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La Tyrannie socialiste/Livre 6/Chapitre 2

La bibliothèque libre.
Ch. Delagrave (p. 209-213).
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Livre VI


CHAPITRE II

Les subventions aux grévistes.


La question au Conseil municipal de Paris. — Le 2 avril 1884. — Mon argumentation. — Demande repoussée. — Les grèves et le septième Conseil municipal. — Moyens hypocrites. — « Actes sympathiques. » — Proposition de M. Ferroul le 25 novembre 1889. — Les 117.


En attendant ce résultat final, l’intervention des députés dans les questions de grèves a convaincu les grévistes que les pouvoirs publics devaient venir à leur secours par des subventions.

La première fois que la question se présenta au Conseil municipal de Paris, ce fut, en 1884, à propos de la grève d’Anzin, sur une proposition d’un secours de 10.000 francs présentée par M. Pichon. Je la combattis et la fis repousser par 55 voix contre 20 par quelques arguments que je me permets de rappeler.


M. Yves Guyot. — Je vous prie, messieurs, de repousser cette proposition, afin de rester fidèles aux principes de la politique de liberté, au point de vue économique, que vous avez adoptée au conseil municipal.

M. Joffrin. — Pas moi.

M. Yves Guyot. — Si aujourd’hui vous intervenez entre les employeurs et les travailleurs, vous donnerez un démenti aux principes auxquels vous vous êtes ralliés. Que chacun intervienne individuellement en faveur des mineurs et fasse ce qui lui convient. (Très bien !)

Nous, nous ne pouvons intervenir qu’avec l’argent des contribuables. Si, aujourd’hui, vous intervenez dans les contrats qui existent entre les particuliers, sous prétexte de grèves, il n’y a pas de raison pour que vous ne preniez pas parti demain dans les autres grèves, et cela sans exception. Car pourquoi refuserez-vous votre concours à l’une d’elles ? Ce serait une intervention perpétuelle du conseil dans les conventions particulières. Nous ne pouvons pas plus subventionner les ouvriers que nous ne pourrions subventionner la compagnie…

Vous demandez une politique de compression en préconisant l’intervention de la ville de Paris.

Piteusement, vous proposez un secours de 10.000 fr. Qu’allez-vous faire ? vous allez leurrer les mineurs et faire naître en eux des illusions décevantes, vous allez leur faire croire que la Ville de Paris se compromet en leur faveur.

Aujourd’hui, on vous propose une intervention honteuse…

Si je suivais cette politique, ce n’est pas 10.000 fr. que j’aurais demandés.

Car, lorsque les 10.000 francs seront épuisés, que ferez-vous ? Si vous voulez prendre une mesure efficace, décidez que vous mettrez chaque semaine 100.000 francs à la disposition des familles des mineurs.

M. Joffrin. — Cette proposition serait repoussée aussi bien que la mienne.

M. Yves Guyot. — La mine, quoi que vous prétendiez, constitue une propriété individuelle et la concession d’Anzin a été primitivement accordée à quelques individus.

On vient parler de bénéfices réalisés. Il semblerait que certains Français n’ont d’autre désir que de voir tous leurs compatriotes se ruiner dans toutes leurs entreprises. Quant à moi, je regrette qu’il n’existe pas un grand nombre de sociétés minières, ayant réalisé les mêmes bénéfices ; cela vaudrait mieux que de voir 45% des concessions non exploitées comme le constate la commission d’enquête de 1873…


Je demande au Conseil municipal, pour qu’il fût logique, d’ouvrir un chapitre particulier ayant pour titre : « Primes et encouragements aux grèves. » Ce que je disais par ironie a été réalisé. Le septième conseil municipal n’a pas subventionné, moins de vingt-deux grèves. Il a donné 2.000 francs à la grève des ouvriers des allumettes qui sont des ouvriers de l’État. Je ne sais si le préfet a approuvé cette intervention du Conseil municipal contre le Gouvernement. Le Conseil municipal avait, le 11 juillet 1891, donné un secours de 10.000 fr. aux ouvriers en grève du chemin de fer d’Orléans et le 24 juillet 1891, de 20.000 fr. à l’ensemble des ouvriers des chemins de fer. Ces deux délibérations ont été annulées : mais l’administration n’a pas été aussi rigide pour toutes. Elle a transigé en ne distribuant les secours aux familles qu’après la grève, comme si, par ce moyen hypocrite, elle ne donnait pas du crédit à la grève moralement et matériellement.

C’est si bien un appui que le Conseil municipal veut donner aux grévistes que M. Mesureur, au Conseil municipal, rapporteur de la proposition de subventions à la grève de Decazeville qui avait préludé par l’assassinat de M. Watrin, disait : « Il faut plus qu’une manifestation platonique de sympathie pour les mineurs de Decazeville : il faut un acte. »

Tandis que le Conseil municipal subventionnait ainsi les grèves, la question, je crois, ne s’est présentée qu’une fois au Parlement.

Le 25 novembre 1889, M. Ferroul déposa une proposition de loi tendant à l’ouverture d’un crédit de 150.000 fr. pour secourir les victimes des grèves du Nord, du Pas-de-Calais et de Tours.

Ministre, je fis le même accueil à cette proposition que celui que j’avais fait cinq ans auparavant, comme conseiller municipal, à celle de M. Pichon. Ayant dit que « la grève était un fait volontaire », je fus violemment interrompu « sur plusieurs bancs à l’extrême gauche ; » mais je demandai de nouveau si nous devions « faire intervenir les forces sociales, une partie du budget, » en faveur des grèves ; si nous devions poser le principe de la « subvention des grèves par l’État. » La proposition fut repoussée par 364 voix contre 117[1].



  1. Je crois qu’il n’est pas inutile de reproduire les noms des 117 députés qui ont fait ce jour là du vrai socialisme.

     

    ont voté pour :

    MM. Aimel (Henri). Argeliès.

    Bargy, Barodet, Barrès (Maurice), Baudin, Baulard, Beauquier, Belleval (de), Bézine, Borie, Boudeau, Boudeville, Bouge, Boyer (Antide), Boysset.

    Calvinhac, Castelin, Chassaing, Chautemps, Chiché, Clémenceau, Cluseret, Corneau, Cousset, Coutisson, Couturier.

    Dellestable, Deprez (Audré) (Pas-de-Calais), Déroulède (Paul), Desmons, Dethou, Deville, Dreyfus (Camille), Ducoudray, Dumas, Dumay, Dumonteil.

    Engerand.

    Farcy (Eugène), Ferroul, Forcioli, Franconie.

    Gabriel, Gacon, Gauthier (de Clagny), Gillot, Girodet, Goussot, Granet, Granger, Guillemaut.

    Haussmann, Hovelacque.<-p>

    Jacquemart, Jacques, Joffin, Jourdan (Louis), Jourde.

    Lachize (Rhône), Lacroix (Loiret), Laffon (René) (Yonne), Languet, Laguerre, Laissant, Lalou, Laporte (Gaston), Lasbaysses, Laur, Leconte (Alfred) (Indre), Le Hérissé, Léouzon-Leduc, Le Senne, Le Veillé, Leydet, Lockroy.

    Magnien, Martineau, Martinon, Mathé (Félix) (Allier), Mathé (Henri) (Seine), Maujan, Maurice Faure (Drôme), Merlou, Mesureur, Michel (Alfred), Millerand, Millevoye (Lucien), Montaut (Seine-et-Marne), Moreau (Émile).

    Naquet (Alfred).

    Ornano (Cunéo d’)

    Pajot, Paulin Méry, Pelletan (Camille), Pichon (Seine), Pontols, Poupin, Prost (Victor).

    Rabier, Raspail (Camille) (Var), Rathier, Revest, Révillon (Tony), Richard (Pierre), Roche (Ernest) (Seine), Rousse.

    Saint-Martin (Seine), Salis, Soubet.

    Terrail-Mermeix, Terrier, Théron, Thivrier, Turigny.

    Vacher, Ville.