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La Science des religions/Chapitre 16

La bibliothèque libre.
Librairie Ch. Delagrave (p. 227-240).


CHAPITRE XVI


ACTION DES RACES


Les idées que nous venons d’exposer ne s’appliquent qu’aux sociétés aryennes. Celles-ci tirent toutes également leur origine de l’Asie centrale. Elles se sont donné ce nom à elles-mêmes dans beaucoup de pays et peut-être partout où elles se sont établies. Le plus antique monument de la race, le Véda, est celui où le nom d’Aryas est le plus souvent employé. Pour suivre avec profit l’application des lois qui viennent d’être exposées, il faut les prendre le moins loin possible du berceau de la race : il faut, partant du Véda comme livre et des vallées de l’Oxus comme centre géographique, ressaisir l’unité religieuse chez les peuples anciens, puis chez les peuples modernes de la race aryenne, et à mesure qu’on avance dans l’histoire de chacun d’eux, reconnaître les éléments étrangers qui se sont ajoutés à la doctrine primitive, et ont engendré la diversité apparente des religions. L’étude serait complète, si la doctrine de nos ancêtres n’était jamais sortie de leur race, et n’avait donné lieu à aucun établissement religieux chez des hommes de race étrangère. Or, cela n’est pas. Presque tous les peuples qui se sont trouvés en contact avec une nation âryenne lui ont emprunté une plus ou moins grande part de ses doctrines, et ont fondé ou modifié d’après elles leur propres institutions.

Quand on vit pour la première fois d’un peu près, au temps de Louis XIV, les hommes jaunes de la presqu’île au-delà du Gange, tout le monde crut qu’ils avaient une religion à eux, un peu barbare et passablement ridicule. Plus tard, on s’aperçut que le fameux Samanacodom, dont parle le poème de Louis Racine, n’était autre que le Çramana Gautama des Indiens, c’est-à-dire le Bouddha. C’est de nos jours seulement qu’on a su à quelle époque et comment le bouddhisme, religion âryenne, avait été apporté par des missionnaires indiens chez ce peuple d’une race inférieure, l’avait adouci, transformé, civilisé, et en avait fait une des sociétés humaines où la tolérance est le mieux pratiquée.

Quand on compare le bouddhisme de Siam avec celui des plus anciens Sûtras du Népâl, qui sont comme les évangiles de cette religion, on se convainc bientôt que la partie métaphysique a presque disparu de l’enseignement ; que les peuples de la presqu’île l’ont remplacé par un amas de superstitions et de pratiques grossières ; que la supériorité des premiers missionnaires au milieu d’une population inculte, se transmettant à leurs successeurs, a multiplié les prêtres et les couvents dans une effrayante proportion. Le sacerdoce, là comme à Rome, s’est modelé sur la constitution politique du pays ; tout ce clergé dépend d’un seul pontife, qui est l’égal du roi, qui règne à côté de lui, et qui a lui-même le titre de roi.

On fut bien longtemps aussi à s’apercevoir que la religion de beaucoup de Chinois était une importation étrangère, et que est la forme monosyllabique chinoise du nom de Bouddha. Les voyages en Chine, la traduction d’anciens voyageurs chinois, notamment celle de Hiouen-Thsang, ont jeté les plus vives lumières sur l’origine et l’histoire du culte de Fô. Il a été possible de le comparer avec le bouddhisme primitif, tel qu’il se montre dans les Sûtras du Népâl. On a vu combien l’élément chinois a transformé la doctrine du maître. Tandis que beaucoup de lettrés sont des philosophes sceptiques et matérialistes, les sectateurs de Fô, ne comprenant rien à la haute métaphysique de Çâkya-Mouni, l’ont remplacée par des cultes idolâtriques, dont le plus répandu est celui d’une femme idéale, Mâyâ, la mère du Bouddha.

L’amoindrissement de la théorie primordiale, base des religions, n’a pas été moins grand au Tibet que chez les autres peuples de la race jaune. Le bouddhisme tibétain est bien différent de celui des Indiens du temps du roi Açôka où de Tchandragupta, l’allié de Séleucus Nicator. Il en est de même chez tous les peuples de races étrangères qui ont adopté les institutions bouddhiques ; mais c’est un fait acquis à la science que chez eux ce n’est pas seulement la portion pratique de cette religion qui a subi une déchéance, c’est aussi la théorie métaphysique, partout remplacée par l’anthropomorphisme, la croyance aux esprits et les autres superstitions.

Quand nous cherchons à démêler la cause qui a produit cette chute de l’une des plus grandes religions, nous ne la trouvons ni dans cette religion même, ni dans les institutions particulières de chacun des peuples jaunes ou noirs ; elle est dans la différence des races. La Chine renferme des moralistes et des philosophes pratiques, mais pas un seul métaphysicien ; beaucoup d’industries empiriques et de métiers, mais point de science ; notre expédition d’il y a quelques années chercha dans Pékin un mathématicien chinois : elle n’en trouva pas un seul, quoique la ville regorgeât de calculateurs. Les hautes spéculations abstraites échappent à cette race d’hommes, à qui manque aussi la partie du cerveau qui en est l’organe. C’est pourquoi la théorie métaphysique, qui est l’essence de la religion, leur échappe également, et il n’est pas plus possible de la leur enseigner qu’il n’est possible de procréer un lion dans une brebis et de changer la loi des générations.

Des peuples noirs, inférieurs aux jaunes, occupent le sud de l’Asie et une grande partie de l’Afrique. En Abyssinie le christianisme est devenu une pure superstition.

Avant que le christianisme se fût introduit en Abyssinie, les peuples noirs voisins de la Haute-Égypte avaient déjà reçu des missionnaires de l’Asie et avaient été convertis. C’est ce que constate le roman d’Héliodore connu sous le nom d’Étiopiques, épisode de l’histoire de la civilisation en Éthiopie. On y voit un peuple noir dont le roi et la reine portent des noms perses, et ont pour directeur spirituel un prêtre nommé Sucimitra, nom sanscrit signifiant « l’ami des purs. » La religion de ce missionnaire asiatique était déjà puissante en Ethiopie, que l’on y célébrait encore des sacrifices sanglants et même des sacrifices humains, comme aujourd’hui au Dahomey.

Chaque race d’hommes prend de la religion ce qu’elle est capable d’en prendre : — les uns, la métaphysique avec les symboles et les rites qui en découlent, ce sont ceux-là que Jésus appelait « les fils de la lumière » ; les autres, l’anthropomorphisme sans raison, les figures d’animaux sacrés et les allégories sacerdotales ; d’autres, les superstitions et les cultes barbares. Il existe encore aujourd’hui sur la terre assez de représentants des races infimes, qui n’ont reçu l’influence d’aucune religion supérieure, pour que nous puissions juger ce dont elles sont capables. L’Afrique et le Nouveau-Monde en renferment. La salle des Missions évangéliques à l’exposition de 1867 offrait réunis de précieux spécimens de leurs divinités ; elle montrait aussi des dieux d’origine âryenne, transformés par les hommes de couleur du sud de l’Asie et des îles de l’Océan.

Toute religion, transportée chez un peuple de race inférieure, y subit une déchéance ; elle n’exerce sur lui qu’une action incomplète, parce que ce peuple ne prend d’elle que ce qu’il peut en prendre : tout le reste demeure au-dessus et par conséquent en dehors de son entendement. Les races humaines n’exercent physiquement et moralement les unes sur les autres que des actions superficielles et passagères, dont l’effet ne tarde pas à disparaître quand la cause qui l’a produit est épuisée.

Parmi ces races, il en est une qui a joué dans l’histoire religieuse du monde un rôle important, le premier après la race âryenne : nous voulons parler des Sémites. L’anthropologie place les Sémites entre les Aryas et les peuples jaunes : non que leurs caractères distinctifs soient un moyen terme entre ceux de notre race et ceux des Asiatiques orientaux ; mais notablement supérieurs aux jaunes, ils présentent vis-à-vis de nous des différences qui ne permettent pas de les confondre avec les Indo-Européens. Le vrai Sémite à le cheveu aplati et par conséquent la chevelure crépue, le nez fortement courbé, les lèvres saillantes et charnues, les extrémités massives, le mollet exigu et le pied plat. Caractère plus important, il appartient aux races occipitales, c’est-à-dire chez lesquelles la partie postérieure de la tête est plus développée que la partie antérieure ou frontale. Sa croissance est très-rapide ; à quinze ou seize ans elle est terminée. A cet âge, les pièces antérieures de son crâne, où sont renfermés les organes de l’intelligence, sont déjà solidement engrenées, souvent même soudées entre elles. Dès lors, tout accroissement ultérieur du cerveau et en particulier de la matière grise est devenu impossible.

Dans les races âryennes, de tels phénomènes ne se produisent à aucune époque de la vie ; du moins on ne les y rencontre pas chez les personnes dont le développement a été normal. Les os de la tête, conservant toujours une sorte de mobilité les uns par rapport aux autres, permettent à l’organe intérieur de continuer son évolution, et d’éprouver des transformations jusqu’au dernier jour de la vie. Lorsque dans les dernières années nos fonctions cérébrales viennent à se troubler, ce dérangement est dû non point à la conformation externe de la tête, mais, selon toute vraisemblance, à l’ossification des artères. Aussi voyons-nous fréquemment parmi nous des vieillards conserver le libre exercice de leurs fonctions cérébrales jusqu’à leur mort.

À ces faits d’une nature toute physiologique en répond un autre. A quinze ou seize ans, le Sémite est parfait, son intelligence a tout le développement qu’elle peut acquérir. Depuis ce moment, le jeune homme ne fait plus de progrès, et pendant le reste de son existence, sa vie intellectuelle s’entretient sur ce fonds primitif auquel il ne peut plus rien ajouter. Il y a en Égypte, en Palestine, sur les côtes de la mer Rouge et ailleurs, des hommes fort bien constitués, dont le développement intellectuel s’arrête avant l’âge de dix ans. Durant l’hiver de 1868, nous avons relevé ces faits dans tout le levant de la Méditerranée, dont les grandes écoles ont successivement passé sous nos yeux. Au Caire, dans un magnifique établissement créé aux frais du Khédive, les frères de la doctrine chrétienne donnent l’instruction à des musulmans, à des Grecs, à des Juifs et à des catholiques. Les élèves arabes y sont d’abord classés quant à l’intelligence avant les Francs, mais ne tardent pas à être dépassés par ces derniers. A Beyrouth, où se rencontrent aussi des enfants de plusieurs races, les maîtres observent que chez les Sémites le progrès, qui est très-rapide dans les premières années, s’arrête à l’âge de huit ans ; dès lors ces élèves n’apprennent plus rien. De semblables observations ont été faites à Alexandrie chez les frères, à Ghazir chez les Jésuites, à Antoura chez les lazaristes, à Jérusalem, à Alep, à Smyrne et dans beaucoup d’autres établissements. A l’isthme de Suez, la longue durée des travaux avait permis aux jeunes ouvriers sémites de s’initier aux ouvrages mécaniques du canal ; quelques-uns des plus intelligents étaient devenus contre-maîtres ; mais comme depuis leur adolescence ils n’avaient point acquis de connaissances nouvelles et n’avaient pu étendre celles qu’ils possédaient, ces excellents chefs d’ouvriers étaient hors d’état de réparer au besoin les machines qui leur étaient confiées et de voir en quoi consistait le dérangement qui s’était produit. Le contre-maître sémite avait alors recours à quelqu’un des travailleurs européens auxquels il commandait.

Il y a donc dans les races humaines des lois naturelles qui président au développement physique et moral des individus, et font que pour certaines d’entre elles il existe une borne fatale, tandis qu’une seule a devant elle un avenir illimité.

Les aptitudes des races jouent un rôle dans l’histoire de la religion, en Occident tout aussi bien qu’en Orient. Il n’y a aucune raison pour que le courant d’idées qui a produit le christianisme ait été soustrait à la loi des races plus que ne l’a été le courant indien. Si la doctrine primordiale, en passant dans les vallées du Gange par celles de l’Indus, n’y avait rencontré que des races âryennes, elle n’y aurait pas engendré le brâhmanisme, qui repose sur le système des castes, ni à plus forte raison le bouddhisme, qui fut l’appel des races infimes ou des hommes de couleur au partage des privilèges brahmaniques. De même, si le monde gréco-romain au temps d’Auguste n’avait pas montré des vainqueurs et des vaincus, des maîtres et des esclaves, enfin des hommes de plusieurs races dans tout l’empire et surtout dans les pays du Levant, il n’y aurait eu aucune raison de prêcher la réforme chrétienne et d’appeler tous les hommes à partager l’héritage divin.

Il est possible aujourd’hui de dire quelle part revient aux différentes races, non seulement dans la formation, mais encore dans les origines du christianisme.

Le peuple juif est composé de deux races distinctes ; la critique historique appliquée à la Bible nous fait voir ces deux races en hostilité l’une avec l’autre depuis les temps les plus reculés. Le gros du peuple d’Israel était sémite et se rattachait aux adorateurs des Elohim. Les autres, qui ont toujours formé la minorité, ont été comme des étrangers venus de l’Asie et pratiquant le culte de Jéhovah. Leur centre principal se fixa au nord de Jérusalem, dans la Galilée. Les hommes qui habitent ce pays forment encore un contraste étonnant avec ceux du sud ; ils ressemblent à des Polonais. Ce sont eux qui ont introduit, en grande partie du moins, dans le culte du peuple hébreu ce qu’il y a de mythologique, et dans la Bible le peu de métaphysique que l’on y rencontre. A eux revient peut-être ce qu’il y a de religieux dans les chants attribués au roi David, à eux aussi les invectives des prophètes contre ce peuple « à la tête dure, » dont l’inaptitude naturelle pour les hautes doctrines et les retours perpétuels au polythéisme les indignaient. Sur ce fond antique, les hommes, qui avaient été à Babylone élevèrent non seulement des doctrines plus explicites, mais tout un système sacerdotal et politique, emprunté aux Perses de Cyrus et de Darius. Il existe dans la Bible un autre élément étranger aux Aryas, qui ne se rencontre ni dans les livres de Zoroastre, ni dans le brâhmanisme, ni dans le Vêda : c’est la personnalité de Dieu. Quoique le problème de la nature divine ne se présente pas comme entièrement résolu dans les hymnes vêdiques, cependant plusieurs d’entre eux ont une forte tendance vers le panthéisme. Peu après, ce dernier s’établit dans l’Inde comme théorie fondamentale en même temps que la constitution brâhmanique, et il n’a plus cessé d’être la doctrine religieuse des Indiens. En Perse la personne divine la plus haute fut et a continué d’être Ormuzd, qui était l’Asura des temps primitifs, et qui dans la hiérarchie céleste de Zoroastre fut le premier des Amschaspands ; au-dessus de ce dieu vivant, agent suprême de la création et ordonnateur du monde, les mages comme les brâhmanes ont conçu l’être absolu et impersonnel, dans l’unité duquel tous les êtres vivants et Ormuzd lui-même se résolvent. Il n’y a donc pas de différence essentielle entre la métaphysique des Perses et celle des Indiens.

Le sémitisme repose au contraire sur la personnalité divine, et se sépare en cela des dogmes âryens. Il faut donc voir dans cette manière de concevoir Dieu un élément introduit dans la doctrine par la race elle-même. Il se reconnaît dans la Bible dès les premiers mots, et il a servi de support à tout le système politique du peuple d’Israël. Si les prophètes n’avaient point subi son influence et avaient accepté dans son intégrité la doctrine des Aryas, il est probable qu’ils n’auraient exercé que bien peu d’action sur le peuple juif, dont la majorité sémitique n’eût rien entendu à une métaphysique aussi haute. Le développement cérébral et intellectuel du Sémite est arrêté avant l’âge où l’homme est en état de comprendre ces spéculations transcendantes. L’Arya seul y peut atteindre ; l’histoire des religions et celle des philosophies nous montrent que lui seul s’est élevé jusque-là. Ce que le jeune Iduméen ne peut saisir, il ne l’enseignera pas à ses fils ; l’inaptitude de la race se perpétuera par la génération, et leur dieu aura toujours, quelque séparé qu’il soit du monde, les caractères d’un homme agrandi, d’un prince puissant, d’un roi du désert.

Le judaïsme, après la captivité, ne peut pas être regardé comme représentant la pensée des Sémites dans toute sa pureté, puisqu’il est en partie d’origine âryenne. D’un autre côté, la doctrine du Coran n’est pas non plus exclusivement sémitique, puisque l’auteur de ce livre a subi à la fois l’influence du judaïsme et celle du christianisme. Toutefois comme une race ne reçoit jamais des autres que ce qui convient à ses aptitudes, on peut dégager du Coran ce qu’il a de véritablement sémitique en observant ce que la doctrine de Mahomet est devenue chez les hommes de cette race. Or, chez eux toute la métaphysique religieuse est contenue dans l’idée qu’ils se font d’Allah, qui est l’El (pluriel : Elohim) de la Bible, comme Ormuzd est l’Asura du Vêda.

Cet Allah n’est pas une unité cosmique, c’est une personne très-puissante, qui réside hors du monde terrestre et le gouverne selon sa volonté absolue, arbitraire, invariable et irresponsable ; sa justice est son caprice ; l’ordre des choses est l’œuvre de sa passion, qui est souveraine et irrésistible. Les hommes tremblent devant lui et implorent sa miséricorde, non comme la récompense de leurs vertus, mais comme le prix de leur soumission. Ce monarque, dont le sérai est dans la solitude des cieux, est un sultan éternel, qui délégua jadis à son prophète l’exercice de son pouvoir sur toute la terre : cette autorité, établie dans une seule famille, devait se perpétuer chez ses descendants, comme au désert celle d’un chef de tribu passe à ses héritiers. Voilà comment les musulmans sémites conçoivent leur Dieu : on voit combien ce fonds de doctrines est pauvre en métaphysique, combien cet Allah est inférieur au Jéhovah des derniers temps, qui cependant n’est lui-même que l’idée âryenne amoindrie et arrêtée dans son essor.

Le rôle joué par la Galilée et par la Syrie aux premiers jours du christianisme, le peu de temps que Jésus passa dans Jérusalem, la confusion qui dura longtemps entre ses sectateurs et les esséniens, surtout les rites primitifs, les symboles tels qu’ils sont figurés dans les Catacombes, enfin les doctrines communes de la chrétienté, tout s’accorde à prouver que la religion du Christ ne nous est pas venue des Sémites ; « l’ancienne loi » contenait une portion de doctrines âryennes que Jésus venait, « non point détruire, mais compléter. »

Le mosaïsme plus ou moins modifié d’Israël ne convenait qu’au peuple de races mêlées dont Jérusalem fut la capitale ; il n’avait pas l’universalité qui caractérise une religion commune, ni la métaphysique transcendante qu’exige le génie des Aryas. Aussi, quand la religion nouvelle commença d’être prêchée, rencontra-t-elle pour premiers ennemis les Sémites de la Judée ; ils tuèrent Jésus, tandis que les Grecs et quelques Israélites des pays helléniques adoptèrent sa foi et formèrent les premières églises.

Les premiers monuments écrits ou figurés du christianisme dévoilent une métaphysique plus voisine de celle de la Perse et de l’Inde que de la doctrine des Sémites, et identique à celle du Vêda. La nature de Dieu n’y est pas énoncée d’une manière dogmatique et définitive ; mais le Christ y est tellement assimilé au principe commun de la vie et de la pensée, que dans les Catacombes on voit souvent les âmes des morts appelées des christs, et que, dans l’Évangile selon saint Jean, le Christ est identifié avec la vie, la lumière et la raison. « Je suis, dit-il de lui-même, je suis la voie, la vérité et la vie ».

Le nombre et la variété des hérésies, qui furent le plus souvent les opinions d’églises encore indépendantes les unes des autres, prouvent que la métaphysique chrétienne mit plusieurs siècles à élaborer ses formules et à créer les rites particuliers qui en devaient être la manifestation dans chaque église. Les églises d’Orient ont conservé dans leur métaphysique une forte tendance alexandrine et par conséquent panthéiste, tandis que celle de Rome s’est de plus en plus approchée du sémitisme, qui repose sur la personnalité absolue d’un Dieu séparé du monde. Ce fait doit-il s’expliquer par une différence dans les races ou par des causes particulières et par une réaction de l’organisation politique du clergé romain sur le dogme fondamental ?

Livré à lui-même et soustrait à toute influence étrangère, l’esprit de l’Arya va droit à l’unité absolue de l’être et de la substance : c’est ce qu’ont prouvé les dogmes de la Perse et mieux encore ceux de l’Inde. Mais d’un autre côté les Grecs de l’empire et ceux d’aujourd’hui ne semblent pas être plus âryas que nous et que nos ancêtres ; car il ne reste en Occident que de bien faibles traces des populations antérieures à l’arrivée des Aryas ; et rien ne prouve que ces populations n’occupaient pas autre fois les pays grecs aussi bien que le reste de notre continent : les objets des âges préhistoriques sont les mêmes en Grèce et en Asie qu’en Italie, en France et dans le reste de l’Europe. Il est donc naturel d’admettre la dernière explication.

En effet, l’église de Rome, une fois constituée en monarchie, devait être une « cité de Dieu » sur la terre, expression qui répond exactement à l’idée sémitique ; et tout portait ainsi ses docteurs à concevoir Dieu d’abord comme un prince tout-puissant, puis comme un seigneur suzerain et enfin comme un roi, rex tremendӕ majestatis. La partie du rituel latin postérieure à la séparation des deux églises est remplie d’expressions qui rendent cette pensée. L’influence des constitutions sociales et politiques de l’Occident a donc réagi sur la doctrine métaphysique elle-même. Si cette explication est vraie, le problème se déplace ; il ne reste plus qu’à savoir pourquoi les peuples de l’Occident ont adopté de telles constitutions, qui ont amoindri la théorie religieuse. C’est là le problème général de la race âryenne tout entière. Or, en cela aussi elle se distingue profondément des autres races et notamment de celle des Sémites : ces derniers sont aujourd’hui dans l’état social où ils étaient il y a deux mille ans ; ils n’ont pu concevoir ni réaliser chez eux une véritable constitution politique ; les Aryas les parcourent toutes successivement, avec plus ou moins de vitesse, mais dans un ordre qui paraît constant.

Quant à la doctrine fondamentale, on ne peut guère se tromper en admettant qu’elle revient toujours à sa forme absolue, et qu’à travers toutes les modifications que des causes passagères peuvent lui imposer, elle persiste comme l’esprit de la race qui une première fois l’a conçue dans sa sincérité et dans sa spontanéité. De là vient que nous, Aryas, quand nous nous donnons la peine d’étudier et de comparer entre eux le Coran, la Bible et le Vêda, nous repoussons le premier comme l’œuvre d’une race intérieure à la nôtre ; la seconde nous étonne d’abord sans trop nous charmer : nous sentons que les hommes qui y sont nommés n’étaient pas de la même race que nous et ne pensaient pas comme nous ; dans le troisième, nous avons reconnu nos ancêtres. C’est d’eux par conséquent que la lumière est née pour nous et qu’à travers des milieux changeants elle s’est propagée jusqu’à nous. Quelques-uns de ces milieux ont laissé passer le rayon à peine modifié ; d’autres l’ont brisé, décomposé, altéré ; il en est qui l’ont presque entièrement éteint et qui sont demeurés ténébreux.