Aller au contenu

La Vérité sur l’Algérie/05/02

La bibliothèque libre.


CHAPITRE II

Jusqu’en 1830 on trouve dans les différends entre la France et les États barbaresques des affaires d’intérêts qui ne touchent en rien la cause de l’humanité ni celle de la civilisation.


Lorsqu’on étudie l’histoire il paraît qu’il est assez difficile de trouver la vérité, la vraie. C’est l’opinion de Renan. Il disait qu’il avait essayé :


« … comme expérience de critique historique de se faire une idée complète d’événements qui se sont passés presque sous ses yeux… »


Et il ajoutait :


« Je n’ai jamais réussi à me satisfaire. »


Malebranche était du même avis. Il ne faisait pas plus de cas de l’histoire que des nouvelles de son quartier. Et d’autres… des grands…

Cependant, c’est des faits certains, ceux qui nous montrent que, pendant le moyen âge, les temps modernes et jusqu’à la prise d’Alger, la Méditerranée était « écumée » par des pirates de toutes nations, de toutes religions, et que les gens qui avaient des esclaves, qui en vendaient dans leurs colonies ne pouvaient invoquer la cause de l’humanité, la civilisation. C’est des faits certains. L’histoire ne peut me tromper là-dessus. Je sais cela. Tous les éléments possibles de certitude sont réunis pour me donner celle-là. Et, raisonnant sur cette certitude, la plus inflexible logique me permet d’affirmer en absolue vérité qu’ils mentaient les gens de 1830, lorsqu’ils se disaient conduits en Algérie par l’humanité. Car l’humanité, s’ils avaient désiré la servir, leur ordonnait de commencer par la respecter chez eux en supprimant l’esclavage dans leurs colonies.

En 1830 il s’agissait « d’affaires », « d’une affaire », tout comme en 1390 lors de la première expédition française d’Alger que les Génois payèrent à Charles VI, à perte, car le duc de Bourbon qui la commandait se fit honteusement rosser. Mais les Génois avaient payé. C’était l’essentiel. Les Génois et leurs associés juifs d’Algérie.

Ne remontons point au déluge. Passons de suite à Charles X.

Je lis dans l’ouvrage de Galibert, qui écrivait en 1840-1844 et avait la « documentation officielle », ce passage à méditer :

« Disons-le toutefois, dès les premiers temps l’expédition qui a valu à la France la possession de l’Algérie ne fut pas conçue d’après ces vues larges et sociales, encore moins dans un but d’établissement durable. On ne voulait qu’obtenir la réparation de griefs particuliers et subsidiairement détruire la piraterie, abolir l’esclavage des chrétiens et faire cesser le honteux tribut que les puissances de l’Europe payaient à la Régence. »

Pesez bien ce qui suit :

« Ces idées étaient même si vagues que Charles X et le prince de Polignac son premier ministre s’arrêtèrent un instant au projet de confier à Mehemet Ali le soin de venger notre injure ; on avait offert pour cela, au pacha d’Égypte, dix millions de francs, tous les moyens de transport nécessaires et quatre vaisseaux de ligne, montés et dirigés par des marins français. Avec ce secours Mehemet Ali se chargeait de détruire Alger et d’en extirper la piraterie. »

Retenez bien cela, vous dis-je. Et réfléchissez. Des lumières vous viendront sur les actuelles affaires du Maroc.

Il semble que tout ce qu’exigeaient les intérêts de l’humanité, destruction du nid de corsaires, abolition de la piraterie, etc., etc., l’entreprise confiée à Mehemet Ali nous l’assurant, il eût fallu se contenter de cette entreprise qui paraissait suffisante au roi, au chef du gouvernement et même à l’opinion publique, car l’idée d’une expédition africaine n’était rien moins que populaire. Jamais entreprise coloniale ne rencontra pareille opposition.

Comment donc, cette guerre que ne voulaient ni le roi, ni le gouvernement, ni le peuple, ni personne de ceux qui dans le pays semblaient être le vrai pouvoir, comment donc et pourquoi la France fut-elle obligée de la faire ? Quelle fut alors la Providence, la destinée du pays, la force des choses, quel fut l’événement fortuit ? Cherchons, c’est curieux. Et, je le répète, non d’un vain intérêt de curiosité historique, mais d’un intérêt actuel… On nous pousse aujourd’hui dans la guerre contre le Maroc exactement suivant le procédé de jadis et pour la même cause occulte qui agissait sur nous, très puissamment, en 1830.

Il y avait à faire payer quelques tripoteurs. Mais l’intervention de Mehemet Ali n’eût-elle pas suffi ? Oui, pour que le dey ne réclamât plus son argent versé à Bacri et à quelques associés français, faire tuer le dey par Mehemet Ali, cela suffisait. Mais cela ne suffisait point pour que les communautés juives d’Algérie fussent libérées de la domination musulmane. Aujourd’hui, pour faire payer les créances des gens qui au Maroc ont exploité le sultan, il suffit de faire un emprunt… Mais cela ne suffit point pour que les communautés juives marocaines soient toutes émancipées.

Revenons en Alger, à Bacri.