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La chute de l’empire de Rabah/Note II

La bibliothèque libre.
Hachette (p. 276-277).

NOTE II


Huntzbüchler en me rejoignant sur la Tomi m’apportait une lettre officielle de M. Dolisie m’apprenant qu’il avait demandé des instructions au département par câblogramme, et il m’envoyait copie des dépêches échangées ; les voici :

Gouverneur à Colonies Paris.

Doit-on monter Léon Blot à Brazzaville ?

25 octobre 1895.
Réponse.

Ne commencez transport Léon Blot vers Brazzaville que lorsque route cessera d’être encombrée par transports Uzès et Poumayrac[1].

1er novembre 1895.
Gouverneur à Colonies Paris.

Léon Blot complètement transporté Brazzaville, demande instructions (sans réponse).

2 novembre 1895.

Par un singulier hasard, la même confusion entre les mots monter et transporter, venait de se produire de nouveau. Le gouverneur demandait au département s’il fallait monter le navire à Brazzaville une fois qu’il y serait transporté, c’est-à-dire le construire, le mettre à même de naviguer. Et on lui faisait simplement une réponse au sujet du transport du bateau entre Loango et Brazzaville.

La vérité est qu’on ne pensait pas du tout à Paris que l’opération qui d’après M. de Brazza devait prendre un minimum d’un an dût s’effectuer aussi rapidement, si bien que lorsque le deuxième télégramme du gouverneur parvint au ministère, on fut probablement très surpris et qu’on ne répondit pas parce que, très vraisemblablement, on estimait que le gouverneur sous les ordres duquel je me trouvais devait lui-même prendre une décision.

Cette situation fut très favorable à mes projets. M. Dolisie qui avait pour moi beaucoup d’affection, en l’absence d’ordres formels me laissa libre de mes actes. Tout au plus se borna-t-il dans une lettre personnelle à me conseiller de procéder au montage du Blot à Brazzaville. Il ne se doutait pas, lui non plus, qu’à l’heure où il écrivait sa lettre j’étais déjà parti de Brazzaville depuis dix jours. Voilà donc comment, grâce à l’élasticité de notre belle langue française, nous nous trouvions dégagés de toutes les entraves du début.

J’avoue que, en mon for intérieur, j’en ressentis une véritable satisfaction.

  1. Noms des deux vapeurs destinés à la flottille du haut Oubangui.