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L’Origine de nos Idees du Sublime et du Beau/IV

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Traduction par E. Lagentie de Lavaïsse.
Pichon et Depierreux (p. 63-65).

SECTION IV.
Du Délice et du Plaisir, comme opposés l’un à l’autre.

Dirons-nous donc que l’éloignement ou la diminution de la douleur est toujours simplement douloureuse, ou qu’un plaisir accompagne toujours la privation ou la diminution d’un plaisir ? Ce n’est pas là ma pensée. Voici tout ce que j’avance : d’abord, qu’il y a des plaisirs et des douleurs d’une nature positive et indépendante ; en second lieu, que le sentiment qui résulte de la diminution ou de la cessation d’une douleur, n’a pas une assez grande ressemblance avec le plaisir positif, pour qu’on puisse le considérer comme étant de la même nature, ou le désigner par le même nom ; enfin, d’après le même principe, que ni la qualité ni l’éloignement du plaisir n’ont aucune ressemblance avec la douleur positive. Il est certain que le sentiment qui naît de l’adoucissement ou de l’entière cessation d’une douleur, est bien éloigné d’être douloureux ou désagréable. Je ne sache pas que ce sentiment, si doux en bien des circonstances, mais dans toutes si différent du plaisir positif, ait de dénomination qui lui soit propre ; ce qui n’empêche pas qu’il n’existe réellement, et qu’il ne soit très-distinct de tous les autres. Toute espèce de satisfaction ou de plaisir, quelque différent qu’il soit dans sa manière d’affecter, est évidemment d’une nature positive à l’égard de l’ame qui l’éprouve. La sensation est indubitablement positive ; mais il peut arriver, ce qui arrive dans ce cas-ci, qu’elle soit une sorte de privation. Il est donc très-convenable de distinguer par des signes particuliers deux choses si distinctes dans la nature, telles que le plaisir pur et simple, sans nulle relation, et ce plaisir qui ne peu t exister que par une relation, et même « ne relation à la douleur. Il serait bien extraordinaire que ces deux affections si distinctes dans leurs causes, si différentes dans leurs effets, demeurassent confondues parce qu’un usage vulgaire les a rangées sous une même dénomination générale. Toutes les fois que j’aurai occasion de parler de cette espèce de plaisir relatif, je l’appelerai délice : et je mettrai le plus grand soin à n’employer ce terme dans aucun autre sens. Je sais que ce mot n’est pas reçu communément dans l’acception que je lui donne ; mais j’ai pensé qu’il valait mieux prendre un mot déjà connu, et limiter sa signification, que d’en introduire un nouveau, qui peut-être ne se serait pas si bien allié avec notre langue. Je ne me serais jamais permis la plus légère altération dans nos expressions, si je n’y avais été en quelque sorte forcé et par la nature du langage, créé pour les besoins des hommes plutôt que pour les discussions de la philosophie, et par la nature de mon sujet, qui me conduit au-delà des bornes des discours ordinaires. J’userai de cette liberté avec toute la discrétion possible. J’exprimerai donc par délice la sensation qui accompagne l’éloignement de la douleur ou du danger ; de même quand je parlerai du plaisir positif, la plupart du tems je le nommerai simplement plaisir.