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La Vocation/Première partie/III

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Paul Ollendorff (p. 30-33).
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III


La piété de Hans s’exalta plus encore quand il fut incorporé dans le groupe des enfants de chœur. Il lui parut qu’il collaborait ainsi aux cérémonies du culte, qu’il jouait un rôle dans le grand drame de la messe. Avec quel tremblement il se tint derrière le prêtre, soulevant la chasuble au moment de la consécration, admis à l’honneur d’être si proche de Dieu qu’il lui semblait maintenant ne l’avoir aimé jadis que dans l’absence. Face à face avec le grand soleil du Saint-Sacrement, il baissait les yeux, ébloui des ors, des rayons, de la colombe de diamant tremblant au sommet, ébloui surtout de l’hostie, le transparent pain azyme où les lueurs des cierges voisins avaient l’air par instants de faire saigner les plaies de Jésus.

Hans proférait les répons à voix modeste, sa petite voix argentine sautillant en échos à côté de la basse profonde de l’officiant, humble ruisseau qui côtoyait le fleuve de l’autre voix, s’y mêlait en affluent débile…

Hans était heureux. Et sa mère le vit bien, quand, à Noël, elle vint assister à la grand’messe du collège, pour voir, de loin, son fils dans son nouvel emploi d’enfant de chœur. Il était tout charmant, ma foi ; et même sa tête rase n’affligea plus Mme Cadzand.

Cette coiffure lui donnait un air moins laïque, un air angélique. Il s’avançait avec tant d’onction, les doigts juxtaposés, en tête du groupe nombreux des enfants de chœur qui évoluaient autour de l’autel ! Groupements sinueux : les uns, tenant un cierge ; les autres, une palme ; d’autres encore, un encensoir, une croix, une cassolette, les subtils attributs du cérémonial. Ils marchaient, s’agenouillaient, s’enguirlandaient en théories lentes.

C’était vraiment un chœur céleste, une pantomime religieuse aux gestes et aux pas pleins de signifiance, un hiératique ballet sacré s’enroulant dans les écharpes bleues de l’encens.

Mme Cadzand n’avait d’attention que pour Hans. Instinctif égoïsme. Quand on a offert un cierge et qu’il s’allume sur l’if de fer forgé, on ne regarde plus que le sien, et c’est de lui seulement qu’on s’inquiète, de sa flamme qui hésite, vivote, puis s’élance, domine.

Hans était ce beau cierge inauguré. Mme Cadzand le suivait des yeux, admirait, avec ce naïf orgueil des mères, la grâce, la noblesse de sa démarche, et aussi sa pureté intérieure qui irradie… Les autres, au fond de leur âme, ont une vase trouble ; même purs, un peu de la fange originelle dépose en eux, et il en remonte toujours quelque chose au visage. Lui devait avoir une eau sans tache au fond de son âme, car c’était seulement de la lumière qui émanait de lui, le miroir d’un puits intérieur où le ciel se mire, prend conscience de lui-même…