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L’invasion noire 1/0

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À JULES VERNE





Mon cher Maître,

Lorsque j’étais enfant, vos merveilleux récits me transportaient ; arrivé à l’âge d’homme, je les ai relus, admirant avec quel art vous vulgarisez tous les problèmes de sciences naturelles, avec quelles richesses de description vous racontez des voyages imaginaires, simplifiant les questions les plus ardues, rendant attrayante l’étude de la géographie, sachant faire jaillir les situations dramatiques et les émotions généreuses, amusant pour instruire, instruisant pour être utile.

Si bien qu’un jour, piqué de la tarentule d’écrire, j’essayai d’appliquer, aux sciences qui dérivent de la guerre, votre merveilleux procédé.

De ce modeste essai est née La Guerre de demain.

Vous m’avez l’honneur de m’écrire que, ce roman, « vous voudriez l’avoir fait ».

C’est l’éloge qui m’a touché le plus.

Permettez-moi de vous en remercier en vous dédiant ce nouveau livre, l’Invasion noire, c’est-à-dire l’invasion future de l’Europe par les masses musulmanes d’Afrique fanatisées par un sultan de génie.

Il repose sur une donnée bien problématique, puisque, à l’époque où nous vivons, c’est l’inverse qui se produit, les puissances européennes découpant le Continent noir en tranches proportionnées à leur appétit et s’en partageant comme un vil bétail les populations primitives.

Mais c’est un cadre qui m’a permis de décrire au lecteur l’Afrique d’aujourd’hui encore si peu connue, de faire défiler devant lui avec leurs mœurs et leurs particularités les agglomérations principales de ses vallées et de ses déserts, de lui parler enfin des voyageurs qui l’ont parcourue.

On me pardonnera, je l’espère, certaines énumérations un peu arides mais nécessaires, en songeant que, comme vous, j’ai voulu « instruire en amusant ».

Vous avez intéressé, ému, charmé toute une génération. — Merci de tout cœur de vouloir bien mettre un nom aussi universellement sympathique que le vôtre en tête de l’Invasion noire.

Capitaine DANRIT.
Mon cher Capitaine,


Vous voulez bien me dédier votre nouvel ouvrage l’Invasion noire ; cependant, après le succès de La Guerre de demain, personne ne peut penser qu’un parrain soit nécessaire pour présenter vos livres au public lettré. Ne se recommandent-ils pas d’eux-mêmes par leur originalité toute spéciale ? Je n’accepte donc ce titre que parce qu’il me permet de vous donner un double témoignage d’estime personnelle et de confraternité littéraire.


Jules VERNE.