Aller au contenu

L’Anaphylaxie/Chapitre III

La bibliothèque libre.
Félix Alcan (p. 20-26).

III

PÉRIODE D’INCUBATION.

Il est probablement impossible de déterminer avec précision la durée de la période d’incubation ; car sans doute cette durée varie selon la dose, selon l’espèce animale, et surtout suivant la nature de l’antigène injecté.

Toujours est-il qu’un certain temps est nécessaire pour que l’anaphylaxie apparaisse. Lewis dit l’avoir constatée même au 6e jour (par injection dans le cœur).

Rosenau et Anderson, dans des études très précises, ont vu que pendant les six premiers jours (injection de sérum de cheval à des cobayes) il n’y avait aucun phénomène ; du 7e au 10e jour, l’intensité des phénomènes (pour l’injection seconde) va en augmentant. À partir du 14e jour l’effet anaphylactique est maximum. Il ne semble pas d’ailleurs que la durée diffère selon la dose injectée, ou selon le lieu de l’injection (dans le cerveau ou sous la peau).

Avec la mytilo-congestine, l’actino-congestine et la crépitine, la période d’incubation m’a paru variable. Pour la mytilocongestine (sur des chiens par injection intraveineuse) il y a eu anaphylaxie au 10e jour. Mais le maximum d’action a été seulement au 15e jour. Pour l’actino-congestine, l’anaphylaxie n’a commencé qu’au 12e jour ; le maximum d’action, très nettement, ne s’est produit qu’au 28e jour. Pour la crépito-congestine, l’anaphylaxie commence plus tard encore. Elle est à peu près nulle avant le 28e jour, et elle n’atteint guère son maximum que vers le 36e jour. Ces différences dans la durée d’incubation de l’anaphylaxie pour ces trois poisons répondent assez bien à la différence de durée dans leur action toxique. Par la mytiline, la mort survient au 4e jour ; par l’actinine, au 7e jour ; par la crépitine, vers le 15e jour (aussi bien chez les chiens que chez les lapins et les cobayes).

Chez l’homme, et plus particulièrement chez l’enfant, comme les injections secondes de sérum produisent des accidents que jamais ne produisent les injections premières, on s’est occupé avec un grand soin de la durée d’incubation de l’anaphylaxie. D’après V. Pirquet, dès le 5e ou 6e jour après l’injection première, l’injection seconde provoque des phénomènes d’anaphylaxie locale ; mais le maximum d’effet ne se produit qu’à partir du 12e jour.

D’après Arthus, chez le lapin, pour injections de sérum de cheval, il n’y a commencement d’état anaphylactique qu’au 9e jour. Encore est-ce très peu de chose. Il ne lui semble pas que la grandeur de la dose première injectée ait grande influence.

Cependant, d’après d’autres auteurs, la dose première n’est pas sans influence sur la durée de l’incubation. Avec de très faibles doses Otto n’a pas vu encore d’anaphylaxie au 11e jour. Gay et Southard ne l’ont vue qu’au 14e jour ; Otto, au 17e jour ; Besredka, au 12e jour.

Des doses fortes de l’injection première ont un effet tout autre qu’on ne serait tenté d’abord de le croire. Elles sont retardatrices plutôt qu’accélératrices de la durée de l’incubation (Otto). De même si, après l’injection première, on fait, au 6e jour environ, une autre injection, puis une autre injection encore, on arrive à retarder le moment de l’anaphylaxie. Tout semble se passer comme si l’anaphylaxie ne se produisait qu’après que l’antigène a complètement disparu du sang. Comme on le verra plus loin, il ne peut y avoir simultanément antigène et toxogénine dans le sang. Par conséquent, après une dose très forte d’antigène, la toxogénine apparaît tardivement.

Enfin, comme l’ont noté Otto, Gay et Southard, Rosenau et Anderson, on ne peut comparer les durées d’incubation qu’en adoptant les mêmes voies d’introduction pour l’injection seconde. Tel cobaye qui, au 10e jour, est déjà sensible à l’injection seconde, intracardiaque, est tout à fait résistant à l’injection seconde sous-cutanée.

Toute loi absolue est donc impossible à donner ; pourtant on pourrait, s’il fallait présenter les choses sous une forme schématique et moyenne, dire qu’il faut un minimum de dix jours pour la période d’incubation de l’anaphylaxie. Du 10e au 20e jour, l’intensité de l’état anaphylactique va en augmentant, pour avoir son maximum vers le 20e jour, et, dans certains cas, avec certains antigènes, vers le 40e jour.