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La Science des religions/Chapitre 9

La bibliothèque libre.
Librairie Ch. Delagrave (p. 107-127).


CHAPITRE IX


LA DOCTRINE SECRÈTE : JÉSUS ET LES APÔTRES


C’est un fait connu de tout le monde, que, dans les premiers temps du christianisme, il existait une doctrine secrète[1] transmise par la voie de la parole et en partie peut-être par l’écriture ; cet enseignement mystérieux excluait d’abord ceux qu’on appelait catéchumènes, c’est-à-dire les païens convertis, mais non encore instruits dans les choses de la foi et n’ayant pas reçu le baptême. Une fois chrétiens, ils n’étaient pas pour cela initiés aux plus profondes doctrines, car celles-ci se transmettaient en quelque sorte de la main à la main entre les hommes dont la foi était la plus ardente ; à ce titre, ils pouvaient devenir docteurs à leur tour, instruire et diriger la masse des fidèles. Sur quels points de doctrine portait le mystère ? C’est une question qu’il est impossible de résoudre a priori et que l’étude des textes peut seule éclaircir : on est néanmoins en droit de penser que le voile du secret couvrait, comme les mystères d’Eleusis, les parties les plus profondes de la science sacrée et celles qu’il eût été le plus dangereux de découvrir à tous, au milieu du monde païen, dans une société chrétienne composée de personnes pour la plupart ignorantes.

Vint-il un temps où la doctrine cachée cessa de l’être ? On s’accorde généralement à dire qu’après Constantin il n’y eut plus de tradition secrète dans aucune église, ni en Orient ni en Occident. En reconnaissant la religion chrétienne comme une des religions autorisées dans tout l’empire, cet empereur ôta l’une de ses deux raisons d’être à la discipline du secret ; en se faisant chrétien, il convia tout le monde romain à faire de même, et fit naître une émulation qui contribua beaucoup aux progrès du christianisme. Par cela même, les églises furent ouvertes à tous ; l’affluence y fut grande ; il devint impossible aux diacres d’arrêter à la porte les catéchumènes ou les païens. La prédication s’adressant à tous dut perdre en profondeur ce qu’elle gagnait en étendue, se faire populaire, prendre une couleur de plus en plus moraliste et pratique. Aussi, est-ce à cette époque que l’église sentit le besoin de fixer ses principes essentiels dans une profession de foi désormais invariable, qui les mît à l’abri des attaques de l’ignorance et de l’oubli ; ce fut l’œuvre d’Eusèbe pour la partie historique et du concile de Nicée (325) pour le dogme ; l’un et l’autre accomplirent leur tâche sous l’impulsion et presque par l’ordre de Constantin.

Pour connaître les points de doctrine qui constituaient l’enseignement secret, il n’est donc pas nécessaire de consulter les monuments postérieurs au concile de Nicée, si ce n’est pour y chercher les documents qui peuvent s’y trouver encore touchant la période primitive du christianisme. À cette époque, tout ce qui devait être révélé de la doctrine chrétienne l’avait été en effet. D’ailleurs les premiers siècles abondent en renseignements de toute sorte. Il y en a de trois espèces, les livres, les rites primitifs de l’église conservés ou abolis, et enfin les monuments figurés comme il s’en trouve un si grand nombre dans les catacombes de Rome. Les doctrines, surtout quand elles sont mystérieuses, sont quelquefois exprimées avec plus de netteté dans les cérémonies du culte que dans les livres ; ceux-ci d’ailleurs peuvent n’offrir que la pensée personnelle de l’auteur ou la tradition comme il l’a comprise : il n’en est pas de même des prières, des formules de foi et des autres parties du rituel qui, devant se reproduire constamment dans le lieu saint, peuvent être justement considérées comme exprimant la pensée commune. Quant aux monuments figurés, ils sont le plus souvent symboliques et faits pour parler aux yeux ; ils sont comme autant de comparaisons ou de souvenirs pleinement intelligibles pour les seuls initiés, et ne livrant au vulgaire que la partie la plus superficielle de ce qu’ils veulent exprimer ; rapprochés des livres et des formules, ils répandent une lumière inattendue ; se répétant de siècle en siècle, ils peuvent, quelquefois, nous conduire aux vraies origines de tout un ordre d’idées ou de faits.

A partir de Jésus-Christ, on voit les monuments écrits apparaître les uns après les autres. dans leur ordre naturel, à mesure que les événements extérieurs et le progrès interne de la chrétienté leur permettent de se produire. Leur étude conduit à des conclusions que nous résumons de cette manière : le dogme chrétien, dans ce qu’il a d’essentiel, ne s’est pas formé peu à peu ; il est sorti tout fait de l’enseignement de Jésus ; mais la mort, qui avait déjà frappé son précurseur et qui l’avait frappé lui-même, menaçant toujours ses disciples, la doctrine qu’il avait enseignée secrètement à ses apôtres fut tenue cachée par eux et transmise à voix basse à leurs principaux sectateurs. De cette obscurité où ils la conservaient avec la plus stricte vigilance, elle ne sortit que par fragments, à mesure que les circonstances permirent de la révéler sans péril. Enfin, elle ne fut entièrement promulguée que quand elle fut menacée à son tour de se dénaturer sous l’action des hérésies naissantes.

Les quatre Évangiles, les Actes, les Épîtres et plusieurs autres écrits des temps primitifs de l’église marquent les étapes que la promulgation de la foi eut à parcourir. La discipline du secret dura jusqu’au jour où la manifestation put être regardée comme complète : ce ne fut que vers la fin du second siècle ; alors seulement la publication de l’évangile de saint Jean[2] montra sous sa forme théorique la doctrine confiée par Jésus à ses disciples favoris.

Ainsi près de deux cents ans ont été nécessaires pour que les chrétiens répandus dans l’empire fussent en pleine possession des grandes formules de la foi. La première forme sous laquelle elle avait été proposée est celle qu’employa exclusivement Jésus dans son enseignement public, la forme de la parabole ; c’est celle qui se rencontre à peu près seule dans l’évangile de saint Mathieu, le plus ancien des quatre et celui qui parait reproduire le plus exactement les propres paroles du Christ. La théorie commence à se montrer dans l’évangile de saint Luc, le second en date ; ce nouveau livre fit avec le premier un contraste apparent, car il supprimait d’une façon systématique l’élément juif, que Mathieu, organe de Pierre, avait strictement conservé. Saint Marc n’apporta presque rien de nouveau ni dans l’histoire du Maître, ni dans l’expression de la doctrine ; son évangile fut peut-être publié pour rapprocher les chrétiens judaïsants, dont Pierre était le chef, des chrétiens grecs et romains, pour qui avait été composé celui de saint Luc.

Quel événement s’était-il donc passé, qui eût produit dans l’église naissante cette scission un moment dangereuse ? Un seul : la prédication de saint Paul. Paul n’était pas un disciple de Jésus : marchand juif d’Asie-Mineure, son commerce l’avait amené aux lieux où ses coreligionnaires lapidaient le malheureux Étienne, et lui-même avait pris part à cet attentat. Fuyant à son tour la persécution, il s’était, par une résolution soudaine, tourné vers la religion nouvelle. En possession des mystères, il se donna pour mission de faire parmi les gentils ce que Pierre avait fait parmi les Juifs de Jérusalem ; il les évangélisa. Or, la condition où se trouvait Paul au milieu de la société grecque n’était point celle de Pierre en Judée. Ceux des apôtres qui étaient restés parmi les Juifs étaient tenus par la loi mosaïque et par l’esprit du peuple dans un silence qu’ils ne pouvaient rompre sans être frappés ; mais le monde grec jouissait d’une liberté de penser que pourraient envier plusieurs peuples modernes : depuis la fondation d’Alexandrie et du Musée régnait en matière de religion, comme en toute autre chose, cette indépendance de la parole sans laquelle les nations ne peuvent faire aucun progrès. Paul ne devait donc rencontrer hors des hommes de sa race aucun obstacle à sa prédication. Il pensa que le moment était venu de livrer à tous la science secrète ; il la prêcha « dans les rues et sur les toits. » Dans l’église, dont le centre principal était désormais à Rome, elle fut mal accueillie, parce que les chefs qui la gouvernaient étaient judaïsants et ne concevaient encore le christianisme que comme une application plus complète de la loi de Moïse. Tout le monde connaît la lutte qui s’éleva entre saint Pierre et saint Paul. L’église de Rome était alors constituée comme une synagogue et animée de l’esprit israélite. C’est Luc qui exposa la doctrine de Paul dans cet évangile connu sous le nom d’évangile des Gentils, comme celui de Mathieu était l’évangile des Hébreux. Peu après, les deux grands apôtres Pierre et Paul furent martyrisés ; une menace commune étant suspendue sur les Juifs et sur les chrétiens que l’on confondait dans une même haine, il se produisit parmi les fidèles un apaisement à la faveur duquel fut publié l’évangile de saint Marc, abrégé des deux autres.

Or, le mystère que les apôtres et les docteurs de l’église avaient fait des doctrines du Maître, l’ignorance où le commun des fidèles était retenu, avaient suscité dans l’église naissante des interprétations arbitraires en désaccord avec la doctrine du secret : elles devinrent assez puissantes pour que ceux qui conservaient les dernières formules cachées se crussent obligés de les divulguer entièrement, afin de rétablir la vraie tradition de Jésus et des apôtres. Ceux-ci étaient tous morts ; on était en plein second siècle. C’est alors que parut la première version de l’évangile de saint Jean, ouvrage rempli d’idées âryennes et qui contrastait avec le sémitisme de l’église de Rome, où probablement il fut publié.

On peut dire qu’à partir de cette époque la manifestation chrétienne fut complète, et que l’enseignement caché n’eut plus de raison d’être. Cependant il est hors de doute que cet enseignement dura quelque temps encore ; un livre ne se répandait pas alors aussi promptement que de nos jours ; les églises comptaient déjà un très-grand nombre d’adhérents dispersés dans presque tout l’empire. De plus, l’évangile de Jean peut lui-même être l’objet sinon d’interprétations opposées, du moins d’explications plus ou moins approfondies qu’il fallait mesurer à la capacité intellectuelle des catéchumènes. Les plus ignorants ne pouvaient guère recevoir que l’enseignement populaire contenu dans les récits et les paraboles ; les autres recevaient, avec les symboles figurés, toute la doctrine telle que l’apôtre l’avait exposée lui-même. Cette distinction dura, tant que les réunions des chrétiens furent clandestines ou simplement tolérées ; elle ne cessa qu’après l’édit de Constantin, lorsqu’il fut devenu impossible d’exclure des églises aucun assistant.

On voit par ce court exposé que le dogme chrétien existait tout fait dans la pensée de Jésus, et qu’il ne fut livré que par portions et par des publications successives, volontaires et préméditées. Néanmoins, s’il est vrai que les livres canoniques soient sortis l’un après l’autre du mystère où ils étaient tenus, la forme sous laquelle nous les possédons n’est pas celle que leurs auteurs leur avaient donnée. Ainsi, l’évangile de Jean avait été composé d’abord en araméen ; le texte sorti des mains de l’apôtre, s’il a jamais existé, ne nous est point parvenu ; la traduction qui en fut livrée au public vers, la fin du IIe siècle, et que la critique attribue à Jean le Majeur, était-elle la reproduction exacte de ce texte ? Non, car les fragments cités dans les auteurs du Ier siècle ne reproduisent pas tels que nous les avons les textes de cet évangile. Il est donc probable que les textes primitifs ne furent publiés qu’après avoir subi les modifications exigées par les circonstances, c’est-à-dire pour servir de réponse aux opinions dissidentes à mesure qu’elles se produisaient. D’où venaient à leur tour ces altérations de textes ? Évidemment de l’esprit individuel des maîtres, lequel marchait lui-même avec le temps. Aussi, lorsque les textes canoniques eurent tous été publiés et avec eux la doctrine secrète, l’esprit des docteurs et des pères continua-t-il à s’immiscer dans le dogme fondamental, sinon pour le changer, au moins pour l’interpréter plus librement : car, en réalité, le dogme est exprimé dans les livres saints d’une manière bien succincte et qui appelle les commentaires. Dans l’église catholique, le dogme ne fut définitivement fixé que par le concile de Trente ; encore pouvons-nous dire que depuis cette époque il a reçu quelques nouveaux développements. Quant aux rites, qui font également partie de la religion et dont le sens a été, lui aussi, tenu secret, ils n’ont jamais cessé d’éprouver des changements et de recevoir des additions : ils en reçoivent même de nos jours et sous nos yeux.

Ainsi, la doctrine du Christ s’est transmise secrètement dans la primitive église ; mais il ne faudrait pas dire d’une manière absolue qu’il en a été ainsi de toute la doctrine, et que durant sa transmission elle est demeurée intacte, sans recevoir ni altérations ni développements. Il y a lieu de prendre un moyen terme entre l’opinion qui n’admet rien de nouveau dans le christianisme pendant les deux premiers siècles et n’y voit que la transmission intégrale de dogmes complets, et la pensée de l’école critique, suivant laquelle tout y est nouveau, les doctrines et les livres.

Jésus, comme le Bouddha, eut deux enseignements, l’un public procédant par paraboles et ne livrant du dogme que ce qu’il avait de pratique, l’autre secret ou ésotérique donné seulement aux disciples et non pas même à tous dans sa totalité, mais seulement à Pierre, à Jacques et à Jean. Cette science cachée, Jésus ne prétendait pas en être l’auteur ; mais, opposant la religion du cœur à la religion tout extérieure des pharisiens, il leur reprochait de tenir en réserve la science dont ils avaient le dépôt et de fermer aux hommes le royaume du ciel. Ce royaume ne pouvait être ouvert à tous que par le Messie, fils de Dieu ; la filiation divine du Messie faisait partie de la doctrine secrète, tandis que le commun des Juifs n’attendait qu’un messie terrestre, un roi-prophète, descendant de David. Or, publiquement, Jésus ne se donnait que comme fils de l’homme, expression qui ne pouvait s’entendre ni de l’un ni de l’autre des deux messies. Quand Pierre eut confessé le Christ en Jésus et que les autres disciples l’eurent aussi reconnu en lui, Jésus leur interdit d’en parler à personne. A mesure qu’il avance dans sa carrière, son caractère messianique se montre de plus en plus clairement aux yeux de ses compagnons ; mais le peuple ne voyait tout au plus en lui qu’un prophète et un homme d’une science et d’une puissance extraordinaires. Quant aux pharisiens, leurs craintes et leur hostilité allaient croissant, parce que, connaissant eux-mêmes par tradition la théorie du Messie, ils redoutaient de la voir se réaliser en Jésus. Tels sont les faits que la lecture des Évangiles nous révèle.

On se ferait une idée très-fausse du fondateur du christianisme, si l’on pensait qu’en prêchant sa doctrine il se jetait dans les hasards et courait volontairement à la mort ; si le récit en est vrai, il l’a subie, il ne l’a point recherchée ; la conscience qu’il avait de sa destinée ne l’a point laissé reculer devant le dernier supplice. S’appliquant à lui-même tout le premier la théorie du Christ, quand il vit qu’il ne pouvait réaliser sa mission sans mourir, il accepta la mort avec cette douceur ineffable que nul homme n’a égalée : telle est la légende ; mais, durant toute sa prédication, ses disciples le virent user pour lui-même d’une prudence quelquefois supérieure à la leur, et leur livrer à eux seuls un mystère que le peuple juif n’était pas préparé à entendre. Ce fut au dernier moment qu’il avoua presque malgré lui, et en termes équivoques, sa qualité de fils de Dieu, aveu que ses ennemis déclarèrent un blasphème. S’il eût proclamé tout d’abord ce mystère, il est à croire que sa mission eût échoué dès le début. La prudence qu’il montre si souvent dans les Évangiles exclut de sa personne toute exaltation et rehausse encore sa douceur.

Jésus mourut donc sans avoir divulgué la théorie secrète sans laquelle son rôle était inexplicable et sa religion impossible : sur ce point, l’apparence même du doute doit disparaître, tant les textes sacrés sont formels. A partir de ce moment, l’apparition progressive du mystère se déroule comme un drame qui commence à Pierre et ne se dénoue que par l’évangile de Jean. On ne connaissait de Jésus que ses discours publics et ses miracles ; son nom même usité depuis longtemps était un symbole obscur ; sa vie était presque inconnue ; sa mort seule avait frappé d’étonnement ceux qui en avaient été les acteurs ou les témoins. Quant à sa pensée intime, on l’ignorait ; on savait seulement qu’il avait une doctrine mystérieuse dans laquelle un rôle extraordinaire lui était assigné, et dont il avait livré le dépôt à ses plus chers confidents.

Ceux qu’on a nommés les apôtres, et dont le nombre a été fixé à onze, si l’on en retranche le traître Judas, ne furent pas les premiers qui parurent en scène après la mort de Jésus. Ils étaient demeurés à Jérusalem : Juifs, frappés de terreur par la mort du maître, relevant d’ailleurs de la loi mosaïque dont l’application était aux mains de leurs ennemis, ils gardaient le secret et ne le confiaient qu’à un petit nombre de fidèles ; publiquement ils affirmaient, Pierre à leur tête, que Jésus n’avait point voulu renverser la loi ; ils assistaient aux cérémonies du temple et reconnaissaient la circoncision.

Étienne ; le premier, nia hautement que la loi de Moïse fût la loi nouvelle. Grec, probablement d’Alexandrie[3], il allait disant dans Jérusalem, avec la liberté des hommes de sa race, que l’ancienne loi était une figure, et que le temps était venu où l’image devait faire place à la réalité. Il déclara que Jésus était le Messie, c’est-à-dire le Christ, mais le Christ Verbe de Dieu, et que lui-même avait vu la gloire de Dieu dans le ciel et Jésus-Christ se tenant à sa droite. Cette première manifestation du secret fut mal accueillie : Étienne fut tué à coups de pierres par les Juifs ; Saul, qui fut Paul, était parmi eux.

Quant aux apôtres, ils continuèrent de vivre dans Jérusalem, n’avouant rien de la doctrine secrète, et judaïsant. Cependant les chrétiens dispersés se répandirent hors de la contrée : l’un d’eux, Philippe, Grec aussi sans doute et différent de l’apôtre du même nom, prêcha dans Samarie, fit des miracles et convertit un grand nombre de personnes, parmi lesquelles se trouva Simon, un des disciples de Philon d’Alexandrie. Ainsi, les premiers progrès du christianisme ne furent pas dus aux apôtres, qui restaient paisibles dans Jérusalem.

Cependant, la mort horrible d’Étienne et son angélique prière ayant frappé la pensée de ses assassins, Paul se convertit sur le chemin de Damas et à son tour commença de prêcher la doctrine du Christ. Par quelle voie était-elle parvenue jusqu’à lui ? C’est une question qui n’est pas encore entièrement résolue. Paul ne connut point Jésus et ne vit les apôtres que dix-sept ans après sa conversion ; ils étaient encore à Jérusalem. Il était né à Tarse, ville d’Asie-Mineure, l’un des deux grands centres de philosophie théologique, dont l’autre était Alexandrie. Il avait eu pour maître le rabbin Gamaliel, que l’on disait avoir été baptisé secrètement par Jean-Baptiste, et qui défendit les apôtres dans Jérusalem. Gamaliel avait pour père Siméon, fils de Hillel. Hillel, le premier des trois docteurs de ce nom, était né à Babylone au commencement du siècle ; il était pharisien ; fondateur d’une école restée célèbre, il avait soutenu contre le fameux Shammaï la doctrine orale, qui se perpétuait par l’enseignement secret en opposition avec l’Écriture, et dont lui-même avait approfondi l’étude dans sa ville natale. Ce fut certainement une des voies par lesquelles parvinrent jusqu’à Paul les théories secrètes dont nous aurons à parler ; mais comme son commerce le mettait en relation avec des hommes de toute doctrine et de tout pays, il est probable qu’il reconnut l’identité de ce qu’il avait appris de Gamaliel avec la doctrine dont les apôtres de Jésus gardaient le secret. Cette doctrine, il en avait d’ailleurs saisi quelques formules dans la bouche du malheureux Étienne.

Paul vit et désapprouva la conduite trop prudente ou trop résignée des apôtres.

À cette époque circulait parmi les fidèles, sous le nom de Mathieu, un évangile en langue hébraïque ou plutôt en syro-chaldéen. Il avait été composé pour les Hébreux de Palestine, et reproduisait la pensée de Pierre et sa manière d’enseigner la religion nouvelle. Comme il n’allait pas au delà des prédications de Jésus, il procédait exclusivement par des récits et par des paraboles, ne pénétrant point au fond des choses et laissant la doctrine secrète sur un arrière-plan impénétrable. Nous pouvons nous convaincre, en effet, par notre version de l’évangile selon saint Mathieu, que si le christianisme n’était pas sorti de cette voie, il n’aurait été qu’une réforme morale dans le judaïsme et ne serait jamais devenu une religion universelle.

C’est ce que Paul comprit, et il se donna la double mission de proclamer la doctrine sécrète « jusque sur les toits » et de l’annoncer aux Gentils. Il prêcha donc un « autre évangile, » qui cependant « n’était pas un autre, » évangile qui devait différer profondément de la prédication de Pierre, puisqu’il dévoilait une doctrine « demeurée secrète depuis le commencement du monde, » et qui pourtant était le même, puisque cette doctrine était précisément celle que Pierre avait reçue de Jésus et qu’il retenait par faiblesse ou par obstination. La prédication de Paul fut comme une seconde apparition du Christ, dont elle dévoilait la nature, l’origine divine et la pensée suprême.

De cet antagonisme naquit la lutte que tous les chrétiens connaissent, lutte qui ne se termina qu’à Rome un peu avant la mort des deux apôtres. Pierre défendait les tendances judaïques ; Paul les attaquait, disant que les Juifs étaient insensés et que les Grecs seuls étaient sages, faisant porter uniquement sur les Juifs la responsabilité de la mort de Jésus et absolvant les Romains. La question entre eux était donc de savoir si la doctrine nouvelle resterait enfermée dans Jérusalem pour y végéter un peu de temps et y mourir, ou si elle devait en sortir pour vivre et grandir parmi les nations. Le fait donna raison à saint Paul, car, tandis que Pierre présidait à Jérusalem une réunion d’hommes qui n’avaient pas encore un nom à eux et que l’on appelait nazaréens, du nom d’origine de Jésus, Paul fondait à Antioche la première église véritable, et ceux qui l’entouraient prenaient pour la première fois le nom de chrétiens.

La doctrine de Paul nous est connue par des documents variés, dont les principaux sont ses épîtres et l’évangile de saint Luc. Les épîtres sont authentiques, à l’exception d’une seule, l’épître aux Hébreux, due, selon toute vraisemblance, à un Juif converti, l’alexandrin Apollos, dont l’autorité fut mise en balance avec celle de Paul lui-même. Luc était le disciple et le compagnon de voyage de Paul. L’intention manifeste de son évangile est de frapper d’abord de discrédit les écrits antérieurs relatifs à Jésus, puis d’harmoniser entre eux les récits les plus authentiques, d’en faire sentir l’insuffisance, de les compléter avec la doctrine secrète révélée par Paul. La lecture comparative des évangiles de Luc et de Mathieu met le contraste dans toute son évidence. Tout ce qui dans ce dernier paraît favorable aux Juifs ou à la loi mosaïque est supprimé dans saint Luc : Mathieu conserve la pâque, Luc la supprime et la remplace par une autre où un agneau n’est plus immolé et où la victime n’est autre que le Christ lui-même. Le royaume du Messie est juif et matériel dans Mathieu ; il est spirituel et universel dans saint Luc. Le Dieu de Mathieu, c’est le Père assis dans le ciel, sur un trône, comme le chef du Peuple choisi ; le Dieu de Luc est universel, il habite en chacun de nous, et nous-mêmes habitons en lui. Luc décrit l’aveuglement et l’hypocrisie des chefs israélites, il n’a point de paroles amères contre Pontius Pilatus ; par lui, Hérodes et ses soldats sont substitués aux soldats romains ; ce sont eux qui livrent Jésus au supplice. Mathieu avait commencé la généalogie de Jésus à Abraham, et par là en avait fait un Juif, fils de David par Joseph ; Luc la commence à Adam, fils de Dieu et père des hommes ; Joseph n’est à ses yeux qu’un père supposé ; le vrai père de Jésus, c’est Dieu, qui l’a choisi pour être crucifié par les Juifs. On trouvait dans Mathieu les mages, l’étoile, la fuite en Égypte, le massacre des enfants ; dans saint Luc, il n’y a plus ni mages, ni massacre. Joseph le Juif disparaît de la scène, et à sa place on voit paraître sur le premier plan Marie, Galiléenne, de race peut-être étrangère à Israël, modèle de sainteté et de bénédiction, dont la vertu purifiante est ressentie par tous ceux qui l’approchent. Cette Marie est aujourd’hui reconnue identique à la Mâyâ des Indiens, qui est le principe féminin universel et qui fut la vierge, mère du Bouddha. Le récit de la naissance de Jésus au lever du jour, de l’approche des bergers, des anges chantant en chœur : « Gloire à Dieu au haut du ciel, » tout cela forme dans saint Luc un tableau d’une harmonie orientale et presque vêdique, contrastant merveilleusement avec l’esprit étroit des sadducéens et des pharisiens eux-mêmes. C’est en Galilée, parmi les Gentils, que Jésus reçoit le baptême, et que le Christ se révèle à Jean le Baptiseur ; celui-ci, selon saint Luc, baptisait par l’eau en attendant qu’un autre baptisât par l’esprit et par le feu, nouveau rite différent du baptême hébraïque de saint Mathieu. Luc cherche à diminuer l’autorité des apôtres en omettant toutes les paroles de Jésus, qui dans Mathieu la confirment ; il ôte aux douze le mérite d’avoir fondé la religion du Christ, en leur ajoutant soixante-dix envoyés dont la mission est contraire aux usages israélites les plus accrédités. « Allez, leur dit le maître, comme des agneaux parmi les loups ; ne portez ni bourse ; ni sac, ni souliers ; ne saluez personne en chemin ; en quelque maison que vous entriez, faites d’abord le salam, et demeurez là, mangeant et buvant de ce qui sera mis devant vous. » Luc fait à Paul des allusions évidentes et le déclare le premier des apôtres. Quand Paul fut persécuté, Luc resta fidèle à Paul au moment où tous les autres le trahissaient. Enfin les plus anciens pères de l’église, Irénée, Tertullien, Origène, Eusèbe, Jérôme, identifient la pensée de Luc avec celle de Paul.

Les faits que nous venons de citer montrent clairement que si Jésus fut le fondateur du christianisme, saint Paul en fut le vulgarisateur, et qu’imbu d’idées orientales, il le fit sortir de Jérusalem pour le répandre parmi les nations.


Progrès de la Théorie du Christ, jusqu’à saint Jean.


Nous devons maintenant faire quelques pas en arrière pour reconnaître les opinions dissidentes, nées dans les églises à la faveur du secret où la doctrine métaphysique avait été cachée. Les discussions fondamentales portaient sur la nature de Jésus dans ses rapports avec la théorie du Christ. Nous avons vu que chez les Juifs eux-mêmes le futur règne du Christ était compris de deux façons : les uns attendaient un roi de la souche de David, destiné à étendre sur la terre la puissance de la théocratie mosaïque et à placer le peuple d’Israël à la tête d’un vaste empire dont ce roi serait le chef. Les autres, et parmi eux les pharisiens, entendaient le règne du Christ dans un sens idéal. Cette question avait été fort agitée pendant le dernier siècle entre les docteurs juifs Shammaï et Hillel ; l’apparition de Jésus, sa prédication, sa vie et sa mort la compliquèrent. Les uns reconnaissaient en lui un fils de David, un futur roi des Juifs ; mais comme il était mort sans avoir établi aucun royaume, ils étaient déconcertés dans leurs espérances et attendaient ce second avènement de Jésus glorieux dont lui-même les avait une fois entretenus. Les autres se sentaient confirmés dans leur doctrine : en regardant Jésus comme le Christ, ils voyaient surtout en lui le fils de Dieu et marchaient peu à peu vers la suppression de sa nature humaine.

On voit par l’évangile de saint Mathieu, par la réaction paulinienne et par le témoignage des homélies qui, sous le nom de Clémentines, retracent la doctrine des apôtres, que la première doctrine était celle de Pierre et des judaïsants. C’est au temps de saint Paul que la seconde se manifesta. On en trouve le premier symptôme dans l’épître aux Hébreux, vulgairement attribuée à Paul, mais écrite sans doute par Apollos aux Juifs chrétiens d’Alexandrie. Dans cette ville régnait une liberté de pensée qui altérait aisément le canon des Écritures et introduisait souvent dans la doctrine de Jésus des interprétations individuelles. Nous ne connaissons presque rien de la primitive église d’Alexandrie, si ce n’est qu’elle contribua pour une part considérable aux accroissements du christianisme et au progrès de ses dogmes. Apollos ne rompt pas seulement de la façon la plus nette avec la loi mosaïque, mais évoquant la doctrine indo-perse des incarnations, il soutient que le Christ n’a rien d’humain, qu’il est simplement le fils de Dieu apparu sous des formes humaines. Il reproche à saint Paul de ne pas dire tout le secret, et d’en garder pour lui-même la partie la plus importante. C’est donc dans cette épître aux Hébreux que se trouvent les premières formules de la doctrine nommée plus tard docétisme, d’un mot grec qui signifie sembler, parce que le corps du Christ n’avait, selon elle, qu’un semblant de réalité. Elle se produisait ainsi en pleine période apostolique.

L’épître faussement attribuée à Barnabé marque la seconde étape du docétisme ; elle est postérieure à l’épître aux Hébreux, antérieure à l’évangile de Jean. L’auteur appartenait à l’église d’Alexandrie ; il regardait, ainsi qu’Apollos, le christianisme comme une nouveauté sans racines dans le judaïsme, niait que Jésus fût un fils de David, et ne reconnaissait point son humanité.

Cette doctrine antisémitique ne resta pas concentrée dans Alexandrie ; elle se répandit promptement dans d’autres églises. La pensée d’Apollos, portée à Corinthe, y produisit un véritable schisme. Déjà Paul avait, pour la réfuter, écrit sa première aux Corinthiens ; mais sa propre opinion n’ayant point prévalu, ils reçurent bientôt une seconde lettre de l’évêque Clément de Rome, constatant et déplorant la division qui régnait parmi eux, les prévenant contre les faux maîtres qui ne reconnaissaient ni Paul ni Pierre, et les engageant à imiter ces deux apôtres, qui, après avoir été divisés quelque temps, s’étaient enfin réconciliés. La lettre de Clément prouve qu’à la fin du 1er siècle, époque où elle fut écrite, le docétisme régnait dans certaines églises d’Orient ; mais elle prouve en même temps que l’église de Rome en était exempte, et que, si la doctrine de Paul n’y était pas encore seule en vigueur, du moins l’influence juive en avait à peu près disparu.

Le Pasteur, composé par Hermas, frère de Pie évêque de Rome, parut vers les années 130 ou 140. Il fut comme une suite de la lettre de Clément et de l’évangile de saint Luc. Quoiqu’il n’avançât pas beaucoup au delà de saint Paul dans l’exposition des doctrines secrètes, il avait l’avantage de les répandre dans l’église, de les préciser sur un grand nombre de points, de les approfondir et surtout de les poser nettement en face de ceux qui niaient soit la divinité du Christ, soit son humanité. Irénée, Clément d’Alexandrie, Origène considérèrent cet écrit comme canonique, et nous pouvons le regarder comme formant dans la manifestation du secret un anneau de la chaîne qui unit saint Paul à saint Jean.

Nous ne voulons pas, malgré l’intérêt du sujet, obliger le lecteur à nous suivre à travers les écrits d’Ignace, de Polycarpe, de saint Justin, ni à travers ces récognitions et homélies qui portent le nom de Clémentines et retracent la doctrine des apôtres. Nous arrivons à cette belle œuvre d’un auteur contesté, qui a pour titre Épitre à Diognète. Elle est à peu près contemporaine du Pasteur d’Hermas. La forme en est belle, surtout quand on la compare aux écrits des premiers chrétiens. L’éloquence y est constamment soutenue par une élévation de pensée et une précision de doctrine que le Pasteur n’atteignait pas. Si Marcion en fut l’auteur, il faut avouer que ses opinions avaient beaucoup changé à l’époque où dans Rome, en présence d’une église déjà fortement constituée et de dogmes que saint Paul avait définis clairement une première fois, il devint le chef d’une école où l’on niait absolument l’humanité du Christ et sa réalité charnelle ; car la lettre à Diognète porte un caractère tout à fait évangélique, le docétisme n’y paraît pas : elle n’est qu’une affirmation nouvelle de la science secrète enseignée par Paul ; enfin elle est une véritable introduction à l’évangile de saint Jean.

Trente ans s’étaient à peine écoulés, qu’un docétiste de Babylone, Tatien, publiait l’Harmonie des quatre Évangiles. L’évangile de Jean était donc connu à cette époque, et son apparition doit être placée entre les années 160 et 170 de notre ère. Dans l’intervalle, Marcion, se posant comme l’antagoniste de Polycarpe, évêque de Smyrne, soutenait, avec une grande apparence de raison, que le Dieu des chrétiens n’est pas celui des Juifs, que le Christ n’est pas leur Messie, que le Messie leur est particulier, tandis que le Christ est universel. Mais il ajoutait que le Christ ne s’était point incarné, si ce n’est en apparence ; que les Juifs à Capernaüm n’avaient vu devant eux qu’un fantôme ; qu’il n’avait pas souffert sur la croix et qu’il n’avait pu mourir. Marcion ne connaissait pas l’évangile de Jean, mais, il adoptait celui de Luc en l’altérant selon ses propres idées. Une grande partie des chrétiens se ralliait aux opinions de Marcion, rendues vraisemblables par un style élégant et une éloquence persuasive ; là doctrine du secret était menacée dans ses fondements.

C’est alors que parut l’évangile selon Jean, le dernier et le plus métaphysique des quatre récits qui composent le canon évangélique. Tout paulinien a pu l’écrire ; mais il est plus probable qu’il existait déjà, et qu’il était connu des docteurs chrétiens, car plusieurs phrases sont citées dans les Clémentines et dans les écrits théologiques de l’évêque Hippolyte[4], du premier Tatien, disciple de saint Justin, du philosophe chrétien Athénagore et de Théophile, évêque d’Antioche, dont l’Apologie fut composée au milieu du IIe siècle. Pierre, Jacques et Jean étaient les trois plus chers disciples de Jésus, et nécessairement ses trois plus intimes confidents ; mais, comme disciple bien-aimé, Jean dut être celui à qui Jésus confia le secret tout entier. Son évangile, écrit en araméen, dut être traduit pour être compris de ceux qui suivaient les doctrines de Marcion, d’Ébion ou de Cérinthe. Comme la vie supérieure du Christ était un mystère divin, Jean avait pu la raconter en cette langue en se plaçant déjà à ce point de vue élevé ; mais le temps où elle pouvait être comprise n’arriva que quand les controverses eurent préparé les esprits, et que la vie réelle de Jésus eut pris les aspects fantastiques que donne un passé déjà lointain.

C’est donc dans l’Évangile de saint Jean qu’il faut chercher les formules définitives de la métaphysique chrétienne, formules que saint Paul lui-même n’avait qu’incomplètement révélées et dont la couleur asiatique n’échappera à personne. Il est nécessaire pour la suite de ce travail de les résumer en peu de mots.

Jean admet que le Verbe divin était connu longtemps avant Jésus, qu’il existe éternellement, qu’il éclaire tout homme venant en ce monde, qu’il fut pour Dieu le médiateur de la création, qu’il s’est fait chair et qu’il a placé en nous sa demeure (habitavit in nobis). Dieu est un et indivisible. Le Verbe est son fils unique, sa gloire, sa lumière ; il dévoile aux hommes les choses du ciel. L’esprit est Dieu ; incarné, il devient le Christ, premier-né des créatures, organe de sanctification pour les hommes. C’est l’amour divin qui est le sauveur universel, car c’est par lui que Dieu a donné au monde son fils unique ; par leur communion avec ce fils, les hommes deviennent, comme lui, enfants de Dieu. La justification s’opère par la grâce de Dieu, c’est-à-dire par son action directe en nous, et l’expiation s’opère, non par les œuvres de la loi, mais par la justice. Le consolateur que Jésus a promis à ses disciples n’est pas autre que l’Esprit de Dieu, qui, sous le nom de Christ, habitait avec eux, mais non encore en eux, et qui, après le départ du Christ, quand ils seront livrés à eux-mêmes, demeurera en eux, et fera que par eux les hommes continueront à accomplir les œuvres de l’Esprit. C’est dans saint Jean que se trouve, pour la première fois exposée sous sa forme authentique la théorie du Christ éternel, antérieur à Abraham et à Adam ; mais à côté de cette doctrine se trouve nettement affirmée l’humanité du Christ, son incarnation en Jésus et la réalité de sa vie et de sa mort.

  1. Voyez E. Bunsen, The hidden wisdom.
  2. Nous disons, pour abréger « Évangile de » au lieu de « Évangile selon » sans prétendre que ces écrits aient été composés par les auteurs dont ils portent le nom.
  3. D’autres prétendent qu’il était juif d’origine.
  4. Voyez sur Hippolyte une étude de M.A. Réville, dans la Revue des Deux-Mondes du 15 juin 1865.