Aller au contenu

L’Orbe pâle/En ce soir de lune

La bibliothèque libre.
Eugène Figuière et Cie (p. 12-13).


EN ce soir de lune,
le vent se tait,
la mer se calme,
les arbres sont immobiles
parce que la lune brille.
Au large, pour une guerre illusoire,
des hommes veillent, pénètrent la mer,
simulent la destruction.
Tout concède et tout simule
pour le morne triomphe de la paix ;
aussi pour la possible victoire.
Elle seule, contemple,
et se ferme comme un temple
d’une religion morte, dont on ne prie plus le dieu
parce qu’il n’accorde plus rien ;
Et reine dans son orgueil
elle admire et méprise,
et sachant qu’elle peut mourir d’être seule
devant tant de mélancolique beauté,

elle écoute, élargit ses paupières, dilate ses prunelles,

et croisant les bras sur ses seins durcis

et les jambes sur son giron chaud,
irrémédiablement seule, sereinement,
elle attend,
celle-là seule qui peut venir sans être appelée :
la sœur de l’élémentaire et pâle lune,
la Mort.