Enfin, ma très-chere, j’ai tout ſujet d’en être contente.

Tullie.

J’en ſuis ravie, ma mignonne ; mais je ſuis encore plus aiſe de ce que nous coucherons cette nuit enſemble, & que nous pourrons librement nous entretenir de nos amours : il me tarde déja que nous ne ſoyons au lit, afin de t’embraſſer, & d’entendre le récit de ce qui s’eſt paſſé entre Pamphile & toi. Mais couchons-nous donc.

Octavie.

Je le veux, de tout mon cœur, ma très-chere, & je ſouhaiterois pouvoir répandre dans ton corps, les mêmes torrents de volupté dont le mien a été arroſé ; je voudrois qu’il pût être auſſi ſenſible à ces plaiſirs, que ton eſprit le ſera par le récit que je te ferai. Me voici tantôt déshabillée.

Tullie.

Et moi auſſi ; mais il faut quitter ta chemiſe, il n’eſt rien tel que de ſe coucher nud à nud.

Octavie.

Eh quoi, badine ! tu me la tires ; laiſſe-la-moi donc ôter à moi-même. Ah, Dieux ! comme tu te jettes à mon col, jambe de-çà, jambe de-là ! je crois que tu es folle : mettons-nous donc au lit.

Tullie.

Eh bien, nous y voici, mon petit cœur ; baiſe-moi donc bien tendrement.

Octavie.

Tant de baiſers que tu voudras ; mais, de grace, retire cette main adultere de cet endroit… voudrois-tu ainſi ſouiller une jeune mariée ?

Tullie.

Sotte ! qu’as-tu à craindre ici avec moi ? laiſſe-moi prendre le divertiſſement que je ſouhaite ; j’ai laiſſé tout exprès ces flambeaux allumés, afin que ma vue eût ſon plaiſir, auſſi-bien que les autres ſens.

Octavie.

Mais, Tullie, eſt-ce que les loix de l’amitié ne doivent pas céder à l’amour conjugal ? Si je ſouffre à préſent, que tu jouiſſes de mon corps, comme tu as déja fait, n’offenſerai-je point mon mari ?

Tullie.

Es-tu capable d’une ſi ſotte réflexion ? mais quoi ! tu n’as plus rien à me reprocher : ah, ah, ah !

Octavie.

Quoi ! qu’as-tu à rire ainſi ?

Tullie.

Ah, Dieux ! quelle métamorphoſe ! cette petite fente où étoit le ſiege de ton pucelage, eſt changée dans une autre d’une étendue prodigieuſe. Ah ! bonté de Vénus ! quelle ouverture ! ouvre un peu les cuiſſes.

Octavie.

Eh bien ! que veux-tu, badine ? j’obéis.

Tullie.

Ah ! que le Con d’une femme eſt différent de celui d’une vierge ! Ah ! ah ! Dieux ! quelle entrée ! je crois que je pourrois même y paſſer toute la main.

Octavie.

Eh, eh, eh, tu me mets toute en feu, Je n’en puis plus, ſi tu ne te retires. Veux-tu que je commette un adultere entre tes mains, moi qui aimerois mieux mourir, que de violer la foi que j’ai promiſe ?

Tullie.

Nous verrons dans la ſuite ſi ces ſentiments dureront. Cependant laiſſe-moi admirer ce prodigieux changement : non, je crois que de tous les hommes il n’y a que Pamphile qui puiſſe remplir cette foſſe. Tu es beaucoup plus ouverte que moi ; bien que j’aye déja eu un enfant, & que je me ſois ſouvent divertie avec pluſieurs : je crains même que cela ne te rendra inhabile au plaiſir.

Octavie.

Que m’importe, pourvu que Pamphile en ſoit content, & que ſon inſtrument ſoit proportionné à mon fourreau : car c’eſt pour lui ſeul qu’il s’eſt fait un chemin, & non pas pour les autres. Ce qui eſt néanmoins ſurprenant, c’eſt qu’avec toute cette largeur, la derniere fois qu’il me chevaucha, il s’écria que je le preſſois par-tout, qu’il étoit autant à l’étroit que ſi je l’euſſe ſerré entre mes mains. Enfin, il diſoit que le plaiſir qu’il reſſentoit, ne pouvoit pas être plus grand.

Tullie.

Et toi, que diſois-tu ?

Octavie.

Je ne parlois point, mais je l’animois par mille baiſers que je lui donnois tendrement ; je le ſoulageois par mes ſecouſſes, & par de petits mouvements de feſſes, que je faiſois de temps en temps.

Tullie.

Ah ! ſi tu voulois, ma chere, raconter tout ce qui ſe paſſa depuis le commencement de vos ébats juſqu’à la fin, que tu me donnerois de ſatisfaction !

Octavie.

Je le veux, ma Tullie, puiſque je ne puis me remettre en penſée ces doux paſſe-temps, que je n’en reſſente bien du plaiſir. Tu ſauras donc que devant que je fuſſe ſortie du lit où j’étois couchée avec toi, tous les parents & les amis de Pamphile s’étoient aſſemblés chez nous. Tu te ſouviens bien que lorſque nous ſommes entrées toutes deux à la maiſon, il eſt venu au-devant de moi avec un air tout aimable ; & tu as remarqué comme il nous a donné un baiſer à l’une & à l’autre, en me diſant que, ſans ma mere, il ſeroit venu me trouver au lit pour me châtier de ma pareſſe. Après cela, tu ſais comme toute l’aſſemblée nous a rendu ſes civilités, de quelle maniere le contrat a été fait, & comme la cérémonie s’eſt paſſée : tellement qu’il ſembloit qu’il ne manquoit plus rien pour la fête, que la victime.

Tullie.

C’eſt avec plus de raiſon que tu ne penſes, que tu appelles ta virginité une victime, puiſque c’eſt elle qui doit être immolée, ou maſſacrée, & miſe en pieces avec effuſion de ſang.

Octavie.

Toutes ces formalités étant réguliérement obſervées, Pamphile & moi ſommes reſtés enſemble. Ce fut pour lors qu’il me demanda avec bien de la tendreſſe, ſi je voulois être à lui : je lui répondis que n’étant plus à moi, il étoit maître de ma perſonne, & que n’ayant pu diſpoſer que de mon cœur, il ſavoit qu’il le poſſédoit. Cependant il me donnoit mille baiſers ; & par mille tendres careſſes, il me mettoit toute en feu : j’étois entiérement hors de moi-même, & je puis dire que je ne reſpirrois plus que par ſon moyen. Pendant ces doux paſſe-temps, j’avois deux filles de chambre à mes côtés, à qui ma mere avoit ordonné de reſter, pour être témoins de ce qui ſe paſſeroit. Elles baiſſoient la vue pendant tout ce badinage, & n’oſoient nous regarder fixement. Mon amour, dit Pamphile, s’adreſſant à moi, fais ſortir ces filles, leur préſence n’eſt point ici néceſſaire ; car qu’avons-nous affaire d’elles ? A Dieu ne plaiſe, dis-je tout bas, que je ſois ſi indiſcrete ! y penſez-vous, & que pourroit juger ma mere & toute la famille, ſi nous reſtions ainſi ſeuls ? Il m’interrompit par mille baiſers, & auſſi-tôt ma mere entra. Ah, Dieux ! dit-elle, comme vous accablez de careſſes ma pauvre Octavie ! l’aimez-vous bien ? Ah ! en doutez-vous ? reprit-il auſſi-tôt ; l’amour même ne pourroit rien y ajouter pour le rendre plus ardent : mais hélas ! ma mere, continua-t-il, (en parlant à Sempronie) puiſque vous avez eu aſſez de bonté pour me donner pour femme une perſonne ſi belle & ſi aimable, permettez-moi d’exercer à préſent les fonctions de mari ; je vous en conjure, accordez-moi cette grace. Vous n’avez ſans doute pas égard, dit ma mere, à la délicateſſe d’Octavie, qui n’eſt que dans la ſeizieme année de ſon âge ? réfléchiſſez là-deſſus, mon fils. Ah ! ayez pitié de moi, reprit Pamphile ; je n’en puis plus, je ne ſuis plus maître de moi-même, & je brûle au-dedans d’un feu qui ne peut être éteint que par Octavie : permettez donc que j’en jouiſſe, & ſoyez-moi libérale d’un bien qui m’appartient ; vous ne pouvez me le refuſer, ſans me dérober une choſe qui m’eſt propre. Elle ſourit à ces paroles. Vous ne conſidérez pas, mon fils, lui dit-elle, combien toutes vos demandes ſont hors de ſaiſon : croyez-moi, attendez à cette nuit ; le retardement vous rendra le divertiſſement plus agréable, que ſi vous ſuiviez vos premieres ſaillies : je ſouhaiterois de tout mon cœur, continua-t-elle, vous pouvoir accorder ce que vous deſirez ; mais vous voyez bien vous-même que ni le temps, ni le lieu ne peuvent pas le permettre. Ah ! ma très-chere mere, reprit Pamphile, ayez compaſſion de votre gendre. Octavie n’eſt pas ſi cruelle que vous ; & ſans doute elle ne me refuſera pas de ſoulager mon mal, puiſque c’eſt elle qui le cauſe. Eh bien, ma fille, me dit ma mere, voulez-vous bien guérir Pamphile de ſa maladie ; en tombez-vous d’accord, qu’en dites-vous ?

Tullie.

Et pourquoi ne l’aurois-tu pas voulu ? tu étois trop ſage pour n’y pas conſentir.

Octavie.

La pudeur me couvrit d’abord tout le viſage, & m’empêcha même de parler. Quoi, vous ne dites rien ? reprit ma mere ; c’eſt-à-dire que vous conſentez. Eh bien ! retirez-vous tant ſoit peu, que je parle à Pamphile ; il faut que je l’avertiſſe en particulier de quelque choſe qui vous regarde. Je m’éloignai de trois ou quatre pas, & prêtai ſi bien l’oreille à leurs diſcours, que je n’en perdis pas une parole. Mon fils, diſoit-elle, vous voyez bien que c’eſt avec raiſon que je vous dis que le temps ni le lieu ne ſont pas propres à votre divertiſſement ; jugez-en vous-même : voici tous nos parents & les vôtres qui vont arriver ; il n’y a aucun lit dans la chambre où vous êtes : que prétendez-vous donc faire dans cette conjoncture ? Je me rends néanmoins à vos empreſſements, pourſuit-elle ; & pour vous en donner quelque marque, je vous remets Octavie entre les mains, mais à condition qu’elle ne ſatisfera qu’une ſeule fois à votre convoitiſe pour le préſent : la nuit prochaine vous en prendrez tant qu’il vous plaira, & vous aurez le loiſir de goûter à longs traits les douceurs du mariage. Je vous l’accorde donc, quoique je ſache qu’il n’y a dans la chambre aucune commodité dont Octavie puiſſe ſe ſervir, pour ſe mettre dans une ſituation avantageuſe, pour elle & pour vous : vous y perdrez ſans doute votre peine & votre huile ; mais c’eſt vous prêcher inutilement : ſur-tout ayez égard à ſa jeuneſſe. Je vous avertis de cela, parce que j’ai appris que vous aviez un membre monſtrueux, dont la longueur & la groſſeur prodigieuſe pourroient lui être nuiſibles, ſi vous faiſiez l’affaire avec trop de précipitation. Voilà, Tullie, ce que j’entendis ; après quoi ma mere m’appella, & me dit : Ma fille, vous n’êtes plus à vous, mais en la puiſſance de votre mari : ce ſont-là les loix du mariage. Il m’a demandé que je vous remiſſe pour un moment en ſa diſpoſition ; ni vous ni moi nous ne pouvons pas le refuſer : je le lui ai donc accordé ; mais à condition qu’il ne jouira de vous pour ce temps-là, qu’une fois : c’eſt pourquoi auſſi-tôt qu’il aura achevé, ne manquez pas de vous débarraſſer de lui, en ſortant promptement de la chambre ; ſi vous faites le contraire, je me fâcherai contre vous. Je lui promis tout ce qu’elle voulut. Sur-tout, continua-t-elle, mettez-vous en toutes les poſtures qu’il ſouhaitera, & prenez bien garde que, par votre faute, la ſemence ne rempliſſe pas le lieu pour lequel elle eſt deſtinée ; mais ménagez-vous de telle ſorte, quand il ſera ſur vous, qu’il n’en tombe pas une ſeule goutte au-dehors. Après cet avertiſſement, elle me donna un baiſer, & me laiſſa ſeule avec Pamphile. Nous ne perdîmes point de temps, & nous étions déja diſpoſés au combat, lorſque ma mere rentra, en diſant qu’elle avoit oublié à nous dire le plus néceſſaire. Pamphile m’avoit déja fait aſſeoir ſur un banc fort large, qui étoit attaché à la muraille, & couvert d’un tapis ; il m’avoit fait écarter les jambes, & m’avoit fait mettre les pieds ſur deux eſcabeaux pour les élever : j’étois nue juſqu’au nombril, & mon adverſaire tenoit déja les armes en main. Auſſi-tôt que ma mere fut entrée, & qu’elle m’eut vue dans cette poſture : Ah. Dieux ! dit-elle, que l’amour eſt ingénieux, & que cette ſituation eſt commode pour l’un & pour l’autre ! mais elle fut bien plus ſurpriſe, quand elle apperçut l’inſtrument de Pamphile, bandé d’une étrange maniere. Ah ! bonté de Vénus ! s’écria-t-elle, quel monſtre ! ayez bon courage, ma fille. Cependant je m’étois remiſe dans une poſture décente, & j’avois rabaiſſé mes jupes ; je demandai à ma mere ce qu’elle avoit oublié de nous dire. Octavie, me dit-elle, comme il n’eſt pas néceſſaire que ceux qui dîneront tantôt avec nous, voyent dans vos vêtements les marques de votre badinage, j’ai trouvé à propos de vous avertir de quitter vos habits. Elle me déshabilla enſuite elle-même, ne me laiſſant que ma chemiſe ; elle me baiſa ; & appellant Pamphile qui s’étoit un peu retiré : Venez, mon fils, venez, lui dit-elle ; voilà le champ de bataille où vous devez combattre : puis elle ſortit en riant. D’abord que Pamphile ſe vit en liberté, il ferma la porte ſur nous ; & ſe jettant à mon col, il me donna mille baiſers, & me tira ma chemiſe. Etant ainſi toute nue, il me regarda de tous côtés, & ſatisfit ſa vue par ſes regards, & ſes mains par ſes attouchements. Il me fit en ſuite aſſeoir comme auparavant, & remettre les deux pieds ſur les deux chaiſes ; puis il gliſſa ſa main droite ſous mes feſſes, & les approchant de ſoi, il plaça ſon inſtrument à l’entrée de la porte, & tâcha de m’enconner.

Tullie.

Courage, courage, cela ne va pas mal : mais toi, que faiſois-tu ?

Octavie.

Pour moi j’étois preſque immobile ; je le laiſſois faire, & je ne lui refuſois rien : il s’étoit mis nud comme moi. Ayant approché & dreſſé ſa batterie vis-à-vis de la place qu’il attaquoit, il me dit : Octavie, mon cœur, embraſſe-moi, éleve ta cuiſſe droite, & l’appuye ſur mes reins. Je n’entends pas, lui dis-je, ce que vous deſirez, je ne comprends pas votre deſſein : au reſte, ayez pitié de moi, je vous en conjure. Il ne me répondit rien, & ſouleva lui-même ma cuiſſe droite, comme il ſouhaitoit ; & en même-temps il pouſſa ſon Vit, mais ſi rudement, que je crus que c’étoit le coup de la mort qu’il m’avoit donné, tant il me cauſa de douleur : je m’écriai auſſi-tôt. Tais-toi, mon cœur, me dit-il, tu n’auras plus guere à ſouffrir ; demeure comme tu es, & ne change point de place. Il remit donc ſa main ſous mes feſſes, & m’enfila de nouveau, mais avec tant de violence, que je criai plus haut que je n’avois fait. Ma mere qui étoit dans la chambre voiſine, accourut au bruit. Eh quoi, Pamphile, dit-elle, ſe tenant à la porte ſans entrer, eſt-ce-là ce que vous m’avez promis tantôt ? je vous avois permis d’en faire un jeu, mais non pas un combat. Elle n’en dit pas davantage : Pamphile déchargea, lorſqu’elle achevoit ces paroles, & je me ſentis arroſer l’entrée de la partie, comme d’une pluye chaude. Ce fut pour lors qu’il pouſſa avec plus de véhémence, & cette humeur viſqueuſe favoriſa ſes efforts : il avança de deux ou trois doigts, & répandit toute ſa ſemence dans la place qu’il s’étoit faite au-dedans ; juſqu’à ce qu’étant trop abondante, elle regorgea au-dehors, & ma motte en fut toute mouillée.

Tullie.

Mais quoi ! étois-tu immobile ? n’avois-tu point de ſentiment ? & ne fis-tu pas ta décharge auſſi vaillamment que lui ?

Octavie.

Je t’avouerai, ma chere Tullie, que je compris d’abord ce que c’étoit que le plaiſir de Vénus. Lorſque Pamphile ſe mouvoit de la ſorte entre mes bras, je ſentis tout d’un coup une ſi grande démangeaiſon au-dedans, que n’étant plus maîtreſſe de moi-même, je pouſſai & remuai les feſſes avec une fureur incroyable ; il ſortit pour lors, je ne ſais quoi, par moi, qui me cauſa un plaiſir que je ne te puis exprimer. Le chatouillement étoit ſi doux, l’excès du plaiſir ſi grand, que j’en mourois ; & avec des regards languiſſants, je pouſſois quelques ſoupirs : j’avois le viſage tout en feu, & tout le corps dans un accablement extrême. Ah ! ah ! ah ! mon cher Pamphile, diſois-je, je me meurs, je n’en puis plus ; arrête mon ame qui eſt prête à ſortir : ah, Dieux ! que la mort que tu me donnes, eſt vouluptueuſe ! Courage, courage, reprit-il, ma chere enfant ; commençons un nouveau combat : reprenez vos forces, & moi je vais reprendre les armes à la main. Il le fit en effet ; reprenant ſon Vit qu’il avoit retiré, il le remit au-dedans : choſe admirable, Tullie ! Il ne fut pas plutôt entré, qu’il m’excita de nouveaux feux, & me fit faire une ſi copieuſe décharge, qu’il me ſembloit que c’étoit plutôt de l’urine qui couloit, que de la ſemence, tant elle ſortoit avec impétuoſité. Ah ! ſi pour lors Pamphile eût été en état, je crois que nous aurions goûté un plaiſir parfait. Il déchargea un peu après, & j’eus bien du déplaiſir de ce qu’il finiſſoit ſitôt ſa courſe.

Tullie.

Tu dis les choſes ſi naïvement, que tu me mets hors de moi-même par ton diſcours ; tu m’as miſe tout en feu. Baiſe-moi, mon cœur, embraſſe-moi, mon cher Cléante ! Je n’en puis plus, je brûle, je ne ſais ce que je ſouhaite ; ah ! baiſe moi !

Octavie.

Que veux-tu dire avec ton Cléante ? il y a ſans doute quelque myſtere là-deſſous. Que veux-tu ? que deſires-tu de moi ?

Tullie.

Ah, de grace, ma mignonne, ma chere enfant, ſoulage un peu ta pauvre Tullie : prête moi ta main.

Octavie.

Je te la donne tout-à-fait ; qu’en veux-tu faire ?

Tullie.

Mets-la, je te prie, dans cet endroit qui et tout en feu ; pouſſe ton doigt au-dedans le plus avant que tu pourras : ſers-moi de mari, ma chere Octavie ; monte ſur moi, & par tes ſecouſſes, tâche d’éteindre ce feu que tu as excité par ton diſcours. Bon, voilà qui eſt bien ; ſecoue maintenant, pendant que je te tiens embraſſée. Ah ! comme nos deux parties ſont jointes l’une à l’autre ! ah ! que tu me plais de cette maniere ! encore plus fort ; ah ! c’eſt à ce coup que je n’en puis plus, je n’en puis plus, je coule, je coule : ah ! Cleante, pouſſez, pouſſez, je décharge, ah ! ah !…

Octavie.

Ah, Dieux ! que tu es lubrique ! je crois que l’amour même ſe noyeroit dans ce torrent de ſemence qui te ſort des reins. Ah ! je ſens je ne ſais quoi ; ah, ah, ma très-chere, mon cœur, mourons toutes deux enſemble. Qui auroit pu s’imaginer que ce badinage auroit été ſuivi d’un ſi doux plaiſir ? Ah ! je recommence ! ah, ah, ah, je me pâme…

Tullie.

Je ſuis ravie de ce que tu as partagé le plaiſir avec moi. Me voilà, grace à Vénus, un peu remiſe : revenons à Pamphile, que tu as laiſſé tout en ſueur dans les attaques de ta fortereſſe.

Octavie.

Je le veux bien ; mais dis-moi auparavant ce que tu entendois par Cléante, & à quel deſſein tu implorois ſon ſecours. Car pourquoi n’appellois-tu pas plutôt ton cher Oronte, qui eſt ſi aimable, & qui t’aime ſi tendrement ?

Tullie.

Je te l’apprendrai avec le temps : je te ferai confidence de mes plus ſecretes penſées, & tu entreras dans la connoiſſance de mes divertiſſements les plus cachés ; & même, ſi tu veux, tu les partageras avec moi. Mais je ne veux pas à préſent t’interrompre ; continue ton diſcours, & me fais ſouvenir une autre fois de ce que je te promets.

Octavie.

Je n’y manquerai pas, car j’ai bien de la curioſité de l’apprendre : mais revenons à notre hiſtoire. Bien que le membre de Pamphile fût devenu paralytique, & qu’il ſemblât demander trêve la tête baiſſée, il ne laiſſoit pas néanmoins de me menacer encore par ſa groſſeur & ſa longueur prodigieuſe. Il étoit tout couvert de cette roſée, que lui & moi nous avions répandue ſi abondamment ; & de temps en temps il s’animoit & s’approchoit de la porte, comme pour faire une nouvelle entrée. Moi qui reconnus bien qu’il étoit las, & que c’étoit aſſez pour un coup, je lui dis : Eh bien, Pamphile, êtes-vous content ? ne vous laſſerez-vous point de fatiguer par vos fureurs une jeune fille comme moi ? repoſez-vous, & vous ſouvenez de la priere que ma mere vous a faite. Point de quartier, reprit-il, je ne me rends pas ſi facilement ; pendant qu’il parloit, il me baiſoit & me manioit par-tout avec des tranſports extraordinaires. Ce badinage l’excita, il commençoit déja à bander, & à ſe préparer à de nouvelles attaques, lorſqu’adroitement je me tirai d’entre ſes bras. Il me pourſuivit auſſi-tôt : comme je courois par la chambre pour l’éviter, je donnai du pied contre un banc qui tomba ; ma mere vint à ce bruit, & frappa à la porte. Pamphile me donna vîte ma chemiſe qui étoit toute mouillée de ſa ſemence ; il prit la ſienne, & ouvrit à ma mere. Eh bien, lui dit Pamphile lorſqu’elle fut entrée, venez vous juger des coups ? Sans doute, reprit-elle : je ſais que vous êtes un vaillant ſoldat ; mais je crains bien avec tout cela que vous n’ayiez perdu votre peine : je vois bien que vous êtes un homme de bonne foi, & que vous avez voulu me rendre ma fille telle que je vous l’avois donnée. Elle le railla de la ſorte, parce qu’elle avoit remarqué qu’il n’avoit guere avancé ; outre que je crois qu’elle avoit regardé par la ſerrure ce qui s’étoit paſſé.

Tullie.

Vraiment, tu n’en dois point douter : les femmes les plus ſaintes ont de la curioſité ſur ces ſortes de choſes ; & je te dirai que le jour qui ſuivit la premiere nuit de mes noces, je fus obligée de raconter de point en point à ma mere tout ce qui s’étoit paſſé entre mon mari & moi. Elle voulut même que je lui appriſſe juſques aux moindres de ſes badineries. Pendant que je lui en faiſois le récit, elle m’embraſſoit, & me baiſoit avec une tendreſſe ſans égale.

Octavie.

Sempronie ne fut pas moins curieuſe. Tu ſauras qu’un peu après qu’elle fut entrée, Pamphile ſe retira avec ſes habits dans une autre chambre, tellement qu’elle reſta ſeule avec moi. Elle ferma la porte ſur nous, & ſe jettant à mon col : Eh bien, ma chere Octavie, me dit-elle, vous êtes vous bien divertie ? n’ayez point de honte de me le dire : l’intérêt que je prends dans tout ce qui vous regarde, vous oblige à ne me rien céler de tout ce qui peut me donner de la joie. En diſant cela, elle me baiſoit, elle étoit toute en feu ; ſes yeux ne reſpiroient que l’amour, & je pus juger à ſa contenance, qu’elle reſſentoit d’étranges émotions.

Tullie.

Cela ne doit pas te ſurprendre : car outre que Sempronie eſt d’un tempérament fort amoureux, à peine a-t-elle vingt-neuf ans ; elle fut mariée à treize, elle devint groſſe cette même année, & elle accoucha de toi au commencement de ſa quatorzieme.

Octavie.

Je ne lui répondois rien d’abord ; mais elle me preſſa tant, que je fus obligée de la ſatiſfaire. Eh bien ! lui dis-je, je vous ai obéi, & j’ai accordé à Pamphile ce qu’il ſouhaitoit de moi. Parlez librement, ma fille, reprit-elle : c’eſt à préſent que vous n’êtes plus un enfant ; il ſuffit que vous & moi ſoyons femmes, pour ne devoir manquer de jugement, puiſque nos maris nous donnent de l’eſprit, par la même voie qu’ils nous cauſent les plaiſirs.

Tullie.

Elle avoit raiſon, & j’ai vu des filles fort groſſieres & ſtupides, devenir plus ſpirituelles & fort éclairées, auſſi-tôt qu’elles avoient goûté les douceurs du mariage.

Octavie.

Je ſuis bien de ce ſentiment ; & en effet il ſemble que notre eſprit ſoit réclus & renfermé avec notre virginité. Tant que nous ſommes filles, quelques lumieres que nous ayions pour lors, nous ne connoiſſions que l’écorce & la ſuperficie des choſes ; une chimere nous peut faire peur, un rien nous épouvante, & il n’y a que celui qui peut cueillir cette fleur, qui ſoit capable de nous éclairer. Qui aperit vulvam, aperit & mentem. C’eſt-à-dire que celui-là ſeul nous ouvre l’eſprit, qui nous ouvre le con. Il ſemble que lorſque nous naiſſons, la nature ne donne point d’autre ſiege à notre entendement, que celui qu’occupe cette partie inférieure, & plus conforme à ſes opérations ; il faut des efforts & des ſecouſſes violentes pour le tirer de ſa baſſeſſe, & pour le placer dans notre cerveau.

Tullie.

Fort bien, fort bien : ah, ah, ah ! c’eſt-à-dire que ſans Pamphile tu ſerois ignorante, & que c’eſt ſon Vit qui t’a donné de l’eſprit. Mentula mentem incuſſit.

Octavie.

Etant donc devenue un peu plus hardie par le diſcours de ma mere, je lui parlai un peu plus librement : Je ſuis, lui dis-je, telle que j’étois quand je ſuis entrée ici ; il ne m’eſt rien arrivé, ſinon que Pamphile m’a mouillée de tous côtés. Quoi ! dit-elle, il n’a rien avancé ? Non, lui dis-je ; car outre que ſon inſtrument n’a pu entrer à cauſe de ſa groſſeur, il a perdu ſa force après pluſieurs ſecouſſes en répandant ſa ſemence. Voilà bien opéré, reprit-elle ; montre-moi ta chemiſe. Je la lui montrai ; auſſi-tôt qu’elle l’eut vue : O ma fille, s’écria t-elle, quelle perte avez vous faite ? ah ! que vous auriez été heureuſe, ſi cette pluye ſi abondante vous avoit arroſé le dedans. Oui, ma mignonne, continua-t-elle en regardant attentivement les endroits de ma chemiſe qui en étoient tachés, il y en auroit eu aſſez pour nous donner un héritier auſſi robuſte qu’Hercule. Elle me la fit quitter ; après cela, elle m’en donna une autre, me coëffa de nouveau, & n’oublia rien pour me faire paroître avec plus d’éclat.

Tullie.

Que fit-elle de la chemiſe que tu avois quittée ? je crois qu’elle la conſidéra bien.

Octavie.

Aſſurément : elle la conſidéra de tous côtés ; j’en avois honte moi-même. C’eſt un déluge, ma fille, me diſoit-elle, que vous avez ſouffert, & non pas un ſimple arroſement : mais d’où vient donc que vous criiez ſi haut ? car je ne vois aucune marque de larmes de votre virginité. C’eſt ſans doute, continua-t-elle, que la place a été attaquée, mais qu’on n’a pu s’en rendre maître : prenez courage ; j’eſpere que les choſes iront mieux cette nuit. Après cela elle ſe retira, & enferma ma chemiſe dans ſon cabinet.

Tullie.

La nuit a ſes plaiſirs auſſi-bien que le jour ; & les divertiſſements qu’elle nous offre, ſont bien plus purs que les autres, puiſque la tranquillité y regne. Je ne te demande pas ce qui ſe paſſa au dîner ; décris-moi ſeulement cette nuit amoureuſe qui vous combla tous deux de plaiſir.

Octavie.

Nous commençâmes de vivre auſſi-tôt que le jour expira ; & nous ne fûmes pas plutôt débarraſſés des viſites importunes que l’uſage rend fréquentes dans ces ſortes de fêtes, que nous reſpirâmes un peu, Pamphile & moi. Tu ſais, puiſque tu étois préſente, comme ma mere nous prit l’un & l’autre par la main, & nous conduiſit dans la chambre où le lit où je devois être ſi bien traitée, étoit préparé. Mais J’oubliois de te dire qu’un peu devant elle ſe renferma avec moi dans cette chambre, où mon pucelage avoit ſoutenu les premieres attaques. Je n’y fus pas plutôt entrée, que je ſentis l’odeur d’un certain parfum qui étoit fort doux & fort agréable : Levez vos jupes & votre chemiſe juſqu’au nombril, me dit ma mere. Je lui obéis auſſi-tôt ; d’abord qu’elle me vit nue, elle ſourit : Il faut avouer, Octavie, me dit-elle, que vous êtes digne de Pamphile. Il faut, pourſuivit-elle, pour vous épargner à tous deux beaucoup de peine, que vous frottiez votre partie avec cette liqueur. Elle tira en même-temps un vaſe de vermeil doré qui en étoit rempli ; j’y mis les deux doigts ; & les ayant retirés tout embaumés de ce parfum, je les portai à mon invention, & en graiſſai tous les bords. Ce n’eſt pas votre poil follet, ni votre motte qu’il en faut frotter, c’eſt le dedans ; elle trempa auſſi-tôt le doigt dans le pot, & me fit elle-même cette merveilleuſe onction ; elle pénétra le plus avant qu’elle put. J’étois, me diſoit-elle, plus forte que vous lorſque je fus mariée à votre pere, & avec tout cela je ne l’aurois jamais pu ſupporter, ſi on ne ſe fût ſervi du même artifice. Je vous avoue, ma Couſine, que cette onction fit un effet prodigieux, & qui me ſurprit ; elle me cauſa une ſi grande démangeaiſon à la partie, & un ſi doux chatouillement ; qu’elle me mit hors de moi-même : car peu s’en fallut, que m’oubliant entiérement de ce que j’étois, je ne couruſſe au-devant de Pamphile, pour le ſolliciter au combat.

Tullie.

On ſe ſert preſque toujours de ces ſortes d’onctions, particuliérement quand les filles qu’on marie ſont jeunes & délicates.

Octavie.

Que veux-tu davantage ? tu ſais comme tu m’as miſe au lit ; & pour me ſervir de ces termes, comme tu as dit le dernier adieu à mon pucelage. Auſſi-tôt que Pamphile ſe vit ſeul avec moi, il ferma la porte de la chambre, dans le deſſein d’ouvrir la mienne, & il regarda par-tout, & fit une exacte recherche, pour voir s’il n’y avoit perſonne de caché.

Tullie.

C’eſt une choſe étrange, que cette ſorte de jeu ne veut point de témoins ; & tamen fine teſtibus non agitur : c’eſt-à-dire qu’il ne peut-être achevé, ſi les Cou… qui ſont les témoins de la virilité, ne ſont de la partie.

Octavie.

Après que vous fûtes ſortie, ma mere me demanda ſi je n’avois point de peur ; je lui dis que je ne craignois rien d’une perſonne que j’aimois : elle ajouta, que ſi je voulois, elle prieroit mon mari de m’épargner un peu ; je lui répondis que je ſouffrirois de bon cœur ſous ces mauvais traitements, s’il en pouvoit tirer du plaiſir. Pamphile, qui étoit éloigné de nous, prêta ſi bien l’oreille, qu’il entendit tout ce diſcours. Ma mere ſortit en nous ſouhaitant une heureuſe nuit, & il s’en vint auſſi-tôt à moi avec précipitation, & m’embraſſant étroitement, il me dit : Ah ! que je vous ai d’obligation, ma plus chere, de vouloir bien vous mettre entre mes mains ſans aucune condition ! vous n’y perdrez rien ; je vous promets déja, pour un retour de votre amour, que je ne ferai rien ſans votre conſentement. J’eſpére auſſi, continua-t-il, que vous ſerez aſſez complaiſante pour ne me rien refuſer. Hélas ! repris-je, quelle réſiſtance pourrois-je employer contre la perſonne du monde que je chéris le plus ! Ses ſerviteurs l’avoient déja déſhabillé ; il ne lui reſtoit plus que ſa chemiſe avec une camiſole ; il s’en défit bientôt, & ſe jetta ainſi tout nud dans le lit. Ce fut pour lors qu’il m’embraſſa avec une ardeur ſans égale, & qu’il me donna mille baiſers : il me manioit les tettons, il me touchoit le ventre & les cuiſſes, & me faiſoit tout cela avec des ſaillies & des tranſports ſi grands, qu’il étoit aiſé de connoître qu’il n’étoit plus maître de lui-même.

Tullie.

Eh quoi ! oublioit-il la principale partie ? Celle qui devoit le rendre heureux, fut-elle privée de ſes careſſes ?

Octavie.

Non, mais ce fut par où il acheva ; il la mania comme les autres, il y mit les doigts, la baiſa même ; & ſentant l’odeur dont elle étoit parfumée, il ſourit : Ah, mon cœur ! me dit-il, tu es toute de roſes & de myrrhe ; je connois bien que c’eſt Sempronie qui m’a voulu rendre ce chemin de la volupté plus facile. Je veux auſſi, continua-t-il, (en montrant ſon Vit, long, gros, & rubicond) que l’art aide en moi la Nature ; & afin que cet inſtrument redoutable faſſe ſon devoir avec moins de peine, je vais le frotter avec une pommade de jaſmin, que j’ai priſe à deſſein : & vous, ô ma Déeſſe ! préparez-vous à vous défendre, & à ſoutenir comme il faut les attaques que je veux vous donner.

Tullie.

Ah ! je prie tous les Dieux & toutes les Déeſſes qui préſident à l’hymen, en un mot, toutes les divinités qui ont été ſenſibles à l’Amour, de t’aſſiſter dans ce rude moment.

Octavie.

Je crois, que ſi je n’avois attendu du ſoulagement que de ce côté-là. J’aurois bientôt manqué de patience.

Tullie.

Tu ne ſais donc pas qu’il ne ſe faiſoit point de mariage le temps paſſé, où il n’y eût trois ou quatre divinités préſentes, qui avoient dans ce jour chacune leur office particulier. Dea Virginenſis, c’étoit celle qui commençoit la cérémonie, & qui dénouoit la ceinture de la nouvelle mariée : elle étoit ſuivie d’une autre qui mettoit l’époux & l’épouſe dans le champ de bataille ; ils l’appelloient, Deus Subigus : une autre préſidoit à l’action, lors particuliérement que le mari étant monté ſur ſa femme, la preſſoit vigoureuſement ; c’étoit Dea Præma : enfin, la derniere de toutes ces Divinités officieuſes ſe nommoit Dea Pertunda : toute ſon application étoit à faire en ſorte que le membre de l’homme entrât avec plus de facilité dans la partie de la femme.

Octavie.

Vraiment il leur falloit donc bien des cérémonies au temps paſſé pour prendre un pucelage ? on n’en apporte pas tant à préſent ; & Pamphile, ſans l’aide des Dieux, eſt venu à bout du mien, qui étoit auſſi difficile que celui d’aucune autre : écoute, voici comme il s’y prit. Tu ſais, Tullie, qu’il eſt fort jeune, puiſqu’à peine a-t-il vingt-deux ans ; mais il n’en eſt pas moins robuſte : m’ayant donc fait mettre dans la poſture ordinaire, il m’écarta les cuiſſes, & retira ma main dont je couvrois l’endroit où il vouloit entrer : il eſt vrai que je ne faiſois pas beaucoup de réſiſtance. Cela fait, il ſe jetta ſur moi : cette nouvelle charge m’épouvanta un peu ; il s’en apperçut. Ne crains pas, dit-il, ma chere enfant, ſois ſeulement ferme : ces paroles furent ſuivies d’une furieuſe ſecouſſe, qui fit entrer toute la tête de ſon Vit au-dedans. Ce mouvement fut ſi violent, que je crus qu’il m’avoit miſe en pieces ; je portai la main dans l’endroit pour empêcher qu’il n’entrât plus avant, mais Pamphile s’y oppoſoit : Retirez, me dit-il, cette main qui trouble notre plaiſir ; prenez courage, il n’y a plus guere de chemin à faire pour arriver au comble de la félicité.

Tullie.

Que faiſois-tu de ton côté ?

Octavie.

Je tenois ferme entre mes mains le reſte de ſon membre, qui n’étoit pas entré, & l’empoignois fortement, pendant qu’il renouvelloit ſes ſecouſſes. Ah ! mon cœur, me dit-il auſſi-tôt, preſſe, empoigne, ſerre le plus étroitement que tu pourras ce que tu tiens entre les mains. Je me ſentis incontinent arroſer le dedans d’une pluye céleſte. Pamphile ne ſe remuoit plus ; & ce qui me ſurprit davantage, c’eſt qu’il ne ſe perdit pas une goutte de toute cette liqueur, qui ne fut pas plutôt répandue, que je ſentis le canal dont elle ſortoit, devenir flaſque, & diminuer entre mes mains près de la moitié de ce qu’il avoit été auparavant.

Tullie.

Aviez-vous pour lors de la lumiere dans votre chambre ?

Octavie.

Sans doute, & on y voyoit auſſi clair qu’en plein midi : voilà qui eſt bien, ma mignonne, me dit Pamphile ; ah ! que tu m’as donné de plaiſir ! mais veux-tu bien, continua-t-il, que nous nous repoſions un peu ? J’y conſens, lui dis-je : il déconna donc ; mais, choſe étonnante ! il n’eut pas plutôt tiré ſon Vit, que je reſſentis au-dedans une démangeaiſon terrible : elle fut ſi grande, que ne me poſſédant plus, je me jettai à ſon col, je le baiſois, je l’embraſſois, & tâchois à l’exciter de nouveau par mes ſoupirs. Il ne fut point inſenſible à tout cela ; & me rendant careſſe pour careſſe, il me chatouilloit ma partie qui étoit toute en feu, il en ouvroit les levres, les refermoit, & fit tant que je déchargeai tout d’un coup, mais avec tant de force, que toute ma ſemence ſe pouſſa au dehors, avec toute celle dont j’avois été remplie. Cela ſurprit Pamphile : Qui l’auroit jamais cru, me dit-il, ma chere Octavie, tendre & jeune comme vous êtes, que vous euſſiez été ſi amoureuſe, & ſi propre au plaiſir ? Toutes celles, continua-t-il, qui ſont de votre âge, ne reſſentent pas la moindre émotion dans les premieres attaques ; & vous vous êtes ravie juſqu’au Ciel ! Non, dit-il, en regardant attentivement la ſemence que j’avois déchargée, ce n’eſt pas un ſimple écoulement, c’eſt un déluge ; & il faut, ſans doute, que vous ayiez au-dedans des ſources vives de cette liqueur, pour fournir à de ſi abondantes éjaculations. Ah, que vous êtes badin ! lui dis-je : toute cette ſemence que vous voyez répandue, n’eſt pas à moi ; c’eſt celle dont vous m’avez remplie. Il n’importe, dit-il, qu’elle ſoit à vous ou à moi ; mais je ſuis ravi que vous ayiez partagé le plaiſir, & que vous l’ayiez goûté dans toute ſon étendue. Je n’ai pas ſujet de m’en plaindre, lui dis-je, & j’ai été ſuffiſamment récompenſée des peines & des douleurs que vous m’aviez cauſées par vos premieres fureurs. Ma mere ayant oublié de mettre un linge ſous le chevet, je pris les draps pour m’eſſuyer, & me nettoyer par-tout. Ça, ma chere Octavie, me dit Pamphile, auſſi-tôt qu’il vit que c’étoit fait, je vous demande que vous faſſiez à cette heure pour mon plaiſir tout ce que je deſirerai de vous, & je ſouhaite que toutes les choſes pour leſquelles je ſerai ſenſible, vous touchent également. Je vous entends bien, lui dis-je, & je conſens à tout ce que vous voulez ; mais, de grace, épargnez un peu ma pudeur, & n’exigez pas de moi ces mouvements déshonnêtes qui me fatiguent le corps & l’eſprit. Non, non, reprit-il, ce n’eſt pas ce que je deſire ; je demande de vous tout le contraire : car je ſouhaite ſeulement que vous ſoyez immobile, & que, ſans faire aucun mouvement du derriere, vous teniez votre devant à découvert.

Tullie.

Il eſt permis à un mari de donner telles loix qu’il lui plaît à ſa femme, & il eſt de la prudence de celle-ci de les obſerver ſans murmure ; elle eſt ſotte, ſi elle s’imagine qu’il y a quelque choſe de malhonnête dans l’obéiſſance qu’elle lui rend.

Octavie.

Je lui obéis auſſi ſans beaucoup de cérémonie ; il me pria de lui manier ſon inſtrument qui commençoit à bander, je le fis pareillement ; que veux-tu davantage ? je le mis en état. Il monta ſur moi, & fit ſi bien, que du premier coup il entra la moitié au-dedans. Il en reſtoit encore cinq pouces au-dehors ; cela le fâchoit, car il ſembloit qu’il eût voulu y cacher tout ſon corps. C’eſt à préſent, me dit-il, mon cœur, qu’il s’agit de faire quelque, choſe de bien ; compte toutes mes ſecouſſes, & ſur-tout prends garde de te tromper au nombre. Auſſi-tôt il pouſſa de plus haut ; & pendant que je m’amuſois à compter, il redoubla ſes efforts avec tant de violence, qu’il rompit la barricade ; il ſe rendit maître de la place, & entra tout entier dans la citadelle. La douleur que je reſſentis pour lors, m’empêcha d’achever le compte. Ah ! vous me tuez, lui dis-je, vous, me tuez ; retirez, je vous prie, cet inſtrument de la plaie qu’il m’a faite. Eh, de grace !… Point du tout. Bien loin de cela, reprit-il, je vais l’avancer encore ſi je puis : & en diſant cela, il ſecoua ſi rudement, qu’il ſe cacha entiérement au-dedans ; ſon poil touchoit le mien, & jamais nous n’avons été mieux unis l’un à l’autre que dans ce moment. Ah ! arrêtez, m’écriai-je auſſi-tôt je n’en puis plus, vous me percez d’outre en outre ; vous touchez le fond de mes entrailles ; ah ! je n’y puis plus réſiſter ! Il eut compaſſion de moi, & retira la moitié de ſon Vit : Qu’as-tu, ma pauvre petite femme, me dit-il, eſt-ce que j’ai touché le fond de ton canal ? va, ne crains point, le jeu ſera bientôt fini : en parlant il pouſſoit inſenſiblement, & avançoit : D’abord, continua-t-il, que tu ſentiras quelque douleur, avertis-moi, ma chere enfant ; je me retirerai ; je t’aime trop pour vouloir prendre un plaiſir qui te cauſe de la peine, & convertir ainſi ma convoitiſe en cruauté. Il pouſſa enſuite ſon membre encore plus avant ; & comme il ſecouoit avec force : Arrêtez, lui dis-je, je vous en prie ; à quoi bon pouſſer de la ſorte ? il n’en ſauroit pas tenir davantage. Il s’en falloit encore quatre pouces, qu’il ne fût tout logé au-dedans. Je connois à préſent, me dit-il, quelle meſure de Vit il te faut pour ne te point bleſſer, & je crois que, pourvu qu’il en reſte au-dehors trois doigs du mien, tu n’en ſeras pas incommodée : afin néanmoins que tout ſerve, empoigne bien avec la main tout ce qui paroît au-dehors ; ſerre le plus étroitement que tu pourras, & que ta main ſupplée au défaut de ta partie : n’en ſois point honteuſe, pourſuivit-il ; car tout le corps d’une belle enfant comme toi, n’eſt qu’un Con délicieux. Je lui obéis, & il ſe remua ſi bien, qu’à la dixieme ſecouſſe, il déchargea ; je reſſentis un petit chatouillement, mais ce fut tout.

Tullie.

Combien as-tu compté de coups donnés dans ce ſecond combat ?

Octavie.

Vingt, avant qu’il eût troublé le compte, & dix après : mais avec tout cela je n’en ſais pas bien le nombre ; car lorſque je m’écriois qu’il me tuoit, qu’il me bleſſoit, il pouſſoit toujours avec plus de force : c’eſt pourquoi juges-en toi-même.

Tullie.

Et comment eſt-ce que vous paſſâtes le reſte de la nuit ?

Octavie.

Le reſte de la nuit ſe paſſa en badinerie. Pamphile étoit tout étendu ſur moi, il prenoit plaiſir à me faire ſucer ſon Vit, juſqu’à la derniere goutte ; il me baiſoit & m’embraſſoit, lorſque tout d’un coup nous avons entendu ouvrir une porte proche de notre lit : c’étoit ma mere, qui ſe mit à rire d’abord qu’elle nous vit. Eh bien, dit-elle, vous êtes-vous bien divertis ? Ah, ma mere, lui dis-je, que vous m’avez miſe entre les mains d’un homme qui eſt incommode ! il ne m’a pas donné un moment de repos. Vous en êtes bien fâchée, reprit-elle, en riant : puis s’adreſſant à Pamphile, elle lui dit : Eh bien, brave ſoldat, eſt-ce avec une femme que vous êtes couché ? Octavie, dit-il, vous en dira des nouvelles ; ne la voyez-vous pas toute affligée d’avoir perdu ſon pucelage ? C’eſt donc à préſent, dit ma mere, que je vous reconnois pour mon fils, & pour mon gendre. Elle nous donna après cela un bouillon reſtaurant, pour nous rendre les forces que nous avions perdues ; elle éteignit les flambeaux qui étoient encore allumés au pied du lit, & elle ſe retira. Auſſi-tôt qu’elle fut ſortie, Pamphile m’embraſſa étroitement ; & après quelques careſſes, comme nous étions las & fatigués, le ſommeil ſe rendit maître de tous nos ſens, & nous dormîmes l’un & l’autre aſſez longtemps. Il faiſoit déja grand jour, lorſque m’éveillant, j’apperçus le corps de Pamphile tout découvert ; il faut que je t’avoue de bonne foi, ma chere Tullie, que je le regardai & le conſidérai par-tout, avec une curioſité extraordinaire. Non, je ne crois pas qu’entre tous les hommes, on puiſſe rien trouver de plus beau & de plus aimable : toutes les parties en ſont formées avec une régularité ſans égale. Il étoit couché ſur le dos tellement que je le pouvois contempler à mon gré : ſon eſtomac eſt blanc & bien rempli ; ſes bras ſont longs & d’une rondeur parfaite ; ſes cuiſſes graſſes & robuſtes ; le ventre médiocrement élevé ; ſes jambes ni trop graſſes, ni trop maigres : enfin c’eſt un chef-d’œuvre de la nature. Sa peau eſt blanche, & ſans aucune tache qui la rende difforme : on l’eût pris, à le voir de la ſorte, pour une ſtatue de marbre.

Tullie.

Le membre de Pamphile dormoit-il auſſi ? tu n’en dis rien.

Octavie.

Le croirois-tu, Tullie ? il eſt même redoutable pendant ſon repos ; il ſembloit qu’il me menaçât : mais ce qui me ſurprit davantage, c’eſt qu’il tira de nouveaux feux de mes yeux, lorſque je le regardois ſi attentivement ; ils l’animerent, & ſe communiquerent à ſes eſprits. Il ſembloit qu’il fut capable de concevoir quelques ſentiments de gloire, d’être ainſi conſidéré par ſa maîtreſſe ; il ſe remua & leva la tête pluſieurs fois. Ces mouvements réveillerent Pamphile ; & moi, d’abord que je m’en apperçus, je fis ſemblant de dormir d’un profond ſommeil : il ſe retourna de mon côté. Quoi, dit-il, dors-tu encore, ma mignonne ? Ah ! pourquoi, repris-je, interrompez-vous mon repos ? Cependant il me baiſe, il m’embraſſe, il me careſſe ; & après m’avoir regardée par-tout, avec des yeux laſcifs & les plus amoureux du monde, il monta ſur moi & m’enconna, en me diſant de me ſouvenir de ma promeſſe, c’eſt-à-dire de ne point remuer. Cette derniere fois me donna bien du plaiſir, & le chatouillement que je reſſentis fut ſi grand, que je ne lui tins point ma parole, & je ne pus m’empêcher de branler les feſſes avec une vîteſſe incroyable. Sitôt qu’il s’en apperçut, il redoubla ſes ſecouſſes, & fit entrer ſon Vit juſques aux gardes ; je ne reſſentis pas de douleur comme auparavant, je pouſſai ſeulement un ſoupir ; auſſi-tôt je fus arroſée d’un baume liquide, qui acheva de me guérir de tous mes maux. Pamphile me jura que jamais il n’avoit goûté une volupté ſi parfaite que dans cette conjonction, Voilà, ma très-chere, comme nous paſſâmes la nuit ; & après quelques paroles, nous nous rendormîmes juſques à onze heures du matin, que nous nous levâmes : tu ſais le reſte auſſi-bien que moi.

Tullie.

Pamphile n’eſt pas ſi brave cavalier que je penſois : faire ſeulement trois courſes dans une nuit, avec une ſi belle monture, ah ! c’eſt être lâche que de ſe contenter de ſi peu. Ce n’eſt pas, Octavie, que cela me ſurprenne, quand je fais réflexion ſur la longueur & la groſſeur de ſon membre ; car c’eſt choſe certaine, que preſque tous les hommes dont le Vit paſſe la meſure ordinaire de la nature, ne ſont pas ſi bons fouteurs que les autres.

Octavie.

Je le crois bien, ma Couſine ; mais je ſuis ſurpriſe que les hommes ne ſoient pas toujours prêts pour le combat, vu qu’il n’y a rien de ſi doux que le plaiſir que l’on en reçoit : ils ſont lâches, ſi nous les comparons avec nous ; nous goûtons la volupté bien plutôt qu’eux, nous y ſommes bien plus ſenſibles, & bien plus promptes à la décharge.

Tullie.

Je t’entends bien ; tu tires ces vérités de la chaleur avec laquelle tu as ſoutenu les aſſauts de Pamphile : tu ne ſerois pas fille de Sempronie, ſi tu n’étois auſſi amoureuſe qu’elle ; & tu n’aurois aucun rapport avec ta mere, ſi tu n’avois du penchant pour le plaiſir.

Octavie.

C’eſt une marque de ſa vertu, de ce qu’elle a ſi bien ſurmonté cette foibleſſe : car quelque inclination qu’elle ait eue pour le divertiſſement, elle n’a jamais rien fait qui puiſſe la faire paſſer pour une femme lubrique.

Tullie.

Je vois bien, Octavie, que tu ne la connois pas comme moi : tu veux bien que je t’apprenne de ſes nouvelles ?

Octavie.

Vous me ferez plaiſir.

Tullie.

Tu ſauras donc que Sempronie, dès ſon bas âge, a été portée au plaiſir ; que Lucretie, Victorie & moi, qui converſions tous les jours avec elle, devînmes par ſon moyen les filles les plus laſcives de la ville. Nous avions pour lors neuf ou dix ans, & Sempronie en avoit douze ; elle aimoit beaucoup Victorie, & avoit auſſi pour Lucretie & pour moi une affection bien tendre. Elle étoit de tous nos divertiſſements puérils, & agiſſoit pour lors avec nous comme ſi nous euſſions été d’un ſexe différent du ſien : elle nous appelloit ſes Amants ; elle diſoit qu’elle vouloit nous apprendre comme l’on faiſoit l’amour ; elle nous regardoit avec des yeux languiſſants ; elle nous proteſtoit qu’elle n’avoit rien de plus cher au monde que nous ; qu’elle nous aimoit éperdument, & qu’elle brûloit d’un feu, qu’il n’y avoit que nous ſeules qui puiſſions l’éteindre. Toutes ces déclarations amoureuſes étoient ſuivies de mille baiſers & de mille careſſes. Nous autres, qui étions trop jeunes pour être ſenſibles à tout ce badinage, ne faiſions que rire de toutes ſes manieres, & accordions innocemment à Sempronie tout ce qu’elle ſouhaitoit de nous. Nous paſſions preſque toutes les après-dînées enſemble, à nous exercer dans ces ſortes de jeux, & quelquefois elle paſſoit ſubtilement ſa main ſous nos jupes, & nous manioit avec une ardeur incroyable cette partie qui nous diſtingue des hommes. Elle y mettoit les doigts l’un après l’autre, & nous baiſoit cependant, en gliſſant ſa langue entre nos levres avec une chaleur extrême : quelque-fois le divertiſſement alloit plus loin ; car elle nous faiſoit courber tout le corps juſques en terre, puis nous trouſſoit juſqu’à la ceinture, & ſatisfaiſoit ainſi ſa vue par la nudité de notre devant & de notre derriere. Elle manioit nos feſſes, les pinçoit, les mordoit, & les baiſoit même avec des tranſports ſurprenants ; enfin, il n’y avoit point de careſſe dont elle ne s’aviſât, quand elle étoit dans ſes fureurs. Je me ſouviens qu’elle faiſoit quelquefois la maîtreſſe & la gouvernante ; & nous faiſant lever nos jupes, elle nous fouettoit avec des verges, quand nous avions manqué à quelques circonſtances du jeu : elle nous mettoit ſouvent le derriere tout en feu ; nous nous en fâchions ; & pour nous appaiſer ; elle ſe mettoit auſſi toute nue devant nous, & nous obligeoit à faire de même. Pour nous venger du mal qu’elle nous avoit fait, nous lui donnions le fouet l’une après l’autre ; elle le ſouffroit fort patiemment, quoiqu’elle fît quelques grimaces par forme. Il faut que je t’avoue, Octavie, qu’elle avoit un beau corps ; il n’y avoit rien de plus blanc, de plus ferme, & de plus poli ; ſon derriere étoit admirable par ſa rondeur & ſa fermeté. Mais revenons à notre hiſtoire : après que nous nous étions bien laſſées à la fouetter, elle ſe relevoit, & nous diſant que c’étoit à ſon tour. Elle nous faiſoit étendre tout de notre long ſur le dos, & coucher ſur des caiſſes ; elle nous faiſoit ouvrir les cuiſſes ; & après quelques careſſes, elle ſe jettoit ſur nous ; (remarque que nous étions toutes nues) & joignant ſa partie à la nôtre, elle remuoit & ſecouoit comme ſi en effet elle eût été d’un ſexe différent. Eh bien, Octavie, une fille ſortie d’une telle mere, ne doit elle pas être ſemblable à Vénus ? eh, eh, eh, qu’en dis-tu ?

Octavie.

J’ajouterai foi, Tullie, à ce que vous venez de dire, pourvu que vous me faſſiez connoître comment il s’eſt pu faire, qu’avec un ſi grand penchant pour la volupté, ma mere n’ait jamais rien fait contre ſon honneur.

Tullie.

Ah, ah je le veux ; écoute-moi ſeulement. Trois ou quatre mois avant que Sempronie fût mariée, nous étions un jour après midi toutes enſemble à nous divertir ; ſon pere & ſa mere étoient abſents ; ils l’avoient laiſſée ſeule avec ſa gouvernante, qui étoit pour lors occupée aux affaires de la maiſon, tellement qu’elle étoit en liberté, & n’avoit rien à craindre d’aucun côté. Elle avoit un petit page de quatorze ans, qui s’appelloit Joconde ; il étoit beau comme un ange, & avoit l’eſprit auſſi joli que le corps ; il chantoit agréablement, & danſoit avec une adreſſe merveilleuſe. Sempronie, qui préſidoit à tous nos jeux, dit qu’il falloit qu’il fût de la partie ; nous y conſentîmes avec joie, parce qu’il étoit fort aimable : elle le fit donc venir, après avoir pris ſes précautions contre toute ſurpriſe. D’abord qu’il fut entré, il chanta & danſa avec un agrément particulier ; mais le jeu n’en demeura guere-là. Sempronie avoit bien une autre intention ; c’eſt pourquoi elle l’interrompoit à chaque pas qu’il faiſoit, elle le pouſſoit au milieu d’une danſe, & l’excitoit par mille attaques à un autre divertiſſement. O la belle fille, nous diſoit-elle en le montrant ; qu’elle eſt jolie ! qu’elle eſt aimable ! regardez, mes compagnes, comme elle eſt ſage, comme elle eſt modeſte ? je vous jure, continuoit-elle, que ce n’eſt pas un homme, mais plutôt une jeune vierge, qui déshonore notre ſexe en ſe couvrant d’un habit de garçon. Joconde ſe défendit d’abord par des reparties aſſez ſpirituelles ; mais Sempronie lui en dit tant, qu’elle le pouſſa à bout : il rougit ſelon la coutume des jeunes gens, & tâcha de ſe défaire de nous autres, en s’enfuyant : mais ce fut inutilement, la partie n’étoit pas égale ; & courant après lui, nous eûmes bientôt repris ce fugitif. Nous l’amenâmes au pied du lit, qui étoit dans la chambre. Ah ! c’eſt à préſent, dit Sempronie, qu’il faut voir ſi c’eſt une fille ou un garçon elle paſſa auſſi-tôt la main dans l’ouverture de ſon haut de chauſſe.

Octavie.

Quoi ! & Joconde ne ſe défendoit point ? ah ! ah ! ah !

Tullie.

Retirez-vous, lui diſoit-il, en ſe défendant légérement ; ſi vous n’y prenez garde, je regarderai moi-même ſi vous êtes pucelle ou non. Cependant Sempronie ne lâchoit point ſa priſe, elle tenoit toujours entre ſes mains l’inſtrument de cet Adonis ; & l’ayant tiré au-dehors, elle nous le fit toucher, à Victorie & moi. Nous autres, qui étions encore de pauvres innocentes ; nous le regardions attentivement, & admirions comment il ſe pouvoit faire, que par les attouchements de Sempronie, il s’allongeât & groſſît à vue d’œil. Eh bien, Joconde, lui dit ta mere, ſavez-vous l’uſage de ce meuble, & à quoi il peut être bon ? Je ne l’ai jamais expérimenté, reprit-il ; mais je me doute bien à quoi il peut ſervir. Bon, bon, interrompit ſimplement Victorie, il faut qu’il nous l’apprenne. J’y conſens, dit-il, pourvu que ce ſoit l’une après l’autre ; & cet endroit, pourſuivit-il, en montrant un petit lit de tapiſſerie qui n’avoit qu’un pied de hauteur, ſera propre pour nous y donner les leçons néceſſaires : je veux commencer par Sempronie. Il la prit auſſi-tôt par la main, & la fit coucher ſur un tapis de Turquie, dont la chambre étoit couverte ; il mit ſous elle deux couſſins, l’un ſous la tête, & l’autre ſous ſes feſſes : il trouva ce lieu plus commode que le lit. Ça, dit-il, c’eſt à préſent que je vais vous apprendre ce que vous ſouhaitez ; il mit bas auſſi-tôt tous ſes habits, & trouſſa les jupes de Sempronie le plus haut qu’il put ; il découvrit de la ſorte le bel endroit qui devoit ſervir de champ de bataille ; il étendit ſes cuiſſes, & ſe mit à genoux entre deux.

Octavie.

Quoi ! tu voyois tout cela ? tu étois préſente à ce ſpectacle ?

Tullie.

Sans-doute je le voyois comme tu me vois. Sempronie prit elle-même le membre de Joconde, & lui demanda, en le maniant, ce qu’il en vouloit faire. Je veux, dit-il, l’enfoncer bien avant dans cette fente que je touche ; & auſſi-tôt il ſe jetta ſur elle ventre ſur ventre : après quelques efforts, il entra au-dedans. Sempronie s’écria : Ah Joconde ! retirez-vous, vous me bleſſez ; vous me faites mal. Voulez-vous, dit-il, que je quitte la partie ? Non, non, dit-elle, achevez, puiſque vous avez commencé ; mais faites vîte. Il redoubla auſſi-tôt ſes ſecouſſes ; & à chaque mouvement qu’il faiſoit, Sempronie ſoupiroit, & diſoit : Eh, eh. Elle ne prononçoit aucune parole, juſque’à ce que ſentant les approches du plaiſir. Ah, ah, dit Joconde, embraſſez-moi, ma Déeſſe, mon Cœur, mon Amour ; ah, ah ! je piſſe, je piſſe. Et moi auſſi, dit Sempronie ; avance, mon cher, avance le plus que tu pourras : ah, ah ! je n’en puis plus, je me meurs, ah ! que ce plaiſir… Elle perdit ici la parole, & ajouta un peu après : eſt agréable ! auſſi-tôt qu’ils eurent achevé, ta mere ſe leva, & s’en vint à moi : Ah ! ma très-chere, me dit-elle, en m’embraſſant, que le divertiſſement que je viens de prendre eſt doux ! ah, que ce jeu eſt aimable ! quittons, pourſuivit-elle, à préſent toutes nos badineries puériles ; elles n’ont rien qui approche de ces exercices : en vérité, Joconde eſt un ſavant & un agréable maître. Comme elle achevoit ces paroles, Joconde lui donna un baiſer. Mais quoi ! dit-elle, je me ſens toute mouillée ſous ma chemiſe ; d’où vient cela ? Joconde lui fit lever ſes jupes : Prenez garde, dit-il, qu’on ne s’apperçoive de cette humeur répandue ; car on tireroit de-là des conſéquences qui nous ſeroient déſavantageuſes ; il l’eſſuya avec un mouchoir. Victorie regardoit curieuſement : Et comment, dit-elle à Joconde, eſt-ce que cela s’eſt pu faire ? qu’avez-vous fait tous deux enſemble, pour, être ainſi mouillés ? Voulez-vous l’apprendre, dit Joconde ? nous avons fait ce que font nos Peres & Meres, ce que font ceux qui ſont mariés, & ce que je ferai préſentement avec vous, ſi vous voulez. Je vais commencer par la plus jeune, pendant que je ſuis encore en état de donner une ſeconde leçon.

Octavie.

Ce diſcours me met dans un étonnement étrange ! O ma mere ! quelle vie, ou plutôt quel déguiſement !

Tullie.

Victorie eſt la plus jeune & la plus jolie, dis-je à Joconde, c’eſt à elle à commencer. Vous êtes également belles & aimables, reprit-il, & vous en goûterez toutes deux l’une après l’autre. Il gliſſa auſſi-tôt ſa main dans notre ſein, à Victorie & à moi ; mais il n’y trouva encore que les veſtiges de nos tettons ; parce qu’ils n’étoient pas encore formés : ils pouvoient bien ſervir d’ornement, mais ils étoient trop petits pour ſoutenir des attaques. Si ces demi-globes n’ont pas aſſez de quoi vous plaire, dit Sempronie à Joconde, vous trouverez un autre endroit plus bas qui ſuppléera à leur défaut. Il ſourit à ces paroles ; & ſe jettant au col de Sempronie, il lui demanda la permiſſion de baiſer ſes tettons qui avoient fait une partie de ſon bonheur : elle le lui permit ; il les baiſa donc amoureuſement, en mordant & ſuçant l’extrêmité. Il nous les fit manier, à Victorie & à moi : nous les admirâmes ; car bien qu’ils ne fuſſent pas encore dans leur perfection, il n’y avoit néanmoins rien de plus aimable ; ils étoient fermes, blancs, ronds, & d’une belle & juſte diſtance. Joconde ne ſe contenta pas de-cela, il toucha derechef Sempronie ſous ſes jupes & ſa chemiſe, & nous la fit contempler deſſus, deſſous. Il faut que je l’avoue, Octavie, qu’après toi je n’ai point vu de corps mieux pris : ſes cuiſſes ſont rondes & potelées ; ſes feſſes blanches & polies ; ſa partie eſt placée le plus avantageuſement du monde : enfin c’eſt un chef-d’œuvre, il n’y a rien de plus beau ; & tu ne tiendrois pas de ta Mere, ſi tu n’étois auſſi accomplie comme tu es. Pendant que nous la regardions ainſi fixement, ſon Adonis ne ſe contentoit pas de ſatisfaire ſa vue ; il vouloit que tous ſes ſens partageaſſent le plaiſir : il touchoit & la manioit deſſus, deſſous ; il la baiſoit indifféremment par-tout. Ah, Dieu ! s’écrioit-il, que ma condition m’éloigne de la poſſeſſion d’un ſi beau corps !

Octavie.

Et pendant ce temps, que faiſoit Sempronie ?

Tullie.

Elle n’étoit pas oiſive durant ce badinage : elle embraſſoit étroitement Joconde ; elle lui découvroit les feſſes, & les manioit ; elle lui prenoit ſon inſtrument, elle l’excitoit, & le mit ſi bien en humeur, qu’il appella Victorie, en lui diſant de regarder attentivement la beauté du derriere de Sempronie : il la prit par le bras, & la renverſa par terre. Ta mere ſe leva auſſi-tôt pour leur faire place, & donner lieu à leur divertiſſement. Victorie voulut ſe défendre, mais inutilement ; ta mere & moi, nous la prîmes l’une d’un côté, l’autre de l’autre : il fallut céder à la force ; elle conſentit à tout, pourvu, dit-elle à Joconde, que vous ne me faſſiez pas de mal. Bien-loin, dit-il, de vous cauſer du mal, je veux vous combler de plaiſir. En diſant cela, il lui leva ſes jupes & ſa chemiſe, & nous fit voir le champ de Vénus à découvert. Il ſe tenoit à génoux entre ſes jambes ; il lui manioit la partie, l’entr’ouvroit, y mettoit le doigt ; elle n’étoit encore revêtue d’aucun poil, & ſon ouverture étoit ſi petite ; qu’elle ne paroiſſoit que comme une ligne un peu enfoncée. Courage, Joconde, dit Sempronie : vous êtes-là en poſture de ſuppliant, les genoux en terre ; qu’attendez-vous pour rendre vos adorations ? Il obéit ; & avec des tranſports & des ſaillies les plus amoureuſes du monde, il baiſa toutes les parties de cet aimable corps, ſans oublier la principale, qu’il ſembloit qu’il voulût dévorer. Que veux-tu davantage ? ce jeu le mit tout en feu, il brûloit d’amour ; & pour chercher du rafraîchiſſement, il ſe jetta ſur cette tendre victime, & la perça. Elle s’écria au premier coup : Ah ! retirez-vous, je ne ſouffrirai pas cela. Tous ces cris ne ſervirent de rien ; car à la cinquieme ſecouſſe, le Vit de Joconde entra tout entier, & fit au dedans une copieuſe décharge.

Octavie.

Quoi ! vous étiez-là toutes deux préſentes ?

Tullie.

Aſſûrément, & nous congratulions Joconde, de ce qu’il étoit venu à bout d’un ſi joli pucelage. L’affaire étant achevée, Victorie ſe leva, & dit innocemment qu’elle venoit de ſentir je ne ſais quelle humeur qui ſortoit de ſa fente. Joconde lui leva auſſi-tôt ſes jupes, & la nettoya ; nous vîmes pour lors du ſang mêlé avec la ſemence. Joconde l’embraſſa étroitement, & lui demanda pardon du mal qu’il lui avoit fait : il étendit après cela ſon mouchoir ; & nous montrant les taches de ſang dont il étoit marqué, il nous dit que c’étoient les marques de ſon triomphe, des preuves certaines de ce qu’il avoit combattu avec une vierge. Eh quoi, frippon, dit Sempronie, eſt-ce que je ne l’étois pas, moi ? Sans doute, vous l’étiez, reprit-il ; mais comme votre âge vous rendoit un peu plus ouverte, les marques de ma victoire n’ont pas été ſi évidentes.

Octavie.

Tu me fais pitié, Tullie, de demeurer ſi long-temps à regarder les autres, & à juger des coups ſans en partager le divertiſſement.

Tullie.

Chaque choſe aura ſon temps. Tu ſauras donc que Joconde étoit entiérement abattu, & toutes ſes forces étoient épuiſées. Eh bien, lui dis-je, vous êtes las, vous n’en pouvez plus, mon pauvre enfant ; & j’ai bien la mine de ſortir veuve de ces noces, & de n’avoir aucune part à la fête. Non, non, dit Sempronie, ne crains point, tu ſeras ſatisfaite, & je veux bien cautionner Joconde. En effet, pourſuivit-elle, en s’adreſſant à lui, tu as beſoin de reprendre des forces ; va-t-en à ma gouvernante, & la prie de ma part de m’envoyer la collation, pour moi & pour mes compagnes. Il s’y en alla, & apporta un peu après une grande tarte avec des confitures, & une bouteille d’excellent vin. Je coupai d’abord un grand morceau de cette tarte, & le donnai à Joconde, tant j’avois hâte qu’il fût bientôt en état ; il ne le mangea pas, il le dévora, & but un verre de vin que je lui préſentai avec la même avidité. Sempronie & Victorie avoient le même ſoin que moi ; chacun lui donnoit à l’envie : c’eſt pourquoi, il fut bientôt raſſaſſié. La collation étant faite, il me prit par la main, me fit faire deux ou trois tours de danſe, & ſe jettant enſuite à mon col : Ah ! ma chere Tullie, vous aviez peur de ſortir veuve de ces noces : ne craignez point, je ſuis auſſi vigoureux qu’auparavant. Il me baiſa ; & après quelques autres careſſes, il me jetta ſur les couſſins qui avoient ſervi à Victorie & à Sempronie. Que te dirai-je davantage ? il me fit en deux ou trois coups comme il avoit fait aux autres.

Octavie.

Il trouva donc l’entrée bien facile ?

Tullie.

Eſt-ce que tu ne ſais pas, que nous autres Italiennes, nous ſommes extrêmement ouvertes dès notre plus tendre jeuneſſe ?

Octavie.

Il faut au moins que tu t’exceptes de la regle auſſi-bien que moi ; car je n’ai pu être dépucelée qu’avec de ſenſibles douleurs, & tu m’as dit que tu ne l’avois pas été ſans peine.

Tullie.

Sans doute, mais voici la raiſon. Nous-avons été mariées à deux hommes extrêmement membrus ; c’eſt pourquoi ce n’eſt pas une choſe ſurprenante que nous ayions paru étroites, à des perſonnes qui ne pouvoient trouver des femmes trop larges pour eux. Oronte & Pamphile le peuvent diſputer avec tout autre ; je crois même qu’ils n’en doivent guere céder à Priape ; & que ſi les bonnes matrones de Lampſaque les euſſent eus après que ce maître Couillaut fût mis au rang des Dieux, elles n’auroient pas tant déploré ſon abſence qu’elles firent. Tu ſais ce qu’étoit Priape ? Voici ce qu’il diſoit de ſoi-même :

Le plaiſir que je prends ne peut être petit,
      Jamais je ne f… à la nage ;
Et la raiſon, c’eſt que mon Vit
Ne peut trouver de Con trop large.

Si nous l’en croyons, c’étoit un maître Sire ; eh bien ! je crois que nos maris en peuvent dire autant, car ils emportent le prix ſur toutes les Couilles du monde. Sempronie & Victorie m’ont avoué auſſi, que la première nuit de leurs noces, elles avoient fait l’affaire ſans aucune peine ni d’un côté ni d’autre : il eſt pourtant certain que leurs maris ne ſont pas mal partagés, cela vient donc d’une autre cauſe. Il n’en faut point douter, Octavie ; & c’eſt une vérité, que les Italiennes & les Eſpagnoles ſont tellement fendues, qu’il ſemble qu’elles ſoient plutôt nées pour des mulets, que pour des hommes. Il eſt vrai que Joconde avoit déja ouvert le paſſage, & c’eſt peut-être ce qui a rendu l’entrée ſi facile.

Octavie.

En effet, cela peut bien être : je n’y faiſois pas réflexion.

Tullie.

Hélas ! ce que j’en diſois, ce n’étoit que pour rire. Le pauvre enfant n’en avoit pas en ce temps-là, plus long que le doigt du milieu : & la groſſeur de ſon invention, ne ſurpaſſoit pas celle de mon pouce. Les Médecins diſent que ceux qui en ont plus de ſept ou huit pouces de long, paſſent les bornes de la nature : & la raiſon qu’ils en donnent, c’eſt, diſent-ils, parce que le col de la matrice ne peut ordinairement s’étendre dans l’action vénérienne, que de cette longueur ; qu’une extenſion plus grande ne ſe peut faire ſans un grand travail, & ſans incommoder la femme. Il en eſt de même de la groſſeur : car le membre de l’homme s’enflant & devenant furieux, comme il arrive quelquefois, l’affaire ne ſe peut terminer ſans des peines & des douleurs incroyables de celle qui eſt chevauchée. Voilà, Octavie, ce que j’avois à t’apprendre de nos divertiſſements pris avec Sempronie ; ta curioſité eſt-elle ſatisfaite ?

Octavie.

Aſſurément, & tu m’as appris des choſes qui me mettent dans la derniere ſurpriſe. J’avois cru, juſques à préſent, qu’il n’y avoit point de femme plus ſainte que ma mere, & dont les mœurs fuſſent plus irreprochables : mais je vois bien le contraire ; & je ne ſais comment il s’eſt pu faire, que mon pere qui eſt fort ſoupçonneux, & qui a une délicateſſe extraordinaire ſur le point d’honneur, n’ai jamais rien vu en elle que de louable. Il l’aime éperdument, & la croit la femme la plus ſage & la plus honnête du monde : mais ce qui eſt encore plus ſurprenant, la médiſance qui n’épargne perſonne, & qui publie nos vices les plus ſecrets, n’a jamais cenſuré ſa conduite, ni découvert en elle le moindre défaut qui ait donné lieu à la critique.

Tullie.

Cela ne doit point t’étonner : une perſonne prudente ſait toujours bien ſe tirer d’affaire ; & la plupart des femmes qui périſſent, n’en doivent point attribuer la cauſe à leurs divertiſſements, mais ſeulement au peu de précaution qu’elles apportent quand elles les prennent. Il y en a qui ne veulent point être aimées à petit bruit ; elles tirent gloire de leur infamie, & aiment mieux entendre dire un peu de mal d’elles, que de n’en point entendre parler du tout. C’eſt-là le véritable chemin de perdition ; car il faut que tu ſaches, Octavie, que ce n’eſt pas dans la nature des choſes que conſiſte la louange ou le blâme : non, c’eſt dans l’uſage que nous en faiſons ; & il eſt de la prudence de nous preſcrire des bornes à nous-mêmes, afin de ne nous pas laiſſer aveugler à nos appétits, & donner occaſion de dire que nous vivons ſans regle & ſans jugement. Imagine-toi, ma chere Octavie, que ſi tu veux vivre heureuſe & contente dans l’état du mariage où tu es engagée, il faut que tu croyes qu’il n’y a rien qui ne te ſoit permis, & que toutes choſes te ſont défendues. Cela te paroît un peu obſcur.

Octavie.

Sans doute ; car je ne conçois pas que l’uſage d’une choſe puiſſe être permis & défendu tout enſemble.

Tullie.

Apprends donc à préſent que tout ce que tu pourras faire commodément, ſans offenſer les yeux de tes domeſtiques & de ton mari, eſt permis ; & au contraire, que ce que tu ne pourras exécuter ſans peril, eſt défendu. Voilà en deux paroles ce qui doit régler toutes tes actions ; ce ſont-là les véritables maximes que tu dois ſuivre ſi tu es ſage, & c’eſt à elles ſeules à qui je dois tous mes plaiſirs & mes divertiſſements. Ce n’eſt, Octavie, que par leur pratique, que j’ai conſervé mon honneur & ma réputation ; tu en peux faire de même, ſi tu les obſerves. Nous ſommes toutes également portées à la volupté, nous y avons toutes le même penchant ; & bonnes & mauvaiſes : mais il eſt à remarquer que celles-ci ne ſe mettent aucunement en peine de la réputation ; elles préferent le plaiſir à toutes choſes, & c’eſt ce qui les fait paſſer pour des infames. Parmi les autres, ils s’en trouve de ſages ; mais il s’en rencontre d’imprudentes, qui, faiſant de fauſſes démarches, périſſent la plupart à la fleur de leur âge, ou finiſſent leurs jours dans les ténebres & l’obſcurité d’une priſon, où le poiſon & le fer ſont les inſtruments qui châtient leur conduite trop ouverte. Il n’en eſt pas de même de celles dont la prudence fait le caractere : elles vivent heureuſes juſques au dernier ſoupir ; & la circonſpection dont elles uſent dans toutes leurs actions, les feroit paſſer pour ſaintes dans les lieux les plus infames, au milieu même du bordel. Tu vois, Octavie, qu’il y a pluſieurs chemins qui conduiſent à la même fin, c’eſt-à-dire au plaiſir, & qu’il eſt de la ſageſſe d’une femme, de ne pas ſuivre toujours le plus battu. Tu comprends bien tout ceci.

Octavie.

Oui, Tullie, & je te ſerai obligée toute ma vie, de ces bonnes & ſpirituelles inſtructions : continue.

Tullie.

Auſſi-tôt que je fus mariée, je m’appliquai particuliérement à connoître l’humeur de mon mari ; j’examinai ſon penchant & ſes inclinations, & je n’oubliai rien pour en avoir une parfaite connoiſſance. Après cela, je conſidérai trois choſes : ce qui étoit au-deſſus de moi, ce qui était hors de moi, & ce qui étoit au-dedans. Je regardai la religion élevée au-deſſus de toutes choſes ; & comme elle tient le premier rang dans la politique, (bien que dans la nature elle n’en ait aucun) je fis une ſérieuſe réflexion ſur tous les devoirs auxquels elle m’engageoit. Je vis enſuite de quoi j’étois redevable à tous les hommes, & enfin ce que je me devois à moi-même. Je connus donc qu’il étoit néceſſaire que les femmes mariées fuſſent fort religieuſes, ou tout au moins qu’elles en euſſent l’apparence ; car il faut que tu ſaches que celle qui n’eſt pas vertueuſe en elle-même, ſi elle en fait bien le perſonnage au-dehors, eſt préférable à celle qui l’eſt en effet, mais qui ne la paroît pas. Le bonheur d’une femme dépend entiérement de l’eſtime de ſon mari ; elle eſt heureuſe, ſi elle peut paſſer dans ſon eſprit pour ſage & honnête : mais au contraire elle eſt miſérable, ſi ſa conduite trop ouverte donne des ſoupçons de ſes déréglements. Dans le commencement de notre mariage, nos maris nous aiment & nous chériſſent à cauſe de notre beauté, & des autres agréments extérieurs qu’ils trouvent dans notre perſonne : mais quand ces premieres fureurs de l’amour ſont paſſées, & qu’ils ſe ſont raſſaſſiés de nos embraſſements, ils n’ont plus pour nous qu’un amour d’eſtime, c’eſt-à-dire, ſi nos comportements leur paroiſſent ſans reproche, & s’ils nous croyent à l’épreuve de la galanterie.

Octavie.

Je commence, ma Couſine, à entrer dans le ſens de cette morale ; ce grand déguiſement de mœurs me choque.

Tullie.

Ah, qu’on a de peine à te réduire ! Il faut que tu ſaches qu’il n’y a que de la gloire à ſe maſquer de la vertu ; on ne peut pas ſe couvrir d’un voile plus précieux, & toute la ſageſſe du ſexe ne peut trouver de voie plus ſûre pour paſſer ſa vie dans les plaiſirs.

Octavie.

Quoi ! une femme doit donc s’abandonner à toutes ſortes de vices, & n’avoir aucun égard pour la vertu ?

Tullie.

Ah, Dieux ! tu n’entres pas dans ma penſée ; bien-loin de n’avoir aucuns égards pour la vertu, elle en doit faire une profeſſion ouverte, mais de telle maniere qu’elle prenne garde pour cela de ne pas faire gloire de mauvaiſe humeur. Il faut qu’elle tempere cette auſtérité de mœurs apparente, par tant de douceur & de charmes, que, ſans qu’il ſemble qu’elle ait deſſin de plaire à perſonne, elle ſoit agréable à tout le monde. Bien-loin de mépriſer les loix & les coutumes qui ſont établies par un long uſage, elle doit les avoir en vénération, & les obſerver avec une ſi exacte régularité, que ſa vie à l’extérieur ne differe en rien de l’honnêteté, pendant que ſous ce voile elle cherchera ſes divertiſſements. Il faut qu’elle paroiſſe un miroir de ſainteté au-dehors, pendant que ceux qu’elle voudra rendre heureux, avoueront qu’il n’y aura rien de plus laſcif. Cette conduite te ſurprend peut-être : mais il faut que tu ſaches qu’elle eſt moins préjudiciable à la vie civile, que les pratiques de ces femmes ſaintes & dévotes, qui ne font aucun bien qu’à deſſein de le faire paſſer pour mal ; & cela, diſent-elles, par un principe de vertu. O la belle vertu, qui transforme le bien en mal ! Voilà, Octavie, la fin de la morale que je te propoſe : Palàm vive omnibus, clàm & in tuto tibi : c’eſt-à-dire, que tu dois ſuivre les ſentiments des ſages, & les coutumes du peuple ; & qu’en réſervant pour toi tes penſées & tes actions les plus ſecretes, tu dois lui ſacrifier les dehors, & toutes les apparences extérieures. Il te ſera facile d’obſerver tout ceci ; tu n’as qu’à imiter ta mere Sempronie.

Octavie.

Je comprends tout ce diſcours, Tullie ; mais pourquoi me propoſer ma mere pour exemple ?

Tullie.

Tu dois ſavoir, Octavie, que ta mere m’eſt auſſi connue que toi : j’ai ſouffert ſes badineries, comme tu as enduré les miennes ; & voici les regles qu’elle me preſcrivit auſſi-tôt que je fus mariée. Tu dois regarder Oronte, me diſoit-elle, comme une divinité ſur la terre ; tu dois le chérir & preſque l’adorer, & te rendre complaiſante à toutes les demandes qu’il te pourra faire, ſans t’imaginer qu’elles renferment quelque choſe de malhonnête en elles-mêmes. Voilà, Tullie, continua-t-elle, les prérogatives & les privileges de l’homme ; & voici les avantages de la femme. Elle doit croire, ſi elle eſt ſage, que comme elle eſt née pour le plaiſir de ſon mari, tous les autres hommes ne ſont au monde que pour le ſien. L’un lui eſt propre, & lui appartient de droit ; l’autre lui eſt commun avec ſon époux. Elle doit ſe changer en autant de figures que Prothée, pour lui plaire, ſi la lubricité l’exige d’elle : en un mot, elle ne doit rien négliger de tout ce qui peut ſervir à ſa convoitiſe ; pendant que ſes amants de leur côté mettront toute leur adreſſe en uſage pour ſatisfaire la leur. Voilà, Octavie, comme je me menage avec Oronte, & comme j’agis en même temps avec Cléante.

Octavie.

Fort bien, fort bien ; je comprends quel eſt ton commerce avec Cléante.

Tullie.

Il faut, Octavie, que je te donne en peu de paroles une parfaite idée de ma conduite ; écoute-moi. Depuis que je ſuis engagée dans le mariage, je me ſuis également partagée entre Oronte & Cleante : j’accorde à Oronte tout ce qu’il ſouhaite de moi pour ſa volupté, même les choſes dont je n’en reçois aucune ; & à Cleante, je ne demande que celles qui me ſont ſenſibles. L’un me commande, j’ordonne à l’autre : mon mari a la jouiſſance de mon corps, moi je diſpoſe de celui de mon Amant ; j’obéis à Oronte, je ſuis maîtreſſe de Cleante. Réfléchis un peu ſur la différence qu’il y a de la condition d’une femme libre, avec celle d’une eſclave ; & penſe, mon enfant, que pour vivre heureuſe, il faut faire une alliance de ces deux vies.

Octavie.

Quoi ! on ne peut être heureuſe ſans s’abandonner de la ſorte ? A Dieu ne plaiſe que je commette jamais la moindre faute ſur cette matiere !

Tullie.

Octavie, te ſouvient-il du ſonge dont je fus l’interprête ?

Octavie.

Sans doute ; mais vous pouvez auſſi vous ſouvenir des proteſtations que je fis, d’être toujours fidelle à mon cher Pamphile.

Tullie.

Quoi ! tu es aſſez téméraire pour aller contre les deſtins ; c’eſt-à-dire, de faire la guerre au Ciel, & de t’imaginer que tu pourras ſurmonter par ton opiniâtreté, ce que les Dieux ont réſolu ?

Octavie.

Comment, Tullie, vous voudriez tout de bon m’engager dans ce genre de vie qui eſt ſi déteſtable ? vous voudriez me faire fouler aux pieds les ſentiments d’honneur que doit avoir une jeune mariée comme moi ? Non, vous ne parlez pas ſérieuſement ; & ce que vous m’avez dit de Cléante, ne paſſe point dans mon eſprit pour véritable : je vous crois trop ſage.

Tullie.

Et moi, je te crois la plus ſotte du monde ; & tu es infatuée de certaines maximes qui me déplaiſent au dernier point. Seras-tu contente, ſi je te fais comprendre comment tu peux conſerver ton bonheur, avec la jouiſſance du plaiſir ?

Octavie.

Aſſurément ; mais je ne puis pas concevoir que vous en veniez à bout : car comment accorder dans un même ſujet deux choſes qui ſe combattent, & qui ſe détruiſent d’elles-mêmes ?

Tullie.

Pour t’inſtruire de cette vérité, qui te ſemble un paradoxe, apprends que les hommes d’à préſent ont fait de nouvelles loix, & introduit dans le monde un culte qui n’a aucun rapport avec l’ancienneté. Les vertus de l’âge de nos peres, ſont les vices de celui-ci ; & les actions qui ne ſe faiſoient point le temps paſſé ſans récompenſe, ne peuvent maintenant ſe pratiquer avec impunité. Parmi ces ſtables engagements, & ces étranges révolutions, l’Honneur a pris ſa naiſſance, & s’eſt emparé avec le temps de la plupart des eſprits. Ne crois pas, Octavie, que ſon être ait quelque choſe de réel. Non, il n’a point d’autre fondement que dans notre imagination ; & tu ſerois abuſée, ſi tu penſois que ſa nature fût d’une autre matiere que celle de ces objets de raiſon dont parlent les Philoſophes, qui doivent leur production à notre fantaiſie, & qui n’ont rien de commun avec la Vérité bien fondée. Cette belle imagination a été inventée, pour tenir les perſonnes de notre ſexe dans un devoir rigoureux ; c’eſt une pure idée & une chimere, que la malice de temps nous oblige de ſuivre, pendant que la ſageſſe nous dicte de ne nous y pas attacher. Regrettons-donc, mon enfant, avec un grand homme, le bonheur des ſiecles paſſés, où ce Tyran qui s’oppoſe à tous nos plaiſirs, étoit entiérement inconnu.

    ...... Quel Vano
    Nome fouza ſogetto
    Quelli dolo d’errori, idol d’inganno
    Quel, che dal volgo inſano
    HONOR poſcia ſu dettó
    (Che di noſtra natural feo Tiranno)
    Nori miſchiava il ſuo aſſanno
    Fra le liete dolceſſe.

    Del amaroſo gregge,
    Ne fu ſua dura legge.
Nota à quell alme en libertate auvez ze
    Mà legge aurea, è felice,
    Che natura ſelopi, S’ EIPTAGE EILIGE
[ws 1].

Voilà, Octavie, ce que c’eſt que l’honneur ; voilà la nature de cette honnêteté, qui te ſéduit ; juge de-là ſi elle eſt incompatible avec le plaiſir, & tire de ce raiſonnement les conſéquences qui en ſortent naturellement.

Octavie.

J’entre dans votre penſée, ma couſine ; mais pour me ſatisfaire entiérement, dites-moi pourquoi vous ne me prêchiez rien tant que cet honneur, devant que je fuſſe mariée. A quoi bon m’abuſer de la ſorte, puiſque ce n’étoit qu’une chimere ?

Tullie.

En voici la raiſon, ma mignonne. Pendant que nous ſommes filles, nous ſommes obligées de courir après ces fantômes viſionnaires, ſi nous voulons vivre heureuſes. Il n’en eſt pas de même quand nous ſommes une fois engagées dans le mariage : il n’y a plus d’infamie pour nous, nous avons la liberté de tout faire ; & ce beau manteau qui couvre tous nos divertiſſements, nous met au-deſſus de la calomnie la plus noire, & la moins épargnante.

Octavie.

Je me rends, Tullie, vos raiſons me perſuadent ; il me reſte ſeulement quelques petits doutes, que vous m’éclaircirez une autre fois.

Tullie.

Voilà qui eſt bien ; c’eſt être raiſonnable, que de ſe laiſſer gagner à la raiſon. Pour les doutes qui te reſtent, qu’ils ne te fatiguent point l’eſprit ; je te veux mettre entre les mains d’un homme qui levera tous tes ſcrupules.

Octavie.

Je vous entends bien ; vous parlez de Cléante, les ſcrupules ne ſe levent pas comme la chemiſe. Mais de grace, ma chere Tullie, apprends-moi comment tu es devenue ſa maîtreſſe ; s’il t’a été donné, ou ſi c’eſt par ton adreſſe que tu en as fait l’acquiſition ; par quels artifices tu as pu cacher à Oronte tes divertiſſements, & enfin comment tu lui as fermé les yeux, pour qu’il ne s’apperçût point des libertés que tu prenois à ſon préjudice ?

Tullie.

Je le veux, mon petit cœur : je te dirai des choſes ſurprenantes, où ta mere a eu beaucoup de part, mais que tu ignores, ſans doute. Tu ſauras donc qu’un peu après que Sempronie fut mariée, elle demanda à ſa mere qu’elle lui laiſſât toujours Joconde à ſon ſervice : elle la pria de le faire agréer à Pamphile, ce qu’elle fit ; il y conſentit ſans peine, & ne penſoit à rien moins qu’au commerce qu’ils avoient deſſein d’entretenir.

Octavie.

Depuis ſix mois, Joconde eſt marié ; & avec tout cela il eſt toujours reſté à la maiſon, c’eſt-là ſans doute un préjugé de ce qui ſe paſſa ; & quand je rappelle en moi-même ce que j’ai vu & entendu, lorſqu’ils étoient enſemble, & qu’ils mépriſoient mon bas âge, je tombe d’accord de ce que tu me dis, & ſuis de ton ſentiment. Non, je n’en doute aucunement, Joconde couchoit avec ma mere.

Tullie.

A ce que je vois, tu en ſais preſque autant que moi ſur ce chapitre.

Octavie.

Ah, Dieux ! que ma mere répondoit mal au ſentiment d’honneur qu’on avoit de ſa perſonne ! qu’elle ſavoit bien cacher ſes défauts ſous les fauſſes apparences de la vertu ! Je les ai ſouvent vus rire & diſcourir enſemble, lorſque mon pere étoit abſent ; Joconde étoit pour lors Intendant de la maiſon. Je me ſouviens qu’une fois entr’autres, ma mere & moi nous étions ſeules dans une chambre : elle travailloit à un ouvrage en broderie ; pour moi je badinois à la maniere des enfants de mon âge, avec une chatte que je tirois par l’oreille, & enlevois en l’air. Je me ſouviens donc que Joconde entra ; & après avoir ſalué ma mere, & s’être dit tout bas quelques paroles, il la prit par la main ; & malgré quelques réſiſtances qu’elle apportoit, il ſe retira avec elle de ma préſence. Je crus qu’ils étoient ſortis de la chambre, & je me réjouiſſois déja de ce qu’ils m’avoient laiſſée ſeule en liberté ; lorſque tout d’un coup j’entendis trembler le lit, & quelques accents mal articulés de la voix de ma mere, comme ſi elle ſe fût plainte. Je demeurai quelque temps attentive ; mais la peur me ſaiſiſſant, je courus vîte vers l’endroit où j’entendois le bruit : ma mere m’apperçut, & s’en vint en riant au-devant de moi, & me prit entre ſes bras : Qu’avez-vous, me dit-elle, ma mignonne ? J’ai eu peur, lui dis-je, quand je vous ai entendue crier : qu’eſt-ce qui vous fait mal ? C’eſt, reprit-elle, qu’en ſortant de la chambre, j’ai donné du pied contre le lit avec tant de force, que cela m’a cauſé une ſenſible douleur. Pour Joconde, je ne le vis point, il étoit déja diſparu.

Tullie.

Mais dans la ſuite, n’as-tu rien découvert de leurs intrigues ?

Octavie.

Non, ils évitoient tant qu’ils pouvoient l’un & l’autre ma préſence ; & ma mere avoit un ſoin particulier de ne rien faire devant moi, qui pût me faire concevoir quelque mauvaiſe opinion de ſa perſonne. Elle faiſoit au contraire ſon poſſible, de paſſer dans mon eſprit pour une femme ſage & honnête, & dont les mœurs ſont irreprochables.

Tullie.

Je le ſais ; & elle m’a bien priée de t’entretenir dans ces ſentiments d’honneur que tu avois conçus de ſa perſonne, & de faire en ſorte que tu la cruſſes la plus ſainte femme du pays. Je crois, Octavie, qu’il n’eſt pas néceſſaire que je te recommande le ſecret que je te découvre, comme à ma plus intime.

Octavie.

Je ſerois parricide, ſi je ne conſervois pas la réputation de ma mere, qui lui doit être plus chere que la vie. Ne crains rien de ce côté-là : il faut ſeulement que je t’apprenne comme elle a abuſé de ma ſimplicité. Trois jours devant mes noces, elle me tint ce diſcours : Après-demain, ma fille, vous devez être mariée, & par conſéquent dans la puiſſance de Pamphile : à préſent vous êtes pure, vous êtes chaſte, vous êtes vierge, & vous n’avez plus que ce peu de temps à reſter dans cet état de ſainteté ; il ſera ſuivi des ſaletés & ordures qui ſont inſéparables des embraſſements des hommes : toutes les vertus qui accompagnent la virginité, vous abandonneront auſſi-tôt ; & tous ces avantages vous délaiſſeront, ſi vous ne faites vos efforts par quelque action héroïque pour les retenir. Faites-y réflexion, mon enfant, & penſez que comme il n’y a rien de plus divin qu’une fille vierge, il n’y a rien auſſi de plus bas, de plus vil & de plus mépriſable qu’une fille qui a été ſouillée. Mais quoi ! quoi, ma mere, lui dis-je, que ſouhaitez-vous donc que je faſſe ? ſi vous voulez que je garde ma virginité ſans tache, vous pouvez me mettre dans un Couvent ; j’y conſentirai pour vous complaire. Non, non, ma fille, reprit-elle, cela eſt fort éloigné de ma penſée ; & quand vous ne ſeriez pas unique dans la maiſon, l’amour que j’ai pour vous ne me permettoit jamais de vous enſévelir ainſi toute vive dans un cloître. Ce que je vous demande ſeulement, continua-t-elle, c’eſt de conſerver votre eſprit ſans tache, comme j’ai toujours fait, & de retirer votre affection de toutes les ſaletés dont votre corps doit être ſouillé. Il eſt auſſi néceſſaire, ma chere enfant, afin de faire une digne oblation de votre virginité, de faire un ſacrifice qui en prévienne la perte, & un autre qui la ſuive. J’y conſens, lui dis-je ; mais à quel ſacrifice eſt-ce que vous m’exhortez ? Le ſacrifice continua-t-elle, que j’exige de toi, Octavie, a beſoin de tes mains & des miennes pour être exécuté : il a beſoin d’un grand courage, pour être bien méritoire ; & je crains que les forces ne te manquent pour une ſi ſainte œuvre. Non, non, lui dis-je, je ſerai auſſi courageuſe qu’il ſera néceſſaire, n’appréhendez point. Je le ſouhaite, me dit-elle, ma chere enfant ; promets moi donc que tu ſouffriras conſtamment tout ce que je jugerai à propos de te faire endurer : je le lui promis. Eh bien, ma fille, pourſuivit-elle, puiſque vous deſirez être auſſi ſage & auſſi bonne, que vous êtes belle & aimable, nous ferons demain ce ſacrifice, après que vous aurez renouvellé dans le temple la promeſſe que vous m’avez faite.

Tullie.

Vraiment, tu ne me dis rien de nouveau. Sempronie m’a fait le récit de cette hiſtoire, en donnant mille éloges à ton courage, & ſe riant en même-temps de ta ſimplicité.

Octavie.

Il n’eſt donc pas beſoin que je pourſuive.

Tullie.

Au contraire, tu ne ſaurois me faire un plus grand plaiſir que de m’en apprendre les particularités ; car ta mere ne m’en a fait le récit qu’en abrégé.

Octavie.

Tu ſauras donc que le matin, d’abord que je fus levée, & revêtue de mes plus riches habits qu’elle m’avoit préparés, elle me mena au Pere Théodore. Tu le connoîtras facilement, quand tu ſauras qu’il eſt de ceux qui affectent une auſtérité de vie apparente, & une ſévérité de mœurs toute particuliere : tout prêche ſur eux la mortification & la pénitence ; & leur barbe, qu’ils laiſſent croître, leur rendant le viſage ſec & atténué, les fait paſſer dans l’eſprit du peuple pour de vrais miroirs de ſainteté. Après que nous eûmes fait nos prieres, il s’en vint à moi dans une chapelle où je m’étois retirée avec ma mere : Eh bien, ma chere fille, me dit-il en m’abordant, vous avez là une mere qui ne veut rien épargner pour vous rendre auſſi parfaite que vous devez l’être. Vous devez, à ce qu’elle m’a appris, être mariée dans trois jours : il faut donc nettoyer votre ame de toute tache, pour vous rendre digne de la grace céleſte, qui ne peut entrer dans un cœur ſouillé de la moindre ordure. Vous devez ſavoir, continua-t-il, que ſi vous êtes bonne, les enfants que vous mettrez au monde, rempliront un jour dans le Ciel les places des Anges rebelles ; mais ſi au contraire vous avez quelque mauvaiſe qualité, ils en ſeront infectés, & iront dans le chemin de perdition, augmenter le nombre de ces miſérables. C’eſt à vous, me dit-il, à choiſir. J’étois ſi honteuſe, que je n’oſai lui répondre. Parlez, reprit-il. Je ſouhaite, lui dis-je, être bonne, & qu’ils ſoient bons. Approchez vous donc. Que veux-tu davantage ? je me mis à ſes pieds, ma mere ſe retira un peu, & je lui confeſſai juſqu’à la moindre penſée dont je crus être coupable. Quand il apprit ce qui s’étoit paſſé entre Pamphile & moi, & que j’avois déja à demi goûté le plaiſir, peu s’en fallut qu’il ne s’emportât de colere. Il me fit une ſévere reprimande ; & après m’avoir avertie d’avoir en horreur les actions paſſées, il m’ordonna d’obéir aveuglement à tout ce que ma mere me commanderoit. Il lui fit ſigne de venir ; & ayant tiré de ſa manche un petit paquet de cordes, il le lui donna ſans le déplier. N’épargnez pas, lui dit-il, votre fille ; ſervez-lui d’exemple ; & vous, ne ſoyez pas auſſi trop indulgente. Après cela nous ſortîmes de l’Egliſe, & nous nous en revînmes à la maiſon.

Tullie.

N’admires-tu point, Octavie, comme ces gens-là abuſent de notre ſimplicité, comme ils regnent ?

Octavie.

Dis plutôt comme nous nous moquons d’eux, & comme nous régnons. Auſſi-tôt que nous fûmes arrivées au logis, ma mere me fit entrer avec elle dans une chambre fort retirée, & qui n’a point de vue ſur notre jardin. Elle ferma la porte ſur nous, & me donna en riant ce paquet de cordes à démêler ; ce que je fis, & je connus que c’étoit une eſpece de fouet, compoſé de cinq cordelettes, nouées d’une infinité de petits nœuds de diſtance en diſtance. Eh bien ! ma fille, me dit ma mere, c’eſt avec cet inſtrument de piété que vous devez vous diſpoſer au mariage ; il doit vous ſervir de purgation. Le bon pere, continua-t-elle, nous a ordonné à l’une & à l’autre de nous en châtier nous-mêmes ; je vais commencer ; vous me ſuivrez : mais que la rigueur avec laquelle je traiterai mon corps, ne vous épouvante point ; n’en ayez point de peur, & penſez ſeulement que pendant ce ſaint exercice de piété, mon eſprit goûtera des douceurs qui ne ſe peuvent exprimer.

Tullie.

Tu tremblois ſans doute, ma pauvre enfant ?

Octavie.

Non, mais je t’avouerai que je ne croyois pas avoir tant de force, pour ſupporter, comme je fis, un travail ſi rude & ſi pénible.

Tullie.

En effet, on dit qu’il n’y a rien de plus fort & de plus conſtant que la femme ; quand elle s’opiniâtre à endurer quelque choſe, elle ſe ſurmonte elle-même, & ſupporte avec une fermeté admirable, des peines qui laſſeroient les plus grands courages. Mais continue.

Octavie.

A quoi bon perdre le temps, me dit ma mere, en me donnant un baiſer ? déshabillez-moi promptement, afin de mettre à découvert ces infames parties du corps, qui méritent toute ſorte de ſupplices. Je lui obéis, & ne lui laiſſai que ſa chemiſe ; qu’elle releva ſur ſes épaules ; puis ſe mettant à genoux, & prenant en main le fouet dont je t’ai parlé : regardez bien, ma fille, me dit-elle, comme il ſe faut ſervir de cet inſtrument de pénitence ; apprenez à ſouffrir, par l’exemple que je vais vous donner. A peine avoit-elle achevé de parler, que j’entendis frapper à la porte. Je l’en avertis. Je ſais ce que c’eſt, me dit-elle, ne vous étonnez point ; c’eſt le bon Pere Théodore, qui viens ſans doute pour nous aider dans ce ſaint exercice : il m’avoit dit qu’il n’y manqueroit pas, s’il pouvoit obtenir la permiſſion de ſortir. Il frappa une ſeconde fois : c’eſt lui-même, dit ma mere, ouvrez lui promptement. Comment, repris-je, voulez-vous qu’il vous voye ainſi toute nue ? Vous ne ſavez donc pas, me dit-elle, que ce ſaint homme me connoît juſques dans le fond de l’ame, & que je ne dois rien lui cacher. Elle baiſſa néanmoins ſa chemiſe, pendant que j’ouvris. Le Pere entra auſſi-tôt, & loua ma mere du bon exemple qu’elle me donnoit. Il fit enſuite un diſcours ſur ce ſujet, mais avec tant de force & d’énergie, que peu s’en fallut que je ne le prévinſſe moi-même, pour le prier de me traiter avec le plus de rigueur qu’il pourroit.

Tullie.

Ah Dieu ! étois-tu ſi folle ?

Octavie.

Tu aurois eu de la peine à ne te pas rendre, & il t’auroit ſans doute perſuadée. Il nous prouva par un diſcours poli ; & apparemment étudié, que la virginité ſans la mortification & la pénitence n’étoit aucunement méritoire ; que ce n’étoit qu’une vertu ſeche & ſtérile ; & que ſi elle n’étoit accompagnée de quelque châtiment volontaire, il n’y avoit rien de plus vil & de plus mépriſable. Celles-là ſans doute, continua-t-il, doivent rougir de honte, qui ſe mettent nues devant les hommes, afin de ſe proſtituer à leur convoitiſe ; mais au contraire les autres ſont louables, qui ne le font que par un principe de piété & de pénitence. Si vous conſidérez l’action des premieres ; vous n’y trouverez rien que d’infame ; & ſi vous jettez les yeux ſur celle des autres, vous remarquerez qu’elle renferme toute ſorte d’honnêteté : l’une peut ſeulement ſatisfaire les mortels, mais l’autre eſt capable de charmer les Dieux. Sur-tout, pourſuivit-il, ces ſortes de châtiments ſont d’un grand uſage, quand on ſait les prendre dans leur temps ; ils ſont comme une ſource vive, dont les eaux miraculeuſes ont la vertu de nettoyer les femmes, de toutes les ordures qu’elles auroient pu contracter : elles n’ont point d’autre moyen de ſe purger, qu’en ſouffrant avec autant de fermeté & de patience la pénitence qui leur eſt impoſée, qu’elles ont goûté avec ſenſualité les plaiſirs qui leur étoient défendus. Enfin, il nous dit, que de cette maniere notre ame étoit nettoyée d’une infinité de fautes & de crimes, que la honte & la pudeur nous empêchoit ſouvent de révéler pour notre décharge.

Tullie.

O la plaiſante morale ! ah ! que ces préceptes ſont engageants ?

Octavie.

Après tous ces diſcours, il prit le fouet à la main : ma mere ſe mit à ſes genoux ; je me retirai un peu ; ayant toujours les yeux arrêtés ſur elle. S’étant donc bien diſpoſée, elle pria le Pere Théodore de commencer le ſaint œuvre, (ce fut tout ſon terme.) A peine avoit-elle proféré la derniere parole, qu’il tomba une grêle de coups ſur ſon derriere, qui étoit à découvert : il la frappa enſuite un peu plus légérement ; mais enfin il la mit en tel état, que ſes feſſes, qui étoient auparavant très-blanches & polies, devinrent rouges comme du feu, & me faiſoient horreur à les regarder.

Tullie.

Eh quoi ! elle ne ſe plaignoit point ?

Octavie.

Bien-loin de cela, elle me parut comme inſenſible ; elle lâcha ſeulement une fois un ſoupir, en diſant : ah, mon pere ! mais cet exécuteur de la juſtice divine s’en fâcha. Où eſt donc votre courage ? reprit-il ; vous donnez-là un bel exemple de foibleſſe à votre fille ! Il lui commanda enſuite de s’incliner la tête & le corps juſques en terre : elle le fit ; jamais elle ne l’a préſenté plus beau. Ses feſſes étoient tellement expoſées aux coups, qu’elles n’en échapperent pas un. Cela dura un quart d’heure entier, après quoi le pere lui dit : C’eſt aſſez, levez-vous, votre eſprit, doit être content. Elle ſe leva, & s’en vint à moi. Eh bien, ma fille, me dit-elle en m’embraſſant, c’eſt à préſent à votre tour, qu’il faut faire paroître que vous avez du courage. J’eſpere, lui dis-je, qu’il ne me manquera pas ; que faut-il donc que je faſſe ? Préparez votre fille à cet acte de piété, dit le pere ; j’eſpere qu’elle ſera encore plus forte que vous. Cependant, J’avois les yeux baiſſés, ſans rien dire. Ne répondrez-vous pas à mon attente ? me dit-il ; j’y tâcherai, repris-je. Ma mere pendant ce diſcours me déshabilloit ; il ne me reſtoit déja plus que ma chemiſe, qu’elle me releva ſur les épaules. Auſſi-tôt que je me ſentis nue, par pudeur je me couvris le viſage, je voulus me mettre à genoux. Il n’eſt pas néceſſaire, me dit ma mere, tenez-vous droite. Eh bien, Octavie, voulez-vous être bienheureuſe, me dit le pere, & vous mettre dans le véritable chemin du Ciel ? Je le ſouhaite, dis-je. Il me donna après cela quelques coups, mais ſi doucement qu’ils me chatouillerent plus qu’ils ne me bleſſèrent : pourrez-vous, ma chere enfant, pourſuivit-il, en endurer de plus rudes ? Ma mere répondit pour moi, & dit que je ne manquerois pas de courage. Auſſi-tôt, depuis le haut juſques en-bas, je m’en ſentis chargée, mais avec tant de violence, que je ne pus m’empêcher de crier : Ah ! c’eſt aſſez, c’eſt aſſez, ayez pitié de moi, ma mere. Prenez courage, me dit-elle, voulez-vous achever vous-même ce qui reſte ? fort bien, dit le Pere Théodore, voyons comme elle s’épargnera. Prenez, pourſuivit-il, ce ſaint inſtrument de pénitence ; châtiez, comme il faut, cette partie, qui eſt le ſiege du plaiſir infame. Ma mere me montra avec la main comme je devois faire ; je me donnai donc deux ou trois coups aſſez rudement ; mais je ne pus continuer : Je ne ſaurois, lui dis-je, me faire de mal moi-même ; ſi vous voulez, je ſuis prête de ſouffrir tout de vous : en diſant cela, je lui remis le fouet entre les mains. Elle le donna au Pere Théodore, parce que, diſoit-elle, j’aurois plus de mérite d’endurer de lui, que d’un autre. Il recommença donc tout de nouveau, en murmurant entre ſes dents je ne ſais pas quelle priere ; je pleurois, je ſoupirois ; à chaque coup qu’il donnoit, je remuois les feſſes d’une étrange maniere. Enfin il me laſſa, je n’y pus plus réſiſter, & je courus d’un bout à l’autre de la chambre, pour éviter les coups. Je n’en puis plus, diſois-je, ce travail eſt au-deſſus de mes forces. Dites plutôt, reprit-il, que vous êtes une lâche & ſans cœur ; n’avez-vous point de honte, d’être fille d’une mere ſi courageuſe, & d’agir avec tant de foibleſſe ? Obéiſſez, me dit ma mere : j’y conſens, lui dis-je, faites de moi ce que vous voudrez. Elle me lia auſſi-tôt les deux mains avec un cordon de ſoie, parce qu’elles paroient mes feſſes de bien des coups ; elle me coucha enſuite ſur le lit : je ne pouvois plus me défendre, c’eſt pourquoi je fus fouettée de la bonne maniere. Pendant que le Pere Théodore me frappoit de la ſorte, elle me baiſoit : courage, ma fille, me diſoit-elle, ce ſaint œuvre ſera bientôt achevé ; & plus vous recevrez de coups, plus aurez-vous de mérite. Enfin, ce grand Prêtre finit la cérémonie. Voilà qui eſt bien, dit-il ; la victime a aſſez répandu de ſang, pour que le ſacrifice ſoit agréable.

Tullie.

Ah Dieux ! quel ſacrifice ! dis plutôt, quelle cruauté ! quelle boucherie ! & quel bourreau !

Octavie.

Cela étant fait, ma mere me délia les bras, & me donna mille louanges, de ce que j’avois, diſoit-elle, ſouffert ſi patiemment un travail ſi rude pour une fille comme moi. Le Pere Théodore me dit auſſi pluſieurs paroles fort obligeantes, & après m’avoir engagée par vœu a un pareil ſacrifice, quand j’aurois perdu ma virginité, il ſe retira. D’abord qu’il fut parti, ma mere m’embraſſa avec bien de la tendreſſe : il faut, ma fille, me dit-elle, que vous feigniez d’être malade d’une douleur de tête, afin de prendre le repos qui vous eſt néceſſaire. Pour moi, continua-t-elle, je ſuis accoutumée à ces ſortes d’exercices, & je n’en ſuis pas plus incommodée. Elle me lava enſuite le derriere avec de l’eau de roſe ; puis elle s’en alla, en me diſant de bien repoſer, & qu’elle reviendroit me voir dans deux heures.

Tullie.

Sais-tu bien où elle alla, & ce qu’elle fit pendant que tu dormois ?

Octavie.

Non, je te jure. Pour moi je ne pus repoſer un ſeul moment, parce que les feſſes me démangeoient de telle ſorte, que je ne pouvois reſter dans une même place ſans me remuer & me tourner de tous côtés.

Tullie.

O ! que tu aurois été heureuſe, ſi le deſtin t’eût fait jouir pour lors des embraſſements de Pamphile ! Sempronie ſut profiter du temps, & envoya quérir Joconde, à qui elle avoit recommandé la continence pendant quelques jours. C’eſt pourquoi il vint auſſi-tôt. Il trouva ta mere couchée ſur un lit : elle faiſoit ſemblant de dormir ; mais il la réveilla facilement ; il ſe jette à ſon col, il la baiſe, il la touche, il la manie partout ; elle, de ſon côté, le prend par un endroit auquel il ne pouvoit réſiſter : que veux-tu davantage ? ils firent l’affaire entiere, & ſe divertirent de la belle maniere.

Octavie.

Comment as-tu pu apprendre des choſes, qui apparemment ſe ſont paſſées dans le ſecret ?

Tullie.

C’eſt Sempronie elle-même qui m’en a fait confidence, elle me l’a conté juſqu’aux moindres particularités. Joconde le fit trois fois dans une heure, & elle déchargea ſept fois. Elle craignoit que tu n’euſſes entendu quelque choſe de ta chambre, qui étoit proche de la ſienne, lors particuliérement que dans l’excès du plaiſir elle s’écria pluſieurs fois : courage, pouſſe, avance, ah ! je me meurs, le cœur me manque.

Octavie.

C’eſt-là, ſans doute, ce que j’entendis : mais ſe ne pus m’imaginer quelle en étoit la cauſe, & que Joconde fût de la partie. Tu ſais qu’il eſt marié depuis ſix mois, & qu’il a épouſé une jeune perſonne fort belle & fort aimable, âgée de ſeize ans, qui étoit fille naturelle de mon aïeul.

Tullie.

Dis encore qu’elle eſt la meilleure enfant du monde, & avec cela la plus malheureuſe, puiſque ta mere la prive des plaiſirs qui lui ſont dus par le droit naturel.

Octavie.

J’ai ſouvent vu ma mere la blâmer & lui reprocher ſa naiſſance. Une fille, diſoit-elle, née comme vous êtes d’un amour infâme, ſuit facilement les traces de ſa mere : elle ne répondoit rien, que par ſes pleurs & par ſes larmes.

Tullie.

Tu ſauras que Julie (c’eſt ſon nom) étoit en penſion chez les Religieuſes, où Théreſe ta tante eſt Supérieure, lorſque Joconde, qui avoit deſſein de s’établir, ſe plaignit à ta mere de ce qu’il n’avoit encore reçu aucun ſalaire de tous ſes ſervices. Je ſuis entiérement à vous, lui diſoit-il ; mais qu’eſt-ce que j’en ai reçu, qui puiſſe faire croire que j’aye l’honneur de vous appartenir ? quel ſoin avez-vous pris de ma fortune, vous qui ſavez que je me ſacrifie entiérement pour vous. Si les deſtins vous enlevoient, que deviendrois-je ? Outre l’extrême déplaiſir que j’aurois, d’avoir perdu ce que j’aurois de plus cher, je ſerois encore plongé dans une extrême miſere. Défaites-vous de toutes ces craintes frivoles, lui dit Sempronie : je mettrai ordre à tout ; & j’ai formé le deſſein de vous marier avec une fille, qui ſera aſſez belle & aſſez riche, pour que vous n’en puiſſiez pas ſouhaiter de plus accomplie. Je la doterai moi-même de mon argent, & ferai les choſes d’une maniere qui vous donnera lieu de vous louer de ma libéralité. J’ai, continua-t-elle, ſix mille écus d’or dans mon cabinet, dont mon mari n’a aucune connoiſſance ; je vous les mettrai, ſi vous voulez, dès à préſent entre les mains. Je vous ſuis infiniment obligé, dit Joconde, & jamais je n’oublierai des bienfaits ſi conſidérables : je me remets, pourſuivit-il, entiérement à votre diſcrétion ; faites de moi tout ce que vous voudrez, il n’y a rien que je ne faſſe pour vous plaire. Vous connoiſſez Julie, reprit Sempronie, que j’ai fait élever dès ſon bas âge chez les Religieuſes : c’eſt elle que je vous deſtine, il n’y a rien de plus beau & de plus ſage que cette enfant. Joconde l’accepta avec joie, le contrat fut fait, & Julie lui fut miſe entre les mains.

Octavie.

Il y avoit déja quelques années que Joconde étoit Intendant de la maiſon, & avoit ſoin de tous nos biens, ſoit en ville, ſoit à la campagne. Mon pere s’eſt toujours loué de ſa conduite, & je ne ſuis point ſurpriſe que pour reconnoiſſance de ſes ſervices, il ait reçu Julie en mariage. Mais quelles étoient les loix du contrat ?

Tullie.

Les loix furent que les ſix mille écus d’or ſeroient payés dans quatre ans. Qu’ils ſeroient, en attendant, mis à un marchand, qui les compteroit, le temps expiré, à Joconde ; qu’il en recevroit cependant le revenu, pourvu qu’il tînt ſa parole touchant les articles dont ils étoient convenus du prix, & voici les conditions. Premiérement que Joconde n’agiroit avec Julie que comme Sempronie le jugeroit à propos. Qu’il ne la conſidéreroit pas même comme ſa femme, ſi elle le deſiroit de lui. Qu’il obéiroit exactement à tout ce qu’elle voudroit lui commander, ſoit qu’elle le fît de vive voix, ou par écrit. Qu’il auroit le ſoin des biens de la maiſon comme auparavant, & qu’il demeureroit dans l’appartement qu’elle lui marqueroit. Enfin, qu’il ſeroit entiérement à ſa diſcrétion.

Octavie.

C’eſt-à-dire que Julie étoit mariée & veuve toute enſemble.

Tullie.

Tu as raiſon : car dès la premiere nuit de ſes noces, il fut défendu à Joconde de la chevaucher plus de deux fois ; encore Sempronie en voulut elle avoir le meilleur ; & ayant mis ce nouveau marié en humeur, il fit l’affaire avec elle juſqu’à trois fois. Après quoi elle le renvoya ainſi las & énervé à la pauvre Julie. Le lendemain elle l’interrogea fort curieuſement ſur ſa ſanté, & lui demanda comment les choſes s’étoient paſſées, ſi elle étoit encore vierge, ou ſi elle avoit perdu ſon pucelage. D’abord Julie ne lui répondit que par ſon ſilence, les yeux & le viſage couverts de pudeur. Sempronie la preſſa tant, qu’elle lui avoua que ſon mari avoit joui deux fois d’elle. Il ſut permit à Joconde d’en faire autant la nuit d’après, & ta mere fit prendre le matin à Julie la ceinture de chaſteté. La partie de cette aimable enfant fut miſe par ce moyen dans les fers ; défenſe fut faite à ſon mari de la toucher qu’après huit jours expirés. Choſe étrange ! depuis cette nuit juſqu’à ce jour, elle n’a pris le divertiſſement que quinze fois.

Octavie.

Mais quelle vertu peut avoir cette ceinture pour rendre les femmes chaſtes ?

Tullie.

Tu l’apprendras. Lorſque Julie ſe levoit le matin ſur les dix heures, Joconde entra avec cet inſtrument qu’il avoit reçu de ta mere : il le déploya devant elle ; elle ſourit, & lui demanda innocemment quel ouvrage c’étoit. C’eſt un ouvrage, reprit-il, qui doit vous conſerver dans l’honnêteté ; c’eſt un remede contre toutes les foibleſſes du ſexe ; qui s’appelle la ceinture de chaſteté. Sempronie, ma Dame & ma maîtreſſe, a porté celle-ci pluſieurs années ; & c’eſt par ſon moyen qu’elle s’eſt acquis une ſi bonne réputation. Je ſouhaite qu’elle vous ſoit auſſi profitable.

Octavie.

Dis-moi un peu comment cela eſt fait.

Tullie.

La ceinture de chaſteté dont Julie a été ceinte, conſiſte en un petit gril d’or joint à quatre chaînettes d’acier, couvertes d’un velours fort épais, deux deſquelles le ſoutiennent par-devant, & deux par-derriere. Les extrêmités des chaînes ſe joignent ſur les reins, & s’y attachent par le moyen d’une ſerrure & d’une clef fort déliée. Ce gril eſt de la longueur de ſix doigts, & de largeur de trois ; tellement qu’il occupe tout cet eſpace appellé le Périnée, c’eſt-à-dire depuis le fondement juſqu’au haut de l’ouverture de la partie de la femme. Il eſt compoſé de trois rayons diſtants les uns des autres, autant qu’il faut, pour donner paſſage à l’urine, mais trop ſerrés pour pouvoir donner entrée au petit doigt. Ah ! Octavie, qu’un pauvre Con cuiraſſé de la ſorte eſt empêché de ſa contenance ! qu’il eſt à plaindre !

Octavie.

Dis plutôt qu’il eſt heureux, puiſqu’elle le met à l’épreuve de toutes les attaques étrangeres. Mais, qu’eſt-ce que diſoit Julie à tout ceci ?

Tullie.

Ce que tu diras peut-être dans peu, car on travaille à te rendre bientôt captive.

Octavie.

Je ne ſavois ce que Pamphile me vouloit dire, lors qu’il me parloit, il y a quelque-temps, de cette ceinture myſtérieuſe. Il diſoit qu’il n’y avoit rien de plus utile à une honnête femme, & que ma mere lui conſeilloit de me la faire prendre.

Tullie.

Que voulez-vous que je faſſe, diſoit Julie ? (voyant que ſon mari jettoit les couvertures du lit en-bas :) paſſez, lui dit-il, un de vos pieds dans ces chaînes, & l’autre dans celles-ci. Quand elle les eût paſſés tous deux, il leva la ceinture en haut, mit le gril devant ſa partie ; & joignant l’extrêmité des chaînettes ſur ſes reins il les attacha par-derriere, & ferma la ſerrure avec la clef. C’eſt à préſent, lui dit-il, que votre honneur eſt en ſûreté : n’en êtes-vous point fâchée ? Non, reprit-elle : eh bien, levez-vous donc, lui dit Joconde, & vous promenez par la chambre. Elle ſe leva auſſi-tôt & fit deux ou trois tours, non pas ſi commodément qu’auparavant, parce que la largeur du gril l’obligeoit d’écarter les cuiſſes, de crainte de ſe bleſſer. Vous vous y habituerez dans la ſuite, lui dit ſon mari, & ce n’eſt pas merveille que cela vous donne un peu de peine dans le commencement. Après il lui fit courber tout le corps en terre, & dans cette poſture il la conſidéra attentivement : il ne pouvoit aſſez admirer la beauté de ſes feſſes ; car il ſemble, Octavie, que la nature ait pris plaiſir à les former, tant elles ſont belles. Il tenta, s’il pouvoit paſſer ſon petit doigt entre le gril & la peau ; mais il ne put, & il connut qu’il n’y avoit rien à craindre, ni par-devant ni par-derriere. Il s’en alla promptement trouver Sempronie : C’eſt à préſent, Madame, lui dit-il, en l’abordant, que je viens vous apporter deux clefs : mais, de grace, continua-t-il, (en lui montrant ſon inſtrument bandé, & tout en feu) prenez celle-ci la premiere. J’y conſens, dit Sempronie, & je le recevrai de bonne part. Elle ſe trouſſa auſſi-tôt, & leva ſes jupes & ſa chemiſe ; il la coucha ſur un petit lit, & acheva l’affaire au contentement des deux parties. Il eut enſuite une longue conférence avec elle. Je ſouhaite, lui dit-elle, vous apprendre à préſent la maniere dont je prétends que vous en uſiez avec Julie, je veux que vous n’ayiez aucun commerce avec elle, que pour avoir des enfants ; pour le plaiſir, quand vous le voudrez prendre, j’entends que ce ne ſera point avec d’autre qu’avec moi ; que vous ſerez ſon mari, & mon amant tout enſemble : & afin qu’elle croye que tous les autres hommes n’agiſſent pas d’une autre maniere avec leurs femmes, je ne vous remettrai point la clef entre les mains que tous les quinze jours, & vous ne vous en ſervirez point qu’après avoir goûté le plaiſir avec moi juſqu’à deux repriſes ; car il ſeroit dangereux qu’elle éprouvât une fois ce que vous pouvez faire. Comme je ne doute point, continua-t-elle, qu’étant jeune comme elle eſt, elle n’ait beaucoup de penchant pour la volupté, je prierai la Mere Théreſe, ma bonne amie, d’éteindre un peu ſes feux par les jeûnes & par les pénitences. Pour vous, Joconde, pourſuivit-elle, ſi vous êtes toujours bien conſtant, & que vous me chériſſiez comme vous avez fait juſqu’à préſent, vous éprouverez juſques où peut aller la libéralité d’une femme quand elle aime ; mais au contraire, ſi je vous reconnois infidele, & que je m’apperçoive que votre amour ſe refroidiſſe. Je me déclare déja votre ennemie irréconciliable. J’accepte ces conditions ; dit-il, elles ſont trop avantageuſes pour que je les refuſe : oui, Sempronie, continua-t-il, je les reçois de la plus aimable de toutes les femmes : Julie ſera votre eſclave, je la mets en votre diſpoſition ; & même ſi vous voulez, je ne coucherai point du tout avec elle. A Dieu ne plaiſe, dit-elle, que je ſépare de la ſorte ceux que j’ai bien voulu unir ! je vous demande ſeulement que vous m’avertiſſiez quand vous appercevrez qu’elle penchera du côté de la chair, afin que j’y mette ordre en l’envoyant pour quelques jours chez les religieuſes où elle a été penſionnaire. Pour les feux dont elle vous animera par ſes attouchements, vous pouvez les venir éteindre dans mes embraſſements. Voilà, Octavie, juſqu’où va la jalouſie de ta mere, qui veut poſſéder Joconde toute ſeule.

Octavie.

En effet, elle eſt extrême, & je crois que tu y as perdu.

Tullie.

Tu as raiſon : car Joconde m’aimoit, mais elle me l’a détourné ; & afin que je n’euſſe pas ſujet de me plaindre, elle m’a donné Cléante en ſa place. C’eſt un jeune Gentilhomme bien fait & accompli ; il n’y a qu’une ſeule choſe qui l’empêche d’être eſtimé également de tout le monde. Tu ſauras, Octavie, que dans une ferveur de jeuneſſe, il embraſſa un des plus auſteres ordures qui ſoient établis : il reconnut quelque temps après, que ſa démarche avoit été un peu trop précipitée, & qu’il étoit tombé dans un piege, penſant trouver un tréſor. Il revint donc dans ſon pays ; & quitta l’habit qu’il avoit revêtu. Il tenta enſuite d’épouſer quelque parti digne de ſa condition, mais ce changement de vie, qu’on faiſoit paſſer pour une légéreté, y fut un obſtacle conſidérable ; & tous ſes grands biens & ſes autres qualités, qui auroient dû le rendre recommandable, lui furent entiérement inutiles : tant il eſt vrai que le monde ne juge des choſes qu’avec une extrême ignorance, comme ſi un homme ſorti d’un cloître, étoit fait d’une autre maniere que les autres. Ce ſont des préventions de notre eſprit, qui ſe laiſſe tyranniſer par l’uſage & par la coutume. Mais ne nous éloignons pas du ſujet. Cléante ſe voyant donc ainſi rebuté, ne voulut plus penſer au mariage, il vint en cette ville, & logea comme tu ſais quelque temps chez ton pere qui lui eſt allié. Ce fut-là l’occaſion de notre connoiſſance, puiſque comme j’allois fort ſouvent chez vous, il ne ſe paſſoit guere de jours que je ne le viſſe ; il me plut d’abord, mais ſon entretien m’engagea plus que tout le reſte. Un jour entr’autres, il me parut plus aimable qu’à l’ordinaire, & ſa converſation me charma : Ah ! Madame, me diſoit-il, d’un air fort engageant, qu’Oronte eſt heureux, d’avoir pour femme une perſonne ſi aimable que vous ! ſi j’oſois ſeulement eſpérer de vous avoir pour amie, je préférerois ma condition à celle des Dieux. Sempronie n’eut pas plutôt remarqué qu’il m’aimoit, & qu’il ne m’étoit pas indifférent, qu’elle travailla à nous lier enſemble l’un & l’autre. Ah ! Tullie, me dit-elle ; tu ne connois pas Cléante : ſi tu peux une fois être maîtreſſe de ſon cœur, il n’y a rien au monde qui puiſſe l’ôter ; ſa conſtance m’eſt connue auſſi-bien que ſa généroſité : haïſſant au point qu’il fait tous ſes parents, ſes biens qui ſont conſidérables viendront ſans doute à ta diſpoſition. Que veux-tu davantage ? une femme qui ſe voit aimée, a bien de la peine à ne pas aimer. Je me rendis ; & Sempronie, qui ménageoit toute l’affaire, fit convenir Cléante des conditions ſuivantes. Qu’il céderoit à Oronte par un acte public une partie de ſes biens ; & qu’il le déclareroit ſon héritier univerſel en cas qu’il mourût ſans teſtament ; que moi, de mon côté, je lui ferois une obligation de ma main, par laquelle je lui donnerois une entiere puiſſance ſur mon corps ; mais qu’elle ne ſeroit point remiſe entre ſes mains, qu’il n’eût auparavant effectué ſa promeſſe, par le contrat dont nous avons parlé. Il ſe croyoit encore trop heureux de pouvoir me poſſéder à quelque prix que ce fût ; c’eſt pourquoi peu après du conſentement de ceux qui étoient intéreſſés, il fit la ceſſion dont on étoit convenu. Je me trouvai ce même jour chez Sempronie où il étoit. D’abord qu’il me vit, il vint ſe jetter à mes pieds : Ah ! aimable Tullie, me dit-il, permettez que je jouiſſe de votre beauté ; j’ai tenu ma parole, accompliſſez la vôtre : il eſt raiſonnable, dit Sempronie ; & ſi vous connoiſſez l’un & l’autre vos avantages, vous vivrez plus heureux que les Dieux ; cependant faites vos affaires. En diſant cela elle ſortit, & ferma la porte après elle.

Octavie.

Que fit pour lors Cléante ?

Tullie.

Il ſe leva, me donna mille baiſers, me mania les tettons ; & me défendant comme une perſonne qui veut bien être vaincue, je me laiſſai jetter ſur le lit : il trouſſa mes jupes & ma chemiſe, & porta ſa main droite à ma partie. Ah ! laiſſez-moi, lui dis-je, retirez-vous, vous me perdrez. Cependant il me ferma la bouche par ſes baiſers ; & ſe jettant ſur moi, il m’enfila ; il preſſe, il pouſſe, je me plains ; & tout d’un coup je ſens couler une roſée avec tant d’abondance, que je puis dire qu’auparavant je n’en avois pas reſſenti une ſemblable. Il ne s’arrêta pas pour cela, il redoubla toujours ſes ſecouſſes, & je déchargeai encore deux fois pendant ces mouvements. Enfin, il s’aquitta de ſon devoir, & fit un doux mélange de ſa ſemence avec la mienne.

Octavie.

Tu as-là ſans doute un Hercule, comme tu as coutume de dire.

Tullie.

Tu en peux juger par-là ; car après tous ces maîtres coups, il étoit auſſi vigoureux qu’auparavant : (je ne te dis rien par exagération) puiſque ſans déconner il déchargea pour la troiſieme fois. Juſqu’à ce moment j’avois tâché de conſerver un reſte de pudeur, mais je ne pus la garder plus long-temps ; je m’oubliai de ce que j’étois ; & comme toute tranſportée, j’élevai mon ventre & mes cuiſſes, & excitai par mille mouvements celui qui me donnoit tant de plaiſir. Il me donna un baiſer ; & mettant une main ſous mes feſſes : je m’apperçois, dit-il, ma chere Tullie, que tu commences à être ſenſible, courage, continue. Je n’en puis plus, lui dis-je, je ſuis hors de moi-même, je me meurs, ſoulage-moi : en diſant cela, je déchargeai. Cléante s’en apperçut ; & ayant redoublé ſes ſecouſſes, il eut part au plaiſir ; nous demeurâmes l’un & l’autre embraſſés ſans aucun mouvement.

Octavie.

Ah ! tu m’excites par ce diſcours ! il me ſemble que tout cela ſe paſſe chez moi, j’en ſuis toute émue.

Tullie.

Cléante étant revenu de ſon extaſe, me donna un baiſer, & me dit qu’il ne terminoit pas le combat par de ſi légeres attaques, & que j’aurois ſujet de me plaindre de lui, s’il ne faiſoit pas paroître plus de vigueur avec une ſi aimable perſonne. Je voulus me lever, mais je me trouvai ſi foible, que j’eus beſoin de ſon aide pour me mettre ſur pied. Ah ! je n’en puis plus, lui dis-je : vous m’avez tellement laſſée, que je ne puis marcher ; je crains même que les forces ne me manquent tout-à-fait, avant que d’être de retour à la maiſon. Ce n’eſt rien, dit-il ; vous n’avez qu’à prendre un peu de repos : pour moi, continua-t-il, je ſuis frais & gaillard, & prêt à en faire encore autant. Comme il achevoit de parler, ta mere entra en riant, & chantant une chanſon un peu graſſette. Eh bien, nous dit-elle, avez-vous fait votre accord ? vos affaires ſont-elles terminées ? Ah ! je n’en puis plus, lui dis-je, je ne ſaurois quaſi me ſoutenir. Bagatelle : comment avez-vous trouvé Tullie, dit-elle, à Cléante, vous a-t-elle plu ? Sans doute, reprit-il, & elle ſeroit au goût du plus délicat de tous les hommes : je ne crois pas, continua-t-il, qu’on puiſſe goûter un plaiſir plus parfait que celui qu’elle m’a donné ; j’y ai trouvé tout ce que la volupté peut avoir de plus doux & de plus piquant. Et toi, Tullie, qu’en dis-tu ? reprit-elle en s’approchant de moi. Il m’a plu aſſurément, lui dis-je ; mais je lui veux du mal de m’avoir rompu les reins, & de m’avoir ſi fatiguée, qu’à peine puis-je marcher trois pas. Elle ne fit que rire de mes plaintes, & dit à Cléante de ſe retirer, afin que je priſſe un peu de repos. Elle le conduiſit juſqu’à la porte, après qu’il eût pris congé de moi, en me donnant un baiſer. C’eſt à préſent, lui dit-elle tous bas, qu’il faut que tu me diſes ton ſentiment touchant Tullie ; parle ſans crainte, notre diſcours n’ira pas juſqu’à ſes oreilles. Hélas ! reprit-il, je n’ai rien de nouveau à vous dire là-deſſus ; elle a ſurpaſſé mon attente ; elle eſt encore plus aimable que je ne pouvois me l’imaginer : c’eſt le corps le plus beau qu’on puiſſe ſe figurer ; ſon eſprit n’eſt pas moins charmant : Enfin, je vous ai mille obligations, de ce que, par votre moyen, je poſſede une perſonne ſi accomplie. Tâchez de faire en ſorte, continua-t-il, que je puiſſe encore paſſer aujourd’hui quelques moments avec elle. Elle lui dit qu’Oronte devoit ſouper chez vous, & que par conſéquent je reſterois toute la journée. Après cela, elle s’en vint à moi : je l’interrogeai ſur ſon entretien avec Cléante, elle m’avoua tout ; je ne fus pas fâchée de l’apprendre : elle ſe retira enſuite, pour me laiſſer repoſer.

Octavie.

T’endormis-tu facilement ?

Tullie.

Non ; & à peine avois-je fermé l’œil, que Sempronie rentra avec une collation fort ample. Leve-toi, me dit-elle, & tâche de reprendre tes forces. Je me levai, & bus, & mangeai ſi bien, que je fus entiérement remiſe. Une heure après, nous entendîmes frapper à la porte ; c’étoit Cléante, qui en entrant nous ſalua fort ſérieuſement, parce qu’il y avoit quelques domeſtiques préſents : ta mere trouva moyen de les faire ſortir en leur donnant quelque occupation, & nous reſtâmes ſeuls tous trois. Ça, dit Sempronie, en commençant l’entretien, c’eſt à préſent qu’il vous faut penſer à prendre de juſtes meſures, pour vivre heureux l’un & l’autre le reſte de vos jours ; car ſi Oronte prenoit le moindre ombrage de vos divertiſſements, tout ſeroit perdu. Si Tullie, reprit Cléante, veut ſe régler ſur mes conſeils, nous n’aurons rien à craindre, de ſon mari, quand même il ſeroit le plus éclairé de tous les hommes. Je ſuis à vous, lui dis-je, & je ſuivrai tout ce que vous jugerez à propos de m’ordonner ſur ce chapitre. Je connois, pourſuivit-il, parfaitement l’eſprit d’Oronte ; il n’eſt ni bon, ni mauvais, mais capable de toutes ſortes d’impreſſions : je veux le gagner dans peu, d’une telle maniere, qu’il n’aura point de meilleur ami que moi : je pénétrerai ſes penſées les plus cachées, & je le ménagerai ſi bien, que je ſerai de ſa confidence la plus ſecrete. Enfin, Tullie, continua-t-il, remettez tout entre mes mains, & n’appréhendez point : prenez ſeulement garde de ne rien faire ni dire, qui puiſſe donner le moindre ombrage de nos divertiſſements. Je ferai bien mon perſonnage, lui dis-je ; il ſuffit que je vous aye dit que je vous ſerois obéiſſante. Eh bien, reprit-il, donnez-m’en une preuve à préſent, embraſſez moi ; je le veux bien, lui dis-je : je demande le plaiſir parfait ; je ne dis rien : quoi ! me refuſerez-vous de la ſorte, dit-il ? Uſez de votre droit, dit Sempronie ; voulez-vous qu’elle vous monte elle-même ſur elle ? ne craignez rien, je vais faire la ſentinelle à la porte. Auſſi-tôt qu’elle ſe fut retirée, il me renverſa ſur le lit ; & ſe jettant ſur moi, il m’enconna. Ah ! ma chere Tullie, me dit-il, montre-moi à préſent que tu as de l’amour pour moi. Eſt-ce que je ne te l’ai pas fait aſſez paroître, en m’abandonnant à tous tes deſirs déréglés ? Fais donc bien, continua-t-il, ton perſonnage. Je n’y manquerai pas, lui dis-je. Il pouſſa en même-temps avec vigueur, & moi je lui répondis par des mouvements de feſſes faits ſi à propos, qu’ils le conduiſirent bientôt au plaiſir : il m’en avertit par un baiſer : je l’excitai tout de nouveau, il déchargea ; & je fus tellement chatouillée par cet écoulement de ſemence, que je le ſuivis de bien près. Ah ! je n’en puis plus, lui diſois-je, je me meurs, ah ! ah… Sempronie nous interrompit : faites vîte, nous cria-t-elle, j’entends Oronte qui monte. Je jettai auſſi-tôt d’un coup de cul mon cavalier à bas : hélas ! le pauvre enfant n’avoit pas achevé ; il tomboit encore des gouttes de cette pluye divine, quand il déconna. Un moment après, ta mere nous dit : ce n’eſt rien, n’ayez point de peur, je me ſuis trompée, continuez. Auſſi-tôt dit, auſſi-tôt fait. Cléante remonta ſur moi ; & après quelques ſecouſſes, il déchargea comme s’il n’eût rien fait auparavant. : & je crois même que ſans Sempronie, il auroit fait les trois courſes ſans débrider. C’eſt aſſez joué, nous dit-elle ; vous le trouverez meilleur une autre fois, ſi vous le quittez avec appétit. Elle regarda enſuite mes habits & ma coëffure, de crainte qu’on remarquât quelque choſe qui découvrît nos divertiſſements. Voilà, Octavie, comme nos noces ont été faites chez ta mere, à qui je dois tous les plaiſirs que j’ai goûtés depuis avec celui qu’elle m’a donnée. C’eſt un Hercule pour ſa force, & un Adonis pour ſa beauté ; il eſt honnête, civil, agréable en tout ce qu’il dit ; & de plus, défait de toutes ces opinions qui nous aſſujettiſſent à tant de myſteres : bien que je l’aime beaucoup, je n’en ſerai point jalouſe, & je ferai en ſorte que tu paſſes quelques moments avec lui.

Octavie.

Fort bien, fort bien, quand la fête ſera venue, nous la chommerons : continue toujours.

Tullie.

Nous ſoupâmes chez vous, Oronte, Cleante & moi ; il n’y avoit point de compagnie extraordinaire. Je ne te dirai point quel fut notre entretien ; mais ſeulement tu ſauras que d’abord qu’Oronte fut de retour à notre maiſon, il me fit le panégyrique de Cléante. Il me dit qu’il le trouvoit fort honnête, fort civil, fort ſpirituel, & qu’il ſe ſentoit beaucoup de penchant à faire une étroite amitié avec lui. Cependant comme Vénus ſuit Bacchus de bien près, il s’anima à la vue de mon ſein, qu’il apperçut lorſque je me déshabillois pour me coucher. Il me prit par la main, & me fit entrer dans ſon cabinet : Il faut, me dit-il, ma chere Tullie, que ce lieu ſoit conſacré à Vénus & aux Muſes. Après ces paroles, ſans autre cérémonie, il me trouſſe & m’enconne ; il preſſe, il pouſſe, il ſecoue ; & prenant mes feſſes avec les deux mains, il les tire à toute force, & les recule avec un mouvement ſi précipité, que je déchargeai la premiere. Ah ! faites vîte, lui diſois-je, je n’en puis plus, vous me faites mourir de plaiſir. Il m’obéit, & fit ſon devoir autant bien que je le pouvois ſouhaiter. L’affaire étant finie, il me fit aſſeoir près de lui, & me tint ce diſcours : Je veux, me dit-il, ma chere enfant, que nous convenions à préſent d’une choſe enſemble. Je conſens, lui dis-je, à tout ce que vous voulez ; vous ſavez que je ſuis entièrement à vous c’eſt pourquoi vous n’avez qu’à parler, & à me dire ce que vous deſirez de moi. Je ſais, me dit-il, que tu es fort ſage ; & quoique les femmes les plus ſavantes ne paſſent pas toujours pour les plus chaſtes, je ne doute point de ton honnêteté : néanmoins je crains pour ta vertu, ſi nous ne trouvons l’un & l’autre le moyen de la mettre à l’épreuve de toutes les foibleſſes qui pourroient en ternir l’éclat. Eh quoi ! mon cœur, lui dis-je, d’où vous peuvent venir ces craintes ſi ſubites ? quel fondement avez-vous de vous allarmer de la ſorte ? Je ne veux néanmoins, pourſuivis-je, pas vous détourner de votre deſſein. Je ſouhaite, me dit-il, de te faire prendre la ceinture de chaſteté : cela ne doit point te fâcher. Si tu es ſage, comme je le crois, tu ne dois pas t’y oppoſer ; & ſi au contraire tu n’étois pas honnête, tu verrois que je t’en voudrois revêtir. Je ſouffrirai de vous, lui dis-je, tout ce que vous voudrez, & même avec joie ; puiſque je ne ſouhaite rien tant que d’être à vous ſeul, préférablement à tous les autres hommes, que j’ai en averſion, ou que je mépriſe tout au moins : je vous promets même, continuai-je, de ne parler plus à Cléante, je ne veux pas même le regarder davantage. Bien-loin de cela, reprit-il, j’entends que vous agiſſiez familiérement avec lui, avec honnêteté, & je vous prie de faire en ſorte que ni lui ni moi n’ayions pas ſujet de nous plaindre de vous ; lui, ſi vous le traitez trop rudement ; & moi, ſi vous lui donnez trop de liberté. Mais la ceinture nous mettra hors de toutes ces craintes, & toutes choſes vous ſeront permiſes ſitôt que vous en ſerez revêtue : en attendant, je ne ſerai pas fâché que vous évitiez ſes entretiens. Après cela, il prit ſur mon corps la meſure de la ceinture, avec un cordon de ſoie ; & pour me flatter un peu : je ferai en ſorte, me dit-il, ma chere, que tu auras lieu de te louer de moi, lors même qu’il ſemblera que je te ferai une injure. Les chaînes qui tiendront ton honneur captif, ſeront d’or, le gril, qui ſera comme la porte du palais de l’amour, en ſera pareillement, mais de plus, orné & enrichi de tant de pierreries, qu’on pourra juger du mérite d’une eſclave, par le prix ineſtimable de ſes fers. J’ai choiſi pour Orfevre, Dominico ; c’eſt un homme qui travaille le mieux de la ville, & qui m’a beaucoup d’obligation. Je lui demandai quand cela ſeroit fait ; il me dit qu’il eſpéroit qu’il ſeroit achevé dans quinze jours : après quoi nous allâmes nous coucher, & il me fit l’affaire cette nuit-là trois fois, aſſez vigoureuſement.

Octavie.

Que Vénus t’aime, de te favoriſer neuf fois de ſes careſſes, en ſi peu de temps ! mais eus-tu bien aſſez de force, pour ſupporter courageuſement tant d’aſſauts ?

Tullie.

Aſſurément. Voyant même qu’Oronte au troiſieme coup ne pouvoit preſque décharger, je le pouſſai & le ſecouai ſi vivement, qu’il fit ſon devoir, non pas ſi bien qu’aux autres fois ; mais que veux-tu ? d’un mauvais payeur on en tire ce qu’on peut. Sempronie me vint voir le lendemain, je lui contai tout ce qui s’étoit paſſé, & la priai d’en avertir Cléante.

Octavie.

Il n’eut donc point affaire avec toi ce jour-là ?

Tullie.

Non-ſeulement pour celui-là ; mais pendant une ſemaine entiere, nous n’eûmes pas le moindre entretien particulier, & avec raiſon, parce qu’Oronte avoit toujours les yeux ſur nous, auſſi-bien que pluſieurs domeſtiques qui étoient à ſa diſcrétion. — Baiſe-moi, Octavie ; je ne puis te regarder ſans me ſouvenir d’un Gentilhomme François, qui te reſſembloit beaucoup de viſage : il n’y avoit rien de ſi aimable, & je me ſuis divertie avec lui, étant à Rome, avec bien de la ſatisfaction ; il fut ſuivi le même jour de trois autres, qui prirent auſſi le plaiſir avec moi.

Octavie.

O Dieux ! tu m’étonnes ; quoi ! tu aurois laſſé, toute ſeule, quatre hommes dans un même jour ?

Tullie.

Sans doute, & je t’en entretiendrai une autre fois : mais revenons à Cléante. Il étoit avant-hier chez nous, lorſqu’Oronte dit qu’il avoit deſſein d’aller paſſer quelques jours à une maiſon de campagne, que nous avons dans la Marche d’Ancone. Cléante s’offrit de l’y accompagner ; il en fut bien-aiſe, afin qu’il ne reſtât pas en ville avec moi. Ils y paſſerent huit jours enſemble ; & Cléante ſut ſi bien ſe rendre maître de l’eſprit d’Oronte, qu’il ne pouvoit plus être un moment ſans lui : il lui ouvrit ſon cœur, & lui fit confidence de ſes plus ſecretes penſées. Il lui dit entr’autres choſes, qu’il ſe croyoit bienheureux de ce qu’il avoit une femme fort ſage, fort honnête, & fort belle tout enſemble. Aſſurément, dit, Cléante : c’eſt un avantage d’autant plus grand pour vous, qu’il eſt rare à préſent, & que peu le poſſedent. Pour moi, continua-t-il, je crois qu’un mari peut s’aſſurer de l’honnêteté de ſa femme ſur ſa bonne foi ; qu’il peut s’en rapporter aux ſoins des domeſtiques, mais je penſe que le plus ſûr : c’eſt d’en confier la garde à un cadenat. La foibleſſe de la femme eſt grande ; les ſerviteurs peuvent être corrompus : mais une ſerrure eſt à l’épreuve de toutes les tromperies. Je ſuis de votre ſentiment, dit Oronte, & j’ai déja donné ordre à Dominico ; orfevre fameux de cette ville, de travailler à une ceinture pour ma Tullie. C’eſt ſagement fait, reprit Cléante ; & j’en ſuis d’autant plus aiſe, que voulant lier avec vous une étroite amitié, je n’aurai plus rien qui puiſſe la troubler : car je vous avouerai, continua-t-il, que comme nous ſommes la plupart un peu ſoupçonneux, & ne pouvant pas me diſpenſer, en vous voyant, d’être ſouvent avec Tullie, j’aurois craint que cela ne vous eût donné Martel en tête ; ce qui m’auroit tenu dans une gêne extrême. Mais après que vous l’aurez revêtue de la ceinture, il n’y aura plus rien à craindre de votre côté, & je n’aurai auſſi rien à appréhender du mien. Au reſte, continua-t-il, permettez-moi d’aller demain en ville, pour être ici de retour le jour d’après, parce que je dois recevoir des lettres d’importance ; vous ſavez que c’eſt le jour de poſte, & vous n’ignorez pas qu’en faiſant mes affaires, je fais les vôtres. Il vint de la ſorte ici le dixieme. Oronte le chargea de deux lettres, dont l’une étoit pour moi, & l’autre pour l’orfevre, avec ordre de le preſſer d’achever l’ouvrage qu’il avoit entre les mains. Sur-tout, lui dit-il en partant, tenez ſecret ce que vous en ſavez ; car Tullie mourroit de déplaiſir, ſi elle croyoit que j’euſſe fait connoître mes ſoupçons à d’autres qu’à elle. Sitôt qu’il fut arrivé en ville, il s’acquitta de ſa commiſſion auprès de l’orfevre ; & s’en vint enſuite à la maiſon, où il me trouva ſeule avec Sempronie. Il me donna la lettre d’Oronte, & nous fit voir le deſſein de l’ouvrage auquel on travailloit pour moi. Il me railla ſur ce ſujet : je lui dis qu’il avoit plus de ſujet de s’affliger, s’il m’aimoit, que de ſe réjouir de l’eſclavage dans lequel j’allois être. Ah ! ma chere Tullie, s’écria-t-il, tout tranſporté de joie, je ſuis le plus heureux de tous les hommes. Quel nouveau ſujet de bonheur avez-vous, lui dis-je ? apprenez-le, dit-il, puiſque vous y avez part. Pendant, pourſuivit-il, que j’étois chez l’orfevre, j’ai eu aſſez d’adreſſe pour pouvoir le détourner de ſon travail, & imprimer ſur de la cire, la forme de la clef de la ſerrure qui vous eſt préparée, ſans qu’il s’en apperçût. Ah ! quelle fortune ! dit Sempronie ; c’eſt le vrai moyen de vivre tous deux heureux le reſte de vos jours : vous poſſéderez l’eſprit d’Oronte, & vous jouirez du corps de Tullie. Cléante nous apprit enſuite les meſures qu’il avoit priſes pour s’avancer ſi fort dans les bonnes graces de mon mari. Je fus ſurpriſe de ce qu’il en étoit venu à bout ſi facilement, parce qu’Oronte eſt aſſez éclairé. Point tant de diſcours, interrompit Sempronie : le ſoupé nous attend, & je me prépare après cela à coucher avec toi, Tullie. Que deviendrai-je donc, dit Cléante ? Ne vous en mettez pas en peine, nous y mettrons ordre.

Octavie.

Il coucha ſans doute au milieu de vous deux, & vous en fit goûter à l’une & l’autre ?

Tullie.

Non, tu te trompes, parce que ta mere avoit pris ſa ceinture ; & ton pere, qui étoit parti le matin avec Joconde, pour aller à Verone, avoit emporté la clef avec ſoi. On conduiſit d’abord Cléante dans un appartement particulier ; mais après que tout le monde fut retiré, il vint nous trouver, comme nous étions convenus. Il s’approcha du lit, du côté que j’étois couchée, & en même-temps me donna un baiſer. Je ne te dirai point, Octavie, toutes les folies & toutes les badineries qu’il fit avec moi & avec ta mere ; tu ſauras ſeulement que nous goutâmes toutes deux le plaiſir juſqu’à dix fois.

Octavie.

O bonté de Vénus ! tu me ſurprends : & à peine Pamphile, la premiere nuit de mes noces, eſt-il allé juſques à trois.

Tullie.

Oronte a fait une fois juſques à huit courſes dans une nuit. Joconde les a faites auſſi avec ta mere. Mais ce n’eſt rien auprès de Cléante, il a une ſource inépuiſable de ſemence qui ne tarit jamais, il & eſt auſſi vigoureux à la derniere la premiere cavalcade.

Octavie.

Ma mere dormoit-elle pendant tout ce temps-là ? ou bien jugeoit-elle des coups, ſans y avoir part ?

Tullie.

Elle avoit ſujet d’être contente de la précédente nuit, où ſon mari l’avoit repaſſée ſix fois, & Joconde trois à ſon tour, avant que de partir avec ton pere.

Octavie.

Que fit donc pour lors la pauvre Julie ?

Tullie.

Je te le dirai, quand tu m’auras appris ce que devint la pauvre Octavie, après qu’elle fut dépucelée : car je crains beaucoup pour elle ; le Pere Théodore me fait trembler.

Octavie.

Ah, ah, ah ! tu fais bien de m’en faire ſouvenir.

Tullie.

Tu ris : c’eſt-à-dire que tu ne tins pas ta promeſſe, & que la perte de ta virginité ne fut ſuivie d’aucune cérémonie ?

Octavie.

Tu te trompes, le ſacrifice fut fait mais ce qu’il y a de plaiſant, c’eſt que la douleur qu’il me cauſa, ſervit à me faire goûter le plaiſir avec plus de ſenſibilité. Tu ſauras, Tullie, que trois jours après, ma mere m’avertit du vœu que j’avois fait entre les mains du Pere Théodore : Penſez-vous, me dit-elle, à faire les funérailles de votre virginité ? Oui, ma mere, lui dis-je, & je m’acquitterai de ces derniers devoirs, quand il vous plaira. Elle me prit au mot ; & ſans différer plus long-temps, nous allâmes trouver le bon Pere. Il nous dit de revenir le ſoir ; nous y retournâmes ; & il nous fit entrer dans une eſpece de chapelle retirée, qui n’avoit point de communication avec le dehors : il ferma la porte ſur nous, & nous dit de ne rien craindre, parce qu’il étoit maître de ce lieu. Après cela il nous fit un diſcours ſur les fruits de la pénitence, & ſur les grands avantages qu’on en retiroit ; il avoit les yeux baiſſés, la tête découverte, & parloit avec tant de feu, qu’il ſembloit qu’il fût perſuadé de tout ce qu’il diſoit. Cela m’anima tellement, que je crois que j’aurois de bon cœur ſacrifié ma vie, s’il me l’eût commandé. Sitôt qu’il me vit ainſi diſpoſée par ſes exhortations, à ſouffrir tout ce qu’il jugeroit à propos de me faire endurer, il me dit que ma mere me ſerviroit d’exemple. J’étois ſi tranſportée, que je craignois plus pour elle que pour moi : Il n’eſt point néceſſaire, lui dis-je ; il n’y a que moi qui ſuis coupable, & ma mere n’a aucune part à la perte de ma virginité. Vous m’excuſerez, dit-elle, puiſque j’y ai conſenti, outre que je ne ſouffrirai pas que vous ayiez toute ſeule le mérite.

Tullie.

O la plaiſante diſpute !

Octavie.

Voilà une ſainte émulation qui me plaît, dit le Pere Théodore ; je verrai maintenant laquelle des deux aura le plus de courage. Cependant je déshabillois ma mere : je ne lui laiſſai que ſa chemiſe, qu’elle releva ; & ſe mettant à genoux devant le Pere, elle le pria de ne la point épargner, & de châtier ſur-tout avec rigueur, cette partie infame, qui étoit (à ce qu’elle diſoit) plus coupable que toutes les autres. Il lui demanda où étoit le pieux inſtrument qui devoit punir tous ces crimes ; elle dit qu’elle l’avoit oublié dans les poches de ſon habit : elle s’inclina pour le prendre ; & cependant je conſidérai attentivement toutes les beautés que cette poſture expoſoit à mes yeux : j’admirai ſes feſſes blanches, fermes, polies ; il ne ſe peut rien voir de plus beau.

Tullie.

Tu ne dis rien du bel endroit ?

Octavie.

J’eus un peu de peine à le voir ; je l’apperçus néanmoins. Le Pere Théodore ayant donc pris le fouet en main, & marmottant je ne ſais quelle priere entre ſes dents, il la chargea de coups avec tant de violence, que cela auroit été capable de me faire changer de réſolution, ſi je n’avois été bien conſtante. Courbez votre corps, lui dit-il, afin que cette partie que la loi du mariage aſſujettit à mille pollutions, reçoive le châtiment qu’elle mérite. Elle obéit, & cette ſituation découvrit à mes yeux le chemin qui conduit au plaiſir : je le conſidérois avec une curioſité extraordinaire. Il étoit revêtu de petits poils fort bruns & friſés ; l’ouverture qui paroiſſoit au milieu, étoit rouge ; & la montagne qui l’entouroit étoit d’une élevation telle que Vénus la ſouhaiteroit pour elle-même. Cette aimable partie étoit expoſée aux ſupplices comme une criminelle, & ce bourreau déguiſé la maltraita avec une cruauté ſans exemple. Ah, ah, ah ! s’écria-t-elle dans le moment qu’il la mettoit tout en ſang, ah ! je n’en puis plus : le cœur me manque ; un peu de treve ; vous frappez trop rudement pour que je puiſſe le ſupporter. Vous vous moquez dit-il, & continua toujours avec la même rigueur. Elle ne changea point de poſture pour cela ; elle pouſſa ſeulement quelques ſoupirs, & verſa des larmes. Tenez-vous droite à préſent, lui dit-il : elle ſe releva, & je fus bien ſurpriſe de voir que ce ſaint homme s’alla mettre à ſes côtés ; je ne ſavois point à quel deſſein.

Tullie.

Ce ſaint homme ! dis plutôt ce bourreau, puiſque le ſang, les larmes, & les ſoupirs d’une perſonne auſſi aimable que Sempronie, n’étoient pas capables de l’attendrir.

Octavie.

En effet, il ſemble qu’il n’en fut aucunement touché ; car il ne s’étoit de la ſorte approché d’elle, que pour la contempler de plus près, & la toucher plus vivement. Enfin, ce grand œuvre fut achevé, la tempête ceſſa, & ma mere ayant baiſé la terre, ſe leva, & s’habilla. C’eſt à vous, ma fille, me dit-elle, à prendre à préſent ma place. Je m’y diſpoſe, lui dis-je. Elle m’aida à me déshabiller, & releva ma chemiſe ſur mes épaules : Ayez bon courage, continua-t-elle, & penſez que plus vous ſouffrirez, plus vous goûterez auſſi de plaiſir. J’endurerai, lui dis-je, volontiers tous les coups que je recevrai de vous. Ce n’eſt pas à moi, reprit-elle à faire cet office : c’eſt au Pere Théodore ; & vous aurez bien plus de mérite à prendre cette mortification d’un ſaint homme que de moi, qui ſuis une péchereſſe comme vous. Voulez-vous bien, continua-t-elle, que je vous lie les mains, afin de prévenir les obſtacles que vous pourriez apporter à cet exercice ? J’y conſens, lui dis-je. Cela fut auſſi-tôt fait, mais de telle maniere qu’il ne me reſtoit aucun moyen de me défendre.

Tullie.

Le paillard repaiſſoit cependant ſes yeux de la beauté de ton corps ?

Octavie.

Je n’en doute point. Je veux, me dit-il, éprouver à préſent, laquelle de vous deux aura plus de cœur : je le connoîtrai par votre ſilence ; & celle qui pourra ſouffrir ſans ſe plaindre, remportera la victoire ſur l’autre. Après cela il me mania les feſſes, les ouvrant quelques fois & les reſſerrant ; enſuite il me pinça dans deux endroits, avec l’extrêmité des doigts : j’eus de la peine à retenir quelques ſoupirs, que j’étouffai au-dedans de moi-même. Ce ne fut pas tout : il porta ſes mains à ma partie, il les paſſoit & repaſſoit l’une après l’autre entre mes jambes ; il étoit tout en feu, & enfin il me prit quatre ou cinq petits poils, & les arracha avec violence : je me tins toujours ferme.

Tullie.

Tu es forte, Octavie !

Octavie.

Il en fit autant à ma mere : il lui fit relever ſes jupes, elle n’en fit point de difficulté ; & après l’avoir conſidérée & maniée de tous côtés, il lui tira quelques poils, comme il m’avoit fait ; elle en trembla, & retira ſes feſſes avec une vîteſſe extrême, quand il y imprima ſes ongles : elle ne dit pas néanmoins une parole.

Tullie.

Acheve vîte.

Octavie.

Que veux-tu davantage ? je fus fouettée & miſe en ſang, après quoi nous nous en retournâmes à la maiſon. Comme j’entrois, ma mere me demanda comment je me portois. Je ne me porte pas bien, lui dis-je ; le derriere me démange étrangement ; il me ſemble que je ſuis toute couverte de fourmis, & je ſuis toute en feu. Tant mieux, me dit-elle ; j’en ſuis de même, & toutes ces douleurs ſe changeront bientôt en plaiſirs. Mets-toi ſur le lit, continua-t-elle, & fais ſemblant d’être incommodée d’un mal de tête ; je t’enverrai tout préſentement Pamphile, qui t’en guérira : mais je veux que tu me promette de me faire le récit de ton divertiſſement ; je le lui promis, elle ſe retira. A peine m’étois-je couchée, que mon mari entra. Eh quoi ? me dit-il, ma chere enfant. J’ai appris que tu étois malade ? Sans doute, lui dis-je, parce qu’on m’a dit que vous étiez fâché contre moi. Moi fâché ! reprit-il : bien-loin de cela, je t’aime de tout mon cœur ; & pour t’empêcher d’en douter, je vais t’en donner des preuves. Il n’y manqua pas : il monte ſur le lit, défait ſon haut de chauſſe, & tirant ſon inſtrument conſolatif, il me le fit prendre à pleine main ; je me mets en état, il me trouſſe ; & ſe jette tout d’un coup ſur moi. Le croiras-tu, Tullie ? à la premiere ſecouſſe ; je ſentis couler ma ſemence, mais ſi abondamment, que je te jure que jamais je n’avois goûté un pareil plaiſir. En un mot, je déchargeai trois fois dans ce moment, ou plutôt ce ne fut qu’une décharge continuelle, accompagnée d’un châtouillement ſi doux, que je ne puis pas l’exprimer. Ce ne fut pas tout : car lorſque Pamphile fit ſon devoir, ne crois pas qu’il éteignit mes feux ; non, il les ralluma ; & après même qu’il eut fini l’affaire & qu’il ſe ſut retiré de ma partie, le ſeul attouchement de ſa main qu’il y porta pour l’eſſuyer, me fit encore fondre, & répandre avec profuſion cette divine liqueur dont l’écoulement faiſoit tout mon plaiſir.

Tullie.

Tu dis les choſes agréablement. Il n’y a néanmoins rien là-dedans qui me ſurprenne : car les eſprit les plus ſubtils de notre corps étant attirés par les coups de fouet, avec les parties les plus chaudes de notre ſang, il eſt naturel qu’ils ſe retirent dans les endroits avec leſquels ils ont plus de rapport & de ſympathie, & qu’ils y cauſent par leur ardeur un châtouillement extraordinaire. La Ducheſſe Pulchérie, ſi recommandable par ſon eſprit & par ſa beauté, doit ſa groſſeſſe aux coups de verges, ſans leſquels elle ſeroit encore ſterile. Le Duc Alexandre ſon mari l’aimoit éperdument, & avoit un déplaiſir extrême de ce qu’elle ne pouvoit avoir d’enfants : il tenta toutes ſortes de remedes, mais ce fut inutilement, juſqu’à ce qu’un Médecin Arabe lui dit, que l’unique moyen de rendre ſa femme féconde, c’étoit de la fouetter le plus rudement que l’on pourroit. Cela fut pris pour oracle ; la Ducheſſe y conſentit, & l’exécution en fut faite par ſa mere. Juſqu’à ce jour, dans les plus grandes careſſes de ſon mari, elle n’avoit preſque point trouvé de plaiſir ; mais lorſqu’après cette médecine, le Duc l’alla joindre, peu s’en fallut qu’elle n’expirât ſous lui, tant le châtouillement qu’elle reſſentoit étoit extrême ; elle déchargea copieuſement : & la même cérémonie ayant été renouvellée deux jours après, elle fut engroſſée avec une joie extraordinaire de toute la famille. Il ſe trouve auſſi des hommes, qui ne pourroient jamais bander ſi on ne ſe ſervoit de cet artifice. Le Comte Ardolphe que tu connois, eſt réduit à cette extrêmité, ſans laquelle tous les attouchements de ſa femme qui eſt aſſez jolie, tous les remedes de la médecine, & les épiceries du Levant ne le feroient pas dreſſer d’un pouce.

Octavie.

Il faut donc qu’il ſoit bien froid. Mais l’as-tu expérimenté quelquefois, & as-tu trouvé quelqu’un qui t’ait voulu rendre ce-bon office ?

Tullie.

Non, mais j’ai deſſein de l’éprouver, afin de goûter le plaiſir de toutes ſortes de manieres. Je partirai demain, pour aller trouver Oronte qui m’a écrit d’aller paſſer quelques jours avec lui à la campagne ; & je trouverai le moyen de faire ce que je voudrai. Je t’enverrai Cléante : fais en ſorte qu’il n’ait pas ſujet d’être mécontent de toi.

Octavie.

Je n’ai rien à démêler avec lui, il faut qu’il ſe conſerve pour ton retour. Tu as oublié de me dire comment les noces de Julie s’étoient faites.

Tullie.

Helas ! elles ſe ſont faites comme du temps de nos premiers peres, c’eſt-à-dire ſans aucune cérémonie. Ton pere étoit abſent, aucun des parents n’y fut appellé. Sempronie ſeule fit promettre la foi à nos deux amants, & les conduiſit elle-même dans le lieu où le meilleur de la fête ſe devoit paſſer. Auparavant elle eut un long entretien avec Julie, & lui conſeilla malicieuſement pluſieurs choſes qui l’auroient rendue odieuſe à ſon mari, s’il n’avoit pas connu ſa ſimplicité & les artifices de ta mere. Sempronie étant donc montée dans la chambre de nos nouveaux mariés, elle voulut déshabiller Julie, qui n’oſoit preſque lever la vue d’abord qu’elle ſe vit en chemiſe : elle ſe retira après dans une chambre, d’où on pouvoit voir & entendre facilement ce qui ſe paſſoit dans celle-là. Si-tôt qu’elle fut ſortie, Julie ſe mit à genoux devant ſon mari : Vous n’aurez pas de peine avec moi, lui dit-elle ; je vous obéirai en toutes choſes, & vous n’aurez qu’à commander. Joconde la releve, & lui dit d’ôter ſa chemiſe, mais voyant que la honte l’en empêchoit, il la lui tira lui-même : il admira en même-temps la beauté de ſon corps ; il la baiſe, il lui manie les tettons, & enfin s’applique à conſidérer la principale partie ; il l’ouvre, il la ferme, il y met les doigts. Eh, eh, dit Julie. Il la fait mettre au lit, & ſe couche à ſon côté. Elle, pour pratiquer les conſeils de ta mere, prit un couſſin qu’elle mit ſous ſes feſſes, & écarta les cuiſſes le plus qu’elle put ſans attendre qu’on l’en priât. Ce n’eſt pas tout : elle prit le membre de ſon mari, qui ne put s’empêcher d’en rire. Que ſignifie tout ceci, dit-il ? Et en même-temps il ſe jetta ſur elle, qui ne quitta point priſe, & voulut elle-même le conduire où il vouloit entrer. Auſſi-tôt qu’il y fut, elle éleva ſes jambes le plus qu’elle put ſur les cuiſſes de Joconde. Retire ta main, lui dit-il, j’acheverai bien le reſte ; elle la retira, & l’embraſſa le plus étroitement qu’elle put. Il la preſſe ; & à la quatrieme ſecouſſe, il entra tout entier au-dedans.

Octavie.

La trouva-t-il vierge ? connut-il qu’elle avoit ſon pucelage ?

Tullie.

Il le connut, comme la plupart des hommes ont coutume de le connoître : c’eſt-à-dire en s’en rapportant à la bonne foi de ſa femme.

Octavie.

Je craignois que la façon d’agir de Julie ne lui eût donné à penſer qu’elle eût été ſouillée par un autre.

Tullie.

Non ; il connut facilement que toutes ces manieres étoient un effet de la jalouſie de Sempronie, qui tâchoit de lui rendre ſa femme mépriſable dès le commencement. Quand cette premiere courſe fut finie, Joconde interrogea Julie : Qui t’auroit cru, lui dit-il, ſi ſavante la premiere nuit de tes noces ? & qui peut t’avoir appris ces mouvements de feſſes & ces ſoupirs faits ſi à propos ? Elle ne répondoit rien. Parle ſans crainte, reprit-il, & me déclare le myſtere de tout ceci. Je n’oſerois, dit-elle ; mais je n’ai rien fait que les plus chaſtes filles comme je ſuis, ne pratiquent dans de pareilles occaſions. Mais qui eſt-ce qui t’a dit que c’étoit la coutume, dit Joconde ? N’exigez pas de moi, dit-elle, que je vous l’apprenne. Je veux, reprit-il, que vous me le diſiez, ou bien j’aurai de mauvais ſentiment de votre honneur. N’en parlez donc point à d’autre, dit Julie. C’eſt Sempronie qui m’a donné ces avis, & qui m’a dit qu’il étoit du devoir d’une jeune mariée de faire tout ce que j’ai fait. Cependant, ce qu’il y a de plaiſant là-dedans, c’eſt que Sempronie voyoit & entendoit tout.

Octavie.

Quel deſſein avoit-elle en abuſant ainſi de la ſimplicité de Julie ?

Tullie.

C’étoit de la rendre ſuſpecte à ſon mari : elle n’y réuſſit pas ; car elle a toujours paſſé dans ſon eſprit pour une fille très-ſage & une femme fort honnête.

Octavie.

Tu n’as point achevé de dire les particularités de leurs divertiſſements.

Tullie.

D’abord que le membre de Joconde fut entré tout entier, Julie s’écria : pardonnez-moi, vous me faites mal, ah, ah, ah ! & lui ; n’en pouſſoit que plus fort : l’ayant donc animée par des ſecouſſes plus violentes : Oh, oh, dit-elle, je me meurs de plaiſir, continuez, pouſſez, preſſez encore plus.

Octavie.

Ah, ah, ah !

Tullie.

Sempronie lui dit d’agir de la ſorte, & qu’auſſi-tôt qu’elle ſentiroit le moindre châtouillement, elle le fît connoître à ſon mari par mille careſſes, par ſes ſoupirs, par ſes baiſers, & par les mouvements les plus laſcifs qu’elle pourroit s’imaginer. Elle n’y manqua pas auſſi : car d’abord qu’elle ſentit les approches du plaiſir, elle remua les feſſes, éleva les cuiſſes, & répondit aux ſecouſſes de Joconde par des ſaillies que Vénus même auroit eu de la peine à inventer. Ces tranſports la conduiſirent au ſouverain bien. Ah, ah, ah, s’écria-t-elle ! qu’eſt-ce que je ſens ? je n’en puis plus ! Son cavalier la preſſe le plus vivement qu’il peut, afin de goûter avec elle cette douce volupté ; cependant elle le baiſe, l’embraſſe, & l’oblige enfin à faire ſon devoir. Ah, ah, ah, ah ! dit-il, en attirant à ſoi avec les deux mains les feſſes de ſa Julie, je me meurs, ma chere enfant, tu me tues par tes ſecouſſes ; ah, ah ! Il perdit ici la parole. Ce qu’il y a de plaiſant, c’eſt que cette pauvre innocente ſe ſouvenant des conſeils de ta mere, prit en même-temps à pleine main le membre de ſon mari, & le preſſa ſi fortement, qu’il ſembloit qu’elle en voulût tirer juſqu’à la derniere goutte.

Octavie.

Etant jeune comme elle eſt, put-elle bien ſans peine ſupporter un ſi long combat ?

Tullie.

Hélas ! elle n’avoit pas ſujet d’être fatiguée, parce que Joconde ne la vit point cette nuit-là, ni la ſuivante, qu’après avoir ſatisfait juſqu’à deux repriſes la convoitiſe de ta mere. Tellement qu’on peut dire qu’elle n’a point goûté le plaiſir dans toute ſon étendue, que deux fois depuis un mois.

Octavie.

Comment cela ſe peut-il faire ? car une femme jalouſe ne donne point de quartier.

Tullie.

Tu ſauras que le mois paſſé, Joconde ſe divertiſſant avec ta mere, & la trouvant fort diſpoſée à lui accorder ce qu’il ſouhaiteroit, il lui demanda une grace. Et quoi, dit-elle ? Voulez-vous bien, reprit-il, me permettre d’être pere ? J’y conſens, dit-elle. Et comment pourrai-je, continua-t-il, ſi vous ne m’accordez la jouiſſance de Julie ſans reſtriction ? la pauvre enfant a déja aſſez ſouffert, & la mere Théreſe l’a aſſez maltraitée pour qu’elle mérite un peu de plaiſir. Je vous le permets, dit Sempronie, à condition que ce ne ſera que dans le deſſein d’avoir des enfants : & afin que vous ne manquiez pas votre compte, je ſouhaite que vous paſſiez huit jours dans la continence ; & qu’après qu’ils ſeront expirés, vous faſſiez avec elle ce que vous deſirerez. Cela fut conclu de la ſorte, & la ceinture ne fut point ôtée à Julie qu’après la huitaine. Joconde fit un ſi bon uſage de cet intervalle, que ſa femme fut engroſſée. Sempronie le croit ainſi ; & il eſt vraiſemblable, parce que depuis ce temps, elle eſt fort dégoûtée, & incommodée de douleurs de tête qu’elle ne reſſentait pas auparavant.

Octavie.

J’ai Théreſe en averſion, depuis que j’ai ſu qu’elle avoit de la ſorte maltraité cette pauvre innocente.

Tullie.

Et moi, je veux mal à ta mere, parce que c’eſt elle qui eſt l’origine de tous ſes maux. Elle alla voir Théreſe, & ne l’entretint pendant toute ſa viſite, que de la crainte qu’elle avoit que Julie s’éloignât de ſon devoir ; qu’elle reconnoiſſoit qu’elle avoit beaucoup de penchant pour le libertinage, & qu’elle croyoit qu’il ſeroit néceſſaire de la mortifier un peu pour la rendre plus ſage. Théreſe qui ajoutoit foi à toutes ſes paroles, dit à ta mere, qu’elle n’avoit qu’à la lui envoyer. Ce qui fut fait, après que Sempronie lui eût ôté la ceinture qu’elle conſerva chez elle, Sitôt que Julie fut entrée dans le monaſtere, Théreſe lui demanda ſi elle ne deſiroit pas être bien chaſte. Oui, dit-elle. Eh bien, continua Théreſe, il faut pour cela que vous paſſiez ces trois jours ici en mortification & en pénitence, & que vous ſouffriez la diſcipline réguliere que je vous donnerai. Elle conſentit à tout, & fut fouettée des mains de Théreſe trois fois différentes, puis renvoyée le ſoir du troiſieme jour à ſon mari. Sempronie par bonheur ne ſe trouva pas à la maiſon : Julie raconta à Joconde tout ce qui s’étoit paſſé ; il en eut bien du déplaiſir, & lui promit de prendre garde une autre fois, qu’il ne lui arrivât quelque choſe de ſemblable. Enfin, pour lui faire oublier toutes les douleurs qu’elle avoit ſouffertes, il la coucha ſur le lit, & lui donna tant de plaiſir, qu’elle ne ſe ſouvint plus des peines qu’elle avoit endurées.

Octavie.

Cela n’eſt-il point venu à la connoiſſance de ma mere ?

Tullie.

Non : elle n’en a pas ſeulement eu le moindre ſoupçon, parce qu’avant qu’elle fût de retour à la maiſon, Joconde ſortit ; & quand il arriva, il la trouva avec Julie, qu’il ſalua comme s’il ne l’eût point vue depuis trois mois.

Octavie.

Eh quoi ! ne ſalua-t-il point ma mere ?

Tullie.

Il n’y manqua pas ; & la tirant à quartier, il dit à Julie, qu’il avoit quelque choſe à lui communiquer, & qu’elle l’attendît dans ſa chambre ſans en ſortir. Ils ſe retirerent enſuite tous deux dans la chambre de ton pere. Que veux-tu davantage ? Il l’embraſſe, il la renverſe ſur le lit, & termine l’affaire avec elle. Après qu’ils eurent achevé, ils s’en allerent tous deux trouver Julie, qu’ils rencontrent couchée ſur le lit. Je veux, lui dit Joconde, que Sempronie connoiſſe combien vous êtes pure & chaſte, & qu’elle vous remette elle-même votre ceinture. Ta mere donna mille éloges à Julie, & la pauvre enfant fut remiſe dans les fers.

Octavie.

Il n’y eut qu’une partie d’elle-même.

Tullie.

Quoi qu’il en ſoit, on la rendit captive ; Pars ludicra in vincula miſſa eſt. Je veux, Octavie, éprouver ſi la tienne eſt auſſi propre au jeu comme il ſemble qu’elle doive l’être.

Octavie.

Cléante t’en dira des nouvelles, quand nous aurons paſſé quelques moments enſemble.

  1. Note de WS :
    Mais parce que l’honneur, ce tyran de nos Ames,
    Cette trompeuse idole & ce phantôme vain,
    N’avoit pas ſur les cœurs un pouvoir ſouverain,
    Et ne s’oppoſoit pas aux amoureuſes flâmes,
    On ne connoiſſoit point ſes loix ;
    Et l’on n’écoutoit que la voix
    Du plaiſir et de la nature.
    Aux rigueurs du devoir on n’eſtoit point ſoûmis,
    Et ſans ſe donner torture ;
    Ce qui plaiſoit étoit permis.

    Traduction Du Tasse (Torquato Tasso, 1583): Pastorale traduite de l’italien en Vers François, A Paris, Chez Claude Barbin, sur le second Perron de la Sainte Chapelle, 1676, Avec Privilege du Roy, Google p.52 à 54.