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La Logique déductive dans sa dernière phase de développement/2/09

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Individu, élément, agrégat

44. Nous appellerons « élément » toute à laquelle appartient un seul individu ; en abrégeant le mot, on obtient le symbole «  »[1].

(Pour me servir encore une fois de ma comparaison [34], un serait donc une boîte qui renfermerait une seule allumette.)

Par ex., puisque :
                         Napoléon Ier a eu un seul fils,
on peut exprimer ce fait en écrivant :
                         (fils de Napoléon Ier) ,
qu’on peut même lire :
                         il n’y a eu qu’un (fils de Napoléon Ier).


45. Lorsqu’il s’agit d’un , on serait tenté de représenter d’une même manière l’individu et la  ; mais, si l’on faisait ainsi (savoir, si l’on confondait l’allumette avec la boîte qui la renferme), on supprimerait toute distinction entre les égalités, les appartenances et les inclusions.

En effet, cet qui est égal à soi-même, comme toute autre chose [23], appartiendrait (comme allumette) à lui-même (comme boîte) [24]. Et encore, si une (une autre boîte) contenait cet , celui-ci (comme boîte) serait contenu dans cette [31] tandis que (comme allumette) il appartiendrait à cette .

Il faut donc, sous peine de confondre à jamais les idées représentées par les symboles «  », qu’aucun ne soit représenté comme l’individu qui lui appartient.

Personne n’avait reconnu cette nécessité avant M. Peano. Il représenta donc chaque , en écrivant le symbole (qui est la lettre « iota », initiale du mot ἴσος) avant le nom de l’individu qui lui appartient. Réciproquement, en écrivant le signe renversé, c’est-à-dire «  », avant le nom d’un donné, il représenta l’individu qui lui appartient.

En français, et en italien non plus, il n’y a aucun mot qui exprime exactement l’idée représentée par le symbole «  » ; c’est pourquoi, nous nous contenterons de le lire « isos ». Mais le symbole «  » correspond exactement à l’article le ou à la phrase « le seul ».

Le fait que le langage courant n’a aucune lecture correspondante au symbole «  », au lieu de former un défaut de notre idéographie, en forme déjà un petit succès ; n’est-ce pas un beau résultat que d’être arrivé à fixer une idée que le langage courant ne permet pas même d’exprimer ?

Mais ce fait justifie la difficulté qu’on rencontre à comprendre la signification exacte du «  » ; pour cela je reviendrai sur cette signification et je proposerai même une lecture en français de ce symbole, mais elle ne sera pas conforme au vrai langage courant (89].

Pour le moment, il faut réfléchir à la nécessité déjà expliquée de représenter différemment un individu et l’ qui le renferme, tâcher de bien comprendre la signification (plus facile à saisir) du symbole «  » et considérer simplement le «  » comme son inverse.


46. Par ex., dans le cas que nous venons de considérer,

le fils de Napoléon Ier


sera bien représenté par la formule :

(fils de Napoléon Ier)


après quoi, nous pouvons écrire :

(le roi de Rome) (fils de Napoléon Ier)


où les symboles «  » et «  » peuvent être lus « était » et « le seul ».

On peut exprimer le même fait en écrivant :

La première est une égalité entre individus, la seconde entre  ;
tandis que :

(le roi de Rome) (fils de Napoléon Ier)


serait une égalité mauvaise, entre un individu et une  ; et l’appartenance :

(le roi de Rome) (fils de Napoléon Ier)


serait juste, mais incomplète, n’excluant pas que Napoléon Ier ait eu d’autres fils.

Nous allons tirer de l’arithmétique [35] un autre ex. d’application des symboles «  » (et du symbole «  » [39]); le voici :

c’est-à-dire « il y a un seul qui soit en même temps un  » ;

comme ce  est 2, il forme l’ «  » et par conséquent
                                              
ou bien                                   
qu’on lira : 2 est le seul qui soit en même temps un .


47. Moyennant les symboles «  » et «  » on peut former l’ « agrégat » d’un nombre quelconque d’individus donnés, c’est-à-dire la à laquelle appartiennent précisément les individus en question. À cet effet, il faut passer d’abord des individus aux correspondants et puis former la réunion simple de ces [39] ; par ex.,

(Sem) (Cham)( Japhet) (fils de Noé)


De la sorte, par une seule proposition, on affirme que Sem, Cham et Japhet étaient fils de Noé et que Noé n’avait pas d’autres fils.

  1. M. C. Burali-Forti (Le Classi finite, Atti dell’ Acc. R. delle Scienze di Torino, 1896) représenta la même idée par le symbole «  » ; pour éviter le doute sur le caractère logique de cette idée, qu’on serait tenté d’attribuer à l’arithmétique, j’ai proposé le symbole «  » (Note di logica matematica, Rev. de Math., 1899), qui fut adopté par M. B. Russell (Sur la théorie des relations, Rev. de Math., 1901). Mais, comme cette note pourrait provoquer le doute que je voulais prévenir, j’ajoute, pour l’éliminer, que, lorsqu’on dit qu’une classe est un , on veut dire qu’elle n’est pas rien [37] et que, en supposant que des individus y appartiennent, on trouve toujours qu’ils sont égaux entre eux [23]. Donc «  » exprime un concept logique.