Aller au contenu

L’Amour paillard/10

La bibliothèque libre.
Imprimé par ordre des paillards (p. 117-127).
◄  IX.
XI.  ►

L’Amour paillard, Bandeau de début de chapitre
L’Amour paillard, Bandeau de début de chapitre


X


Le montreur de plaisirs conservait son autorité sur tout son monde. Les jours qui suivirent cette libidineuse séance, la famille fut appelée à servir ses tableaux vivants en deux occasions. Jacques en profita pour affirmer de nouveau sa suprématie de directeur de l’entreprise et de chef de maison. Sur ce point, Thérèse s’appliquait à le favoriser, se rendant compte que le prestige dont elle l’entourait rejaillissait sur sa personne. Il est certain que Lina et Léa marchaient dans son ombre, et qu’Antoine ne demandait qu’à s’effacer.

Le mari et la femme, échangeant leurs confidences, essayaient de s’en imposer mutuellement, au sujet de leurs aspirations sur La Férina, paraissant se seconder dans le but d’amener à l’autre les douces satisfactions de cette voluptueuse créature. Jacques baisait Thérèse avec régularité, et prétendait qu’il l’aimait par dessus toutes les autres femmes ; Thérèse, dans les bras de Jacques, jurait que si elle avait couru après La Férina, si elle y courait encore, c’était pour la lui livrer sans qu’il y eut danger de compromettre l’union de leur communauté.

Tous les raisonnements sont admissibles. Peu à peu, le ménage à cinq reprenait ses habitudes, se décidait à continuer les spectacles des tableaux vivants érotiques, et à saisir les occasions de fête plus ou moins productives, selon les circonstances. Une seule différence s’accusait avec le passé, on recevait des visites, parmi lesquelles on remarquait celles des Gressac, d’Arthur des Gossins, de Bertrand Lagneux, d’Alexandre Brollé, d’Émile Sauton, d’Horacine et de La Férina, aimant à venir se distraire aux travaux de l’intelligente famille, ou aux flâneries sous les arbres de la propriété.

Existait-il des relations particulières et cachées entre les uns et les autres, on ne s’en inquiétait pas. Arthur des Gossins ne se pressait pas de courtiser Thérèse, ayant eu vent de son caprice pour La Férina, à qui il gardait rancune ; Alexandre Brollé et Émile Sauton, entrés dans l’intimité de Jacques par d’habiles flatteries et d’adroits cadeaux, paraissaient viser la conquête de Lina, après laquelle courait ouvertement Gaston Gressac, et quant à Jacques, il ne dédaignait pas les ardentes félicités que lui apportait Annette.

Un après-midi qu’il avait été obligé de descendre à Paris et d’y déjeuner, rentrant plus tôt qu’on ne l’attendait, il aperçut dans un coin du jardin, à l’ombre des superbes tilleuls, deux fillettes assises sur les genoux d’Antoine Gorgon, lui chatouillant chacune les narines ou le cou avec un brin de paille, tandis qu’il avait les mains sous leurs jupes. Il eut un sursaut de mauvaise humeur en reconnaissant dans l’une sa belle-sœur Léa, sous la toilette de gamine qu’il lui faisait prendre, et dans l’autre la petite Pauline Turlu, la nièce des Gressac. Quoique jamais la jalousie ne fut son défaut, la vue de son cousin, se livrant au genre de débauche qu’il affectionnait, le contraria, et il s’approcha avec irritation du groupe, auquel il cria :

— Est-ce ici une maison d’éducation pour jeunes filles ?

— Des fois, répondit Antoine, mais je crois que tu ferais bien mieux d’aller voir ce qui se passe dans la maison, et de nous ficher la paix.

L’irritation de Jacques n’échappait pas à l’œil d’Antoine qui, très calme, ne se troublait pas et continuait son pelotage. Les jeunes filles avaient cessé de le chatouiller, se consultant si elles le lâcheraient pour s’amuser avec Jacques. Elle n’eurent pas à choisir ; Antoine les maintenant sur ses genoux, elles ne firent aucun geste pour les quitter, et crièrent :

— Oui, oui, va à la maison, Jacques, et si on n’y est pas sage, tu nous appelleras.

Jacques devina que quelque chose d’anormal devait s’accomplir ; tournant le dos au groupe, il se dirigea vers l’habitation où l’on n’entendait aucun bruit. Thérèse et Lina devaient cependant s’y trouver. Sa méchante humeur s’accentua. Il parcourut tout le rez-de-chaussée sans rien découvrir. Parvenu au premier étage, il s’arrêta sur le seuil d’une chambre, dans laquelle il surprenait sa femme agenouillée devant un homme déculotté, qu’elle suçait à pleine bouche. L’homme n’était autre que Gaston Gressac qui, par des gloussements de dindon, priait la suceuse tantôt d’accélérer, tantôt de ralentir la manœuvre. La tête vautrée sur ces cuisses, Thérèse pompait la queue avec des lèvres gloutonnes ou la laissait s’évader pour en frotter sa gorge toute débraillée et dont les seins brillaient hors du corsage ; elle était en toilette de ville et n’avait pas sans doute jugé nécessaire de se dévêtir. La queue en voulant surtout à sa bouche, pas besoin n’était de donner la liberté aux cuisses et aux fesses.

Un petit cri, qui partit d’une pièce voisine, appela de ce côté l’attention de Jacques. Là, assise sur un sopha, il aperçut Lina qui se défendait des entreprises polissonnes de Bertrand Lagneux. Ah, ça ! que signifiait toute cette histoire ? D’après Annette Gressac, Arthur des Gossins désirait sa femme Thérèse, et elle suçait Gaston Gressac ! Et Bertrand Lagneux qui s’affichait toujours très épris de La Férina, s’attaquait à Lina, qui ne voulait pas lui céder. Pour cela, la chose apparaissait évidente ; elle se défendait bel et bien, évitant de causer du tapage, pour ne pas se rendre ridicule. Ce spectacle le captiva davantage que le suçage de sa femme, ou les paillardises d’Antoine.

Il assistait pour la première fois de sa vie à la scène d’une femme repoussant les tentatives d’un homme enragé après sa possession. Bertrand se traînait aux genoux de Lina, la suppliait de condescendre à ses désirs, puis se fâchait, menaçait, lançait les bras sous les jupes, saisissait ses mollets ; elle se débattait, frappait sur ses doigts, le renversait presque sur le tapis, et murmurait :

— Non, non, je vous dis que je ne veux pas ! Moi, en dehors des tableaux que nous représentons, je ne marche que d’après mon goût, et je n’en éprouve aucun pour vous, là ! D’ailleurs, allez avec votre Férina qui ne demande pas mieux que de vous donner son cul. Je ne sais pas pourquoi Thérèse s’entête à vouloir que vous me baisiez. Je ne veux pas, et cela ne sera pas. Je suis peut-être bien ma maîtresse.

— Si, si, tu céderas ! Je me moque de La Férina ; je l’ai prise parce que je ne te connaissais pas encore ; et depuis que je t’ai vue, je ne veux plus d’autre femme. S’il me plaisait de coucher avec Thérèse, elle n’y apporterait pas tant de façon. Tu es la seule que je veux ici, et je t’aurai.

— Ici ! Vous ne m’aurez pas.

— Je t’aurai, quand je devrais t’attacher.

— Essayez donc.

Elle riait nerveusement ; d’un geste brusque elle le jetait sur le tapis, se disposait à l’enjamber pour se sauver. Déjà sur les genoux, il l’attrapait par les cuisses ; elle se tordait sous ses mains, et plus elle se tordait, plus les mains s’emparaient de ses chairs, couraient des cuisses aux fesses ; il mordait la robe pour la déchirer, jurant qu’il la remplacerait par dix autres plus belles ; elle le souffletait.

Se redressant, il la saisit à bras-le-corps ; ils luttaient comme des forcenés, elle pour l’empêcher de l’étreindre, lui pour la renverser et l’enconner. Ils tournaient et retournaient ; il la pétrissait des épaules aux seins et des seins aux hanches. Elle avait le visage enflammé de défi, elle raidissait tous les membres, les efforts qu’il faisait décuplaient ses forces. Il dénoua ses jupes, elles tombèrent sur le sol, l’entravant dans sa défense ; lui appliquant un gros coup de poing sur la poitrine, elle lui dit :

— C’est lâche de vouloir une femme qui ne vous veut pas.

— Pourquoi ne me veux-tu pas ?

— Parce qu’il ne me plaît pas d’être prise ainsi. Puis, moi, je préfère Jacques à tous les autres hommes, et je ne suis qu’à lui, ou à celui qu’il me désignera, parce que celui-là ce sera encore comme si c’était lui qui me baise. Allez donc lui demander s’il veut que vous m’enfiliez !

— Il n’est pas là.

— Attendez qu’il y soit, et laissez-moi tranquille.

Bertrand Lagneux était dans toute la vigueur de l’âge ; il bandait comme un taureau, et ses trente-trois ans, juste un de plus que Jacques, valaient ceux du montreur de plaisirs. Agent de change, habitué à des conquêtes faciles par sa situation de fortune et ses fréquentations, il se toquait de cette femme qui lui résistait, plus qu’il ne le fit jamais des autres.

Tout en se trouvant flatté de l’amour qu’avouait ainsi sa cousine, et que du reste il n’ignorait pas, Jacques, très suggestionné par la scène qui se déroulait sous ses yeux, se jurait bien de ne pas intervenir. Thérèse pouvait bien sucer Gaston Gressac jusqu’à complet épuisement de son sperme, il s’émoustillait de cette lutte amoureuse qui se poursuivait de plus en plus implacable et il lui eût été difficile de dire ce qui l’exciterait le plus, du triomphe ou de la défaite de Lina.

Le combat s’accusait, plus âpre, plus violent. Peu accoutumée à la résistance, Lina, malgré la sincérité de ses paroles, faiblissait dans ses moyens. La queue de Bertrand, qui s’allongeait devant elle hors de la culotte, exerçait son magnétisme voulu. Elle se présentait très vaillante, très tenace, en belle érection, très fine de peau, ce qu’elle savait, l’ayant effleurée plusieurs fois de la main dans les soubresauts de la lutte. Elle voulut même la pincer pour décourager son audacieux persécuteur, mais cela lui avait semblé monstrueux. Bertrand la tenait maintenant par la taille, son corsage ouvert, le visage sur ses nichons, qu’il baisait et suçait, dans les contorsions auxquelles elle se livrait. Et, dans ces contorsions, sa main rencontrait à tout instant la queue, la touchait, la palpait, finissait par la garder. L’échauffement de la volupté la gagnait. Bertrand la sentait moins opiniâtre dans son refus ; les jupons avec la robe s’étalaient sur le sol ; elle demeurait en chemise, avec son corsage débraillé ; il lui pelotait le cul à pleines mains, et lui chatouillait le minet ; elle tenta encore de glisser hors de ses bras, mais la queue la battait dans les cuisses, s’intercalait par moments très habilement, heurtant le con ; elle frappait sur le ventre, baisotait le nombril, la fustigeait. Lina se troublait, perdait la tête, ses sens s’éveillaient ; il devenait évident que Bertrand arriverait à ses fins. Un rude coup d’ombrelle l’atteignit sur les reins, au moment où il s’apprêtait à se ruer sur Lina, trahissant l’intention de se rendre. C’était La Férina, sa maîtresse, qui entrait en scène, et qui, moins complaisante que Jacques, ne permettait pas à l’infidélité de se commettre. L’ombrelle se relevait pour appliquer un second coup, Bertrand furieux se retourna, et voyant à qui il avait affaire, cria :

— Quoi, c’est vous ! En voilà une raide ! De quoi vous mêlez-vous ?

— Un peu de ce qui me regarde, il me semble ! Puis, il est honteux de vouloir baiser une femme qui refuse de se laisser faire ! Et vous avez un rude toupet, vous qui prétendez m’adorer.

— Vous m’embêtez ! Je vous adore quand ça me plaît, et j’entends adorer ailleurs quand ça me dit.

— Vous êtes un goujat ! Vous adorerez où ça vous dira, mais plus de mon côté.

— Allons donc, vous vous fâcheriez après m’avoir régalé de votre méchant coup d’ombrelle ! Nous disputons dans le vide, ma chère Marguerite, pardonnez-moi mes vilains mots, je vous pardonne votre intempestive violence.

La Férina, au fond, était une excellente nature ; puis, on ne rompt pas avec un amant de l’importance de Bertrand Lagneux pour quelques mots de colère. Elle laissa tomber la main dans celle qu’il lui tendait, et avec un sourire d’acquiescement répondit :

— Vous avez raison, ne nous brouillons pas. N’importe, voici une amoureuse qui ne bout pas en votre faveur ! Voyez, comme elle ramasse ses jupes, et comme elle se sauve ! Dites, dites, ma chère amie, nous sommes dans votre chambre, et c’est nous qui devons nous retirer. Le hasard seul m’a poussée à venir ici. Restez, restez, nous vous abandonnons la place.