L’Encyclopédie/1re édition/MALIGNITÉ

La bibliothèque libre.
MALIN  ►

Malignité, s. f. (Gram.) malice secrette & profonde, Voyez l’article Malice. Il se dit des choses & des personnes. Sentez-vous toute la malignité de ce propos ? Il y a dans le cœur de l’homme une malignité qui lui fait adopter le blâme presque sans examen. Telles sont la malignité & l’injustice, que jamais l’apologie la plus nette, la plus autentique, ne fait autant de sensation dans la société que l’accusation la plus ridicule & la plus mal-fondée. On dit avec chaleur ; savez-vous l’horreur dont on l’accuse, & froidement il s’est fort bien défendu. Qu’un homme pervers fasse une satyre abominable des plus honnêtes gens, la malignité naturelle la fera lire, rechercher & citer. Les hommes rejettent leur mauvaise conduite sur la malignité des astres qui ont présidé à leur naissance. Le substantif malignité a une toute autre force que son adjectif malin. On permet aux enfans d’être malins. On ne leur passe la malignité en quoi que ce soit, parce que c’est l’etat d’une ame qui a perdu l’instinct de la bienveillance, qui desire le malheur de ses semblables, & souvent en jouit. Il y a dans la malignité plus de suite, plus de profondeur, plus de dissimulation, plus d’activité que dans la malice. Aucun homme n’est né avec ce caractere, mais plusieurs y sont conduits par l’envie, par la cupidité mécontente, par la vengeance, par le sentiment de l’injustice des hommes. La malignité n’est pas aussi dure & aussi atroce que la méchanceté ; elle fait verser des larmes, mais elle s’attendriroit peut-être si elle les voyoit couler.

Malignité, s. f. (Médecine.) se dit dans les maladies, lorsqu’elles ont quelque chose de singulier & d’extraordinaire, soit dans les symptômes, soit dans leur opiniâtreté à résister aux remedes ; sur quoi il faut remarquer que bien des gens, faute d’expérience, trouvent de la malignité où il n’y en a point. On ne peut pas donner de regles sûres de pratique dans ces sortes de maladies ; car souvent les remedes rafraîchissans y conviennent, tandis que d’autres fois ils sont très-contraires, & qu’il est besoin d’employer des remedes stimulans. On voit cela dans la pratique ordinaire, où les fievres malignes se combattent tantôt par les rafraîchissans, tantôt par les évacuans, tantôt par les diaphorétiques ; d’autres fois par les apéritifs & les vésicatoires, & cependant avec un succès égal selon les cas.

Cependant il faut avouer que la malignité est inconnue aux praticiens, & que ses causes sont impénétrables.