Aller au contenu

La Mystification fatale/Deuxième Partie/VIII

La bibliothèque libre.


Texte établi par Léandre d’André, Imprimerie André Coromilas (p. 146-148).
§ VIII. — Saint Jean Damascène.


Saint Jean Damascène dans son Histoire de Barlaam et Josaphat dit : « Connais un seul Saint-Esprit qui procède du Père, Dieu parfait vivificateur etc. ». Les faussaires, dans les éditions de ses œuvres, (1546 et 1575) y ont fourré leur favori Filioque ; mais Jacques Villius, dans celle de 1577, a prouvé que c’était une falsification. Allatius et Bellarmin avouent ce méfait que Blemidis et Bessarion, tous deux déserteurs de l’Orthodoxie, tâchent de couvrir. Cependant le fameux Antoine Poissevin, dans sa Préparation sacrée, et Pierre Scarga, dans ses Vies des Saints, osent en soutenir l’authenticité. Thomas d’Aquin, ne sachant dans son dépit où se cramponner, accuse saint Jean Damascène de pencher vers le Nestorianisme. Scarga plus compatissant nous dit gravement, qu’il s’est repenti dans la suite de cette tendance à l’hérésie. M. Laemmer, quoique pouvant se reposer sur ces graves autorités, condescend enfin à reconnaître l’existence de la falsification. Il se console pourtant avec son refrain habituel : Saint Jean Damascène, dit-il, professe la doctrine du Filioque dans son ouvrage de Fide Orthodoxa.

Allatius, à propos de cette corruption, fait les aveux suivants : « Il arrive à quelques-uns, de se montrer peu prévoyants, pour vouloir se montrer trop prudents. C’est ainsi que quelqu’un ayant lu que le Saint-Esprit procède du Père, et craignant que par ce mot ne soit déduite l’erreur des Grecs qui professent la procession du côté du Père seulement, il ajouta et du Fils, d’après l’inspiration de sa religion et de sa piété. » Ce qui, en bon français, signifie que ce quelqu’un s’était permis, d’après l’esprit de sa religion, de commettre une falsification. « Solunt enim nonnulli dum nimis cauti videri volunt, parum se caute exhibere. Quare quisquis ille fuerit, quum legisse, Spiritum Sanctum a Patre procedere, quasi hisce verbis eorum (Graecorum) qui tantum a Patre Spiritum Sanctum procedere asserunt, error induceretur, pro sua religione et pietate, de suo illud Filioque adjecit » (De Perpet. Consens., lib. II, cap. II, § 8, edit. Colon., pag. 494). Ces gens ne se sont pourtant pas montrés assez prudents ; ils devaient commencer l’exercice de leur piété par l’évangile de saint Jean, pour en déloger l’erreur grecque qui s’y tapit. Par cela, ils auraient plus solidement édifié leur lecteur et couper court à toute hésitation. Et pourquoi non ? Un autre Jean, que l’on canonisera un jour : Jean Beccus n’accorde-t-il pas là-dessus toute permission ? Plus loin, nous reviendrons sur ce personnage pour parler des titres qu’il a à la canonisation.