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L’Indienne/19

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Ch. Vimont (p. 137-140).



CHAPITRE XIX.


La Chambre fut étonnée quand elle entendit Julien se prononcer contre la réforme, bien qu’il expliquât ses raisons ; mais comme il avait été autrefois d’une opposition modérée, on ne put pas dire qu’il manquait à ses principes ; son discours fut entendu avec émotion ; le parti tory l’appuya par de bruyans encouragemens. Dès qu’il eut fini, sir Charles Wetherell et M. Croker vinrent le féliciter ; il reçut plus tard dans la nuit les complimens d’autres torys. Ce parti, avec la grâce ordinaire, flatta sa jeunesse ; plusieurs des personnes que Julien avait vues à la campagne de lord Hampshire lui rappelèrent cette rencontre. Il accueillit tout le monde avec reconnaissance ; mais il comprenait qu’on voulait l’entraîner plus loin qu’il ne voulait aller : il conserva donc, dans la conversation, la modération qui était dans son discours. Il la conserva le lendemain vis-à-vis de lord Hampshire, qui vint lui faire une visite et l’engager à agir franchement avec les torys, sous peine de s’effacer entre la violence des partis. Julien n’aurait pas voulu s’effacer ; mais il ne pouvait adopter un rôle que ses convictions ne lui dictaient pas : or, ses convictions l’écartaient des deux partis dominateurs.

Invité à plusieurs dîners de l’opposition, il accepta peu d’invitations à cause de l’Indienne, qu’il ne lui plaisait pas de laisser seule, et à cause du mauvais état de sa santé ; car il était presque toujours malade après avoir parlé. Mais un jour qu’il dînait chez sir Robert Peel, où, contre l’usage ordinaire de ces dîners politiques, il y avait des femmes ; lady Hampshire, personne charmante, et sa parente, le plaisanta sur ses hésitations politiques ; et comme elle avait entendu parler d’Anna Berks, aujourd’hui Anna Warwick, elle lui en dit quelques mots aimables ; car la beauté asiatique d’Anna avait été célébrée par les Anglais qui revenaient des Indes, et l’on savait que Julien, en attendant qu’elle eût divorcé, lui avait donné son nom. Lady Hampshire demanda à Julien d’aller la voir ; il l’y engagea avec plaisir.