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La Fin de Lucie Pellegrin/Journal de Monsieur Mure

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G. Charpentier (p. 225-226).

JOURNAL

DE

MONSIEUR MURE

Voici la plus longue de ces quatre études, la dernière écrite, et celle, je ne crains pas de l’avouer, pour laquelle j’éprouverais le moins de tendresse. C’est que je considère le Journal de Monsieur Mure comme le plus « roman » de ces récits, celui où j’ai davantage inventé, arrangé. Le type de Monsieur Mure, par exemple, complètement rêvé, est sorti tout entier de ma fantaisie. Je me suis imaginé, en partant, obtenir une très grande intensité de rendu en employant la forme à la première personne. Je crains de m’être heurté à l’impossibilité de faire écrire juste un vieux magistrat de province. Un mot, une phrase, oui ! mais cent cinquante pages ! La première condition, pour faire vrai, n’eût-elle pas été de faire assommant et illisible ? Je sais qu’il y a des exceptions aimables. Monsieur Mure en était certainement une : esprit rêveur, frotté de lettres, tête exaltée, cœur ardent mais timide. Quant à Madame Moreau, le type est réel. Il y a toujours une madame Moreau dans chaque sous-préfecture. Le jour où elle disparaît, il en pousse immédiatement une autre, qui sera également remplacée le jour où elle aussi disparaîtra. Toutes ne reviennent pas. Dans la même ville surtout, avec de l’avancement pour le mari, c’est raide ! Mais le désintéressement de Monsieur Mure, sa longue constance, méritaient bien cette satisfaction, — et une autre aussi, que je ne lui ai laissé goûter qu’en rêve, afin de ne pas ternir sa séraphique pureté.


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Les Femmes du père Lefèvre La Fin de Lucie Pellegrin