La Vocation/Troisième partie/III

La bibliothèque libre.
Paul Ollendorff (p. 151-153).
◄  II
IV  ►


III


Mme Cadzand n’avait pas été sans remarquer le manège d’Ursula, ses yeux étranges et qui s’orientaient toujours du côté de Hans ; mais son fils, surtout, l’avait avertie par son trouble, son air anormal et changé. Certes, il était toujours d’une piété assidue ; la conduisait à la messe, le matin ; priait souvent. Mais il priait autrement, — et comme les naufragés doivent prier. Il y avait une attente, une angoisse, une lutte dans la façon dont il s’adressait à Dieu. Une confusion aussi. Il se prostrait, la tête dans les mains. Il s’isolait derrière ses mains grillageant l’air, comme pour se défendre d’un rappel, d’un visage obstiné. Mme Cadzand démêlait la situation sans peine. D’autant plus qu’elle avait remarqué, le soir, cette présence d’Ursula, durant quelques instants, dans la chambre de Hans. Elle-même couchait juste en dessous, à l’étage inférieur, de sorte qu’on y entendait très distinctement, à travers le plafond, le bruit des pas, le bruit des voix. Mme Cadzand ne s’en inquiéta pas outre mesure. Hans était beau ; Ursula était jeune. Il était naturel qu’elle en fût impressionnée. Amourette du bout des yeux… D’ailleurs Mme Cadzand s’en réjouissait plutôt, sans se l’avouer à elle-même. La dévotion de Hans la garantissait contre tout accident.

Mais il était permis d’espérer aussi un léger émoi chez lui, quelque chose qui, à coup sûr, ne serait pas la passion, mais le sentiment de la femme, la notion de l’amour. À se sentir regardé comme il était regardé par elle, il était impossible qu’il n’éprouvât pas un frisson, la joie du sang qui coule plus vite, l’envie du baiser… Et c’était assez pour porter atteinte à son austérité.

Dès qu’il aurait pris conscience de la femme, deviné son délice, il se refroidirait du côté de Dieu et de sa vocation. La mère recommença à espérer…