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La Petite-Poste dévalisée/Lettre 46

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Nicolas-Augustin Delalain, Louis Nicolas Frantin Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 201-203).


À Monsieur ***.


Va dîner sans moi chez ton Durana : j’en ai assez d’une fois. Tu te souviens bien quelle compagnie il t’avoit promise le jour que nous y avons dîné ensemble. Je me souviens aussi de celle que nous y trouvames ; & c’est assez pour que je ne mette jamais les prés chez lui. Avoue que tu es bien puni souvent de ton goût pour la bonne chere : pour moi, deux heures d’ennui ne sont pas capables de me réconcilier avec la meilleure chere. Tu vas donc essuyer les bons mots du vieux richard : je t’en félicite. Je vais dîner avec le Chevalier à la campagne chez *** : tu ferois bien mieux d’être des nôtres. Petite chere & liberté, cela vaut bien la gêne & l’ennui. En vérité, quand je songe qu’aucun de ceux que Durana nourrit, n’a imaginé de se mettre à son aise vis-à-vis de lui, je me persuade qu’il faut que sa compagnie soit ou bien sotte, ou bien gourmande. Si tu veux me revoir là, mets les choses sur un autre pied ; persifle-le jusqu’à ce qu’il se taise : alors je serai des siens, & nous lui menerons des agréables en hommes & en femmes : de maniere qu’on ne trouve plus chez lui de personnage ennuyeux que lui-même. Si la digestion est faite sur les sept heures, & que tu veuilles venir nous joindre chez Madame…, tu nous conteras de quelle maniere le dîner s’est passé, & nous ferons des chansons dessus. Adieu, porte-toi bien.