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La Jeune Fille et l’oiseau

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LA JEUNE FILLE ET L’OISEAU.

Voici le temps où la rose sauvage et le chèvrefeuille étendent sur les buissons des guirlandes embaumées, où mille frêles merveilles s’épanouissent dans l’herbe, sous les feuillages, au creux des rochers. Voici le temps où dans les blés le bluet brille ; où le serpolet, à la tendre couleur, borde les marges des chemins.

Qu’il est doux de fouler le tapis des prairies, où chaque pas fait éclore un parfum !

Qu’elle est douce l’ombre des arbres, d’où l’on entend, couché sur la mousse, le chant des oiseaux et le cri des cigales !

Quand la nature berce de voix monotones son voluptueux sommeil du jour.

Quel parfum emporte cette brise ?… Mon âme a tressailli comme l’exilé au chant de sa patrie. — Allons dans la campagne ; allons adorer Dieu !

Ainsi dit la jeune fille des villes ; mais on lui répond : « L’usage te ferme la vie. » — Et, pleurante, elle va s’asseoir auprès de la cage de son oiseau favori, que chaque jour elle comble avec tendresse de grain et de biscuit frais.

« Tu pleures, lui dit l’oiseau. Ton sein est gonflé d’indignation parce qu’on te refuse, à toi, fille de l’infini, l’air et l’espace. — Et cependant, moi, dont l’aile parcourt en une heure plus d’étendue que tes pas en huit jours, tu me retiens dans cette cage étroite, loin des fleurs et du soleil.

— Ainsi, absorbés en nous-mêmes, nous ne trouvons point en nos maux le sentiment des maux d’autrui. Réciproquement, et à l’envi, nous brisons nos destinées. Entre nos mains, l’espace est devenu prison. Le corps manque d’air et l’âme d’amour. Nous souffrons sans comprendre ; et chacun se plaint en frappant.

LÉO.