La Vénus des aveugles/Les Vendeuses de Fleurs

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La Vénus des AveuglesAlphonse Lemerre, éditeur (p. 179-181).

LES VENDEUSES DE FLEURS



Elles attendent, dans l’or bleu d’un réverbère,
Quand la nuit des cités tragiques délibère
Au pied d’un réverbère.

Elles attendent… Et, frissonnant de dégoût,
Les Fleurs, sous leurs doigts gris, leur haleine d’égout,
Ont blêmi de dégoût.

L’âpre fraternité de leurs petites haines
Épie en frémissant les Vendeuses obscènes
Que menacent leurs haines.

Les violettes ont une âme de venin…
Les lilas, affectant un sourire bénin,
Composent leur venin.

Les Vendeuses, mâchant des relents de rogommes,
Roulent leurs yeux pareils aux yeux rouges des hommes,
Où luisent les rogommes.

Maléfiques, les Fleurs distillent l’opium
Et le haschisch de leurs parfums… Le simple rhum
S’aiguise d’opium.

Les Fleurs font miroiter leurs gloires orgiaques
Dans la boue, et font rire, au creux sombre des flaques,
Les rêves orgiaques.

Les Fleurs ont recueilli les miasmes du Sud.
Leur mémoire, profonde ainsi qu’un noir Talmud,
Sait les poisons du Sud.

Les Vendeuses, avec des rires d’hystériques,
Jettent, en éructant leurs impudents cantiques,
Des appels d’hystériques.

Et leur bave sanglante a souillé le trottoir…
Les Vendeuses, avec des clameurs d’abattoir,
Roulent sur le trottoir.