La Rhétorique des putains/I/0-02

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Aux dépens du Saint-Père (p. iii-v).
Tome I, Mesdames.

La Rhétorique des putains, Bandeau de début de chapitre
La Rhétorique des putains, Bandeau de début de chapitre

MESDAMES,     




La Rhétorique des putains, Lettrines ’il est vrai « que chaque corps tend à son centre, » c’est à vous, et à vous seules, mes très chères dames, que l’on doit dédier ce petit ouvrage. C’est le registre de vos triomphes, puisqu’il contient et propose théoriquement ce que vous exécutez parfaitement dans la pratique.

Vous vous rendez fameuses sur toutes les autres femmes par les artifices merveilleux de votre profession ; il est donc bien juste que votre nom, mis à la tête de mon livre, lui donne de l’éclat. Ce sera comme un tableau placé avantageusement à son jour : car ceux qui se donneront la peine de le lire, vous y reconnaîtront d’abord en perspective.

Je ne présume pas assez de moi, pour m’imaginer que mon ouvrage soit digne de vous, pour vous le consacrer ; mon intention est plutôt de le soumettre à votre examen rigoureux, afin que vous daigniez, par vos principes, corriger les fautes dont il est rempli. Je me déclare incapable d’écrire tout ce que vous êtes capables de faire ; et de rapporter en détail toutes les dissimulations, et toutes les fourberies insignes, qui sont votre partage. Vous y ajouterez donc, par des talents supérieurs, ce que, par la petitesse de mon génie, je n’y ai su tracer.

Souvenez-vous, au moins, que celui qui vous offre ce livre, vous sacrifia jadis son cœur ; agréez donc cet ouvrage, comme le présent le plus affectueux de celui qui vous aime. Voulez-vous m’accorder quelque récompense ? Je ne vous demande qu’un billet « gratis » qui me fasse « entrer » quelquefois, sans frais, « dans votre petite maison de plaisance. » Dispensez-moi de l’impôt rigoureux que doivent payer tous ceux qui veulent goûter un seul morceau de vos mets délicieux…

Délicieux ! Ah ! mesdames, ils ne le sont pas toujours : souvent cela sent mauvais, souvent cela dégoûte ; cependant le prix en est toujours exorbitant.

Si vous êtes raisonnables avec moi, je suivrai le proverbe qui dit : « À cheval donné on ne regarde pas la bouche ; » je ne regarderai pas non plus si les mets que vous me présentez sont bien ou mal assaisonnés, et à condition qu’ils ne me coûteront rien, je les avalerai de bon appétit.

Répondez donc à mes tendres affections par vos douceurs amoureuses ; tout ce qui est en vous et qui vient de vous sera beau, sera bon, pourvu que vous me permettiez de « me reposer sur vous. »


V. T. H. S.
CELUI QUE VOUS SAVEZ BIEN.


La Rhétorique des putains, vignette fin de chapitre
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