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La Poésie des bêtes/6

La bibliothèque libre.
Librairie des Bibliophiles (p. 37-38).

UN NID DE MERLES


Sur les grands bois l’ondée a déposé ses perles.
Le vent du soir se lève et caresse en amant
Les bouleaux éplorés, qui laissent doucement
S’égrener leur écrin dans le gosier des merles…
 
Le merle essaye un air qu’il chantera demain
Tandis que, près de là, rêveuse, sa femelle
Sent vaguement grouiller le joyeux pêle-mêle
Des oisillons repus que réchauffe son sein.
 
Le silence et la nuit lentement s’épaississent ;
Le trait de minium qui rayait l’horizon

S’efface, et l’on entend s’élever du gazon
L’hymne des tout petits qui, pour prier, bruissent.

Soudain, un vif éclair a traversé la nuit :
Un coup de feu s’entend dont la forêt tressaille ;
Puis, un homme sinistre, écartant la broussaille,
Son fusil sous le bras, à la hâte s’enfuit…
 
Qu’as-tu fait, malheureux ! et quelle est ta victime ?
Ô misère ! un poëte, un chanteur, un oiseau,
Un père qui veillait auprès de son berceau,
Tout en disant au ciel sa prière sublime !…

L’homme sera toujours Caïn le meurtrier !
Ô Nature ! tes fils du bois et de la plaine
Boivent en paix la vie à ta mamelle pleine ;
L’homme seul mord ton sein, mère, et te fait crier !