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L’Hérédo/Chapitre III

La bibliothèque libre.
Nouvelle Librairie Nationale (p. 67-100).

CHAPITRE III

le premier acte du drame intérieur.
le combat des empreintes héréditaires
au sein du moi : shakespeare et balzac

Voici les empreintes héréditaires, ou hérédismes, réveillés. Comment vont-elles maintenant se comporter les unes vis-à-vis des autres ? C’est le premier acte du drame intérieur au sein du moi. Les anciens l’avaient bien compris. Le chœur de leur théâtre tragique, qui maintient son jugement et sa sérénité devant les pires vicissitudes, est une image du soi, spectateur et quelquefois arbitre des tiraillements et déchirements du moi.

Ce drame intérieur, ainsi que chacun de nous peut l’observer sur lui-même, est incessant. Il peut s’obscurcir, s’atténuer, comme le bruit de la mer perçu à une certaine distance, mais, dès que nous prêtons l’oreille, il reparaît. Il intervient dans nos mobiles, comme dans nos rêveries, comme dans nos scrupules, comme dans nos remords, comme dans nos désirs. Il tend à morceler notre personnalité en un certain nombre de personnages, qui se provoquent, viennent aux prises, luttent, se réconcilient, s’apaisent, s’endorment, puis recommencent. La plupart des humains sont ainsi le jouet d’influences qu’ils ne cherchent pas à démêler, ou qu’ils baptisent de noms pompeux, tels que fatalité, nécessité, entraînement irrésistible, passion funeste. S’ils y regardaient d’un peu plus près, ils s’apercevraient que, dans les trois quarts des cas, ils sont victimes d’un immense laisser-aller et d’un engourdissement paresseux du soi. Ils sont là, devant les alternatives héréditaires de leur moi, comme au spectacle, amusés, puis surpris, puis peinés, puis attachés, puis esclavagés, et, quand l’idée leur vient d’intervenir, il est parfois trop tard pour leur énergie défaillante. Alors ils continuent, mécontents d’eux-mêmes et des autres, à tourner la roue congénitale.

Xénon est fils d’un père avare, d’une mère terrorisée par ce père, petit-fils de campagnards attachés à leurs intérêts d’un côté, généreux de l’autre, et hanté par un oncle prodigue. Sa lignée paternelle est nuancée d’hérédosyphilis et prompte aux affections du foie. Sa lignée maternelle est cardiaque. Avec cela il y a un soi en Xénon, un vigoureux garçon qui désire vivre, prospérer et se continuer en enfants bien portants. Si Xénon se connaissait, s’il avait la clé de son individu — ce livre est écrit pour la lui mettre entre les mains — il aurait toutes les chances, avec un peu de clairvoyance, de surveillance ou d’énergie, pour échapper aux préoccupations et aux maux qui le menacent, pour les empêcher de s’installer en lui. Il se rectifierait en six mois d’efforts, pénibles au début, puis tellement agréables qu’il ne pourrait bientôt plus se passer d’eux. Car la volonté est un enchantement pour celui qui sait la manier, et l’usage la rend plus brillante et plus fine. Au lieu de cela, Xénon s’abandonne. Il s’écoute. Il s’analyse, mais pour se complaire dans le trouble que lui donnent ses penchants à la rapacité et déplorer les ennuis qu’ils entraînent. Il se confie aux uns et aux autres, dans des lettres longues et diffuses, qui commencent par intéresser et attendrir, puis finissent par lasser ses meilleurs amis. Il se brouille et se réconcilie vainement avec eux. Ses ascendants avares commencent à danser la sarabande dans son moi, comme des souris et des rats dans un grenier. Il devient jaune et casanier. Il a des lancinements de coliques hépatiques. Il s’essouffle en montant les escaliers. Il va consulter plusieurs docteurs, qui lui ordonnent des traitements contradictoires et qui ne le soignent qu’en rechignant, parce qu’il ne les paye qu’à regret. Un jour, dans une minute de détente, le fantôme de son oncle lui suggère de donner mille francs à un malheureux, dont la reconnaissance, comme il arrive, est faible. « Tu vois bien, tu vois bien », lui crient aussitôt, sur des tons différents, tous les avares de sa lignée. Plaignez Xénon, il est sur une mauvaise pente. Il ne sortira pas de l’ornière. Même si l’envie lui vient de se marier, il délaissera la jolie fille sans dot pour le laideron riche et surveillé, qui donne l’illusion de la fortune sans en donner la réalité et le prive de l’amour vrai et partagé…

Qui n’a connu, fréquenté plusieurs Xénon ?

Aristippe a eu une mère folle, un père normal, mais un peu plat et, comme il a peur de l’hérédité, il n’a jamais regardé plus haut dans sa famille, de crainte d’y découvrir des tares « fatales ». Car il a la superstition de la fatalité. La terreur de sa mère le hante. Il lit des traités de médecine. Il y découvre maint symptôme et prodrome d’aliénation, qu’il croit ressentir. Cela fait que, par l’obsession, l’hérédité maternelle d’abord fugitive et flottante, s’installe chez lui de plus en plus, sur des bizarreries et des tics. Il va consulter un docteur intelligent — il y en a — qui lui conseille le divertissement. Le diable veut que ce divertissement soit le jeu, auquel s’adonnait un ancien grand-père, profondément inconnu d’Aristippe, et qui se livre désormais à d’étranges batailles, au sein d’Aristippe, avec la mère du malheureux. Un joueur retouché par une mélancolique, on imagine ce que peut être le mélange ! Aristippe se désole de ce combat dont il est l’enjeu, sans tirer aucunement parti d’une faculté rustico-bourgeoise de bon sens, qui est en lui, et qui, cultivée, le sauverait. Il va à la ruine et à la maison de santé, au lieu de s’évader de son moi par la ressource libératrice du tonus du vouloir, par le développement de sa raison.

Je n’insiste pas sur les esprits supérieurs, ou se croyant supérieurs, qui échafaudent, sur les reviviscences et les harcèlements de leur moi, des théories compliquées et transcendantes. Le modèle le plus illustre et le plus saisissant nous en est offert par le Boche Frédéric Nietzsche, écrivain malheureux et éloquent, dont j’ignore la lignée héréditaire, mais dont j’affirme, sans crainte de me tromper, que le moi n’était qu’une confuse bagarre. Ne parvenant pas à faire sa chambre suivant la norme ordinaire, ce pauvre garçon imagina de « renverser » — comme il disait — toutes les valeurs : c’est-à-dire de mettre son lit perpendiculaire, les fauteuils la tête en bas et la pendule dans la cheminée. Ensuite il se plaignit amèrement de ne pouvoir ni se coucher, ni s’asseoir, ni connaître l’heure, cependant qu’il proposait aux autres cette « règle de vie ». Aussi nettement que s’il était là, je le vois déchiré par ses ascendants, comme le docteur Faust, dans la légende originale allemande, fut déchiré par le diable. On suit même, à travers son œuvre vociférante, chuchotante, balbuliante, bredouillante, les changements de ton et d’accent de cinq ou six ancêtres tyranniques, auxquels il cède tout le terrain, avec des yeux exorbités d’épouvante. C’est que, polie, courtoise, onctueuse chez un Renan, la contradiction des fantômes était, chez Nietzsche, hargneuse, rageuse et furibonde, ainsi qu’il sied à des reviviscences, plus ou moins hagardes, de haines de races, la slave et la teutonique.

Pendant que je suis sur ce sujet, je signale, — comme différence et opposition ethnique au sein des éléments héréditaires du moi, — le cas, exceptionnel, de Pouchkine, descendant croisé, dit-on, de Russes et d’Éthiopiens. D’où un frottement de sensibilités différentes et un style en quelque sorte à deux goûts, dont les connaisseurs se déclarent enchantés. Il y a une catégorie du lyrisme qui pourrait bien relever directement de ce contraste, de ce combat, des composantes congénitales. La saveur originale et décevante de Henri Heine est faite de deux personnages au moins, l’un expansif et mélodieux comme une sirène de la mer du Nord, l’autre ironique, intempestif et pessimiste comme un manieur d’argent du ghetto, qui se partagent les cordes de sa lyre. L’auteur des Reisebilder et de l’Intermezzo ne peut pas ne pas exposer à la risée et au mépris ce qu’il vient d’admirer ou de chérir. Il lui faut à toute force salir l’objet de son émotion. Ce penchant à l’autodestruction, suicidaire, pour tout résumer, est aussi un stigmate des hérédos. Quand ils chantent, la beauté de leur chant est déparée par une amertume foncière, laquelle tient à la décomposition, à l’éparpillement des éléments troubles de leur moi, comparable à la boîte de Pandore.

Le phénomène connu sous le nom de précocité, dans quelque branche de connaissances — musique, mathématique, dessin — qu’il se produise, n’est autre qu’un résultat de superpositions héréditaires de même sens, au sein du moi. Supposons que, chez Pierre, trois ascendant sur quatre aient été bien doués au point de vue du calcul, ou de l’algèbre, ou de la géométrie, qu’ils aient eu le sens du nombre et de la position de figures, en un mot du compartimentage de l’espace et du temps. Pierre, héritant de trois facultés positives de même sens, aura de très bonne heure les plus remarquables dispositions aux mathématiques, ou, s’il s’agit d’un hérédo auditif et rythmique, à la musique. Il sera aisément un jeune prodige. Exceptionnellement, ces dons persisteront dans l’âge mûr, ce qui fut le cas de Mozart. Plus souvent, ils s’évanouiront avec les fantômes qui les suscitaient, et de ces facultés éblouissantes, mais éphémères, il ne restera plus que l’amer souvenir. C’est parce que l’hérédité, même favorable, est décevante qu’il convient de renforcer le soi, en marquant leur limite aux mirages.

L’interférence héréditaire est heureusement un épisode assez fréquent de la vie du moi. Grâce à elle, un ancêtre nocif se trouve annihilé par un autre de sens contraire. Le fils d’un père prodigue et d’une mère avare, ou d’un père débauché et d’une mère chaste, a chance de passer à côté ou au travers de leur opposition en lui-même, sans trouble ni dommage. Cette règle n’est d’ailleurs pas absolue. Il se peut qu’au contraire le père et la mère agissent successivement, et non plus simultanément, inspirent à leur fils des alternatives d’avarice et de prodigalité, de débauche et de chasteté. On voit les espérances que de tels antagonismes ouvrent à la délivrance, à l’évasion des hérédos. Certains d’entre eux en ont le sentiment, j’en ai connu un qui n’entreprenait quelque chose d’important que quand il se sentait sous l’influence de sa mère, femme d’un rare bon sens, et qui s’abstenait de toute initiative, aussitôt qu’il se sentait hanté par son père, homme léger, inconsistant et gaffeur.

Car, de même que quelques malades possèdent la faculté endoscopique de voir et de décrire exactement les lésions de leurs viscères — Sollier en cite des exemples très nets — de même quelques hérédos voient et sentent leurs hérédités différentes et composent avec elles. Il s’agit en général de gens d’une extrême acuité psychologique et adonnés à l’observation. Un garçon d’une trentaine d’années, qui adorait son père vivant, l’exécrait quand il le retrouvait en lui, comme dominateur de son destin. Le père mourut, et cette haine fit place à une sorte de narcissisme attendri, de culte rendu au fantôme intérieur du cher disparu. Un autre conversait avec son psychisme maternel, dont il reconnaissait l’approche mentale, comme avec une personne vivante. Sans doute entrait-il dans ces cas, à la longue, quelque affectation. Le fond n’en était pas moins vrai.

Mais l’hérédo ne connaît pas toujours ceux et celles qui viennent prendre place dans son moral et dans son physique, de façon transitoire ou durable. Très souvent, ces hôtes sont mystérieux et masqués, issus du lointain de la lignée ou d’un angle familial mal connu. Ils passent, indécis et grisâtres, parfois brièvement brutaux et tapageurs, s’insinuent sournoisement, disparaissent à l’improviste, sont remplacés par d’autres de même allure, de même maintien. Nous ne pouvons plus rien connaître d’eux, si ce n’est leur influence momentanée, leur succession, leur retour, comme s’ils avaient oublié quelque chose. Ils deviennent alors des protagonistes psychiques innominés, des créations demi-héréditaires, demi-imaginatives du moi.

Il déplaît à l’être normal et sain d’être ainsi gouverné par une dispute de morts, de servir de champ clos aux fantômes de sa lignée. C’est alors que le soi réagit par l’impulsion créatrice — en vue de l’équilibre raisonnable — et projette au dehors ces éléments de trouble et de discorde intérieure. La littérature dramatique et romanesque doit être ainsi envisagée, à mon sens, chez quelques-uns de ses plus hauts représentants, comme une vigoureuse élimination des protagonistes psychiques, comme une projection des éléments héréditaires du moi. L’œuvre d’art est souvent un effort personnel de l’individu, en vue de se délivrer de la foule de personnages qui le hantent, empruntés à son ascendance. L’œuvre d’art spontanée et géniale est moins un agglomérat d’observations qu’une émission de ces hôtes intérieurs, reliés les uns aux autres par des circonstances plus ou moins forgées, logiquement déduite de leurs contrastes.

— Comment voulez-vous que j’aie le temps d’observer, mon cher ami ? — disait Balzac à Raymond Brücker. — J’ai à peine celui d’écrire.

Ibsen a spécifié quelque part : « Ecrire, c’est donner la liberté aux démons qui habitent les cellules secrètes de l’esprit. » On connaît le mot de Gœthe : « Poésie, c’est délivrance. » Il n’est peut-être pas un grand individu qui n’ait senti obscurément cette quasi nécessité où il était de purger les formes qui l’obsédaient, formes héritées de ses aïeux ; qui n’ait éprouvé la joie, quelquefois péniblement achetée, de donner issue à ces mannequins, de leur insuffler une existence nouvelle. C’est l’euphorie de la création littéraire, la griserie dont parlent Renan et Balzac, le trépied magique que chante Eumolpe au festin de Trimalcion :

Ut corlina sonet, céleri distincta mealu

Il est surprenant que ce point de vue n’ait pas encore été envisagé, du moins à ma connaissance, par la critique littéraire et dramatique, qu’elle n’ait pas cherché davantage ce qu’il y avait derrière ce terme si vague d’inspiration. L’homme de lettres, le dramaturge, le romancier ne sont point, dans le peuple des humains, des phénomènes isolés, comparables à des champignons monstrueux. Ils sont simplement des êtres dont le moi, plus chargé que chez d’autres, et commandé par un soi plus impératif, se déverse au dehors, sur la page imprimée, de ses protagonistes. La résultante verbale de toutes ces voix, de tous ces accents, plus ou moins fondus, plus ou moins harmonieux, s’appelle le style. Il est donc plus juste de comparer le style à un orchestre qu’à un solo. Ouvrez Racine, le plus hanté, c’est-à-dire le plus passionné, le plus divers, et en même temps le plus mélodieux de tous nos tragiques, lisez-le à haute voix, en vous rappelant ces quelques notions sur la plasticité héréditaire du moi, et vous distinguerez une vingtaine de personnages, mâles et femelles, pour qui les noms historiques et les costumes antiques ne sont que des déguisements. Ces rois, ces reines, ce Tite, cette Bérénice, cette Phèdre, cette Athalie, cet Hippolyte, ces suivantes, ces confidentes étaient en Racine. Elles étaient intraraciniennes, ces héroïnes terribles ou touchantes, parce que antéraciniennes, parce que transmises à ce poète de génie par les femmes et les hommes de son pedigree. Elles étaient mêlées à son sang et à ses nerfs, trempées dans sa sensibilité, elles faisaient partie de ses penchants, de ses préférences, de ses aspirations vagues. D’où l’impression de vie, l’intense émotion qui se dégagent d’elles. Elles semblent réellement des reviviscences. Les propos amers et doux, divinement cadencés, qu’elles tiennent sont des échos de leur existence terrestre, transmis, à travers plusieurs générations jusqu’à leur traducteur ému et fidèle rencontré, ainsi que, dans les vieux contes le vivant chargé du message du mort. L’air de cristal, où vibrent ces accents immortels, c’est la corde d’argent tendue le long des âges et qui recueille trois siècles de vibrations amoureuses et mélancoliques.

Est-ce à dire que le soi de Racine n’intervienne pas dans ses créations, en dehors de l’impulsion initiale ? Nullement. Ce soi si sage est manifeste au milieu de ce débordement d’ardeurs souvent impures. On croirait un ange aux ailes diaphanes, penché sur une rôtissoire de démons. Le soi de Racine est successivement émerveillé et scandalisé par les licences de la Vénus sylvestre dont parle, en tremblant, le vieux poète latin :

Tune Venus in sylvis jungebat corpora amantum.

Le soi de Racine assiste, plein de repentir, à ces débordements délicieux et il en conçoit un remords, dont l’alto se mêle aux tentations charnelles de la lignée.

Chez Corneille, il y a visible prédominance des guerriers et des juristes sur les amoureux. Ici la cité, au sens romain du mot, commande et courbe l’individu. La chaleur des torches passionnelles ne fait pas fondre la cire sur les tables des annales sévères. Alors que, chez Racine, le conflit est entre la loi morale et l’emportement amoureux, il est, chez Corneille, entre la législation et un amour plus idéal et plus grave, qui a les couleurs et le son de l’amitié. Racine fait dialoguer ses aïeules. Corneille fait dialoguer ses aïeux. L’un et l’autre habillent les hommes en femmes et réciproquement. Mais c’est le ton qui fait la chanson. Chez celui-ci, comme chez celui-là, le phénomène de l’autofécondation, qui réveille des empreintes complètes et grandeur nature dans la malléabilité du moi, est poussé à son paroxysme. Néanmoins, à mesure que les personnages se succèdent sur l’écran de la conscience, une frange du soi cornélien et racinien, demeurée vivement lumineuse, montre la possession où ces maîtres sont d’eux-mêmes et la solide qualité de leur raison. D’où un sentiment de grandeur et de sécurité incomparable. Charmé ou bouleversé, le spectateur sait qu’il est dans de fortes mains et qu’il ne risque pas de s’égarer.

Deux auteurs se prêtent particulièrement à la démonstration, que nous poursuivons ici, du rôle des protagonistes psychiques dans la création dramatique ou amoureuse : j’ai nommé Shakespeare et Balzac.

C’est au cours de mon roman : Le Voyage de Shakespeare — paru en 1896 — que mon attention fut attirée pour la première fois sur l’intensité hallucinatoire des personnages du grand tragique anglais et sur l’explication possible de leur genèse par des reviviscences héréditaires au sein du moi shakespearien. J’avais passé toute une année à relire l’œuvre immortelle et les commentateurs, à noter les concordances des premiers rôles, les passages où transparaissent plus nettement l’individualité du poète et ses humeurs. Tout plein de mon sujet, j’essayais de me représenter les états d’esprit, ou mieux de transe, qui avaient présidé à ce lancement dans la vie lyrique d’amoureux, d’avares, de jaloux, de rancuniers, de vengeurs, de mélancoliques, de gloutons, de fantaisistes et de scélérats. J’admirais que tous ces héros du bien et du mal tinssent chacun le langage elliptique et ramassé correspondant à leur nature. Plus j’allais, plus je me persuadais que l’observation, la déduction et l’induction étaient insuffisantes à donner la clé d’une telle puissance de résurrection. C’est alors que m’apparut d’abord, sous la forme d’une hypothèse commode, la théorie des métamorphoses intérieures, sous l’aiguillon du soi. La pensée souveraine de Shakespeare devint, à mes yeux, l’accumulateur magique d’une multitude d’ascendants, de formes héréditaires, qui reprenaient en lui voix et couleur, et comme l’émanation multiple de son moi. Une fois en possession de cette certitude, dans laquelle me confirmait une analyse attentive et serrée, je vécus pendant quelques semaines dans une sorte de griserie intellectuelle, reconstituant la lignée shakespearienne, d’après Macbeth, Hamlet, Ophélie, Desdémone, Shylock, Richard III, Jules César, Antoine, Cléopâtre, Cymbeline, et tout ce peuple innombrable de figures émouvantes, douloureuses, âpres ou enchanteresses.

Mais seulement une dizaine d’années plus tard, j’arrivai à dénouer l’écheveau embrouillé du moi et du soi et à comprendre le mécanisme de l’élimination des images et des figures ancestrales. Ici encore je me défiai d’une généralisation hâtive et de ces insupportables marottes qui hantent, au tournant de la quarantaine, les écrivains et les philosophes. Je regardai autour de moi, je rassemblai mes souvenirs, je les confrontai les uns aux autres. La littérature aidant la vie, puis la vie retouchant la littérature, j’atteignis enfin la conception fort claire à laquelle je suis parvenu aujourd’hui. J’expérimentai sur moi-même la force de la volonté, appliquée méthodiquement à la victoire du soi sur le moi, et je fus étonné des résultats obtenus en peu de temps, C’est ainsi que l’étude de Shakespeare est intimement liée pour moi à l’histoire de l’Hérédo. Je pense que la conception de Hamlet, ainsi que je l’ai précédemment indiqué, prouve que cet étonnant précurseur était arrivé de son côté à des conclusions analogues aux miennes et qu’il les a illustrées et symbolisées dans les deux versions successives de son chef-d’œuvre. Il serait ainsi le roi de l’introspection, comme le roi de la création dramatique, et l’analyste chez lui égalerait le poète.

Trois sommets frappent dans cette chaîne majestueuse qu’est le développement du génie shakespearien :

1° La vérité des cris ;

2° La vérité du développement organique des caractères ;

3° La leçon morale.

Quant au premier point, un pareil don suppose l’identification complète de l’auteur avec ses divers personnages. Shakespeare est Othello lui-même quand, longtemps après l’avertissement d’Iago sur les boucs et les singes, il s’écrie mnémotechniquement : « Boucs et singes ! » Shakespeare est Cléopâtre elle-même quand il pousse le soupir fameux : « Heureux cheval qui va porter le corps d’Antoine ! » Shakespeare est Hamlet, non seulement dans la divulgation successive, perfide et feutrée de son secret à ses confidents, non seulement dans le « mourir, dormir, rêver peut-être », mais encore à tous les moments de ce songe éveillé sur soi-même. Shakespeare est chef et amoureux dans le : « Nous avons dissipé à travers nos baisers — kissed away — des royaumes et des provinces ». Shakespeare est Mercutio dans la fantaisie ailée de la reine Mab, dans l’ironie si âpre du moribond, sous l’épée de Tybalt. Ce n’est plus là de l’inspiration. C’est de la métempsycose. Le poète est habité successivement par ceux qu’il exprime. Or, quels pouvaient être ces habitants, si ce n’est la troupe de ses éléments héréditaires, le défilé de ses fantômes intérieurs ? À chaque tournant de ses dialogues si expressifs, je murmure, malgré moi, le « voici le spectre » le « enter the ghost » de Hamlet et de Jules César. « Voici le spectre », c’est-à-dire voici le tyran, le volontaire, le cruel, l’avare, le désabusé, le fol, la gracieuse, la grincheuse, la passionnée du pedigree shakespearien, qui vont se servir du génie comme d’un truchement de reviviscence, jouer sur sa lyre d’or et d’airain, emprunter son verbe et son rythme. Il est autofécondé, il est manœuvré, il est agi. Le son de ses vers est celui de toutes ces âmes ancestrales, qui viennent successivement se loger dans son âme et se chauffer à son rayonnement.

La chose est encore plus manifeste quand on examine la justesse du développement organique des caractères. Il y a là une spontanéité seulement comparable à celle de la nature. Les sentiments, une fois semés, germent et poussent en conséquences et frondaisons tragiques, selon une cadence calquée sur le réel. Cette cadence était nécessairement en Shakespeare. Elle ne pouvait lui venir que d’une reformation perpétuelle en lui des êtres et des événements liés à leurs caractères et à leurs penchants, que de leur processus mental et moral. Il était une chambre d’apparitions et de croissances congénitales, un musée de portraits ranimés. Sa composition dramatique n’était ainsi qu’un décalque de ce qui se jouait en lui. On l’imagine joyeuse, extrêmement rapide et facile. Elle le soulageait de tant de formes familiales, aussitôt fixées que conçues, et toujours saisies à leur apogée d’intensité et de beauté ! Car, par la vertu de son soi, demeuré vigilant et stimulant, chaque page, chaque ligne de ce livre de raison en mouvement était lumineuse. Ses ancêtres lui versaient de la diversité et de la force. Il leur rendait de la splendeur. Le tout n’allait pas sans contractions, ni grimaces, ni obscurités. Mais quelle majesté dans l’ensemble et quel besoin de fusion, d’arrangement suprême !

Insisterai-je sur la leçon qui se dégage de chaque pièce, avec la sécurité d’un parfum émanant de la plus complexe des fleurs. Partis de l’impulsion créatrice du soi, nous revenons ici à ce soi, après libération des hérédos, par l’équilibre raisonnable. Le maître, après s’être lyriquement abandonné à ses démons intimes. se domine et se reprend. Il sait où il va. Les violents sont punis dans leur violence, les méchants châtiés dans leur méchanceté, les fourbes dupés par leur propre fourbe, les sanguinaires inondés de leur propre sang, les ambitieux crucifiés sur leur rêve. Macbeth, lady Macbeth, Hamlet, Othello, Richard III, Tybalt, Brutus, ont vécu conformément au moi de Shakespeare, Ils meurent conformément à son soi. De toutes leurs fureurs et folies éparses se dégage une sagesse souveraine. La palpitation du pardon est au-dessus de ces châtiments extrêmes, de ces corps brisés et de ces plaies béantes. Divin silence, après la chute de tant de clameurs !

Vous me direz que l’hérédité de Shakespeare était terriblement chargée pour qu’il ait pu, en l’écoulant, en la ranimant par sa plume, projeter tant de corps et de visions. Sans doute. Néanmoins à y regarder de près, le peuple nombreux de ses personnages se ramène à une quinzaine de typifications dont il a tiré des combinaisons, et des secondes et troisièmes moutures. Car il aimait jouer à décomposer et recomposer ses héros, ceux et celles aux réactions de qui se complaisait sa rêverie lyrique. Une quinzaine de protagonistes pour refaire un monde, ce n’est pas beaucoup. C’est suffisant quand on est Shakespeare, le pasteur radieux du plus noble troupeau d’images terrestres et célestes, quand on manie l’air, l’eau et le feu, comme la volupté et la douleur.

En dehors de ces preuves littéraires, il en est une d’un ordre différent, que je soumets aux habitués de la pensée et du drame shakespeariens. C’est l’atmosphère d’allusion, de sous-entendu, d’énigme, particulière à cet étrange génie. Une longue expérience des hérédos m’a permis de constater chez eux cette tendance, d’autant plus sensible qu’ils sont plus élevés dans l’échelle intellectuelle. Les divers personnages familiers, qui viennent tour à tour hanter leur moi, ne demeurent pas inertes les uns vis-à-vis des autres. Il y a entre eux un état de rivalité, d’émulation, qui les incite à ruser tantôt avec les autres éléments du moi, tantôt avec le soi. Il en résulte, pour la personnalité créatrice, une propension au langage chiffré, au rébus, au style du second degré. Derrière la première signification, en voici une plus dissimulée, plus absconse. Ceci est à noter que, dans la vie courante, le mensonge chronique est un symptôme d’hérédité chargée. Ceux qu’on a appelés récemment des mythomanes, les forgeurs de circonstances mirobolantes, sont des gens dont le moi, trop peuplé, cherche à se délivrer par le conte à dormir debout, par la blague habilement échafaudée. Il en est de même du mensonge de l’enfant. Ces fabrications ne tiennent guère devant une interrogation directe et franche, qui réveille aussitôt le demi-dormeur. Dans la littérature contemporaine, je vous citerai trois exemples de ce penchant aux arcanes, par surcharge du moi : en France, Stéphane Mallarmé ; en Angleterre, Robert Browning et George Meredith. Une étude de leurs intrications intellectuelles, d’une complexité, chez eux habituelle, qui peut aller jusqu’à l’obscurité totale, nous montrerait leurs éléments héréditaires chevauchant les uns sur les autres, s’interposant et se contrariant. Ils tiennent, en langage clair, des propos ténébreux, parce qu’ils veulent donner la parole à plusieurs personnes à la fois, parce que la phrase et le mot prennent ainsi, pour eux, deux et trois sens et bougent dans leur esprit, tandis qu’ils les emploient.

Chacun connaît l’intensité extraordinaire qu’acquièrent certains mots, cependant d’un usage courant, dans les rêves. Mon père citait ainsi le terme « architectural », qui lui était apparu, au cours d’un songe, comme la clé de plusieurs mystères et l’avait empli d’un orgueil surhumain. Chez l’hérédo, les mots suggérés par l’impulsion créatrice du soi, mais colorés et employés par les habitants héréditaires du moi, gagnent ainsi en signification et en puissance. Ils débordent d’expressivité. Ils sont conçus comme lumineux, colorés et sonores autant que comme éléments du langage. Ils prêtent à l’allitération, même au jeu des odeurs et des nuances.

« Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. »

En général le verbe, qui indique et spécifie l’acte, relève plutôt du soi, alors que les substantifs et qualificatifs traduisent la variété et les alternatives du moi. C’est ainsi que le style lui-même témoigne des dispositions intérieures et de l’intégrité ou de la dissolution du vouloir. Chez Bossuet, le soi est apparent, nu, brillant et tranchant comme une lame de sabre. Chez Voltaire, le style semble le poudroiement des mille petits éclats, des mille facettes du moi. Ce sarcasme est un cliquetis de voix de fausset, dont l’haleine est courte, mais l’accent pénétrant. On distingue dans Candide, par exemple, la collaboration d’une vieille dame médisante et cancanière, d’un anarchiste complet et d’un sadique. Mais l’éclairage et l’équilibre de ce saisissant petit ouvrage témoignent de l’intervention saccadée d’un soi à éclipses, d’un bon sens à déflagrations successives.

En ce qui concerne la libération des hérédismes, la projection au dehors des habitants du moi, Balzac n’est pas moins significatif, pas moins intéressant que Shakespeare. S’il a choisi — sauf quelques rares et peu heureuses exceptions — la forme du roman, c’est que le type historien prédomine en lui : un historien puissant et profond, parfois diffus. Mais quand il en arrive au dialogue de ses personnages, quelle vérité dans les cris, dans le développement organique des caractères et, en conclusion, quelles leçons morales ! Le soi, expurgé de ses protagonistes psychiques, brille alors d’un éclat unique, nitidus, disait le latin.

La fresque de la Comédie Humaine, ombre portée de toute l’hérédité balzacienne, n’est en réalité qu’un combat de ces empreintes. Le retour, à travers des ouvrages différents, des mêmes héros et héroïnes, montre combien Balzac tenait à eux. Ils étaient, en effet, des morceaux animés de son pedigree. Sans doute quelques éléments de leur physique ou de leur moral étaient-ils empruntés à la réalité extérieure, à des contemporains vivants ou à des lectures : mais leur substance, mais leur texture, mais leur continuité, mais leur intensité venaient, à n’en pas douter, des transformations du moi de l’auteur, de ses métempsycoses congénitales. Ces figures inoubliables, de Marsay, le père Goriot, Vautrin, la duchesse de Maufrigneuse, Mme de Bauséant, Mme Evangelista, Mme Marneffe, le baron Hulot, Joseph Brideau, Marie de Verneuil, d’Arthez, Rastignac, Rubempré sont des marionnettes de la lignée de cet homme océan, à la grosse tête, aux yeux de feu, dont la puissance organique résumait un monde. Comme Shakespeare, un accumulateur. Comme Shakespeare, un de ces privilégiés, ou un de ces damnés — c’est, au point de vue humain, presque la même chose — qui, en proie à une foule intérieure, à vingt reviviscences, au mystère continuel de l’autofécondation, se délivrent de leurs hérédismes par la création littéraire. L’analogie ici est frappante et peut être poursuivie très loin.

Quiconque désire s’en convaincre n’a qu’à lire en même temps le père Goriot et le Roi Lear, les Chouans et Roméo et Juliette, Shylock et Eugénie Grandet, Le Lys dans la Vallée et Comme il vous plaira. Dans ces conceptions si voisines, les mêmes empreintes ont éveillé les mêmes images, la même atmosphère, presque les mêmes propos. La nuit d’amour des amants de Venise est exactement superposable à la nuit d’amour des amants de Fougères. Bien sot celui qui verrait ici la moindre imitation. Les mêmes circonstances sont nées du même sujet, né lui-même des mêmes réveils au sein du moi. S’ils avaient vécu depuis leur naissance, avec du papier, des plumes et de l’encre, chacun dans une île déserte, Shakespeare et Balzac auraient sans doute écrit la même œuvre, le premier sous forme de drames, le second sous forme de romans. Leurs différences ne tiennent qu’aux contacts différents de leurs siècles. Ajoutons-y, si vous voulez, dans le plateau shakespearien, le sens féerique que Balzac ne possédait pas et une certaine ellipse, gracieuse ou farouche, qui lui manquait aussi. Mais, sauf cela, que de ressemblances profondes, quelle ignorance en commun de la fatigue d’autrui, spectateur ou lecteur, quelle puissance hallucinatoire, quelle analogie de timbres, doux et voluptueux dans les voix féminines, durs et frénétiques dans les voix masculines, et quelle même façon de débrider l’instinct dans l’intelligence, puis l’intelligence dans l’instinct !

Similia similihas. Contraria conirariis. Les divers habitants du moi s’attirent et se repoussent par leurs affinités, comme par leurs contrastes. Shakespeare ou Balzac conçoit un avare, Shylock ou Grandet. Cela veut dire, d’après nous, qu’un avare de la lignée de Shakespeare ou de celle de Balzac est saisi par le faisceau lumineux de son imagination et transporté de là sur la scène ou dans le livre. Mais il suscite en même temps son antithèse, qui est la générosité, le don de soi, personnifié par la jeunesse amoureuse, par un hérédisme correspondant de Shakespeare ou de Balzac. Voici Jessica et Eugénie Grandet. Pareillement un peureux fera surgir un brave, un idéaliste fera surgir un matérialiste. C’est de ces appels psychoplastiques, de ces évocations contrastées qu’est faite la création littéraire ou dramatique véritable. Maint chef-d’œuvre n’est que le développement d’une telle opposition entre deux fantômes intérieurs, dont l’un fut évoqué par l’autre. L’exemple le plus illustre en est Don Quichotte. La splendeur et la durée de ce livre tiennent à ce que Cervantès y a porté, tout chauds, tout bouillants, deux éléments fortement ranimés de son moi. Leur lutte, traduite par son génie, est devenue un motif éternel, et a pris une valeur symbolique.

Les créations littéraires et artistiques — et au premier rang les créations dramatiques — sont les seules qui libèrent aussi complètement l’hérédo. Celui-ci se confesse beaucoup moins dans les créations ou découvertes scientifiques. Néanmoins, à un certain degré de pénétration et d’invention, les figures héréditaires interviennent aussi chez le savant. Un Duchenne de Boulogne, un Laënnec, un Claude Bernard, un Pasteur ont certainement bénéficié des ententes et des combats de leurs personnages intérieurs. Ces ententes et ces combats ont creusé dans leur conscience, dans leur faculté imaginative, des dénivellements et des failles, qui leur ont permis de s’étonner et de chercher à comprendre, là où leurs prédécesseurs, les yeux et l’esprit fermés, acceptaient. La patience du paysan et l’ingéniosité du marin, l’antique curiosité et la ruse de l’alchimiste et du navigateur sont en ces quatre inventeurs et permettent de conjecturer chez eux un vigoureux travail de psychoplastie. Duchenne de Boulogne était un tenace, un fureteur et un mécanicien. Laënnec avait des parties d’écrivain et aussi de géographe ; il a fait la carte du poumon. Claude Bernard avait des parties de dramaturge et éprouvait le besoin de dramatiser le laboratoire. Pasteur tenait de l’apiculteur, du laboureur et du cuisinier. On pressent ainsi, chez ces quatre grands trouveurs, une transe générale et plusieurs résurrections particulières du moi. Si nous connaissions leurs ascendants, le problème s’éclairerait aussitôt de vives lueurs. Quand on lit les Mémoires de Darwin et sa correspondance, il est très sensible que le déclenchement de son génie d’observation, à bord du Beagle, fut chez lui une décharge héréditaire. Les portes de son esprit de synthèse-analyse s’ouvraient chez lui successivement, comme poussées chaque fois par des mains invisibles d’explorateur et de jardinier. Je suis porté à croire — mais ce n’est qu’une supposition appuyée sur un certain nombre de remarques — que la série des métiers manuels donne, dans la descendance, des savants, que les bergers, les marins et les guerriers forment des auteurs dramatiques et des hommes de lettres. On dirait que la vie en plein air favorise l’expulsion des hérédismes et pousse à la concentration du soi. Ce qui est certain, c’est que les savants sont plus soucieux, plus inquiets, plus tourmentés que les écrivains et que les artistes. J’ai fréquenté les uns et les autres. La différence est très frappante. La plupart des savants n’osent pas vivre, ou entrent trop tard dans la vie, semblent partagés, tiraillés entre des penchants inharmonieux. Ils ont des entêtements animaux et des naïvetés de tout jeune enfant. En dehors de leur spécialité, la vérité politique ou psychologique les émeut, les trouble, les rebute. Ils se contentent, en ces domaines, de médiocrité et de poncifs. Les milieux scientifiques sont, en général, puérils, dominés par des préoccupations rabougries, ou d’une servilité extraordinaire. On diagnostique aisément chez eux, quand on connaît la question, des gens empoisonnés par leur ascendance et qui vont jusqu’au terme de l’existence sans avoir osé être eux-mêmes.