LES DEUX NOTAIRES
Hé bonjour, maitre Robin ;
Collègue, ouvrez-moi la porte,
C’est un contrat que j’apporte
A parapher ce matin.
La cliente est fort gentille,
Vous savez que c’est la fille
De monsieur André Bontemps ;
Elle a bientôt dix-huit ans.
Ah ! maitre Le Bègue,
Mon très cher collègue,
Vous souvenez-vous du temps
Où nous avions dix-huit ans ?
Nous étions de gais compères
Et nous n’étions pas,
Hélas !
Et nous n’étions pas
Notaires, (bis)
Que nous étions beaux à voir
Au sein de la capitale !
Comme feu Sardanapale
Nous festinions chaque soir.
On disait : Voilà des princes
Qui sortent de leur province.
— Nous disons que le futur
Se nomme monsieur Arthur.
— Ah ! maitre Le Bègue,
Mon très cher collègue,
Paris est un bel endroit ;
Nous y faisions notre droit,
Nous étions célibataires
Et nous n’étions pas,
Hélas !
Et nous n’étions pas
Notaires, (bis)
Te rappelles-tu Clara ?
Parbleu ! c’était la grisette
Avec son nez en trompette,
Ses yeux noirs et cætera.
— Et puis elle était si vive,
Si fidèle, si naïve !
— Hem ! Le régime adopté
Sera la communauté.
— Ah ! maitre Le Bègue,
Mon très cher collègue,
Elle m’adorait. — Tais-toi,
Elle était folle de moi.
— Nous étions célibataires,
Et nous n’étions pas,
Hélas !
Et nous n’étions pas
Notaires, (bis)
Chut ! Robin, tâchons, mon vieux,
De nous regarder sans rire ;
Songe à ce qu’on pourrait dire
Si l’on nous connaissait mieux.
Tu sais bien que mon épouse
Est un tant soit peu jalouse.
— Il faut bien se résigner,
Il ne reste qu’à signer.
Ah ! maitre Le Bègue,
Mon très cher collègue,
Vous êtes un scélérat.
N’oublions pas mon contrat.
Nous nous en passions naguère
Quand nous n’étions pas
Hélas !
Quand nous n’étions pas,
Notaires, (bis)
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Gustave Nadaud.
(Heugel et Cie , Éditeurs, Au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne. Paris.)